• Aucun résultat trouvé

Le médiateur modélisateur et cartographe du conflit

4. Concepts communs à toute cartographie

A étudier différentes cartographies nous avons relevé une quarantaine de composantes qui regroupent toutes les dimensions majeures, leurs synonymes et les causes, la dynamique et les interdépendances des composantes. Elles constituent un aspect du capital conceptuel de notre recherche et de notre travail avec les médiateurs-usagers. Par exemple : les parties en conflit, les problèmes, les intérêts, les besoins, les valeurs, les croyances, les normes, la culture, les émotions, la communication, les causes, les niveaux, le pouvoir, les attitudes, les comportements, l’escalade du conflit, le contexte, les ressources, les interactions, les stratégies, les points communs, etc.

90 Dugan, 1997 ; Fisher, 2000 ; Hocker & Wilmot, 2010 ; Jeong, 2008 ; Mayer, 2000 ; Moore, 2003 ; Pruitt, Rubin & Kim, 2003 ; Quantic Thurston, 2008 ; Wehr, 2002).

En les comparant à des recherches analogues tel l’inventaire des composantes du conflit établi par Wall et Callister (1995), nous pouvons ainsi modéliser les composantes suivantes :

- Les causes : les caractéristiques individuelles – les facteurs interpersonnels – la communication – le comportement – la structure – les interactions précédentes – les problèmes.

- Les effets : les individus – les relations interpersonnelles – la communication – les structures – les problèmes – les résolutions et les non-concrétisations.

Et nous continuons de répertorier celles des composantes qui sont particulièrement à travailler en entretien préliminaire individuel : le recueil systématique des données, la conscientisation du

processus conflictuel, les caractéristiques des émotions, les atouts de la communication, les valeurs à la base du conflit, l’importance des alternatives, le respect des règles de socialisation, les

conséquences des stratégies.

Le patrimoine est commun. L’inventaire n’est certainement pas exhaustif mais nous oriente vers la recherche de dénominateurs communs à partir desquels nous voulons déduire de possibles attitudes de fond et capacités de gestion des médiés face aux conflits.

Il nous apparaît également utile de relever les spécificités de certains autres auteurs 29 qui proposent des modèles pour préparer la médiation plénière, tandis que, nous-mêmes, nous nous proposons de préparer – en entretien préliminaire individuel – le médié à entrer en plénière.

Schwartz (2012) propose le concept de valeurs humaines et en indique quatre de base :

- L’ouverture au changement, c.-à-d. le pouvoir de contrôler sa vie. - L’auto-transcendance ou la création des propres principes.

- La sécurité ou le confort du statu quo pour assurer la sécurité (tendance au conservatisme). - Le prestige ou la mise en valeur de soi-même, la validation de sa propre identité.

Puisque la notion de valeurs a une importance de base, le fin mot serait de les conscientiser par des modèles (voir le Guide de l’utilisateur en annexe).

Galtung (1973), avec le Conflict Triangle Model ou ABC du Conflit présente le côté émotionnel (Attitude), le comportement, la violence (Behavior) et le problème en question (Contradiction), dans le cadre de la restructuration permanente du conflit pendant le conflit. Voilà un modèle des plus simples pour surveiller l’évolution du litige.

Un autre de ses modèles, le Conflict Life Cycle, symbolise l’avant – pendant – après du conflit normal. Simple, il est considéré d’un bon usage pour situer les pathologies.

Encore une fois Hocker & Wilmot (2010) rendent attentifs avec le Trip Model aux changements supposés principaux pendant le conflit.

