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Le rôle des connaissances sémantiques dans la mémorisation de l'ordre en mémoire à court terme

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Ecole Doctorale : Cognition, Comportements, Langage(s)

Centre de Recherches sur la Cognition et l’Apprentissage (CeRCA) / CNRS UMR 6234

Le rôle des connaissances sémantiques

dans la mémorisation de l’ordre

en mémoire à court terme

Thèse pour l’obtention du grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE POITIERS Mention Psychologie

Présentée publiquement par Laëtitia PERRIN

Sous la direction de Daniel GAONAC’H et Jean-Pierre THIBAUT

Jury

Mme Françoise CORDIER Professeur Université de Poitiers Mr Daniel GAONAC’H Professeur Université de Poitiers

Mr Steve MAJERUS Chercheur FNRS Université de Liège, Belgique

Mme Marie POIRIER Senior Lecturer Université de Londres, Royaume-Uni Mr Jean-Pierre THIBAUT Professeur Université de Bourgogne

(2)

Le rôle des connaissances sémantiques

dans la mémorisation de l’ordre en mémoire à court terme

Résumé : Le rôle des connaissances sémantiques a récemment été mis en évidence dans le fonctionnement de la mémoire à court terme, notamment par les effets de lexicalité, de concrétude, de catégorisation. Toutefois, alors que l’ensemble des données montrent un avantage de ces connaissances sur le rappel des items, leurs effets en ce qui concerne l’information d’ordre ne sont pas encore déterminés : elles provoquent un désavantage ou bien elles n’ont aucun effet. L’objectif de cette recherche était de déterminer l’impact des connaissances sémantiques sur le rappel de l’information d’ordre à court terme, et plus précisément de montrer que la prise en compte de leur structure peut influencer positivement ce rappel. Pour cela, une tâche de rappel sériel immédiat est proposée portant sur différents facteurs sémantiques et leur organisation existante en mémoire à long terme. Sept expériences, dont 3 ont fait l’objet de réplication, ont été réalisées : les quatre premières portent sur des associations thématiques, la cinquième tente de donner une organisation aux listes catégorielles utilisées classiquement, et les deux dernières portent sur les scripts, information qui accorde un rôle prépondérant à l’ordre. Nos résultats me ttent en évidence que : 1) la présence d’une organisation, correspondant à celle de la mémoire à long terme, dans les listes sémantiques améliore le rappel de l’ordre, 2) la récupération d’un item est basée sur les liens associatifs inter-items, contrairement aux modèles de Saint-Aubin, Ouellette et Poirier (2005) et Haarmann et Usher (2001), 3) l’intervention des connaissances sémantiques dans le fonctionnement de la mémoire à court terme se fait dès l’encodage, contrairement au modèle de Saint-Aubin, Ouellette et Poirier, (2005).

Mots-clés : mémoire à court terme, mémoire à long terme, connaissances sémantiques, information d’ordre.

The role of semantic knowledge on order storage in short-term memory

Abstract: The contribution of semantic knowledge in short-term memory has been recently pointed out (e.g., lexicality, concreteness and categorical effects). Many studies reported a positive effect of these factors on items recall, however the potential effect on order information remains a matter of controversy: they elicit a disadvantage or they have no effect. The goal of this research was to determine the impact of semantic knowledge on the short-term recall of order information. More precisely, the hypothesis was that a pre-organized structure for long-term memory information can improve the order re call. In this thesis, seven immediate serial recall task experiments are reported. Among them, three experiments were replicated. The four initial experiments examined the contribution of thematic associations. In the fifth experiment, an organization was assigned to categorical lists, and the two last experiments concerned scripts (i.e., information attaching a predominant role to the order). Three main results were obtained. First, the presence of an organization, corresponding to the one of long-term memory, in semantic lists can improve the order recall. Second, item retrieval is based on the associative links between items, contrary to models of Saint-Aubin, Ouellette and Poirier (2005) and Haarmann and Usher (2001). Third, there is an early contribution (i.e., during encoding) of semantic knowledge in the short-term memory, contrary to model of Saint-Aubin, Ouellette and Poirier (2005).

(3)

Sommaire

Introduction générale

... 1

Partie théorique

... 7

Chapitre I La Mémoire à Court Terme

... 8

1. La dichotomie mémoire à court terme / mémoire à long terme...8

1.1. Les fondements théoriques et empiriques... 8

1.2. Le modèle modal d’Atkinson et Shiffrin (1968)... 12

2. Mémoire à court terme / mémoire de travail...14

2.1. Distinction mémoire à court terme / mémoire de travail ... 15

2.2. Le modèle de la mémoire de travail de Baddeley et Hitch (1974) ... 16

2.2.1. La boucle phonologique ...17

2.2.2. Le calepin visuo-spatial...19

2.2.3. L’administrateur central ...19

3. Mémoire de travail et mémoire à long terme...20

3.1. La capacité de la mémoire à court terme – le chunking ... 21

3.2. Mémoire de travail et vocabulaire... 22

3.3. La mémoire experte... 24

4. Conclusion...26

Chapitre II Les connaissances sémantiques en rappel sériel immédiat : leurs effets sur l’information d’item et sur l’information d’ordre

