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Des alternatives originales de gestion constructive et d’interventions sur les émotions

Point of view 5

Phase 9. L’anéantissement total de l’ennemi devient une fin en soi, coûte que coûte, au risque de la

6. Comment s’orienter dans l’exploration des dimensions psychiques ?

7.3. Qu’en est-il de l’importance des émotions ?

7.3.14. Des alternatives originales de gestion constructive et d’interventions sur les émotions

34 Ou TBOS, thérapie issue des travaux de Steve de Shazer, fondateur avec Insoo Kim Berg, du Brief Family Therapy Center de Milwaukee.

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7.3.14.1. L’injonction paradoxale.

Cette technique mérite une attention particulière non seulement du fait de son originalité mais aussi de par son efficacité paradoxale. Si elle peut être comprise et appliquée avant la médiation plénière, cela changerait toute la valence du regard sur le conflit. Il s’agit de passer du conflit craint et subi au conflit souhaité, empoigné qui devient une occasion de formation, d’apprentissage, de maturation psychologique, une valorisation du conflit : vouloir la contrariété, considérer les erreurs comme un progrès de compréhension, être stimulé dans la créativité et en accepter le défi (Frankl, 2009). En somme faire face aux problèmes (coping) en tant qu’opportunité de progrès. Une fois plongé dans la difficulté, il s’agit d’observer attentivement ses failles, ses faiblesses et les opportunités qu’elles présentent. Il est alors possible de quitter la position de victime.

7.3.14.2. Moving Beyond the Conflict ou Comment traverser le conflit ?

Il s’agit initialement de la méthode d’E. Kübler-Ross 35 quant à la gestion des émotions face aux situations graves et changements irréversibles. Des chercheurs tels que Furlong (2005) et Bright (2004) s’y sont intéressés en étudiant le conflit. Nous l’avons revue et développée dans le cadre de notre recherche. Ce qui est à retenir et à appliquer c’est que l’émotion forte est à considérer comme un état de fait qui a ses mécanismes et ses étapes qui s’imposent et sont à respecter. De fait, une des barrières principales à la résolution du conflit s’installe quand les personnes sont incapables de lâcher le conflit pour continuer à mener leurs vies empêtrées dans le problème. Une dispute peut devenir une part si importante de la vie d’un individu au point qu’il ne permette pas qu’elle puisse se conclure car ce serait comme perdre quelqu’un d’important (une attitude semblable au refus du processus de deuil). Ce modèle aide à identifier les phases ou les étapes qui ne sont pas à éviter mais à traverser jusqu’à leur extinction spontanée. A force de les avoir vécues et revécues, elles finissent par s’épuiser. C’est là qu’il est possible d’arriver à une acceptation et de se tourner vers des objectifs nouveaux.

Modèle d’analyse n. 8. © S. Mischo Fleury – Moving Beyond the Conflict. Au-delà du conflit. Adapté de Furlong (2005).

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7.3.14.3. L’expression empathique de compréhension.

Pour manifester l’empathie verbalement, il est proposé de procéder de la manière suivante, un des objectifs étant de permettre au médié de découvrir en soi une compréhension autre (Ballreich & Glasl, 2011). Ainsi il est possible de :

- Faire découvrir que l’attribution de faute, avec les émotions qu’elle véhicule, est en réalité l’expression de besoins personnels insatisfaits.

- De même pour ce qui est des expressions de colère, rage ou peur, le médiateur aide le médié à distinguer la frustration de besoins fondamentaux insatisfaits.

- Le médiateur accompagne le médié dans l’accueil de la perception corporelle, en une attitude qui démontre qu’il veut entendre pleinement son message émotionnel.

- Permettre l’expression des émotions en favorisant la survenue des images qui émergent spontanément.

- Amener à transformer le langage indirect en message moi-je, c.-à-d. en assertivité.

- Contribuer à retransformer les mots émotionnels d’accusation et de jugement en paroles de ressenti personnel.

- Renvoyer l’émotion en miroir, de façon empathique, par des questionnements pour éviter les facteurs d’erreurs.

- Doubler (une technique d’écoute active) : le médiateur reformule au nom du médié et, avec son accord, les affirmations de ce dernier, avec empathie.

Cette approche, comme plusieurs autres évoquées, fait partie de l’équipement d’outils polyvalents, chacun potentiellement applicable en prémédiation par le biais de notre métamodèle.

7.3.14.4. Les interventions sur les émotions particulièrement fortes.

La hantise des médiateurs, le risque pour les médiés et l’atout pour notre métamodèle, ce sont les émotions intenses, trop fortes pour une confrontation en séance plénière (Moore, 2003).

- Les émotions trop négatives. C’est grâce à l’entretien préliminaire individuel qu’il est possible au médiateur d’évaluer s’il y a contre-indications à la médiation :

- Quand il y a déjà un passé de violence et une hostilité à peine contenue et une détermination affichée de conclure gagnant-perdant et un rejet passionné de la partie adverse ou une méfiance indiscutable envers le médiateur.

