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HYBRIDATION ENTRE CAAL ET CAC

Les résultats des enquêtes auprès des agriculteurs montrent que la plupart de ceux qui sont engagés dans les CAAL hybrident la commer-cialisation alternative et locale avec des formes de commercommer-cialisation conventionnelle� La figure 8�2 indique le nombre d’agriculteurs pour chaque stratégie et le pourcentage de production vendu dans les chaînes alimentaires alternatives et locales�

Groupe de stratégie passive

Dans le premier groupe — 4 agriculteurs —, une petite partie de la production est fournie aux CAAL� Selon l’analyse des entretiens avec ces agriculteurs, les principales raisons de vendre dans les CAAL sont la proximité des acheteurs (voisins et amis, par exemple), l’opportunité offerte par les liens professionnels et les liens personnels� L’agriculteur F04 qui suit cette stratégie vend la quasi-totalité (98 %) de son lait de brebis par le biais de la commercialisation conventionnelle à une usine de lait régionale, mais le reste est vendu aux consomma-teurs locaux et à l’usine de lait la plus proche� « Je vends du lait à la

fromagerie locale dans le cas où ils manquent de lait de brebis » (A04)�

Groupe de stratégie opportuniste

Dans le deuxième groupe — 17 exploitations agricoles —, les agriculteurs tentent de maximiser les avantages des deux straté-gies de commercialisation� L’élevage est la principale production (41 % du groupe), suivi de l’huile d’olive (29 %), des légumes (18 %)

et des céréales (12 %)� Dans le cadre de cette stratégie, il existe une grande variabilité dans la quantité livrée sur les marchés locaux (de 15 % à 69 %) et dans l’organisation de la commercialisation� Ces agri-culteurs pratiquent cette double stratégie de commercialisation pour de nombreuses raisons : maximiser les profits, utiliser les CAC préexis-tantes déjà développées par la famille et tirer parti des nouveaux réseaux� Certains d’entre eux fournissent les mêmes produits à la CAA et à la CAC, de sorte que le même produit est destiné à différentes chaînes alimentaires ; d’autres livrent des produits différents aux différentes chaînes� Par exemple, les agriculteurs F16 et F08 (producteurs de légumes) ont organisé la vente à la ferme et la vente sur les marchés des producteurs locaux, investissant également dans de nouvelles struc-tures ou dans la diversité des produits proposés aux clients� En dépit des efforts et de l’investissement dans les CAAL, les deux agriculteurs

Figure 8.2. Pourcentage de la production vendue dans les CAAL, pour chaque agriculteur.

confirment la nécessité de maintenir une relation avec le marché de gros (considéré comme une CAC) afin de s’assurer que toute leur production sera vendue et afin de répartir les risques de leur entreprise dans l’avenir�

Ainsi, les agriculteurs expriment des doutes sur la durabilité à long terme de la CAAL� Ils révèlent également que même la CAC est soutenue par des relations sociales et de confiance : pour pouvoir vendre à bon prix et au bon moment, l’agriculteur doit établir des relations personnelles et à long terme� Même sur les marchés de gros, les agriculteurs « doivent

gagner la confiance de l’acheteur » (A17)�

Plusieurs agriculteurs (A19, A22 et A23) combinent les CAC et les CAAL, mais vendent des produits différents aux deux types de commer-cialisation� C’est par exemple le cas des agriculteurs qui doivent produire du fourrage et des cultures pour maintenir la rotation des cultures� Ces productions ne sont pas facilement vendues sur le marché local ; dans la plupart des cas, 100 % de la production principale (viande, lait et fromage) est vendue dans les CAAL, tandis que les céréales sont vendues par le biais de coopératives qui collectent le produit et le vendent sur les marchés nationaux et internationaux (CAC)�

Groupe de stratégie active

Dans les 5 exploitations du troisième groupe, les agriculteurs vendent 100 % de leur production via les CAAL� Comme pour les agriculteurs du groupe de « stratégie opportuniste », le contrôle accru de la desti-nation du produit et la traçabilité de la qualité incitent les agriculteurs à participer aux CAAL� Ceux qui y adhèrent ont généralement pour motif une satisfaction personnelle, ce qui est également lié à une certaine reconnaissance sociale de l’activité agricole� La plupart de ces agri-culteurs expriment les avantages de chaînes alimentaires plus courtes par la simplification des procédures, la négociation et la possibilité de valeur ajoutée des produits� Certains d’entre eux souhaiteraient éviter les supermarchés, qui exigent des niveaux de production relativement constants et par conséquent posent le problème de l’élimination des produits non vendus� Grâce aux CAAL, il est souvent possible d’obtenir un prix plus élevé et des paiements plus rapides�

