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Chapitre IV : Perspective méthodologique et approche

6.4. L'oronymie etl' hydronymie dans l'ancienne ville

6.4.1. Oronymes simples

Rappelons que l'oronymie est l'étude des noms de sommets : montagnes, collines, vallons, plateaux, ainsi que des reliefs plats, comme les plaines. L'hydronymie est l'étude des cours d'eau, des ruisseaux, des sources, des oueds etc. Les reliefs sont tous nommés. Nous nous sommes référées à plusieurs sources pour les recenser, d'abord, aux cartes géographiques, ensuite aux personnes ressources qui nous ont renseignées sur les noms de montagnes et de différents reliefs à l'extérieur du Ksar. Nous commencerons par citer comme nous l'avons fait plus haut, les génériques de ces oronymes. Nous commençons par définir le nom de l'oronyme le plus en usage en berbère soit en générique ou comme unité simple.

Adrar: Adrar 333est un mot d'origine berbère, il est féminin et désigne une montagne, "Adrar" montagne " est l'équivalent de l'arabe : djebel il signifie aussi "pierre". Dans tout le pays kabyle, le Djurdjura est appelé adrar n'jerjer " la montagne de jerjer", mot dont la racine parait être G R " plus grand que" 334. Adrar est aussi un macro- toponyme qui désigne une ville du sud de l'Algérie.

Azrou: est un mot dans la langue berbère, qui vient de " tazerout et leurs variantes signifient

"pierre, rocher, montagne " 335. C’est une entité géographique et peut être un générique pour les toponymes en langue berbère. On trouve cet oronyme dans Azrrou Noughilles dont le générique est azrou qui renvoie à montagne , Noughilesse qui renvoie à lion , ce qui suppose que la montagne prend le nom d'un lion. Aguilles : le tigre.336 Cette présence est décrite "Autrefois, disent-ils, les lions étaient nombreux dans le Djebel Amour, si nombreux qu’ils décimaient les troupeaux et se passaient souvent le caprice de commencer par le berger".337 Une légende ou une réalité que racontent les autochtones au passage des expéditions françaises.

Tajenna : pl. ejnawin, end ajenna « ciel » tijnewt, pl.tejnaw « nuage » oanew, pl.oanawen.338 Chez les Semghounais, il s'agit du nom d'un jardin ou d'une parcelle de terre à cultiver. Ce qui nous amène à rapprocher le terme au sens qu'il peut avoir dans la langue arabe jnéne qui renvoie au jardin ou emprunté à Jenna en langue arabe qui renvoie au paradis. Le nom de l'oronyme a été adapté dans le moule de la langue berbère avec l'adjonction du préfixe /ta-/ et suffixe /-t/ pour désigner le féminin singulier. Il est aussi accompagné de Ain avec : Ain Tadjena.

333 Adrar est un mot tachelhit qui signifie en langue arabe Djbel qui veut dire montagne

334 Pellegrin, Arthur membre correspondant de l’académie des sciences coloniales. Dans la série culturelle "La toponymie de l’Algérie " n°60 du 15 mars 1952 ;

335 Pellegrin, Arthur. Ibid. 336 Amanis, Ali. Op .cit. p159 337 Daumas, M. Op.cit. p 217.

Temda : Ce nom de lieu est, morphématiquement simple, temda veut dire un bassin naturel 339 . Nous pouvons expliquer les transformations phonétiques qui ont touché le toponyme comme conséquence des variations que subissent les langues à travers le temps. Variation diachronique : nous nous plaçons sur un axe temporel, puisqu’il s’agit ici du changement de la langue selon les époques qu’elle traversent . Toutes les langues évoluent et voient naître, de façon brutale, ou imperceptible certains changements qu’ils soient phonétiques, morphosyntaxiques, lexicaux ou sémantiques.

