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Organisation interne et mode de présentation des items dans les situations de

Chapitre III La Mémoire Sémantique

2. Le rôle de l’organisation des connaissances sémantiques dans la mémorisation et

2.1. Organisation interne et mode de présentation des items dans les situations de

Les nombreuses études sur l’effet des connaissances sémantiques dans l’apprentissage ont eu pour objectif de spécifier l’organisation de ces connaissances, et d’en montrer l’impact sur la rétention. De nombreux travaux classiques sur la mémoire ont en effet démontré que le rappel des stimuli est fortement amélioré s’il peut se fonder sur une structure a priori. L’expérience de Bousfield (1953) en est un exemple représentatif. Il présente à des participants une liste de 60 mots, appartenant à 4 catégories (animaux, professions, légumes et vêtements), soit 15 mots pour chaque catégorie. L’ordre de présentation est aléatoire (les catégories sont mélangées) et diffère à chaque essai. Les participants doivent rappeler le plus grand nombre possible de mots, dans n’importe quel ordre. L’auteur observe que d’un essai d’apprentissage à l’autre, l’ordre des mots dans les rappels se stabilise progressivement et que les participants ont tendance à regrouper de plus en plus les mots par catégorie au fur et à mesure des essais. Il constate aussi que ceux qui rappellent en succession le plus de mots appartenant à une même catégorie sont ceux qui rappellent le mieux. Bousfield (1953) suggère que ces regroupements d’informations fonctionnent comme des unités en mémoire.

Cette étude ne prend pas en compte l’effet de l’ordre de présentation. Cependant, elle montre que dans le cas d’un apprentissage, l’appartenance de plusieurs items à une même catégorie améliore le rappel et tend à stabiliser l’ordre de rappel sur la base de la structure permanente correspondante, et donc indépendamment de l’ordre de présentation. Cette étude montre donc que lorsque l’ordre de présentation ne correspond pas à la structure existant en MLT, les participants, au cours des essais successifs et grâce à la possibilité de rappeler les items dans un ordre libre, réorganisent les items, changent l’ordre pour qu’il corresponde à cette structure.

Alors que dans l’expérience de Bousfield (1953) les mots étaient présentés de manière aléatoire, Mandler (1967) a avancé l’idée selon laquelle l’organisation hiérarchique des mots à apprendre lors de leur présentation facilite leur rappel. En accord avec cette hypothèse et afin de la vérifier, Bower, Clark, Lesgold et Winzenz (1969) ont réalisé plusieurs expériences en situation de mémorisation différée. Leur objectif est, de façon plus générale, de spécifier la forme que peut prendre l’organisation des représentations catégorielles en mémoire. Ils considèrent comme Collins et Quillian (1969) que les représentations sémantiques sont organisées en mémoire de façon hiérarchique, avec des concepts superordonnés et des

concepts sous-ordonnés. Une des expériences de Bower et al. (1969) consiste à présenter aux participants un ensemble de 26 à 28 mots appartenant tous à la même catégorie sémantique. Ces mots peuvent être hiérarchisés les uns par rapport aux autre s. Deux groupes de participants sont constitués : le premier voit une présentation des mots qui respecte l’organisation hiérarchique, et le second voit les mots présentés de façon aléatoire. Les mots sont présentés un par un, dans une structure à 4 niveaux, qui est celle d’un arbre. Le groupe bénéficiant d’une présentation hiérarchique des mots reçoit donc en même temps deux informations : le mot et sa place dans la structure. Les participants voient successivement 4 catégories sémantiques, ce qui correspond à un total de 112 mots. Le rappel est demandé après un intervalle de rétention de quelques minutes, occupé par une tâche distractrice. Les résultats montrent que le premier groupe, qui avait une présentation du matériel congruente avec l’organisation en MLT, a un rappel largement supérieur (73/112) à celui du second groupe (21/112). L’ordre de rappel montre que le premier groupe présente un rappel hiérarchisé allant du haut vers le bas de l’arbre, comme dans la présentation, et donc que le rappel est organisé par catégorie. Dans 90 % des cas, le rappel d’un superordonné dans ce groupe précède celui d’au moins un des sous-ordonnés. A l’inverse, lorsqu’un superordonné est oublié, ses sous-ordonnés sont très fréquemment oubliés. Ces résultats suggèrent donc que le rappel du superordonné sert d’indice de récupération pour les sous-ordonnés. Le second groupe ne présente pas du tout ce profil de performances : il ne semble pas s’être référé à l’organisation hiérarchique pour mémoriser.

Les auteurs, sur la base de ces résultats, supposent que l’organisation hiérarchique est présente dans la mémoire sémantique, et qu’elle reflète la connaissance du monde. Cette étude montre que l’organisation de la liste améliore sa mémorisation et donc sa rétention, mais elle montre également que les sujets rappellent les mots de la liste en suivant l’ordre de présentation, en allant du superordonné aux sous-ordonnés. Cette organisation des listes, qu’on peut supposer conforme à l’organisation en MLT, semble donc améliorer la rétention non seulement des items mais aussi de l’ordre.