... 29

1. Les connaissances sémantiques dans la mémorisation à court terme...31

1.1. Les premières études sur la similarité sémantique dans la mémorisation à court terme ... 31

1.2. L’apport de la neuropsychologie ... 35

2. L’effet des connaissances sémantiques sur le rappel à court terme de l’information d’item...39

2.1. Les différents effets des connaissances sémantiques en mémoire à court terme... 39

2.1.1. L’effet de lexicalité ...39

2.1.2. L’effet de fréquence ...41

2.1.3. L’effet de concrétude ...42

2.1.4. L’effet de la dimension émotionnelle ...43

2.1.5. L’effet de catégorisation ou « similarité sémantique » ...43

2.2. Les conceptions théoriques de la mémoire à court terme ... 45

(4)

2.2.1.1. Le modèle de Cowan (1988) ...45

2.2.1.2. Le modèle d’activation interactive de N. Martin et Saffran (1992) ...47

2.2.2. Les modèles à composantes multiples ...49

2.2.2.1. Le modèle révisé de Baddeley (2000)...50

2.2.2.2. Le modèle interactif de R. C. Martin, Lesch et Bartha (1999) ...52

2.2.2.3. Les modèles basés sur la rédintégration...55

3. L’effet des connaissances sémantiques sur le rappel à court terme de l’information d’ordre...56

3.1. Effet négatif … ... 56

3.2. … absence d’effet …... 58

3.3. … ou effet positif ? ... 59

3.4. Conclusion ... 60

4. Les conceptions théoriques sur l’ordre...61

4.1. L’hypothèse d’association inter-items ... 63

4.2. L’hypothèse d’association item - position... 65

4.3. L’hypothèse hiérarchique de l’apprentissage sériel... 66

4.4. Conclusion : les modèles basés sur la rédintégration, une explication pour les effets sur le rappel de l’ordre ? ... 67

5. Une interprétation des différences entre les études sur le rappel d’ordre à court terme...70

5.1. La procédure... 71

5.2. L’analyse des erreurs d’ordre ... 73

5.3. Le matériel... 75

6. Conclusion...78

Chapitre III La Mémoire Sémantique

... 79

1. L’organisation des connaissances en mémoire sémantique...81

1.1. Les relations taxonomiques ... 81

1.2. Les relations thématiques... 83

1.3. Les scripts... 86

2. Le rôle de l’organisation des connaissances sémantiques dans la mémorisation et l’apprentissage...88

2.1. Organisation interne et mode de présentation des items dans les situations de rappel différé ... 89

2.2. Vers une spécification des effets sémantiques sur les effets d’ordre en mémoire à court terme ... 93

3. Conclusion...95

Partie expérimentale

... 97

(5)

Méthode d’analyse...102

Les erreurs d’ordre... 102

Les erreurs d’item... 106

Chapitre IV : L’effet des associations thématiques sur le rappel de l’ordre des items

109

1. Expérience 1 : listes thématiques / listes sans lien sémantique...111

1.1. Expérience 1a : rappel oral... 112

1.1.1. Méthode... 112

1.1.2. Résultats ... 115

1.1.3. Discussion... 122

1.2. Expérience 1b : rappel écrit ... 125

1.2.1. Méthode... 125 1.2.2. Résultats ... 126 1.2.3. Discussion... 131 1.3. Expérience 1c : contrôle... 134 1.3.1. Méthode... 134 1.3.2. Résultats et discussion... 135 1.4. Conclusion ... 137

2. Expérience 2 : listes thématiques / listes catégorielles / listes sans lien sémantique...138

2.1 Expérience 2a : rappel oral... 139

2.1.1. Méthode... 139

2.1.2. Résultats ... 142

2.1.3. Discussion... 148

2.2. Expérience 2b : rappel écrit ... 152

2.2.1. Méthode... 152

2.2.2. Résultats ... 153

2.2.3. Discussion... 162

3. Expérience 3 : listes thématiques / listes de 3 catégories / listes sans lien sémantique...169

3.1. Expérience 3a : rappel oral... 169

3.1.1. Méthode... 169

3.1.2. Résultats ... 172

3.1.3. Discussion... 178

3.2. Expérience 3b : rappel écrit ... 182

3.2.1. Méthode... 182

3.2.2. Résultats ... 183

(6)