- Si une partie a un très bas degré de contrôle de ses pulsions.

- Si le médiateur, dès le départ, ne se sent pas en mesure d’éviter une escalade. - L’illogisme aggravé par l’interférence des émotions.

En outre, si, pendant l’entretien préliminaire individuel, l’expression des émotions ne libère pas la communication, aggrave l’état physiologique, n’améliore pas la compréhension du conflit et devient contre-productive, la poursuite de l’entretien préliminaire est également à mettre en question car la situation peut laisser penser au médiateur que le redressement éventuel, en dernier recours par des caucus pendant la médiation, lors de conflits intenses, ne pourra pas suffire (Ballreich & Glasl, 2011 ; Cloke, 2013 ; Montada et Kals, 2007 ; Moore, 2003).

- La réponse aux débordements émotionnels. Ils sont à prendre en considération uniquement s’ils ne correspondent pas aux contre-indications évoquées précédemment. Comment les prévenir ? En explorant les mécanismes susceptibles de causer des débordements :

- Les déclencheurs émotionnels, dans le passé (paroles, incidents).

- Demander aux médiés s’ils sont en mesure d’identifier les premiers signes d’escalade de leurs émotions et de les signaler immédiatement.

122 - Prévoir d’avance la possibilité de time-out, d’interruptions plus longues, de prises de distance momentanées, de silences.

- Eventuellement (et c’est sans doute le plus délicat à mettre en place) proposer de convenir, entre parties adverses, d’éviter certaines provocations habituelles ou particulières.

- Comment répondre aux débordements ?

- Parfois de brefs entretiens ne suffisent pas. Une interruption minimum de vingt minutes peut être respectée par le rééquilibrage physiologique, le temps de neutralisation de l’adrénaline (Jones & Bodtker, 2007).

- La stratégie la plus recommandée reste toujours l’interférence par la formulation de questions ouvertes selon le modèle de l’écoute active. Cela permet d’aller vers la découverte de scénarii déclenchants les plus répétitifs. Cela peut amener le médié à réviser ses propres rôles, ses

alternatives possibles, à évaluer quelles seraient les émotions souhaitables et quel autre mode de comportement serait possible et comment passer du rôle de victime à un meilleur contrôle de la vie. Le médié peut, d’un commun accord, définir avec le médiateur les signes précurseurs de l’escalade qui seraient à stopper, éviter.

7.3.15. Interventions sur l’escalade. Prévention, interruption ou désescalade.

Face au phénomène de l’escalade, toujours redouté, quelques règles sont utiles à retenir autant pour l’interruption que déjà pour sa prévention (Montada & Kals, 2007) :

- Dédramatiser en signifiant qu’une réaction émotionnelle en tant que telle est respectée. - Ne pas mettre en doute son authenticité au cas où elle paraîtrait disproportionnée ou mise en scène, manipulatrice.

- Eviter des attitudes contraignantes tels que des signes de désapprobation, opposition par des gestes, mimiques ou mots.

- Rendre attentif à tout ce qui peut être une ébauche de solution.

- Faire un rapide tour d’horizon pour voir quels intérêts personnels inacceptables pour l’autre, ou de moindre importance, pourraient ne pas être défendus.

Cet ensemble de règles ne représente que les facettes – à ne pas prendre en compte toutes à la fois – d’une attitude à acquérir dès la prémédiation, à assimiler comme un état d’esprit, une ressource de plus à tenir en réserve pour la plénière de médiation.

7.3.15.1. Une intervention dans la logique des neurosciences.

Selon Matt Liebermann du Neuroleadership Institute (2013) 36, sachant que l’activation de l’amygdale est à l’origine des émotions et que, par conséquent, les compétences des autres parties du cerveau sont notablement réduites au départ, notamment l’intuition rapide d’alternatives comme la créativité, et que la situation s’aggrave si nous essayons tout de suite de focaliser sur un appel au calme, à la raison, un raisonnement pacifiant, essayer de mettre des mots sur l’émotion elle-même et non sur le conflit atténue déjà l’impact de l’amygdale. Il existe deux stratégies pour opérer ce changement :

- Mettre en mots l’émotion spécifique du moment ou décrire précisément ce qui se passe au niveau physique (Rosenberg, 2004).

- Focaliser l’attention sur ce qu’il y a de plus positif dans l’événement actuel en étant très précis à nommer ce qui se passe et se concentrer sur la description du comportement de la personne qui a

123 déclenché l’émotion. Il faut surtout éviter de mêler à cette description des interprétations et des jugements sur les faits. Soulignons également qu’il a été constaté que de s’accorder de l’empathie à soi-même – ce qui ne consiste pas à se disculper – augmente le taux d’ocytocine et, par là-même, paradoxalement, favorise notre écoute de l’autre.