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Trois modèles en anthropologie culturelle comme approches en études bibliques

Chapitre 2 L’honneur dans l’univers socioculturel méditerranéen du Nouveau Testament

2.2 Trois modèles en anthropologie culturelle comme approches en études bibliques

L’anthropologie culturelle sur l’univers méditerranéen sert de méthode aux études bibliques, notamment du Nouveau Testament. B. Malina utilise trois modèles de cette méthode comme approches : structuro-fonctionnaliste, de conflits et symbolique. Ces modèles « tournent autour de la nature des groupes ou des systèmes sociaux133 ».

2.2.1 Le modèle structuro-fonctionnaliste

Le modèle structuro-fonctionnaliste, ou fonctionnaliste, est défini par la structure sociale et les rôles des membres de la société. Ce modèle désigne une vision qui « suppose que chaque société est une structure d’éléments relativement persistants, stables et bien

129 « All human beings are entirely the same, entirely different, and somewhat the same and somewhat

different at the same time » Ibid., p. 7.

130 « Trying to understand the writing of the New Testament in an adult, scholarly way is much like trying to

understand a group of foreigners somehow dropped in our midst » Ibid., p. 24.

131 « To understand your story adequately, I need to know not only the who, what, when, where, and how of

your physical and your psychological human nature and unique personhood, but also the whys and wherefores of our commonly shared cultural story that fill the who, what, when, where, and how with mutually appreciable meaning and value » Ibid., p. 9.

132 « Our eavesdropping [of group of foreigners, who are the characters of the New Testament,] can generate

understanding only if we pay careful attention to the cultural system that “created” them and which they embodied » Id.

intégrés134 ». Chaque élément a une fonction exercée de manière réciproque pour la cohésion et le maintien de la structure sociale. Pour cela, la structure sociale « est fondée sur un consensus de valeurs entre ses membres135 ». Le consensus empêche d’éventuels conflits dus à l’aspiration à la préséance sociale assez commune chez les membres, étant donné que ceux-ci jouissent de la liberté. Soulignons que la liberté et le consensus sont très importants dans la formation et la fortification des systèmes sociaux du modèle structuro- fonctionnaliste. Selon ce modèle, « un système social est un groupe de personnes dont l’interaction est structurée et orientée autour de préoccupations ou d’objectifs communs136 ». Cette compréhension du système social est la même pour le modèle de conflits.

2.2.2 Le modèle de conflits

Le modèle de conflits est une autre vision de la société selon laquelle celle-ci est « divisée en groupes rivaux, séparés par des divisions, qui contraignent certains types de comportement et dans lesquels il y a à la fois conflit et possibilité de conflit, changement violent ou pacifique137 ». En d’autres termes, le modèle de conflits est celui où « toutes les unités d’organisation sociale, c’est-à-dire toutes les personnes et tous les groupes d’une société, changent continuellement à moins qu’une force n’intervienne138 ». Ce modèle est

« également connu sous le nom de modèle ou de théorie de la contrainte, du pouvoir ou de l’intérêt139 ». Comme pour le modèle structuro-fonctionnaliste, les membres des groupes

sociaux du modèle de conflits ambitionnent la première place en société et, de ce fait, ils exercent une contrainte sur d’autres. Cette contrainte génère des conflits continuels qui maintiennent les systèmes sociaux et leurs sous-systèmes ensemble sans consensus, ce qui est différent du modèle structuro-fonctionnaliste.

134 « The structural functionalist model presupposes that every society is a relatively persistent, stable, well-

integrated structure of elements » Ibid., p. 20.

135 « Every functioning social structure is based on a consensus of values among its members » Id.

136 « A social system is a group of persons whose interaction is structured and oriented around common

concerns or purposes » Ibid., p. 21-22.

137 « Divided into contending groups, separated by divisions, which coerce certain types of behaviour and in

which there is both conflict and the possibility of change, whether violent or peaceful » William R. Romeris,

« Honour and Shame in the New Testament », Neotestamentica 27/2 (1993), p. 289.

138 « All units of social organization, that is, all persons and groups in a society, are continuously changing

unless some force intervenes » B. J. Malina, The New…, p. 21.