4. Expérience 4 : manipulation des listes thématiques...196

4.1. Méthode ... 197

4.2. Résultats ... 202

4.3. Discussion... 219

5. Conclusion...226

Chapitre V : Les catégories et les scripts

... 230

1. Expérience 5 : tentative d’organisation des listes catégorielles...232

1.1. Méthode ... 233

1.2. Résultats ... 236

1.3. Discussion... 246

2. Expérience 6 : listes de script / listes sans lien sémantique...255

2.1. Méthode ... 256

2.2. Résultats ... 259

2.3. Discussion... 266

3. Expérience 7 : listes de script / listes catégorielles / listes sans lien sémantique...272

3.1. Méthode ... 273

3.2. Résultats ... 275

3.3. Discussion... 284

4. Conclusion...293

Discussion générale et Conclusion

... 297

1. Résumé des principales données recueillies...298

2. L’influence des connaissances sémantiques sur le rappel à court terme...304

3. L’influence des connaissances sémantiques sur le rappel à court terme de l’ordre...306

3.1. L’effet des listes catégorielles sur le rappel à court terme de l’ordre... 306

3.2. L’effet de l’organisation des connaissances sémantiques de la mémoire à long terme sur le rappel à court terme de l’ordre... 308

4. Les effets des connaissances sémantiques sur les positions sérielles : effet de primauté et/ou de récence ?...313

5. La mémorisation des listes : basée sur les items eux-mêmes ou sur l’association inter-items ?...315

6. L’intervention des connaissances sémantiques : à l’encodage ou à la récupération ?...320

7. Conclusion...323

Bibliographie

... 330

(7)

Introduction générale

Dans les théories classiques (Atkinson & Shiffrin, 1968 ; Baddeley, 1986 ; Warrington & Shallice, 1969), la mémoire est le plus souvent dissociée en deux systèmes : la mémoire à court terme ou mémoire primaire, et la mémoire à long terme ou mémoire secondaire. Ces deux systèmes sont en général considérés comme distincts et indépendants. La mémoire à court terme (MCT) y est définie comme une unité de stockage rapide et limitée, dépendant principalement du codage phonologique, tandis que la mémoire à long terme (MLT) y apparaît comme un système de stockage illimité, utilisant préférentiellement le codage sémantique.

Cette dichotomie peut toujours être considérée comme pertinente : on dispose effectivement d’un certain nombre de données empiriques qui l’étayent (Glanzer, 1972 ; Murdock, 1965). Il semble cependant difficile de considérer ces deux entités comme entièrement séparées. De nombreux travaux, souvent négligés jusque-là, ont mis notamment en évidence l’intervention de la MLT et le rôle du codage sémantique dans le fonctionnement de la MCT.

C’est le cas par exemple du texte classique de Miller (1956), qui s’est intéressé aux limites des capacités perceptives et mnésiques. Ce texte est souvent présenté comme un texte fondateur de la notion de MCT, mais les choses ne sont pas aussi simples. A partir d’une synthèse de données expérimentales existantes, il a argumenté en effet que la capacité limitée de la MCT pouvait être augmentée si la suite d’items présentée était porteuse de sens. Par exemple, le rappel d’une suite de lettres sera beaucoup plus élevé si cette séquence représente des mots signifiants ou des emblèmes connus et donc stockés en MLT (par exemple SNCFPDG est plus facile à retenir que SDCNGFP). Miller (1956) précisait que la capacité de la MCT est de l’ordre de 7 ± 2 « chunks », un chunk représentant le regroupement d’un nombre plus ou moins grand d’éléments existant en MLT (1789 est un chunk de 4 chiffres pour les Français par exemple).

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Le rôle de la MLT sur le rappel immédiat a été cependant négligé pendant de longues années. En effet, de nombreuses études, comme celles de Baddeley (1966a, 1966b), Conrad (1964) et Glanzer, (1972), ont révélé que la MLT et la MCT étaient affectées par des facteurs différents : Baddeley (1966b) a notamment montré que la MLT était perturbée par la similarité sémantique mais pas par la similarité phonologique des éléments à mémoriser, tandis que la MCT était gênée par la similarité phonologique, mais pas ou peu par la similarité sémantique. Baddeley et Hitch (1974) ont, sur la base de cette dissociation, interprété le caractère limité de la MCT en terme de déclin de la trace : ils supposaient que la capacité de stockage à court terme est limitée par la vitesse d'articulation, qui interviendrait dans l’efficacité d’un processus de récapitulation mentale. Cependant, cette hypothèse est plus récemment devenue obsolète, car elle ne permet pas d’expliquer des données recueillies dans d’autres cadres : il s’agit de la supériorité du rappel des mots sur celui des non-mots (Brown & Hulme, 1995) et du meilleur rappel des mots fréquents par comparaison à des mots non fréquents (Neath & Nairne, 1995 ; Watkins & Watkins, 1977).