Bower et al. (1969) ne se sont pas seulement centrés sur les relations taxonomiques, ils ont également étudié les relations thématiques. Ils se sont intéressés à la nature des relations qui gouvernent les hiérarchies à apprendre, en réalisant une expérience qui comparait des relations thématiques et des relations taxonomiques. Ils ont montré ainsi que les hiérarchies associatives, dans lesquelles les mots sont simplement associés les uns aux autres selon différentes relations (spatiales ou fonctionnelles, …) impliquant l’existence de plusieurs relations dans une même liste, sont plus faciles à mémoriser par rapport à une situation

contrôle (listes de mots sans lien sémantique), mais que cette facilitation est moins importante que celle provoquée par des hiérarchies conceptuelles, qui sont gouvernées par une relation unique (la taxonomie). Cette expérience montre donc l’importance de l’organisation hiérarchique dans les représentations catégorielles, par rapport aux concepts reliés thématiquement.

Les travaux d’Ehrlich (1976) portent également sur la mémorisation de catégories. Dans une de ses expériences, le matériel est constitué de 3 catégories de 16 mots (animaux, récipients, véhicules), soit un total de 48 mots. Chaque catégorie peut être subdivisée en 2 sous-catégories de 8 mots, en fonction d’un critère dont la nature varie selon les conditions expérimentales. Les mots de chaque catégorie peuvent donc être présentés de 3 façons :

- pas de distinction, c’est-à-dire que les termes de la catégorie sont mélangés dans la présentation ;

- distinction « quantitative », où chaque catégorie est présentée de la façon suivante : animaux lourds / légers, véhicules lents / rapides, récipients à faible / forte contenance ;

- distinction « qualitative » : animaux domestiques / sauvages, véhicules aériens / terrestres, récipients à liquide / solide.

La nature de la distinction, quantitative ou qualitative, dans chaque catégorie est annoncée dans la consigne. L’organisation des listes catégorielles est manipulée lors de la présentation : soit l’ordre est aléatoire et variable d’un essai à l’autre, soit il est aléatoire mais constant d’un essai à l’autre, soit l’ordre est constant et hiérarchisé selon la variable quantitative (poids, vitesse, contenance). Les résultats montrent qu’il est plus facile d’apprendre et de retenir des mots d’une même catégorie lorsque ceux-ci sont subdivisés en sous-groupes catégoriels différents. Ils révèlent également qu’il est plus facile d’apprendre une liste lorsque celle-ci est présentée dans un ordre stable (ordre aléatoire mais constant d’un essai à l’autre et ordre constant et hiérarchisé) que lorsqu’elle est présentée en désordre.

Les travaux d’Ehrlich (1976) montrent donc que si le mode de présentation du matériel suit une organisation sur la base de certaines relations sémantiques entre les éléments, l’apprentissage est facilité et le rappel amélioré. Dans cette expérience, les exemplaires d’une même catégorie sont divisés en deux sous-catégories : l’auteur a ainsi tenté d’introduire une structure dans l’ensemble des exemplaires de chaque catégorie et il a montré qu’il est plus facile d’apprendre et de retenir les objets d’une même catégorie lorsque ceux-ci sont subdivisés en sous-groupes catégoriels différents que lorsqu’ils sont mélangés, sans distinction. Les exemplaires d’une catégorie qui sont présentés de façon aléatoire dans une

liste (et non subdivisés) sont moins bien rappelés. On peut donc supposer que ces listes ne possèdent pas de structure, contrairement aux listes où les exemplaires sont subdivisés en deux groupes.

Les recherches de Moreau (1973) consacrées à l’étude du rôle du schéma dans l’acquisition et l’évocation des informations présentent également un grand intérêt. Il a montré comment un schéma intériorisé, celui de la carte de France, permet en tant que support figuratif la mise en œuvre de certains schèmes pouvant améliorer la rétention. Le matériel était constitué de 45 noms de villes de France. Dans une condition, les noms de ville suivaient l’ordre d’un tour de France, et dans une seconde condition, l’ordre était imprévisible pour les sujets. La première situation améliorait de façon significative la rétention, que les sujets soient placés en rappel libre ou en rappel ordonné. Ceci montre que le nombre de réponses évoquées par les sujets est en relation avec le nombre de réponses ordonnées, et donc que les sujets utilisent la relation d’ordre fournie par le tour de France comme mode privilégié de structuration des informations. Cette étude montre donc que l’efficacité d’un schéma intériorisé pour la rétention est fonction de l’organisation des informations présentées : on observe que l’organisation de la liste suivant celle des connaissances en mémoire sémantique (l’organisation ici est représentée par la proximité spatiale des villes qui se succèdent et par la route linéaire qui en découle) améliore de façon significative la rétention de l’ordre. Elle montre l’importance de l’ordre, de l’organisation des connaissances dans la mémorisation.

L’ensemble de ces études montrent que l’existence en mémoire permanente d’une structure sur laquelle les participants peuvent s’appuyer pour retenir les listes facilite la mémorisation : Bousfield (1953) montre que les participants s’appuient sur cette structure permanente pour organiser les items et améliorer leur rappel. Mais cette facilitation est encore plus grande si les modalités de présentation des items prennent en compte cette structure, c’est-à-dire si lors de la présentation, les items suivent le même ordre que celui de la structure permanente. L’importance de cette prise en compte de l’organisation dès la présentation s’observe dans les expériences de Moreau (1973) et de Bower et al. (1969) : présence ou non à la présentation des items de l’organisation hiérarchique catégorielle, qui va d’une catégorie large à des catégories de plus en plus restreintes, pour aboutir à des exemplaires de ces catégories.

2.2. Vers une spécification des effets sémantiques sur les effets d’ordre en mémoire