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Méthodologie et résultats

1. Du design thinking à l’analyse qualitative inductive

La méthodologie du design thinking combine deux types de raisonnement basés sur deux formes de logiques, l’une analytique (déduction et induction), l’autre intuitive (abduction). La démarche déductive explique, part de la théorie pour l’appliquer à la pratique. La démarche inductive vérifie, part d’observations de terrain pour mener à la théorie, tandis que l’abduction crée en explorant de nouvelles données et en y trouvant des suites logiques qui permettent de formuler des hypothèses donnant du sens à la recherche et des connaissances pratiques (Mathieu & Hillen, 2016). Pour un individu il est difficile d’être à la fois analytique et intuitif en passant agilement d’un mode abductif à une démarche déductive et inductive. Le processus du design thinking favorise justement

l’apprentissage et l’application de cette alternance.

Le chercheur prend comme première source d’inspiration la compréhension des individus par l’expérimentation. Les sources d’inspiration doivent donc être explicitées et vérifiées par collecte des données qui permettent ensuite la validation de nouvelles connaissances. Aussi avons-nous choisi de développer une analyse qualitative inductive.

2. L’analyse qualitative inductive. Théories. 2.1. Un ensemble de principes.

Pour analyser efficacement les données recueillies en mode inductif, nous avons tenu compte de certains principes importants qui nous ont permis de vérifier régulièrement la trajectoire de notre travail (Thomas, 2006) :

172 spécifiquement les objets devant être étudiés par le chercheur.

- L’analyse se fait en prenant soin de lire à plusieurs reprises les données brutes 57 et de les interpréter.

- Les résultats proviennent de l’analyse des données brutes et pas des réponses qui pourraient être souhaitées par le chercheur, les objectifs de recherche fournissant un point de vue, une perspective au chercheur pour conduire l’analyse des données.

Ces résultats sont construits à partir de la perspective de recherche et de l’expérience du chercheur qui décide de ce qui est important ou pas dans les données collectées, en fonction de ses objectifs clés.

- L’objectif principal de l’analyse qualitative inductive est de développer des catégories 58 à partir de données brutes pour les intégrer dans un cadre de références identifié par le chercheur.

- Les critères de rigueur d’analyse mis en place authentifient la pertinence et la validité des résultats.

Nous avons également respecté le fait que les chercheurs qui utilisent l’approche d’analyse inductive limitent habituellement le développement de leur cadre à la présentation et description des

catégories les plus importantes ayant émergé de leur analyse.

L’analyse qualitative a un certain pouvoir explicatif car elle renvoie directement à ce que des

individus font, pensent, ressentent dans une situation donnée. Inductive, par ses résultats l’approche nous a permis de vérifier tant la problématique de recherche que l’hypothèse de travail, en

développant un ensemble de procédures systématiques permettant de traiter les données, telle que, par exemple, la lecture détaillée, répétée, des données brutes pour faire émerger des catégories à partir de notre analyse et l’élaboration d’une grille de lecture.

L’analyse inductive permet de passer du spécifique au général : à partir des faits rapportés, d’expériences vécues, présentées par les médiateurs, nous avons analysé un processus par lequel nous avons pu dépasser l’accumulation de données en liant les phénomènes entre eux et en leur attribuant un sens (analyse compréhensive).

Qualitative et inductive, l’analyse peut porter sur des objets de recherche à caractère exploratoire pour lesquels le chercheur n’a pas ou peu accès à des catégories existantes dans la littérature. En ce qui nous concerne, nous avons précédemment travaillé et présenté dans l’état des lieux de la littérature scientifique, les points of view, toutes les références qui nous ont permis de construire notre recherche. Sauf exception, nous n’y reviendrons pas, ces multiples lectures, analyses, constats, choix, absence même de références, alimentant notre réflexion et l’interprétation des résultats de notre analyse qualitative.

La recherche exploratoire est un préalable à des recherches qui, pour se déployer, s’appuient sur un socle de connaissances. Elle permet de baliser une réalité à étudier et de choisir le mode de collecte des données pour documenter les aspects de cette réalité et de sélectionner les sources de données à même d’informer sur ces aspects, le but étant de produire des connaissances nouvelles et d’en

57 Les données brutes ou les données non interprétées, non analysées, non organisées, émanant d’une source primaire (les notes, heuristiques, etc. élaborées lors des réunions avec l’équipe après le test du métamodèle) et ayant des caractéristiques liées à celle-ci. Le lecteur en trouvera différents exemples en italique dans le texte commentant les catégories et sous-catégories.

58 Nous retenons la définition du concept de catégorie proposée par Paillé & Mucchielli (2003) en tant que production textuelle incarnant l’attribution même de la signification et se présentant sous forme d’une expression et permettant de nommer un phénomène perceptible à travers une lecture conceptuelle d’un matériau de recherche.

173 valider la pertinence. C’est là la procédure que nous avons suivie.

Raisonnement inductif et recherche exploratoire sont liés quand il est question d’arriver à poser des repères théoriques pouvant servir à des recherches ultérieures. Nous retenons avant tout l’analyse inductive en tant qu’évolution des théories, hypothèses, à la lumière de l’expérience et de son analyse.

2.2. Processus théorique de l’analyse inductive menant à la réduction des données brutes recueillies.

Nous avons identifié au cours de ce processus d’analyse des segments de texte présentant pour nous une signification spécifique. Nous avons créé des « étiquettes » pour nommer les catégories

auxquelles nous avons donné sens. Ainsi les résultats que nous allons présenter sont-ils en lien avec nos objectifs de recherche et nos références scientifiques.