C’est en effet surtout à partir des années 1990 que la contribution de la MLT dans le fonctionnement de la mémorisation à court terme a réellement été prise en compte, et que les études concernant cette hypothèse se sont multipliées. Hulme, Maughan et Brown (1991), par exemple, ont mis en évidence une supériorité du rappel immédiat de mots sur celui de non-mots, témoignant du rôle de représentations lexicales (donc de la MLT) dans le rappel immédiat. Si le rôle de la MLT a été ainsi rapidement accepté, celui des représentations sémantiques de la MLT l’a été plus difficilement. En effet, dans un premier temps, les effets ont été uniquement attribués aux représentations phonologiques de la MLT : Hulme, Maughan et Brown (1991) émettent ainsi l’hypothèse que la supériorité des mots sur les non-mots provient des représentations phonologiques existantes. Ils nient, dans cette étude, l’influence de la signification, c’est-à-dire des représentations sémantiques existantes en MLT. Mais cette position n’a pas été maintenue longtemps. En effet, de nombreux travaux, manipulant la relation sémantique entre les items d’une liste à mémoriser, ont montré une supériorité des listes de mots appartenant à une même catégorie sémantique, par rapport à des listes dont les mots appartiennent à des catégories différentes (Crosson et al., 1999 ; Fradet, Gil & Gaonac’h, 1996 ; Haarmann & Usher, 2001 ; Huttenlocher & Newcombe, 1976 ; Poirier & Saint-Aubin, 1995). Ces études confirment donc l’impact des représentations sémantiques de la MLT sur la mémorisation à court terme : l’appartenance des items à un même champ sémantique facilite la mémorisation en réduisant l’espace de recherche en MLT.

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Il faut relever que la MCT est principalement mesurée par des tâches de rappel sériel immédiat dans lesquelles il est demandé au sujet de rappeler une série d’items dans l’ordre où elle a été présentée. Deux paramètres sont donc importants : les items présentés et l’ordre de cette présentation. Souvent confondus dans les études, il est pourtant important de dissocier ces paramètres car ils sont sensibles à des facteurs différents. Les études portant sur l’effet de la similarité phonologique, notamment, montrent que si les listes similaires phonologiquement sont moins bien rappelées que les listes dissimilaires, c’est parce qu’elles induisent de nombreuses erreurs d’ordre (Wickelgren, 1965). Le nombre d’items rappelés, quant à lui, est équivalent, voire supérieur pour ces listes par rapport aux listes dissimilaires. Concernant la similarité sémantique, une dissociation est également observée entre les informations d’ordre et d’items. Les listes dont les mots appartiennent à une même catégorie ont un rappel des items supérieur aux listes dont les mots appartiennent à des catégories différentes, et les erreurs d’ordre qu’elles induisent sont plus nombreuses ou équivalentes à ces dernières. Ces résultats montrent que l’avantage des listes similaires sémantiquement provient de l’information d’item, tandis que le désavantage des listes similaires phonologiquement provient de l’information d’ordre.

Il existe donc une dissociation entre l’information d’ordre et l’information d’item. Elle peut d’ailleurs être appuyée par d’autres données classiques. Henderson et Matthews (1970) par exemple montrent que ces deux types d’informations ne sont pas influencés par les mêmes facteurs : c’est ainsi que l’information d’ordre, qui peut être perturbée par une vitesse de présentation rapide, serait codée plus lentement que l’information d’item. Ces études ont conduit de nombreux auteurs à considérer ces deux informations séparément et à élaborer des conceptions théoriques centrées sur la mémoire de l’ordre (Marshuetz, 2005). Mais les prédictions générales de ces modèles ne prennent pas en compte la nature du matériel alors même que les travaux classiques auxquels nous nous sommes référée ci-dessus montrent que l’information d’ordre n’a pas le même statut selon que la construction du matériel induit des similarités de nature sémantique ou phonologique.

Les modèles basés sur la rédintégration (Nairne, 1990 ; Saint-Aubin, Ouellette & Poirier, 2005 ; Saint-Aubin & Poirier, 1999, 2000) peuvent constituer une réponse à cette critique. Ils considèrent que lorsque les traces stockées en MCT (fondées sur des caractéristiques phonologiques) se dégradent, elles sont comparées aux représentations à long terme pour être reconstruites. Ces modèles cherchent donc à rendre compte de l’intervention de la MLT en postulant un processus de rédintégration des traces, qui expliquerait les effets de lexicalité et de catégorisation sur l’information d’item. Ils tentent également de rendre

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compte de l’effet des connaissances sémantiques sur l’information d’ordre : ils postulent que l’ordre est stocké dans les traces phonologiques de la MCT et que les erreurs d’ordre proviennent de la reconstruction des traces dégradées en référence à des caractéristiques lexico-sémantiques qui, elles, ne sont pas ordonnées. Mais ce raisonnement s’est rapidement heurté à une difficulté importante, car les recherches empiriques qui en ont découlé ont abouti à des résultats contradictoires : en effet, les effets des facteurs sémantiques sur le rappel d’ordre ne sont pas tous identiques s’agissant de la catégorisation par exemple (listes de mots appartenant à la même catégorie versus listes de mots appartenant à des catégories différentes), on observe parfois une absence d’effet de ce facteur sur l’ordre, et parfois un effet négatif (la similitude augmentant les erreurs d’ordre). On doit de plus relever que les facteurs sémantiques pris en compte n’aboutissent jamais à une amélioration du rappel de l’ordre, ce qui peut paraître surprenant au regard de ce qu’on connaît de l’importance des facteurs d’organisation dans le fonctionnement de la MLT : on peut légitimement se demander pourquoi ces facteurs ne pourraient jouer positivement dans le fonctionnement de la MCT. Cette incohérence et cette difficulté d’interprétation constituent le point de départ de cette thèse.

