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Chapitre IV : Perspective méthodologique et approche

6.5. Les hydronymes dans la ville ancienne

A Boussemghoun "Sans l’eau, la vie ne pourrait continuer», les hydronymes sont au cœur de la vie humaine. Comme nous l'avons citée plus haut, des rivières alimentent la ville de Boussemghon. L'obsession de l'eau vitale explique largement cette situation, encore qu'il faille rester prudent sur la signification précise du mot oued qui peut désigner aussi bien l'organisme hydrographique, le cours d'eau, la forme topographique, la vallée. C'est ainsi "nahr : cours d'eau, fleuve ou rivière ; ouâdi, ouâd, oued : rivière, ruisseau, torrent, lit torrentiel à sec et aussi dépression, crevasse, fosse, vallée"366. Dans le même sens, É.F. GAUTIER367 indique que "les dépressions entre l'Ouadi Natron et Siouah sont appelées ouadi par les égyptiens"et que "les vallées quaternaires, sèches, du Tassili des Ajjers (alias Najjer, Fig. 1), sont appelées ouadi par les indigènes"368 .

Certains hydronymes se trouvent à l'extérieur du Ksar et de son oasis et qui restent importants pour l'irrigation de l'oasis et ses nombreux jardins. Nous citons les sources dans l'ordre et la description faite par les personnes ressources. Il faut savoir que nous nous sommes référées, pour la collecte de ces informations, à des personnes connaissant les hydronymes. Parmi elles, un responsable dans la Direction de l'Hydraulique369 et d'autres ayant vécues dans le Ksar.

Ainsi, nous avons relevé des hydronymes à partir de récits d’exploreurs français et de géographes ayant décrits le Sahara algérien. Ensuite, nous les avons confrontés, vérifiés en fonction de données livrées par des autochtones ayant survécu à cette période. "L’Oued Bou Semr’oun

363 Yeou, Mohamed. op .cit. p139.

364 Destaing, Edmond .dictionnaire français berbère dialecte des Béni_Snous .p234 365 Huyghe, P.G.Dictionnaire Kabyle-Français. Paris, 2ème éd, 1901, p96

366 Gautier, E.F.Gautier E.-F. Répartition de la langue berbère en Algérie. In : Annales de Géographie. t. 22, n°123.1913.

367 Gautier É.F. (1939) p141

368 Reclus, É. (1886, p. 889) cite dans son glossaire géographique :

369 la personne ressource du nom de Aquouche Ahmed a exercé dans la direction de l'hydraulique Touati Mahmoud, âgé de 88 ans ancien Ksourien et résistant dans la guerre de libération algérienne.

prend sa source au Djebel Tamedda et se jette dans l’Oued Maleh’". 370 Nous citons les hydronymes dans l'ordre qui nous a été confié.

6.5.1. Hydronymes de composition simple

Tenut, anu : c’est un mot en langue chleuh, un hydronyme qui renvoie à un puits dont le pluriel est

ouna. En langue arabe, il correspond à el'hassi, pluriel el'houassi371.

Tanut. Tenout ou tanout vient de anu, est un hydronyme simple formé à partir de la racine berbère ‘N’ et avecla marque du féminin singulier ‘t-t’, cette racine veut dire gouffre du puits naturel. Mais il peut aussi avoir un autre sens ‘le petit puits’372 , anu donne aussi son nom à la montagne qui contient un puits. Il en existe 45 dans le Ksar373 . C'est aussi, le nom d'une source d'eau à ksar Ouled Slimane. Le diminutif d'anu « puits » est le vocable commun dans la majorité des parlers amazighs. Dans le parler de Figuig, tanut désigne aussi « petite cuvette, ou bassin circulaire qu'on construit autour des palmiers dans le sol pour récupérer les eaux de pluie (technique d'irrigation utilisée dans les terrains en friche)374

Thaouthadda : BEDD " se dresser, se tenir debout " justifie Abuda, Bouda, Badès, Sebdou.

Thouda, arabisation du nom ant.

Tissefline vient de Tessfelt ou issfelt est une unité toponymique morphématiquement simple. C'est

un nom en langue chleuh .Nous avons eu beaucoup de mal à retrouver le sens, car il n'existe que dans le parler de Figuig. Son sens renvoie à une technique traditionnelle de drainage de l'eau. Nous avons aussi retrouver le terme dans les recherches sur les techniques d'irrigation de l'eau à Figuig "À Figuig les galeries venant drainer l’aquifère sont désignées sous le terme d’iflī(pl. iflān) ".On peut éventuellement faire le rapprochement entre les deux termes qui se sont développés, plus tard, par le système des foggaras 375 asfel, pl. isfelen « terrasse, toit fixe d’une maison, p.ext. toit fixe ou mobile » efele, pl. ifelan « canal souterrain de captage des eaux » taflut, pl. tiflûtin « porte (ouverture pour entrer ou sortir), toit » aseffil, pl. iseffîlen « pâturage nouveau et frais »376..