Ighzar : est le nom de la palmeraie, il a été relevé auprès de plusieurs informateurs. C'est une unité

simple dans la langue berbère. Elle fait référence à l'oasis du Ksar de Boussemghoun. Cette oasis compte des jardins qui portent chacun un nom et qui sont la propriété de chaque famille. Nous avons enregistré plusieurs définitions :

iγzer : C’est une palmeraie, littéralement, le toponyme signifie oued. Le premier élément du mot composé qui se prononce iγẓeṛ dans le ksar de Zenaga, mais iγzer dans les autres ksour, signifie « fleuve, oued ; canal d'eau à l'intérieur des parcelles d'irrigation.340

Le mot est attesté dans la majorité des parlers amazighs avec une petite variation de sens :

iγzr (Tachelhit) : « grand ravin » ; iγzer (Maroc central), iγzeṛ (kabyle): « "ravin, cours d'eau d'un ravin » ; iγzar (Senhadja de Srair), aγzar/aγzā/iγzā (Rifain), iγzer (B. Iznassen, B. Snous, Chenoua, Chaoui, Algérie centrale) : « fleuve, oued » ;iγzer (Mzab): «vallée étroite, lit de rivière, fond de vallée » ; éγahar/éγazer (Ahaggar): « vallée » ; eγăzăr (Niger): « oued, ravin, vallée, mare » ; iγzer (Ghat): « rivière, cour d'eau » ; éγăzăr (Mali): « grande marre de saison de pluies ".341 iγzer, pl. ieγzran « ravin, cours d’eau d’un ravin, précipice » (MC) i$zar, pl. iγezran « rivière, fleuve » tizγert, pl. tieγzrin « ravin, petit cours d’eau » (R) iγzer, pl. iγezran « ravin, cours d’eau dans un ravin, ruisseau, rivière » (K) i$zer, pl. ieγzran « torrent, lit de torrent, ravin » (Cha)342.

Tamezught ou tameẓẓuγt : C’est le nom d’une palmeraie et d’une montagne (appelée aussi aḍṛaṛ n

sidi yusef) qui se trouvent au sud-est de Figuig.

Dans le parler de Figuig, le mot signifie « oreille ». Il est attesté dans presque tous les parlers amazighes avec le même sens, mais avec une variation phonétique : ameẓẓuγ (tachelhit),

tamezzuγt/amzzuγ (Maroc central), amezzuγ (Ntifa, Senhadja de Srair, B. Iznassen, Chenoua, Algérie centrale), ameẓẓuγ (Rifain), tameẓẓuγt (kabyle), amzuγ (chaoui), tamežžit (Ouargla),

339 Benramdane, F.op.cit.p 41.

340 Huyghe, G. Dictionnaire kabyle français .2ème édition. Paris.1901 p192.

341 Yeou, M. A propos de quelques toponymes à Figuig et sa région.. sinag -Asinag, 6, 2011, p. 129 342 Haddadou, M- A . op.cit .p69.

tamezzuxt, timezγin, pl. (Mzab), tamedžit (Sened), tmeddžit Nefousa), tameẓẓuk (Niger), tămeẓẓuk, timeẓẓuγîn, pl. (Ahaggar), tamezzuk (Ghat), tameẓẓuk, tamăẓẓuk (Mali).343

Parmi les oronymes que nous avons collectés, nous citons ceux qui ont une grande place dans la vie des autochtones, car chaque famille en possède un. Il s'agit du jardin ou une parcelle de jardin. La collecte des noms de jardin s'est faite auprès de trois personnes ressources. Cette procédure a pour but de vérifier les noms et les valider en les consignant dans notre thèse.

Dhes : sans pluriel, adj, sablonneux.344 C’est le nom d'une parcelle de terrain dans l'oasis que les autochtones appellent jardin. Ce vocable simple est en berbère et renvoie à la nature du terrain sablonneux de la parcelle.

Bess Tyess : c'est le nom d'un jardin. Il est composé de bess qui renvoie à l'urine d'un enfant, pipi

345Ties ou tyess inconnu. Nous n'avons pas pu disposer d’explication. Le nom existe, et il est en usage, sans que les autochtones ne puissent nous renseigner sur le sens qu'il renferme. Le plus vieux de nos informateurs nous confient qu'il s'agit d'un mot très ancien et désuet.

Taouahchitt : cette nomination de parcelle de jardin est attribuée en référence à la tribu des At

Aissa connus dans la ville comme les descendants des pirates d'où décrits par le qualifiant Taouahchitt et qui exprime un caractère de sauvage. Une forme de stéréotype qui stigmatise la tribu jusqu'au nom de ses jardins.

Temalleht : est le nom d'un jardin qui, selon nos informateurs, est constitué d'un sol qui renferme

du sel. Le nom est d'apparence berbère car adapté à cette langue mais dont le radical renvoie à un mot arabe : le sel. La formation de cet oronyme est dans un moule de la langue chleuh formé de la consonne « t » en début du mot qui renvoie au genre féminin, et une finale en t sur le modèle Tachelhit.