Notre hypothèse générale est que les représentations sémantiques de la MLT n’ont pas nécessairement un effet délétère sur le rappel à court terme de l’information d’ordre, et que la prise en compte de leur structure pourrait au contraire influence r positivement ce rappel. Pour tester cette hypothèse, nous chercherons à préciser le rôle des connaissances sémantiques de la MLT dans le rappel à court terme de l’information d’ordre : nous nous proposons d’élargir ce champ d’étude à d’autres facteurs sémantiques que la taxonomie, afin de tester la généralité des effets habituellement obtenus.

Le travail présenté ici est divisé en six chapitres : trois chapitres théoriques, deux chapitres expérimentaux et la discussion générale.

Dans le premier chapitre, nous présenterons les caractéristiques de la MCT. Nous commencerons par un rappel historique des travaux portant sur la mémoire, et développerons le modèle classique d’Atkinson et Shiffrin (1968). Nous détaillerons les données expérimentales qui ont contribué à constituer la dichotomie MCT / MLT : ces données ont permis l’élaboration de ce modèle, mais ont également contribué à sa remise en cause. Puis nous développerons le modèle de la mémoire de travail de Baddeley (1986), issu en partie de ces données. Nous verrons que l’influence prépondérante de ce modèle a souvent conduit à négliger la question des relations potentielles entre la MCT et la MLT. Enfin, nous aborderons

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les données expérimentales qui ont conduit à prendre en compte la relation entre la mémoire de travail et la MLT. Ces données prennent en compte notamment les caractéristiques sémantiques du matériel.

Le deuxième chapitre sera consacré à la distinction entre deux aspects de la mémorisation à court terme : le rappel des items et le rappel de l’ordre. Nous verrons en particulier que les effets des caractéristiques sémantiques du matériel sont distincts selon qu’on s’intéresse à l’information d’item ou à l’information d’ordre : les données empiriques rapportent un effet positif des connaissances sémantiques sur le rappel à court terme des items, et un effet négatif ou absent sur le rappel de l’ordre. Ce constat a conduit de nombreux auteurs à concevoir des modèles spécifiques tentant de rendre compte des effets d’ordre. Nous présenterons ces modèles et principalement ceux basés sur les associations inter-items et les associations item - position. Nous nous interrogerons sur la possibilité pour ces modèles de rendre compte des données relatives à la similarité sémantique : il s’avère en effet qu’ils ne prennent pas en compte la nature des items. Sur cette base, nous présenterons une conception théorique qui dissocie également les informations d’ordre et d’items, mais présente l’avantage de les prendre en compte toutes les deux. Il s’agit des modèles basés sur le concept de rédintégration (Nairne, 1990 ; Saint-Aubin, Ouellette & Poirier, 2005 ; Saint-Aubin & Poirier, 1999, 2000), qui tentent de rendre compte des effets des connaissances sémantiques sur les rappels d’items et d’ordre. Les travaux issus de ces modèles se trouvent confrontés à l’hétérogénéité des données concernant les listes sémantiquement similaires : selon les études, pas d’effet ou un effet négatif sur le rappel de l’ordre. Nous essaierons dans un premier temps d’expliquer cette hétérogénéité en comparant les méthodologies employées par les différents auteurs ; nous verrons qu’elles diffèrent notamment sur le matériel et les analyses effectuées. Mais nous verrons que les questions méthodologiques ne permettent pas d’expliquer toutes les divergences. Il nous a semblé nécessaire d’approfondir aussi la question de la nature des caractéristiques sémantiques du matériel utilisé.

C’est pour cette raison que le troisième chapitre est consacré à la mémoire sémantique. Au vu de la littérature portant sur le rôle des connaissances sémantiques dans la MCT, nous constatons en effet que les auteurs qui ont travaillé dans ce champ se limitent le plus souvent à quelques types de propriétés sémantiques, la concrétude et la catégorisation. Notre hypothèse est que si la construction du matériel à mémoriser se réfère à des propriétés relatives à l’ordre des éléments utilisés, comme c’est le cas pour certaines relations thématiques, pour les schémas et les scripts, le rappel de l’ordre pourrait être favorisé y compris lors du rappel à court terme de listes présentant de telles propriétés. Ce raisonnement

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s’appuiera sur des données issues des travaux classiques sur l’apprentissage et la MLT, mais sur de (rares) travaux qui relèvent de l’étude du rappel à court terme.