Nous avons remarqué qu'effectivement il y a une confusion chez les autochtones entre les hydronymes composés ayant pour générique Ain et Oued.

370 Daumas ,M. op.cit. p 247.

371 Cid Kaoui. Dictionnaire Français -Tachelh'it et Tamazir't. Dialecte berbère du Maroc .Ernest Leroux Editeur. Paris 1907.p17.

372 Cid Kaoui. Op.cit. p 193.

373Une information communiquée par une personne ressource du nom de Belhadji Laghrissi un ancien maitre de l'éducation nationale.

374 Yeou, M. Op.cit.p156.

375La foggara est une galerie souterraine légèrement inclinée, qui draine l’eau de l’aquifère en amont vers les terrains les plus secs situés en aval, en direction de la palmeraie. C'est un système hydraulique traditionnel qui garantissait l’accès à l’eau potable.

La transcription des hydronymes s'est faite de manière personnelle, en nous appuyant sur les normes d'écriture assignées à la langue berbère. Pour Tit , tiṭṭ « oeil ; source (d'eau) » Le terme tiṭṭ est attesté dans presque tous les parlers amazighs.

6.5.2. Hydronymes composés

 Hydronymes à base d'Oued

Oued Nemmous se trouve entre Mougrar et Boussemghoun. Le nom de cet hydronyme est

composé de deux vocables : Oued comme générique en langue arabe et Nemmous, un spécifique en langue arabe aussi. Cette rivière est appelée du nom des moustiques. On peut attribuer sa signification à un état de pollution par les moustiques. Nos recherches nous ont menées vers la découverte du même hydronyme à Béchar377

Oued El Gharbi en référence à une orientation de l'Oued vers l'ouest. Il se trouve dans la

commune d'El Bnoud. Il s'agit d'un hydronyme composé d'un générique Oued et du spécifique El Gharbi tous les deux en langue arabe.

Oued Saggar origine du nom inconnue, mais nous pouvons émettre deux hypothèses quant à son

origine. Sagar 1 qui vient de yasguar, v. intr .voler très haut. Sagar 2, n.m .rouille 378.Il s'agit d'une unité toponymique hybride composée du générique Oued en langue arabe et du spécifique Sagar en Tachelhit .Nous privilégions la deuxième hypothèse qui peut vraisemblablement répondre à l'explication que peut avoir la rivière soit en référence à la couleur de rouille ou à l'aspect du dépôt de la rouille dans la rivière.

Oued Zergoun dont l’origine du nom est inconnue. Cependant, nous avons retrouvé le nom dans

un article "La région des Siab pour un cours d’eau considéré est souvent désignée sous le nom de perle de Oued Zergoun-Oued Loua" 379. Cette explication confirme que le spécifique Zergoun est un nom de famille et l'hydronyme est baptisé au nom d'une famille d'origine berbère.

Oued El Mellah est un hydronyme de langue arabe, appelé par ce nom en référence au goût salé de

son eau. Il se trouve derrière l'oasis de Boussemghoun. Selon les informateurs, les propriétaires ont immigré vers des lieux inconnus des gens de la région. Au Maroc, Oued El Mellah est un fleuve côtier de la région de Casablanca. Son eau, comme celle de beaucoup d'oueds du Maroc, véhicule un peu de sel.

377 il relève de la commune de Béni Ounif, une zone frontalière des Hauts Plateaux de l'extrême Ouest du pays. 378Patrice Jullien de Pommerol. Karthala Dictionnaire arabe tchadien français 1999.p 1091.

379 Flamand G.-B.-M. Une mission d'exploration scientifique au Tidikelt [Aperçu général sur les régions traversées]. In : Annales de Géographie, t. 9, n°45, 1900. pp. 233-242

6.5.3. Hydronymes composés à base de Tit et de Ain

Titaouine : hydronyme en langue berbère qui vient du singulier Tit qui renvoie à "oeil"380 et par extension " source ", comme dans la langue 'arabe ". Aïn" est connu en toponymie saharienne : Tit, Tiout. Titaouine (formé à partir de la racine tit et du diminutif ouine) qui veut dire source381. Il faut juste noter que les noms qui prennent t sont au féminins." t- ; t-…-t, indice du féminin, dans tous les dialectes.382

Tit n'Absis, tiṭṭ n'Absis : hydronyme qui renvoie à une source portant le nom d'un patronyme et ce

par l'adjonction du n qui renvoie à la préposition de en langue française qui désigne l'affiliation. Il s'agit d'une source qui appartient à la famille Absis, donc baptisée au nom de la famille383 ou encore désignant la source du millet en référence à Absis synonyme de millet384 qui est une céréale cultivée dans cette parcelle de terre .Cette description confirmera notre hypothèse " Outre les fruits, les raisins et les légumes, des habitants de Bou Semr’oun récoltent du tabac, un peu de blé de Turquie, un peu de millet, de la garance et de l’orge385.