2.2.3 Le modèle symbolique

Les systèmes sociaux du modèle structuro-fonctionnaliste et du modèle de conflits favorisent le sentiment de préséance des personnes et des groupes. Un autre système se met en place dans la société « pour apaiser et signifier les humeurs et les motivations puissantes, omniprésentes et durables chez les personnes140 ». Il s’agit du système de symboles. Celui- ci formule les conceptions d’objets de valeur en les habillant « d’une telle aura de factualité que les humeurs et les motivations sont perçues comme étant uniquement réalistes141 ». Les membres de ce système se définissent par ces symboles qu’ils détiennent eux-mêmes. De fait, « ces symboles incluent les significations et les valeurs, ainsi que les sentiments à propos de ces significations et valeurs, qui sont attachés et incarnés dans et par les personnes (soi et les autres), les choses (nature, temps, espace) et les activités événementielles des personnes et des choses142 » ainsi que le Tout (Dieu).

Le système de symboles est, en fait, un type de modèle « qui analyse les systèmes sociaux en fonction des symboles qui les composent143 ». Il est appelé « modèle symbolique

(également appelé modèle interprétatif, théorie symbolique ; et, dans une certaine mesure, théorie interactionniste symbolique)144 ». Plus précisément,

le modèle symbolique présuppose que, pour la plupart, les interactions humaines sont symboliques. Les gens sont toujours enveloppés dans des rôles sociaux, des ensembles de droits et d’obligations sociales par rapport aux autres. Ces rôles symboliques situent les gens par rapport aux autres et leur confèrent un statut social, par exemple, le statut de mère, père, fils, fille, riche, pauvre, etc.145

140 « A system of symbols that acts to establish powerful, pervasive, and long-lasting moods and motivations

in people » Ibid., p. 22.

141 « Clothing these conceptions with such an aura of factuality that the moods and motivations are perceived

to be uniquely realistic » Id.

142 « These symbols include meanings and values, as well as feelings about these meanings and values, that

are attached to and embodied in and by persons (self and others), things (nature, time, space), and events activities of persons and things » Id.

143 « Analyzes social systems in terms of the symbols that comprises them » Id.

144 « Symbolic model (also called interpretative model, symbolic theory; and, to some extent, symbolic

interactionist theory) » Id.

145 The symbolic model presupposes that for the most part, human interactions are symbolic interactions.

People are always wrapped in social roles, sets of social rights and obligations relative to others. These symbolic roles situate people in relation to others and give them social status, for example, the status of mother, father, son, daughter, rich, poor, and the like. Ibid., p. 23.

B. Malina estime qu’« il n’y a pas de modèle qui permette de comprendre tous les modèles146 ». À ses yeux, « le modèle structuraliste de photos fixes ainsi que le modèle de conflits de films au ralenti sont utiles pour comprendre les relations et les activités au sein des systèmes sociaux et entre les groupes sociaux147 ». Le modèle symbolique, quant à lui, interprète les deux autres par un langage de significations.

Des chercheurs en études bibliques empruntent l’un de ces modèles ou tous les trois pour étudier l’univers du Nouveau Testament. Selon William R. Romeris,

dans l’univers du Nouveau Testament, les études sociologiques basées sur l’approche fonctionnaliste ou structuro-fonctionnaliste ont tendance à décrire Jésus comme une personne qui a défié l’ordre de sa société, mais qui est néanmoins restée dans les limites de la convention soit comme un itinérant charismatique errant (Theissen), soit comme un paysan cynique juif (Crossan) […]. En revanche, l’approche de conflits est caractérisée par des auteurs comme Nolan (1976) et Pixley (1983) qui utilisent, tous deux, le mythe des zélotes pour recréer un Jésus révolutionnaire148.

Pour sa part, W. Romeris préfère le modèle de conflits aux deux autres, « d’autant plus que les indications historiques caractérisent l’univers du Nouveau Testament comme celui d’une société en transition149 ». Quant à B. Malina, il emploie tous les trois modèles et plus

particulièrement le modèle symbolique qui, comme mentionné précédemment, interprète les deux autres par un langage de significations. Le présent chapitre considère les trois modèles comme arrière-plan de la compréhension de l’honneur dans l’univers socioculturel méditerranéen.

146 « There is no model to help understand all models » Ibid., p. 21.

147 « The still-photo structuralist model, as well as the slow-motion-film conflict model, is useful for

understanding relationships and activities within social systems and between social group » Id.

148 In the New Testament world sociological studies based on the functionalist or structural functionalist

approach tend to describe Jesus, as a person who challenged the order of his society, but nevertheless remained within the bounds of convention as either a itinerant wandering charismatic (Theissen), or a Jewish Cynic peasant (Crossan) [...]. By contrast, the conflict approach is typified by writers like Nolan (1976) and Pixley (1983), both of whom use the Zealot myth to recreate a revolutionary Jesus. W. R. Romeris,

« Honour... », p. 290-291.

149 « Particularly since historical indications typify the world of the New Testament as one of society in