Sur la base de ces analyses, nous avons mené des expériences qui seront présentées dans les deux chapitres suivants. Ces expériences tentent de déterminer les effets des connaissances sémantiques sur le rappel d’ordre à court terme, et plus particulièrement l’impact d’une organisation préexistante. Nous étudierons, dans un premier temps, les relations thématiques : nous comparerons des listes possédant des relations thématiques, dans lesquelles une organisation est présente, avec des listes dissimilaires sémantiquement et des listes dont les mots appartiennent à la même catégorie. Dans un deuxième temps, nous utiliserons des listes basées sur l’appartenance catégorielle. Nous tenterons de leur donner une organisation, et nous comparerons nos résultats à ceux obtenus dans la littérature avec les mêmes listes mais non structurées. Enfin, nous prendrons en compte un autre type d’information sémantique qui possède une forte organisation, les scripts.

En conclusion générale, nous présenterons une synthèse des résultats expérimentaux obtenus dans ce travail. Nous les rapporterons à notre hypothèse générale, et les interpréterons dans le cadre des modèles basés sur la rédintégration.

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(14)

Chapitre I

La Mémoire à Court Terme

L’objectif de ce chapitre est de retracer le parcours historique des études sur la MCT, depuis la distinction de cette entité par rapport à la MLT, jusqu’aux modèles théoriques qui cherchent à rendre compte de son organisation et de son fonctionnement. Dans un premier temps, nous exposerons donc les données empiriques qui ont conduit à la distinction entre MCT et MLT. Ces données sont à l’origine de plusieurs modèles théoriques que nous évoquerons dans un second temps : le modèle modal d’Atkinson et Shiffrin (1968) et le modèle de la mémoire de travail de Baddeley (1986 ; Baddeley & Hitch, 1974). A travers le modèle de Baddeley (1986), nous décrirons les composantes de la mémoire de travail, notion remplaçant très tôt celle de MCT. Puis nous terminerons en évoquant des études qui ont été prises en compte tardivement dans la littérature, et qui révèlent l’existence de relations entre la MCT et la MLT. Nous montrerons ainsi que ces deux systèmes ne sont pas aussi indépendants que le supposait la littérature à l’origine.

1. La dichotomie mémoire à court terme / mémoire à long terme

1.1. Les fondements théoriques et empiriques

L’intérêt porté à la mémoire relève exclusivement du domaine de la philosophie jusqu’à la fin du XIXème siècle. A cette époque, c’est Ebbinghaus (1885) qui le premier la prend comme sujet d’étude scientifique. Pour l’évaluer, il utilisa les méthodologies employées dans le domaine de la perception. Il se prit lui-même comme sujet et tenta d’apprendre de longues listes de syllabes. Ebbinghaus (1885) s’aperçut que lorsqu’il tentait d’apprendre une liste, le premier essai donnait toujours un rappel de syllabes équivalent, de l’ordre de 7 syllabes en moyenne, et que la présentation répétée de la liste permettait d’augmenter ce rappel. Il observa donc la mise en œuvre de deux systèmes différents qui furent appelés

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quelques années plus tard « mémoire primaire » et « mémoire secondaire » (James, 1890). La mémoire primaire est considérée comme un système de stockage rapide mais limité, tandis que la mémoire secondaire paraît, elle, illimitée.

Le début du XXème siècle ne s’intéresse plus à ce concept de mémoire. Le béhaviorisme, avec l’apparition de mesures dites objectives remplaçant l’introspection, s’intéresse au conditionnement du comportement et écarte ce concept des notions psychologiques. Il faut attendre les années 1960, avec l’émergence de la psychologie cognitive, pour que les chercheurs étudient à nouveau le concept de mémoire. Ils s’intéressent à la boîte noire, au fonctionnement mental, et plus particulièrement aux stratégies mises en place lors d’un apprentissage. Les auteurs reprennent la distinction proposée par James (1890), qui séparait la mémoire en deux systèmes principaux : la mémoire primaire appelée plus tard MCT et la mémoire secondaire ou MLT. De nombreux arguments viennent confirmer cette hypothèse de dissociation. Un premier argument repose sur l’épreuve de rappel libre, dans laquelle les sujets doivent rappeler une liste de mots indépendamment de leur ordre de présentation. Dans cette tâche, Postman et Phillips (1965) et Glanzer et Cunitz (1966) montrent qu’en rappel immédiat, les derniers items sont très bien rappelés, c’est l’effet de récence, de même que les premiers items, c’est l’effet de primauté. En rappel différé, après une quelconque activité, l’effet de récence disparaît alors que l’effet de primauté est conservé : sur cette base, les auteurs considèrent que les derniers items sont stockés en MCT et les premiers en MLT, établissant ainsi une dissociation MCT / MLT.

