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Les outils principaux de communication à utiliser dans la pratique du métamodèle. (1) La métacommunication

Point of view 5

Phase 9. L’anéantissement total de l’ennemi devient une fin en soi, coûte que coûte, au risque de la

6. Comment s’orienter dans l’exploration des dimensions psychiques ?

7.5. La place du comportement dans les dimensions psychiques

7.6.7. Les outils principaux de communication à utiliser dans la pratique du métamodèle. (1) La métacommunication

Autrement dit, dans l’ici et maintenant, la communication sur la qualité de la communication. On ne parle pas sur le contenu du message mais on commente la façon dont on parle ensemble (se placer au-dessus), ceci explicitement ou implicitement. C’est une métaposition sur la communication. Cette attitude libère de l’implication directe et développe la distance juste, facilite la reformulation et permet de rectifier la relation. Cette communication peut se faire à tous les niveaux des dimensions psychiques. Voici quelques exemples pour illustrer ces niveaux (questions ouvertes) :

- Généralités : « comment allez-vous ? Comment vous sentez-vous ? Comment avez-vous vécu la situation ? Cela vous va-t-il de continuer de cette façon ? ».

- L’expression de soi (assertivité) et les éventuelles difficultés qui en découlent : « combien

ouvertement pouvez-vous vous exprimer sur le sujet actuel ? Combien êtes-vous satisfait de la façon dont vous présentez vos intérêts ? ».

- La perception, la compréhension des autres : « combien vous sentez-vous compris actuellement ? ».

- Le contact et la qualité des relations et le niveau de coopérativité : « dans l’instant vous sentez-vous rejoint dans un objectif commun (médiateur-médié) ? ».

L’intérêt de cette technique est de permettre de débloquer les impasses de la communication, d’annoncer des non-dits, d’autoriser l’expression de la difficulté, de façon à ce qu’elle n’inhibe plus le débit, la fluidité de la parole.

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(2) L’assertivité.

Modèle d’analyse n. 21. © S. Mischo Fleury – Caractéristiques des styles de communication.

En entretien préliminaire individuel, le médiateur se doit de tenir compte de différents critères concernant l’assertivité. Le tableau ci-dessus illustre les caractéristiques des styles de

communication, dont particulièrement l’assertivité ou affirmation de soi.

C’est d’abord une attitude, un état d’esprit, même une position de vie qui peut devenir une compétence de vie. C’est l’art même de la communication et donc de la communication non

conflictuelle. Elle consiste en l’affirmation de soi-même, dans le respect d’autrui, l’affirmation de ses propres pensées, opinions, émotions, volonté, droits, besoins et ses limites, même ses désaccords. C’est pour le médiateur et le médié l’apprentissage d’une dynamique de communication plus juste. Paradoxalement c’est un positionnement entre deux extrêmes : être suffisamment affirmatif pour ne pas subir et assez tolérant pour ne pas agresser. Ceci, sans ruse, sans tentative de manipulation, chacun étant clair à penser et à dire ce qu’il veut et ne veut pas dans l’approche de l’objectif commun et du respect de la différence (Montada & Kals, 2007).

(3) Les techniques de questionnement.

Les études en neuropsychologie ont mis en évidence la fréquence de la paresse cognitive chez l’espèce humaine c.-à-d. une tendance à ne pas se fatiguer à raisonner plus loin que la situation du moment ne l’exige, tout en admettant que ce comportement est un mécanisme d’autoprotection et d’économie de l’énergie disponible au système nerveux central par la répétition de schémas de pensée basés sur des expériences antérieures. Néanmoins deux facteurs viennent renforcer en permanence cette tendance à la résistance au changement, tendance qualifiée de mécanisme