Tit Melli , tiṭṭ milli : hydronyme composé du générique Tit, une variété du berbère qui renvoie à

source d'eau et Melli dont le sens renvoie à idole déjà cité avec un des noms de Bossemghoun , baptisée au nom de Oued el Asnam dans le passé.

Tit n'Addou tiṭṭ n'Addu : hydronyme composé d'un générique Tit qui renvoie à source et du n qui

renvoie à la préposition de en langue française qui désigne l'affiliation. Il s'agit d'une source qui appartient à la famille Addou. Un hydronyme baptisé au nom d'une famille.

Un ensemble de sources formées du même générique en langue berbère Tit et de la préposition n d'affiliation avec des noms de familles .Dans, Tit n'Aziz, Tit n'Mokhtar, Tit n'Moussa, Tit n'Sidi M'Hamed. Ils sont baptisés avec des référents anthroponymiques pour désigner l'appropriation de l'ethnonyme dans les exemples : Ain Sidi Cheikh en référence au Saint patron. "Une source abondante, placée en dehors et nommée A’ïn Sidi Cheikh, fournit aux besoins de la population."386 .

Tit n'habbit : c'est un hydronyme en langue chleuh morphématiquement composé d'un générique

tit qui renvoie à source, et du n en guise de préposition d'affiliation et de spécifique Thabbit. Nous n'avons pas pu lever le voile sur le sens .

380 Ibid. p 240.

381 Berramdane, Farid,p 144 382 Berramdane. Op.cit. p 824.

383 Cette information nous a été communiquée par un informateur et la famille est du nom de Hellal. 384 Mokrane Chemim Amawal. lexique. Ed L'odyssée. 2007. p 144.

385 Daumas, M. Le Sahara en Algérie études géographiques, statistiques et historiques. Alger, 1848.p 246. 386 Daumas, M.op.cit. .p 246.

Tit Agtay, tiṭṭ Agtay hydronyme composé du générique tit qui renvoie à source et du spécifique

Agtay qui est défini comme une botte de paille.387L'origine de cette baptisation ne nous a pas été communiquée et les informateurs eux-mêmes ignoraient le sens. Des informateurs pensent qu'il s'agit d'Aytay

Tit Sbeght ou Tit Sbekht : est un hydronyme en langue chleuh, formé d'un générique tit et d'un

spécifique Sbeght. La deuxième forme Sbekht renvoie au nom de langue arabe, lac salé en Afrique .D'ailleurs, c'est un xénisme . Cet hydronyme s'est berbérisé car le mot s'est adapté au moule de la langue berbère en ayant le « t » comme préfixe. Selon un phénomène linguistique fréquent dans le Maghrib, les Berbères islamisés et arabisés ont, à leur tour, berbérisé la langue arabe. Le féminin de ville ancienne a été formé selon la grammaire berbère avec un "t" initial et un "t" final.

Tit Tlet Nighanimen est une unité composée de trois vocables berbères , dont le premier renvoie

à source, le deuxième Tlet une fontaine et le troisième vient de ghanim qui signifie roseau. Il a pour racine γ NM.ta γ animt « roseau » (Siw) $anim, pl. iγanimen « roseau » (Nef) aγnim, pl. γ animen «bâton séparant les fils de chaîne du métier à tisser » taγnimt, pl. taγnimin « calame du scribe » (Ghd). Aγanim, pl. iaγnimen « roseau » (Wrg) aaγnim, pl. iγanimen « roseau, p. ext. flûte, chalumeau » taγnimt, pl. tiaγnimin « morceau de roseau protégeant les doigts des moissonneurs, petit roseau » (MC)

aγanim, pl. iγanimen « roseau, morceau de roseau protégeant les doigts des moissonneurs » (Chl) a γnim, aγanim, pl. iγunam « roseau, flûte » (R) aγanim, pl. iγunam « roseau, p. ext. canon de fusil, variété de figue » taγanimt, pl. tiγunam « roseau, petit roseau, variété de figue 388 (K)

Tit n' Taoughazout est un hydronyme dans la langue berbère. Il est composé de Tit qui renvoie à

source et de Taoughazout, dont l'explication ne nous a pas été fournie. Nous supposons qu'il a subi une variation phonétique qui tend à l'arabiser et dont l'origine peut étre "Taghzout dont le radical est Ighza qui renvoie au verbe forer, percer, trouer ou Taghouzi qui renvoie à la terre fertile prés de cours d'eau, et pour le cas de notre toponyme ". La deuxième explication est la plus avantagée, en raison de la nature du référent. Taoughazout est aussi un toponyme qui se trouve à Tiaret prés de Frenda. Il rappelle le nom des grottes qui ont abrité au XIVe siècle, Ibn Khaldoun pour y écrire les Prolégomènes.