Pour B. Mayer (2000), avec l’histoire, la structure, le contexte, l’émotion, la valeur, la

communication, tout est centré sur l’axe de la roue c.-à-d. la réalisation des besoins fondamentaux. Fisher, Ury & Patton (1982), connus pour le modèle de Harvard qui inaugure la distinction importante entre positions et intérêts et relations aux personnes et problèmes à régler, recommandent un timeline, dès le début, dans la phase narrative pour faciliter la compréhension de la dynamique. Les modèles décisifs de Pruitt, Rubin & Kim (2003) – revendiqués également par Blake et Mouton (1964 ; Thuderoz, 2006) et Thomas et Kilmann (2010) – le Structural Change Model et le Dual

Concern Model permettent une visualisation simple, plausible, qui offrent aux médiés la possibilité

91 de se situer dans leur style, leur stratégie et l’évolution possible vers l’équilibre entre l’intérêt pour soi et l’intérêt pour l’autre.

Nadja Alexander (2008, 2011) propose un métamodèle des types de médiation qui explicite les différents processus de médiations possibles.

Comme Furlong (2005) avec le Trust Model de Landau, Swaab et Brett (2007) insistent sur la priorité de la qualité de confiance, autrement dit le travail sur l’attribution de l’intention, dès l’entretien préliminaire individuel.

C. Mitchell (2002) propose un modèle d’analyse du conflit, le SPITCERO, autrement dit sources –

parties – issues – tactics – changes – enlargment – ressources – outcomes

(sources-parties-problèmes-tactiques-changement-élargissement-ressources-résultats).

Pour Tillett & French (2007), ce sont les valeurs et les besoins qui sont les composantes les plus importantes à repérer ainsi que le fait qu’il n’y a pas de conflit sans émotions négatives. En cela ils résument les priorités reconnues par de nombreux chercheurs tels que Montada & Kals, Glasl, Cloke. Lederach (2005) met l’accent sur l’importance de la communication et sur la psychologie sociale. Le conflit est le seul problème de communication. Voilà une dimension essentielle à toutes les

cartographies. Nous sommes bien d’accord.

Cloke (2008) propose des modèles de procédures de résolution de conflit très finalisés vers les solutions possibles, semblables à des check-lists, diversifiés, tous ouverts vers la positivation, la prévention, les opportunités du conflit et la durabilité des accords. Il insiste sur l’indispensable ouverture vers les valeurs les plus supérieures et les plus humaines faisant appel à une cordialité choisie (heart felt) entraînant vers des objectifs supérieurs communs.

Kriesberg (1973) confirme l’usage des éléments de base d’analyse du conflit. Le Total Social Identity

Model de Cheldelin, Druckman & Fast (2003) décrit le passage de l’identité personnelle vers une

identification avec le groupe. Tandis que le Nested Conflict Model de Dugan (1997) illustre, nous l’avons dit, comment les conflits sont imbriqués dans des sous-conflits et souvent, à l’origine, cristallisés autour d’un problème unique qui est à rechercher, à résoudre plutôt que d’incriminer un contexte de groupes.

Quantic Thurston (2008) a étudié et répertorié 140 modèles (key categories of dynamic frameworks) et abouti à créer sa propre synthèse avec le modèle SSAGE dont l’objectif est de pouvoir suivre la dynamique du conflit pendant toutes ses phases, travaillant les sources, les situations, les attitudes, la cohésion du groupe et l’escalade.

Bright (2004) argumente la nécessité d’avoir un maximum d’informations pour constituer une vue panoramique sur le conflit.

Wehr (1979, 2002) est cité comme référence par les médiateurs à la recherche de constitution de cartes d’ensemble (comprehensives), globales, récapitulatives, du conflit.

Outre de solides théories développées, la littérature scientifique présente de nombreux modèles décisionnels et cartes (Wall, 2012) permettant de travailler la plasticité du conflit.

Les auteurs – particulièrement ceux que nous avons cités ci-dessus – orientent leurs travaux en direction de l’analyse du conflit en médiation plénière. La singularité de notre projet est de proposer, par contre, dès la phase de l’entretien préliminaire individuel la prévention et la facilitation du conflit en ciblant et analysant dans le récit du médié les phénomènes psychologiques qui interfèrent. En ce sens nous avons décidé de créer un métamodèle offrant au médiateur les compétences nécessaires pour l’analyse du conflit.

92