Glanzer (1972) confirme cette hypothèse en montrant que l’effet de récence et l’effet de primauté ne sont pas affectés par les mêmes facteurs, ce qui refléterait bien la mise en œuvre de deux processus différents. L’effet de primauté est affecté par :

- la vitesse de présentation des items à rappeler : une présentation espacée favorise le rappel des premiers mots. L’auteur suppose que le délai entre deux mots sert à établir des liaisons associatives entre les différents items ;

- la présence d’une activité interférente durant la présentation : Glanzer et Meinzer (1967) présentent 15 mots avec un intervalle de 3 secondes entre deux mots. Pendant cet intervalle, la moitié des sujets doivent répéter 6 fois le dernier mot présenté, et l’autre moitié ne fait rien (n’a aucune consigne). Cette dernière condition est favorable à l’effet de primauté. Les auteurs supposent que l’établissement de liens associatifs entre les items peut être réalisé si l’intervalle est vide. L’obligation de répéter explicitement le dernier mot présenté empêche de le relier aux autres. Dans l’intervalle vide, la répétition ne se limiterait pas au dernier mot : les chercheurs supposent que les

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sujets révisent mentalement l’ensemble ou le plus grand nombre possible d’items déjà entendus, afin de construire des blocs organisés ;

- la fréquence des mots à rappeler : Hall (1954) observe que les mots fréquents sont mieux rappelés que les mots peu fréquents. Sumby (1963) confirme ce résultat en précisant que cet avantage n’est présent que sur les premiers items. La fréquence des mots influence donc uniquement l’effet de primauté ;

- la force des liens associatifs entre les mots à rappeler : Glanzer et Schwartz (1971) montrent que les mots fortement associés sont mieux rappelés que les mots faiblement associés, mais cet effet n’apparaît que sur les premiers items.

L’effet de primauté (meilleur rappel des premiers items) est donc influencé par la familiarité des mots, leur vitesse de présentation, l’âge des sujets et le fait d’accomplir une autre tâche en même temps que celle du rappel libre, variables connues pour affecter l’apprentissage à long terme. Mais l’effet de récence n’est pas influencé par ces variables. Celui-ci est affecté par :

- l’intervalle de rétention : un délai de 10 secondes entre la présentation et le rappel diminue cet effet, effet qui disparaît complètement au bout de 30 secondes ;

- la présence d’une tâche interférente durant l’intervalle de rétention : Glanzer, Gianutsos et Dubin (1969) montrent que plus le nombre de stimuli interpolés entre la présentation et le rappel est élevé, plus l’effet de récence diminue.

L’effet de primauté et l’effet de récence, influencés par des facteurs différents, reflètent bien la distinction entre la MCT et la MLT.

Un deuxième argument en faveur de cette distinction MCT / MLT concerne la capacité de stockage de ces deux systèmes. La MCT, dénommée classiquement mémoire primaire (James, 1890 ; Waugh & Norman, 1965), présente une capacité de stockage limitée, mesurée par des tâches d’empan mnésique. Elle présente également une grande rapidité dans l’enregistrement et la récupération des informations (Waugh, 1970). A l’inverse, la MLT, ou mémoire secondaire, peut stocker une quantité énorme d’informations, mais sa vitesse d’enregistrement et de récupération est très lente. Murdock (1965) montre dans une expérience que les deux systèmes se différencient également en termes de coût attentionnel. La MCT, au contraire de la MLT, ne serait pas affectée par une demande attentionnelle. Dans son étude, Murdock (1965) demande aux sujets de ranger des cartes en une, deux (couleur), quatre (cœur, carré, pique, trèfle) ou huit piles (en fonction du nombre et de la figure) en même temps que d’apprendre une suite de mots qui leur est présentée. Il observe que l’effet

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de récence n’est pas influencé par l’augmentation de catégories de classements dans la tâche distractrice.

Enfin, un dernier argument expérimental très puissant concerne le codage des informations. La MCT impliquerait un codage phonologique, tandis que la MLT privilégierait un codage sémantique. Conrad (1963, 1964) montre dans une tâche de rappel sériel de consonnes que les erreurs produites par les sujets sont acoustiquement similaires aux items corrects, même lors d’une présentation visuelle : par exemple, P a plus de chance d’être remplacé par V, dont la prononciation lui ressemble, que par R, qui a une forme visuelle similaire. De même, Conrad et Hull (1964) observent que des suites d’items sont plus difficiles à rappeler si les sons sont similaires, comme P – B – D – V – T, que si les sons sont différents, comme R – J – W – R – Z. Conrad (1963, 1964) montre ainsi que la MCT est dépendante du codage phonologique.