Nous avons développé ces principales étapes :

Etape 1. Préparation des données brutes, aménagement des données en un format commun. Etape 2. Lecture attentive, approfondie, à plusieurs reprises jusqu’à être familier avec le contenu et avoir une vue d’ensemble des sujets. Des résumés, mémos, utiles ont été élaborés.

Etape 3. Identification et description des premières catégories :

- L’identification de segments qui présentent une signification spécifique et unique.

- La création d’étiquettes (mot, phrase brève) pour nommer la catégorie à laquelle l’unité de sens est assignée.

D’autres segments peuvent être intégrés dans les catégories déjà étiquetées et significatives. Certaines catégories ont été combinées ou liées quand leur signification était proche, similaire, en lien avec le travail de codage du deuxième chercheur.

Etape 4. Nous avons poursuivi la révision et l’affinement des catégories en recherchant les sous-catégories possibles et pouvant inclure des points de vue différents ou de nouvelles perspectives. Il peut arriver que des données soient difficilement codifiables dans les catégories existantes. Il a été néanmoins important pour nous de retenir que l’usager s’était exprimé sur le sujet : nous nous sommes interrogés (quand cela s’est présenté) sur la pertinence de l’information et la question de la création d’une nouvelle catégorie ou sous-catégorie ou l’élargissement du sens d’une catégorie.

2.3. Le processus de codification.

174 Lecture Identification des Etiquettes et Réduction des Créer le cadre préliminaire des segments de texte créations de catégories intégrant les données brutes catégories redondantes ou catégories les similaires plus importantes --->

Nombreuses pages Plusieurs segments 30 à 40 15 à 20 3 à 8 catégories de texte catégories catégories

Tableau n. 2. Processus de codification. Adapté de Thomas (2006).

Cette étape correspond à celle d’un design émergent, le questionnement de la réalité et la production des connaissances construisant une structure à partir de découvertes successives au cours de l’analyse de données.

Le but de ce processus est de créer un nombre restreint de catégories. Nous avons travaillé en ce sens, visant, en parallèle, nos trois perspectives d’analyse (le médiateur vu par lui-même, le médié vu par le médiateur et le médiateur et la pratique du métamodèle), ce qui nous a permis d’avoir une vue d’ensemble des aspects clés identifiés dans les données brutes et considérés comme les plus importants au regard de nos objectifs de recherche.

2.4. Rigueur et validité de l’analyse.

Pour valider de façon rigoureuse les résultats de l’analyse, nous avons choisi deux procédures s’appliquant à l’analyse inductive (Thomas, 2006) :

1) Le codage parallèle en aveugle.

Nous avons procédé à l’analyse des données brutes et développé un ensemble de catégories constituant les premiers résultats. Un deuxième chercheur 59 a été informé des objectifs de la recherche et les données brutes transcrites en un format commun ainsi que des résumés lui ont été transmises. Sans connaître nos catégories, le deuxième chercheur a été chargé de créer une

deuxième série de catégories à partir des données brutes. Les catégories ont ensuite été comparées avec les nôtres afin d’établir les convergences, l’étendue des chevauchements possibles (répétition, similarité, simplification des choix) ou divergences. Les deux ensembles de catégories ont ensuite été combinés, réorganisés jusqu’à uniformisation, accord sur des catégories solides.

2) La vérification auprès des participants.

Cette dernière étape, outre le fait que nous restons jusqu’au bout dans une logique et méthodologie

design thinking, améliore la crédibilité des résultats en informant les participants de nos

interprétations et conclusions. Les usagers-médiateurs ont pu évaluer si les catégories décrites étaient en lien avec leurs expériences : lors de trois réunions collaboratives, nous leur avons présenté

59 Après communication de nos objectifs de recherche auprès d’un groupe de notre réseau professionnel, l’un d’eux a démontré intérêt et disponibilité pour participer à notre recherche : homme, médiateur depuis 20 ans en milieu associatif et indépendant, formateur, chercheur.

175 une synthèse commentée du processus d’analyse inductive que nous avons suivi ainsi que des

résultats obtenus en commentant catégories et sous-catégories extraites des données recueillies et plus-values constatées.

2.5. L’analyse qualitative inductive, valeur ajoutée pour notre recherche.

Cette approche est particulièrement appropriée pour l’analyse des données provenant d’objets d’étude à caractère exploratoire et pour lesquels il y a peu de modèles ou théories spécifiques. Elle est aussi utile pour démontrer les dimensions insuffisamment explorées d’une problématique, même si le sujet a pu être, sous certains angles, documenté dans la littérature. Cette méthode d’analyse est un outil complémentaire à la méthodologie design thinking mise en place tout au long de notre recherche.

Le recours au codage parallèle en aveugle, à la clarification des catégories avec le deuxième chercheur et à la présentation des résultats aux participants constituent des stratégies efficaces permettant d’assurer la rigueur de la recherche et de l’analyse inductive, de ses résultats.

L’approche inductive exploratoire et compréhensive est créative, explicite et permet au chercheur de construire un appui théorique simple, détaillé, précis dans ses critères de validation et de le guider dans la production de connaissances tout autant crédibles et signifiantes pour les acteurs de la médiation, les médiateurs, les lecteurs et utilisateurs potentiels de la recherche.