153 d’homéostasie, vital pour un équilibre de base. Cette tendance renvoie cependant à l’insatisfaction chronique qui crée une sensation d’insécurité permanente et une nécessité de vigilance instinctive. Cette nécessité, condition de survie, stimule l’activité cérébrale à des processus d’anticipation. L’anticipation présuppose et met en évidence une insuffisante compréhension des situations qui oblige à des questionnements qui vont donc dans leur importance bien au-delà d’une simple

curiosité. Dans cette nécessité d’observation de contrôle et de maîtrise des situations de vie, dans un processus d’apprentissage permanent, l‘être humain a institué la recherche scientifique c.-à-d. un questionnement systématique, préparé des méthodes et des modèles de questionnement et l’expérimentation des conséquences. Même si ce questionnement systématique permet des

perspectives nouvelles, il a comme obstacle la limite du champ d’exploration et de la complexité des systèmes dans lesquels il est inclus.

Un médiateur est avant tout un questionneur. Communiquer c’est écouter et questionner. S’il manque des éléments à la compréhension, ils manqueront aussi aux possibilités de solution (Ballreich & Glasl, 2011).

(4) Pourquoi ne pas questionner ?

Le bon sens voudrait que, quand on ne sait pas, il suffise de demander. La psychologie a mis en évidence de nombreux mécanismes d’inhibition au questionnement :

- La crainte de manquer d’à-propos surtout par manque de confiance en soi. - L’encombrement par la multiplicité des questions qui se proposent. - Les problèmes de verbalisation.

- Les interdits hiérarchiques.

- L’ignorance de la distinction entre questions ouvertes et fermées, directes et indirectes. - Ne pas savoir méta-communiquer.

- Etre inhibé suite à des réponses évasives, des refus précédents de réponses, des signes non-verbaux dissuasifs.

- Le questionnement sur des non-dits et le risque d’interprétation. - L’interdit culturel.

- La crainte des réactions, crainte d’ingérence, d’indiscrétion, déclenchement émotionnel, même de réactions disproportionnées.

- La crainte de réponses négatives ou insupportables et de détérioration de la relation.

- La crainte de dévoiler le fond de sa pensée (attributions, jugements, points de vue blessants). La solution à tout ceci consisterait à préférer les questions constructives et d’un autre côté se donner le droit à l’erreur (comment savoir avant d’avoir essayé ?), le droit de changer d’opinion, selon les principes de l’assertivité. Pour des psychologues américains de l’orientation solutions tels que O’Hanlon & Beadle (1997), la meilleure des tactiques serait de « tirer avant de viser », c.-à-d. de poser la question et juger au résultat s’il fallait la poser.

(5) Check-lists de questionnement systématique.

Les chercheurs mettent à disposition des check-lists de base ou spécifiques selon les situations, des listes d’énumération des dimensions à explorer ou des protocoles de questionnements qui

correspondent à des dispositifs de recueils d’informations ordonnés et fonctionnels. Parmi les principaux auteurs étudiés, voici une proposition de Ken Cloke (2006) :

What to listen for… ? Que faut-il écouter… ?

154 - L’expérience subjective du conflit.

- Les émotions. - Les intentions.

- Les intérêts et les positions. - L’imagination du futur. - Les blessures.

- Les constellations sociales, environnementales. - La position de défense (victimisation, paranoïa, etc.). - Les dénis.

- Les interprétations. - Les modes de perceptions.

- Les rôles (assumés, faux, attribués, etc.). - Les attentes.

- Les souhaits et les désirs. - Les craintes.

- Les mesures d’auto-défense. - L’estime de soi.

- Les résistances.

- La part de responsabilité.

Selon Cloke il faut aider les parties en conflit à

- Développer une idée claire sur ce qu’elles veulent, à réévaluer leurs stratégies, façons de procéder. - Enlever les obstacles qui interfèrent avec la communication de leurs pensées.

- Rassurer sur la confidentialité, leur permettant de tout mettre sur la table.

- Les aider à formuler les meilleurs arguments, à changer de perspective s’ils en sentent le besoin, à aboutir à leurs propres décisions.