Tafraout : est d'abord le nom d'un jardin dans l'oasis du Ksar. C'est un vocable d'origine berbère.

Par définition : Tafrawttf, tifrewintf .sens 1 "Goutière. Âloc«Kkan-d waman tafrawt»: la gouttière est pleine. Âloc«Terez.a tfrawt»: la gouttière est cassée. ¨2 Etape de développement de l’âne. Âloc«Tafrawt tamez. z.ant»: première jeunesse. Âloc«Tafrawt taxatartt»: vieillesse. ¨3Nom d’une localité dans le Sous. ¨4 [au sing.] [Typo.] Le nom d’un champ346. C'est cette dernière explication que nous privilégions pour l'explication du toponyme. La définition du mot dans le dictionnaire des racines nous renseigne sur :

343 Ibid.p69.

344 Dictionnaire Kabyle. p 125 345Dictionnaire Kabyle. Op.cit. p 104.

Tafraout : FR : endroit où l’on se cache, grotte .Cette racine a une fréquence très élevée après celle de ZKR. FR : Endroit où l’on se cache, grotte347.

Une autre définition renforce les données des informateurs, " tafrawt, pl. tiferwîn « auge portative ou en maçonnerie, pièce de peau servant d’auge portative pour les animaux, p. ext. petite place de verdure » (To)348 .

Tiziouine :est le nm d'un oronyme d'origine berbère. Il est le pluriel de Tiza ou de Tizi, il renvoie

à un étroit passage de montagne349.Selon un autre informateur,350 il s'agit d'un Oued dans Tasbeght.

Iberdane : vient d'iberda : c’est le nom de la parcelle de jardin dans la langue berbère qui désigne

chemin ou un passage351.Les informateurs autochtones le nomment Iberdéyène et le décrivent comme un jardin qui s'est englouti sous l'oued. Si nous faisons un parallèle entre les deux désignations, celle du dictionnaire et celle recueillie, nous pouvons supposer que les conséquences de l'engloutissement ont fait de ce jardin un chemin ou un passage que se fraient les Semghounais dans l'oasis.

abrid, pl. iberdan « chemin, route, p. ext.issue, moyen, solution, p. ext. droit chemin, justice » tabrit, pl. tiberdin « sentier, petit chemin » (MC) tabrida, pl. tibridiwin « piste, pistes sinueuses suivies par les caravanes » (Chl) abrid, pl. ibriden « chemin, route»352.

Mezouegh dont le pl Mezoughen, un nom berbère qui désigne une terre fertile de couleur rouge353.

Il s'agit d'un jardin ou l’une des parcelles de terre dans la palmeraie.

Boufir : FR : endroit où l’on se cache, grotte354. Ce jardin est baptisé en langue chleuh au nom d'une grotte qui a surement servi de cachette.

Fou'anna : mot d'origine inconnue, nous n'avons pas pu expliquer ce toponyme et les informateurs

ne nous ont donné aucune précision à son sujet ; à part qu'il s'agit du nom d'un jardin. Un informateur 355pense qu'il s'agit de la composition de deux unités : Foud et 3'anna .La première renvoie à genou et 3'anna est le nom d'une fraction de tribu. C'est une parcelle de jardin dont le relief est comparé au genou.

Ce qui est intéressant à noter, c’est la richesse des noms de jardins ou parcelles de jardins dans l'oasis. Chaque parcelle porte un nom ; c’est soit celui du propriétaire ou, comme nous le verrons, 347 Amaniss, Ali. op. cit. p83

348 Haddadou . Op. cit. p 62. 349 Dictionnaire Amawal. op.cit.p327.

350 Cet informateur est Mr Belfar Tahar, le coiffeur de la ville. 351 Dictionnaire Kabyle .p4.

352 Haddadou. Dictionnaire des racines berbères communes. Haut Commissariat à l'Amazighité 2006-2007. p 353 Ibid. p 896

354Ali Amaniss. Op.cit. p83

355 Belfar Tahar. très enclin à la protection de la langue chleuh et selon lui ce sont des mots qui sont très anciens du chleuh et désuet.

soit en fonction de certains aspects et certaines positions et qualités des jardins. Certains se confondent aux hydronymes et surtout aux noms des sources avec des génériques :

L'unité géographique la plus souvent utilisée pour désigner un jardin est urti, pl ourtan. Ejjnan, pl. jnanat.356Quelques oronymes sont représentés sur une carte géographique (voir annexes, p 241).