387 Dictionnaire Kabyle. Op.cit. p 18. 388 Haddadou, Mohand Akli. Op.Cit.p160.

Les sources ont pour générique Tit en chleuh et Ain en arabe. Selon une personne ressource, celles qui sont nommées par les Arabes prennent pour génériques Ain et, Tit pour celles nommées par les autochtones ayant le chleuh pour langue maternelle. La plus ancienne et celle décrite par les explorateurs français « un puits », le seul du village. "Une source abondante, placée en dehors et nommée A’ïn Sidi Cheikh, fournit de l’eaau aux besoins de la population".389

6.5.4. Hydronymes composés à base d'Ain

Ain Irnidia : hydronyme composé qui renvoie à une source d'eau qui selon les informateurs, elle

est en langue chleuh. Le mot renvoie à une source d'eau sèche. C'est une forme de figure d'oxymore car une source est l'origine d'un cours d'eau ; ici, elle est sèche. Nous n'avons pas pu disposer de définition à ce nom dans des dictionnaires de langue berbère malgré nos recherches poussées et très affinées.

Ain At Neqit : nom de source d'eau, formé d'un générique Ain et du patronyme At Nquiet qui

renvoie à un nom propre, celui d'une famille dans le Kar citée plus haut. Noms désignant l’écoulement d'eau

Ain At Moussa : le nom que porte la rivière des At Moussa, des habitants du Ksar. Selon les

personnes ressources, ils se sont installés après les At Slimane, les premiers venus de Saquia El Hamra et que Boussemghoun le Saint patron de la ville est intervenu pour rompre le conflit entre les At Moussa et les At N'Quiett

Ain Ajemmad est un hydronyme composé du générique Ain en langue arabe et du spécifique

Ajemmad qui prend son nom d'une orientation .Donc, le vocable Ajemmad renvoie à, comme il nous a été indiqué par les informateurs, " riche en eau qui coule". Nos recherches nous ont conduites vers une autre signification agemmâd : rive d'une rivière. agemmad, ayemmad, ajemmad, pl.igemmaden , «versant d’une colline, côté d’un ravin, rive, berge» (MC) agummav, pl. igumvan «rive» (Chl) agemmav, pl.igemmaven «côté, bord, rive » (R) g°emmev« sortir de son lit (cours d’eau), changer de rive» ag°emmav «versant, côté opposé, rive opposée» (K) ajemav , pl. ijemaven «côté opposé, versant opposé à la rivière» (Cha)390.

Ain Legdah : nom d'une source dans la langue arabe, il est composée d'un générique Ain qui

renvoie à source dont l'eau jaillit en forme de Qadah qui constitue le spécifique de l'hydronyme signifiant en arabe standard un bol, une chope. Elle est baptisée en fonction de sa forme car elle coule de manière abondante ; ce nom est aussi le nom d'une commune rurale marocaine de la province de Taounate, dans la région de Taza-Al Hoceïma-Taounate, une région berbère aussi. On

389 http://www.algerie-ancienne.com consulté le 12/05/2014.p257 390 Haddadou . op.cit. p 75

peut supposer aussi que le nom est tiré de cette commune où il renvoie à une famille venue de cette ville.

Ain Ouled M'ssisa : est un hydronyme composé de trois vocables, dont les deux premiers

constituent des génériques en langue arabe. Ain qui désigne une source d'eau, Ouled, le pluriel d'Ould qui veut dire enfant. En général le vocable ould est suivi d’un nom de personne arabe. Ici, il est relié à un nom de famille berbère pour indiquer que l'hydronyme est au nom d'une tribu ou une fraction de tribu comme c'est le cas avec la base Tit. L' hydronyme de formation patronymique du nom de M'sisa : Cette unité toponymique est morphématiquement composée, car elle est formée à partir de la racine berbère ‘NS’, enessiss, qui signifie suinter.391

Ain Joumana : est un nom d'hydronyme d'origine inconnue. Le spécifique est connu comme un

nom propre d'une personne.

6.6. Synthèse des résultats : Langues référents des toponymes : odonymie,