Ce dont il faut tenir compte dans l’exploration des dimensions, c’est de distinguer entre les questions en

- Position haute, c.-à-d. une position de supériorité qui s’attribue un pouvoir : des questions d’inquisition (« oui ou non avez-vous… ? »), des questions pour faire taire (« n’avons-nous pas déjà suffisamment abordé le sujet ? »), des questions sceptiques (« vous n’allez quand même pas

prétendre que ? »), des questions blessantes (« c’est tout ce que vous avez à dire ? »), des questions provocatrices (« seriez-vous vraiment en mesure ? »).

- Position basse, autrement dit la position de l’écoute active qui recueille une information de base (« qui, quoi, où, quand, comment, avec l’aide de qui, en vue de quoi… ? ») et qui mène par des demandes de précision, de confirmation, d’extrapolation, d’inférence et d’interprétation nouvelle jusqu’à la demande de conseil aux parties (« que conseilleriez-vous, vous-même ? »).

Le modèle par excellence de position basse, c’est l’attitude maïeutique selon Socrate, c.-à-d. l’art de conduire l’interlocuteur à découvrir et formuler les vérités qu’il a en lui, l’art de faire « accoucher » (« c’est-à-dire… ? »). L’orientation solutions vient s’y rajouter (« vous avez sûrement déjà… ? »), à la recherche des exceptions, des ressources et le jump to (« si c’était déjà réalisé ce serait

comment… ? »).

Une autre technique essentielle, c’est le questionnement circulaire. Une démarche systématisée qui permet de révéler d’autres contextes et d’autres corrélations, d’enrichir le spectre des perspectives et libérer les parties d’une attitude de focalisation surtout quand le conflit commence à se chronifier, en tous cas excluant une causalité unique ou des séquences de processus immuable.

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La pensée causale linéaire du conflit – qui en est souvent à l’origine – peut paraître séduisante du

fait de sa logique de cause à effet, d’un raisonnement à première vue incontestable. Cette démarche peut consister à demander à quelqu’un l’avis sur quelqu’un d’autre en sa présence mais tout autant, sinon plus, par l’introduction d’une personne absente, mais familière, depuis l’entourage jusqu’à l’environnement social. L’important ici n’est pas d’analyser le contenu de leurs réponses éventuelles mais la relativisation du propre point de vue.

Ce changement de perspective peut s’élargir sur des perspectives futures en utilisant des questions

hypothétiques et d’alternatives (Berghof Foundation, 2012) : « quelles seraient les répercussions si

vous ne changiez rien au conflit ? Comment verriez-vous la situation si le conflit n’existait plus ? ». Ballreich et Glasl (2011) utilisent une formule de questions en cinq points :

- Prendre les points de vue d’autres personnes. - Voir à partir d’un autre lieu (distance, vacances, etc.).

- A partir d’un autre temps (« qu’est-ce qui aura été utile d’ici quelques années ? »).

- La question triadique (« … la perspective différente entre vous, votre chef et votre collègue… ? »). - La question écologique (« … les répercussions de votre action envisagées sur votre entourage ? »).

Les questions métacognitives. Pour éviter que le questionnement du médiateur ne soit pas trop

biaisé contrairement à sa conviction de suivre une démarche très objective, la rigueur du processus exige une conscientisation, une méta-conscience des propres processus cognitifs, de sa perception, de son évaluation et de son orientation (pilotage), de ses pas successifs vers la clarification. Il s’agit d’un regard sur les mécanismes de ses fonctions psychiques fondamentales. Plusieurs niveaux peuvent être distingués :

- L’étendue de son propre champ de conscience. - La qualité de ses processus de conscientisation. - L’équilibre des différents processus.

- La cartographie des processus en cours.

- La question métacognitive directe sur les déviations éventuelles des propres fonctions psychiques. - Les possibilités d’ajustement des fonctions psychiques.

Un tableau complémentaire à cette démarche, en huit étapes, permet de questionner : - Les émotions.

- Les théories.

- Les expériences faites ou connues et les inférences qui en ont résulté, c.-à-d. de se questionner dans sa constellation cognitive.

- Des tiers. - L’interlocuteur. - L’observation. - Les résultats.

