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Chapitre IV : Perspective méthodologique et approche

4.1.1. Evolution, fondements et champs d'étude

Notre étude s’appuie, d’un point de vue pratique sur la sociolinguistique, d'abord, dans le milieu du Ksar, où les pratiques se faisaient dans la langue des autochtones. On peut supposer ce milieu comme monolingue constituant un site préservé par la wilaya d'El Bayadh. Les visiteurs y accèdent de manière très libre. Les pratiques sont moins intenses que dans le passé car il n'est plus habité. Ce monolinguisme est aussi supposé dans le passé au sein du Ksar. Cette façon de vivre ne peut être vue comme rurale selon eux, car leurs activités étaient sédentaires et le milieu aussi. Les paysans et les nomades qui venaient de l'extérieur échangeaient les denrées et d’autres trocs se faisaient. Ce qui nous a conduits à considérer la nouvelle ville en extension comme un milieu urbain initié par Calvet 204en 1994. Dans sa logique, la ville est un lieu de brassage des langues. L’auteur ajoute que " la ville est à la fois un creuset, un lieu d’intégration "205 . C’est dans cette logique que nous considérons la ville de Boussemghoune par la formation et la construction de langues des nouveaux toponymes qui supposeront une pratique langagière nouvelle dans un espace plurilingue où les langues se mélangent et une identité urbaine s'est peut être formée. Les représentations sociolinguistiques urbaines et spatiales seront mises en mots. Pour décrire ce penchement de la sociolinguistique vers la ville, Claudine Moïse annonce :

Il y a donc cette sociolinguistique variationniste (…). Elle s'intéresse à la société pour ce qu’elle nous dit sur la langue, elle prend les différences sociales à travers des catégories préétablies, essentialistes (sexe, âge, origine, catégories socioprofessionnelles) dans une forme de réduction nécessaire, maniable et pratique, (…). Mais il y a encore une autre

approche de la sociolinguistique et donc de la sociolinguistique urbaine qui prend des chemins de traverse. Celle qui dit la société à travers l’étude de la langue, des langues et des

discours, celle qui dira donc la ville aussi.206

Afin de justifier notre choix, nous avons jugé cohérent de définir le domaine socle comme domaine de référence théorique et comme approche d'étude, qui est la sociolinguistique, son lien à la langue pour en arriver à celui de la toponymie et 204Calvet, J-L.La sociolinguistique. Presses universitaires. Que sais-je? 5éme Édition, Paris.2005.p39. 205 Calvet, J-L .op cit. p 40.

206Moïse, C. Des configurations urbaines à la circulation des langues …ou …les langues peuvent- elles dire la ville? » Dans Sociolinguistique urbaine, frontières et territoires, Proximités, E.M.E, Cortil-Wotan, 2003, p. 56.

enfin à la néo-toponymie objet de la seconde partie de notre thèse. Définir la sociolinguistique comme il nous arrive de le lire, dans les ouvrages, n'est pas une chose aisée, car son objet d'étude est identique à celui de la linguistique d'où cette confusion qui peut s'installer entre les deux. Cette dernière a préoccupé de nombreux chercheurs car elle a été au cœur des recherches sur le langage initié par Platon dans Cratyle des milliers d'années avant, dans l'origine de la langue, la langue et la pensée (Platon, Aristote), la philologie des langues. Au XXème siècle, on invoque souvent le nom de Ferdinand de Saussure comme étant le « père fondateur » de la linguistique moderne. En effet, il l'a constituée comme une discipline autonome en proposant une réflexion théorique générale sur le langage et sur les conditions de son étude, permettant ainsi l'instauration progressive d'une véritable démarche scientifique. La linguistique a connu, à partir des années 1970, un élargissement notable de ses centres d'intérêt207. Par-delà l'étude des formes de la langue, elle s'est en effet tournée vers la question du sens et de l'activité du langage par les locuteurs. Ce qui lui a permis de se constituer en discipline autonome. La sociolinguistique permet de répondre à pourquoi on parle ainsi, ainsi que vers des problématiques cognitives. Elle a, par ailleurs, élargi son champ d'investigation, par-delà la phrase, aux textes et aux discours. Cette extension progressive du champ d'étude a conduit à un foisonnement de théories et de concepts nouveaux et l'émergence de la sociolinguistique. D'ailleurs, William Labov et J.L.Calvet avancent en s'interrogeant sur l'objet de la sociolinguistique, qu'elle n'est tout autre que la linguistique, leur objet commun est la langue dans tous ses états ; l’une la décrit du point de vue externe et l'autre d'un point de vue interne.208

Initialement décrite comme l’une des branches de la linguistique externe par le fait qu’elle serait une sorte de rencontre entre une théorie linguistique et une théorisation sociale, voire

sociologique du fait linguistique, elle tend à devenir – au moins dans les pratiques de recherches – une discipline autonome 209

207Cette réflexion figure dans l'ouvrage posthume de Ferdinand de Saussure, cours de linguistique générale en 1931.