HYBRIDATION DES CHAÎNES ALIMENTAIRES ET DES ÉCHELLES TERRITORIALES

Dans la figure 8�3, on peut observer la configuration socio-spatiale d’une ferme oléicole et fruitière du groupe de « stratégie active »� L’agriculteur commercialise tous ses produits dans les CAAL par la vente directe sur site (70 %), les restaurants à proximité (15 %) ou les marchés de producteurs (15 %) organisés par les municipalités� L’agriculteur combine ainsi différentes CAAL et fournit un effort consi-dérable pour maintenir la consommation de sa production localement�

Plusieurs agriculteurs du groupe « stratégie active » et du groupe « stra-tégie opportuniste » utilisent différents types d’approvisionnement locaux, chacun comprenant différents acteurs commerciaux : au-delà de la vente directe à la ferme (44 % de l’échantillon), des magasins (19 %), des restaurants (14 %), des marchés de producteurs (12 %), des groupes d’achats solidaires (9 %) ou des écoles (2 %). Tous ces acteurs commerciaux ont des demandes différentes sur les produits, notamment sur la qualité et l’approvisionnement, mais aucune coordination n’est en place au niveau territorial (Filippini, 2015).

Comme on peut le constater sur la figure 8.3, la transformation des fruits ne se fait pas au niveau local. Cette pratique est courante dans la région et concerne également la transformation de la viande, du lait et des céréales. Premièrement, peu de transformateurs travaillent dans la région. Deuxièmement, les transformateurs locaux n’ont pas toujours les compétences que l’agriculteur recherche. Ainsi, il semble qu’une logique de commercialisation « alternative » soit possible pour la vente locale, mais pas pour le transformateur local, qui tend à appliquer un traitement plus standard et industriel conforme à une CAC. Cela est particulièrement vrai en cas de vente directe à la ferme. Cet exemple montre ainsi que : – même si les agriculteurs vendent toute la production localement, la vente est souvent fractionnée entre différentes offres, ce qui entraîne une hybridation des offres ;

Figure 8.3. Hybridation de CAAL entre différents espaces de commercialisation et de transformation de produits. Dans cet exemple, la transformation d’huile est locale, mais pas la transformation des fruits.

– même si la vente est alternative et locale, la transformation ne l’est pas, il existe donc un potentiel d’hybridation des échelles territoriales dans l’analyse de l’approvisionnement alimentaire d’une seule ferme.

Figure 8.4. Exemple d’une ferme : hybridation de CAAL, de CAC et hybridation entre différentes CAAL.

source : lardon et al., 2017.

L’exploitation de la figure 8.4 est un exemple d’agriculteur- détaillant. L’agriculteur appartient au groupe de « stratégie opportuniste » et associe les CAC et les CAAL. La totalité de la production de tournesol de l’agriculteur et la moitié de sa production de blé sont vendues par l’intermédiaire de la coopérative locale qui utilise des CAC. Le reste de la production de blé est vendu via les CAAL, en transformant le blé en farine dans une usine locale et dans la boulangerie de l’agriculteur. Cette boulangerie transforme la farine en pain, que l’agriculteur commercialise ensuite dans différents magasins de la ville et des zones périurbaines. Il a mis en place un réseau de vente à domicile dans son propre village et il distribue dans une autre municipalité dans le cadre d’un projet d’appro-visionnement de cantines scolaires. Enfin, il a ouvert un magasin de détail, associé à une autre boulangerie à Pise, où les consommateurs peuvent également trouver d’autres produits des fermes voisines. Ainsi, dans ce cas, toute la production n’est pas vendue par l’intermédiaire de la CAAL. Pour la production vendue dans la CAAL, le traitement est effectué localement. Parmi la farine produite localement, une partie de la production est vendue ailleurs dans le département. Ainsi, les CAAL sont combinées avec les CAA qui ne sont pas locales. Dans ce cas égale-ment, il y a une hybridation des échelles territoriales. Enfin, il convient de noter que la diversité des activités dans ces réseaux locaux s’appuie sur la capacité financière fournie par les CAC.

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