- Ce qui paraît être, ce qui a été, ce qui sera, ce qui devrait être.

L’art du médiateur c’est de gérer le va-et-vient entre les hypothèses, les questions clés, les approfondissements et les vérifications, le temps disponible, l’importance à donner au conflit. Le questionnement est un outil issu d’un modèle et le modèle est issu de questionnement.

Certains auteurs préconisent l’usage de protocoles de questionnement, à respecter de bout en bout, comme De Shazer (2002) qui étend ce questionnement systématique sur plusieurs sessions. Cette systématisation s’est développée jusqu’à la création de répertoires de « 1001 questions » (Bannink, 2010). D’autres auteurs proposent, par contre, des protocoles ou formules très simples et d’utilité pratique immédiate. Ainsi le Mental Research Institute (M.R.I.) de Palo Alto :

156 - Qui se plaint ?

- Quel est le problème ?

- Quelles tentatives de solutions ont été faites ? - Quelle possibilité de changement minimum ?

- La position de la personne quant à ses valeurs et ses normes ? Ou alors, dans la mouvance de la médiation orientée solution (M.O.S.) : - Quels sont les problèmes principaux ?

- Quelle demande précise de changement ? - Pour en arriver à quoi ?

- Par quoi commencer ? - Comment garantir ? - Comment vérifier ?

D’autres utilisent quatre questions de base, ciblées, centrées (Cloke, 2008 ; Billikopf, 2002, 2013) : - Quelles sont vos attentes les plus optimistes ?

- Cela ferait quoi comme différence ?

- Qu’est-ce qui évolue déjà dans la bonne direction ? - Quel serait le prochain signe de progrès ?

La Fondation Berghof pour la Paix ( 2012) propose un protocole direct de questionnement : - Que voulez-vous obtenir par votre comportement ?

- Qu’est-ce qui est le plus important pour vous ? - Qu’est-ce qui doit arriver pour que cela se réalise ? - QU’est-ce qui vous motive ?

- Qu’est-ce qui dans votre comportement déclenche la réaction de votre adversaire ?

Les grilles, protocoles, de questionnement sont des dispositifs de recueil ordonné, même en mots clés, de réponses déterminantes en vue d’une intervention. Plus tôt ces outils sont mis en place et plus la stratégie du médiateur peut être ciblée et efficace.

Nous pouvons en conclure que même l’écoute la plus bienveillante, intuitive, improvisée dans l’immédiat, ni les silences les plus empathiques ne pourront jamais offrir ce qu’apporte un questionnement actif, planifié, récapitulatif.

Les malentendus pouvant naître à tous les niveaux, il est capital de distinguer en permanence ce qui a été dit et ce qui est compris : « j’écoute avec ma tête (les faits), avec mon cœur (les émotions), avec mes tripes (vos besoins fondamentaux), avec mes pieds (la direction où nous allons selon votre intention et votre volonté) et je me retiens avec toutes les capacités de mon autocontrôle pour ne pas confondre mes problèmes et les vôtres et mes solutions avec les vôtres » 47.

Au-delà de l’échiquier des causes matérielles de conflit, des contraintes structurelles extérieures, des informations purement objectives et des automatismes de raisonnement sans émotions, les conflits imposent avec évidence les interférences psychologiques avec leur complexité et leur impact sur tout le parcours de la résolution de conflit.

Notre première démarche a été d’inventorier les différentes fonctions psychiques et de les démêler de leurs intrications.

47www.crnhq.org

157 Notre deuxième démarche a été de mettre bien évidence les caractéristiques de chacune, leurs importances respectives pouvant être suffisamment analysées au niveau de leurs fonctions normales, de leurs dysfonctions et des interventions possibles puisqu’elles se sont révélées influençables et, malgré tout, gérables.

Un travail de conscientisation et de structuration, modélisation, dès l’entretien préliminaire individuel, permet une application d’outils d’interventions. Cette application est facilitée par le développement d’une matrice structurée, cartographie, qui rend les composantes psychiques dans le conflit abordables, supervisables, méthodiquement.

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