208Par interne et externe, nous entendons l'objet de la linguistique comme interne : La linguistique interne, approche associée à la phonologie, phonétique et linguistique énonciative, grammaire traditionnelle. Par linguistique externe, qui correspond à l’approche sociolinguistique, qui étudie le comportement linguistique en tant qu’il s’inscrit dans une pratique d’un autre ordre (social, psychologique).

209 Bulot, T. L'approche de la diversité linguistique en sociolinguistique dans BULOT, T., BLANCHET, P., 2011, Dynamiques de la langue française au 21ième siècle : une introduction à la sociolinguistique, 2011.www.sociolinguistique.fr, consulté le 21/08/2014.

En linguistique, la langue est étudiée par rapport à un système fermé homogène dont il convient de faire la description selon des normes fixées. En sociolinguistique la langue renvoie à un objet hétérogène dont les normes sont fixées par les sociétés et en constituent le produit des usages dont la sociolinguistique se penche à analyser en tenant compte des rapports qui s'établissent autant entre des phénomènes langagiers que sociaux.

Les fonctions sociales de la langue apparaissent : communication mais aussi distinction, discrimination, ségrégation, lutte, résistance, bref des fonctions liées à l’ensemble des

rapports sociaux dans une société de classe. L’enfant n’acquiert pas la langue indépendamment des rapports sociaux qu’elle exprime.210

Ces fonctions sont attestées dans : "Une langue est un prisme à travers lequel ses usagers sont condamnés à voir le monde… Notre vision du monde est donc déterminée, prédéterminée même, par la langue que nous parlons." 211 Si la sociolinguistique a pu se développer, voire même émerger, c'est surtout grâce à la notion de variation développée par William Labov, fondateur de la linguistique « variationniste » assimilée à la sociolinguistique qui, au départ, n'envisageait pas une telle dénomination, car il octroie à la linguistique le statut de science de la langue et de ses rapports à la société sans se reconnaitre sous la coupe d'un sociolinguiste. Labov considère "qu’il s’agit là, tout simplement de linguistique "212. " Labov apparaît comme décalé, notamment par son refus d’envisager la sociolinguistique comme autre chose que la linguistique " 213 . Des propos qui rejoignent ceux de J.L.Calvet "La sociolinguistique s’intéresse d’une part aux variations sociales du langage à partir de l'observation de différences langagières liées aux facteurs sociaux, âge, sexe et classe sociale" 214. Elle se donne comme objectif, l'analyse des pratiques sociales en rapport avec le langage des usages en fonction des facteurs individuels socio-situationnels. La linguistique moderne va prendre en charge ces facteurs externes car l’analyse et la description des situations

210 Labov, .W .Sociolinguistique, Présentation de P. Encrevé,. Ed de Minuit, 1976, p.33. 211 Mounin, George.Clefs pour la linguistique, Seghers, p.84.

212 Labov, W. Op . cit . P258.

213Gasquet- Cyrus, M. Sociolinguistique urbaine ou urbanisation de la sociolinguistique ? : Regards critiques et historiques sur la sociolinguistique », Marges linguistiques, n° 3, 2002-5, p. 60.

Disponible sur : http://www.revue-texto.net/Parutions/Marges/00_ml052002.pdf .Consulté le 12 mars 2013.

linguistiques diverses ont montré qu’un grand nombre de ces facteurs externes pouvaient intervenir dans la communication dans une langue donnée.

Les rapports existant entre langage et société relèvent d’abord de la simple observation : le discours de l’ouvrier présent des différences linguistiques repérables avec celui de l’ingénieur ; il en va de même des discours comparés du paysan et du citadin, du prêtre et du

forain, etc.215

La sociolinguistique peut donc se définir globalement comme une partie de la linguistique qui traite des relations entre langue, culture et société.

4.1.2. Rôle de la dialectologie, de la géographie linguistique et de la linguistique