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Chapitre II Les connaissances sémantiques en rappel sériel immédiat : leurs effets sur

4. Les conceptions théoriques sur l’ordre

4.1. L’hypothèse d’association inter-items

Cette conception, la plus ancienne, provient des études sur la mémoire réalisées par Ebbinghaus (1913). Il affirme que l’apprentissage sériel consiste principalement à former des associations entre les items adjacents. Cependant, cet auteur suppose que les associations entre les items adjacents ne sont pas le seul mécanisme pour apprendre l’ordre sériel, il suggère que les items d’une liste sont associés à tous les autres items, c’est-à-dire qu’il existerait également des associations entre des items non adjacents, des associations à distance, et que ces dernières joueraient également un rôle important, bien que secondaire, dans l’apprentissage sériel. Lewandowsky et Murdock (1989), puis Murdock (1993) soutiennent cette conception et vont proposer un modèle (TODAM2) plus pur et plus détaillé que celui d’Ebbinghaus (1913). Ils supposent également que l’apprentissage sériel est basé exclusivement sur les associations entre les items adjacents, mais ils excluent l’utilisation d’associations à distance. Ces auteurs affirment qu’au moment du rappel la récupération suit l’enchaînement des associations. D’après cette théorie, un sujet qui voit la liste sérielle « fug – mis – ped – luh – zif – moq – siw – jub » l’apprend en faisant les associations suivantes « fug et mis, mis et ped, ped et luh » et ainsi de suite.

Cette hypothèse, compatible avec une grande partie des données de la littérature, peut être considérée comme toujours valide. Elle permet de rendre compte de l’effet de position sérielle, et peut expliquer le fait que les participants peuvent rarement préciser avec exactitude la position d’un item, car cela nécessite de compter le nombre de liens traversés. Cette hypothèse n’explique cependant pas tous les effets observés. L’effet de distance par exemple montre que le sujet répond plus vite pour dire que deux items pris dans la liste présentée sont dans l’ordre lorsqu’ils sont distants l’un de l’autre, que lorsqu’ils sont adjacents (Marshuetz, Smith, Jonides, DeGutis & Chenevert, 2000), alors que la théorie prédirait que le temps de réponse serait plus rapide pour les items adjacents que pour les items distants. De même, ce mécanisme d’association inter-items suppose que si un item n’est pas récupéré, il ne peut pas

servir d’indice pour le suivant et ce dernier ne sera alors pas rappelé. Or, Baddeley (1968) n’observe pas cet effet. Dans une expérience où il utilise des listes mixtes dans lesquelles des lettres similaires alternent avec des lettres dissimilaires phonologiquement, il observe un plus grand nombre d’erreurs pour les lettres similaires, mais pas pour les lettres dissimilaires qui les suivent. Il observe également que les lettres dissimilaires des listes mixtes sont aussi bien rappelées que celles des listes entièrement dissimilaires. Ces résultats suggèrent que la récupération d’un item n’est pas liée au succès de la récupération de l’item précédent. Cette hypothèse ne permet pas non plus d’expliquer l’effet de similarité phonologique. Elle prédit que le rappel sera meilleur pour des listes composées uniquement d’items phonologiquement dissimilaires que pour des listes composées à la fois d’items phonologiquement similaires et dissimilaires, parce que la confusion due à la similarité des indices de récupération est alors minimisée. Farrell et Lewandowsky (2003) observent au contraire que le rappel des items dissimilaires phonologiquement est meilleur dans les listes mixtes (avec items similaires) que dans les listes pures.

Cette théorie, toujours d’actualité, ne permet donc pas d’expliquer tous les effets observés sur l’ordre. Ceci suggère soit que cette théorie est inexacte, soit qu’elle doit être complétée par d’autres mécanismes permettant également de coder l’ordre, et selon les situations le participant utiliserait le processus le plus efficace. Toutefois, cette théorie a l’avantage de prendre en compte aussi l’information d’item. Elle permet donc d’expliquer l’effet de la force des liens associatifs dans les listes sémantiques. A partir de cette théorie, on peut prédire que si les liens entre les items adjacents existent au préalable, ils devraient faciliter le rappel de l’ordre. Cette théorie peut donc expliquer les effets de chunking, mais également l’avantage des listes composées de plusieurs catégories dans lesquelles les mots appartenant à une même catégorie sont regroupés par rapport à des listes dans lesquelles les mots d’une même catégorie sont séparés : les liens sémantiques forts que possèdent les items adjacents entre eux facilitent leur rappel. Ceci est vrai dans le cas de listes composées de plusieurs groupes ; mais dans le cas où les listes sont composées d’un seul groupe, comme les listes composées d’une seule catégorie, le lien sémantique que possèdent les items entre eux étant le même pour tous, il va gêner l’association inter-items en entraînant des confusions, d’où une augmentation des erreurs d’ordre. Il semble donc que l’information d’item et l’information d’ordre soient en étroite relation, puisque ce sont les caractéristiques des items qui entraînent les erreurs d’ordre. Cependant, une hypothèse en terme d’association entre les items adjacents semble insuffisante car, dans les listes composées de plusieurs catégories, il semble que ce soit le changement de catégorie qui entraîne un bénéfice sur l’ordre, comme si

les participants retenaient d’abord les différents groupes et leur ordre, puis les items du groupe et leur position dans le groupe.

Les nombreuses données remettant en cause ces modèles d’associations inter-items ont conduit un certain nombre d’auteurs à élaborer de nouveaux modèles portant sur le codage de l’ordre, qui se basent cette fois-ci sur l’association entre chaque item et sa position.