Les expériences de Baddeley (1966a, 1966b) confirment cette hypothèse, mais précisent de plus qu’elle ne dépend pas d’un autre type de codage, comme le codage sémantique. Baddeley (1966a) présente une tâche de rappel sériel immédiat dans laquelle il manipule la similarité phonologique et sémantique des listes. Il présente des listes de 5 mots phonologiquement semblables (tas, pas, bas, ras, mas) ou dissemblables (pot, barre, vol, lierre, riz) et des listes de mots ayant la même signification (grand, large, haut, gros, vaste) ou non (beau, tard, froid, cher, mince). Les résultats montrent un effet de la similarité phonologique (les listes de mots phonologiquement semblables sont plus difficiles à apprendre que toutes les autres : 72,5 % de différence entre ces listes et les listes dissemblables dans le pourcentage de séquences correctement rappelées), mais pas d’effet de la similarité sémantique (effet très faible : 6,3 % de différence entre les listes semblables et dissemblables sémantiquement). Il a reproduit ce résultat dans une étude de 1970 portant sur la rétention à court terme de paires associées. Il montre ainsi un effet de la similarité acoustique, mais pas de la similarité sémantique, et en conclut que les tâches de MCT, par leur vitesse de présentation et l’absence de répétition, ne permettent pas aux sujets de former un codage sémantique et dépendent plutôt du codage acoustique, qui est moins complexe et plus rapide. Dans une seconde étude, Baddeley (1966b) compare les performances en mémoire immédiate et en apprentissage à long terme. Il présente des listes de 10 mots, dans lesquelles sont manipulées la ressemblance phonologique et la ressemblance sémantique. Il observe qu’à l’inverse du rappel immédiat, le rappel différé est perturbé par la similarité sémantique, mais pas par la similarité phonologique. Enfin, une étude de Kintsch et Buschke (1969) témoigne à nouveau de cette différence de codage en montrant que l’effet de récence,

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reflétant le stockage à court terme, est affecté par la similarité acoustique, alors que l’effet de primauté, reflétant le stockage à long terme, est influencé par le codage sémantique.

Toutes ces données témoignent d’une séparation forte entre MCT et MLT. La MCT apparaît comme un système à capacité et durée limitées, dépendant du codage phonologique, tandis que la MLT est une unité de stockage puissante, de capacité et durée illimitées, qui privilégie le codage sémantique. Cette distinction MCT / MLT conduit à la construction de plusieurs modèles théoriques. Parmi eux, le plus élaboré et le plus influent est le modèle proposé par Atkinson et Shiffrin (1968), appelé modèle modal.

1.2. Le modèle modal d’Atkinson et Shiffrin (1968)

Sur la base d’études antérieures (Brown, 1958 ; Miller, 1956 ; Sperling, 1960), Atkinson et Shiffrin (1968) proposent un modèle organisant la mémoire en trois modules de traitements (cf. Figure 1).

Figure 1. Modèle modal d’Atkinson et Shiffrin (1968)

Ce modèle est composé de trois systèmes : le registre sensoriel, la MCT et la MLT. Il suppose que les informations circulent de la manière suivante : elles sont tout d’abord traitées dans un registre sensoriel, puis certaines de ces informations sont transmises dans le registre à court terme ou mémoire de travail, lequel transmet les informations à un registre à long terme.

Dans un premier temps donc, l’information en provenance du monde extérieur est traitée en parallèle grâce aux différents registres sensoriels. L’information est enregistrée selon sa dimension (visuelle, auditive, tactile, …) dans le registre sensoriel correspondant pendant un court laps de temps, de l’ordre de une à deux secondes. Ces registres fournissent ensuite des informations à la seconde composante du modèle, la MCT.

Stimulus (son, lumière, etc.) en provenance de l’environnement REGISTRE SENSORIEL MEMOIRE A COURT TERME (MCT) MEMOIRE A LONG TERME (MLT) AUDITIF TACTILE

VISUEL Processus de contrôle : - Autorépétition - Encodage - Décisions - Stratégies de récupération REPONSE

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Toutes les informations arrivant dans le registre sensoriel ne passent pas dans le registre à court terme. En effet, ce dernier ayant une capacité limitée, une sélection se fait grâce à un appariement avec les informations stockées en MLT. Cet appariement conduit à un recodage des informations, qui ne sont plus alors dépendantes de la modalité, et il peut aboutir à des effets de regroupement, d’organisation, de chunking. Dans la MCT, le codage est principalement phonologique et la durée de stockage est relativement courte, de l’ordre de 20 à 30 secondes. Le registre à court terme ne fait pas que stocker l’information, il est responsable également d’un certain nombre de processus, tels que la répétition, permettant le passage en MLT, le codage de l’information, notamment le codage sémantique, et les stratégies de récupération. Ces processus sont, selon les auteurs, sous le contrôle du sujet.

Le registre à court terme joue un rôle primordial dans ce modèle, puisque l’information doit transiter par lui avant d’atteindre le registre à long terme. La répétition dans le registre à court terme renforcerait la trace qui passe rait alors dans le registre à long terme. Ce transfert est envisagé comme une copie, et non un passage de l’un à l’autre, les informations étant toujours présentes en MCT. Dans ce modèle, le registre à court terme est donc considéré comme un buffer, une mémoire tampon. La MLT se construit donc à partir des informations stockées et répétées en MCT. Elle n’est pas limitée en durée, ni en capacité de stockage, et le codage de l’information se fait sous forme sémantique.

Un point central de ce modèle porte sur le transfert des informations, qui peut s’opérer de la MCT à la MLT, mais également de la MLT à la MCT. En effet, les auteurs supposent que les informations contenues en MLT doivent être transférées en MCT pour le traitement des nouvelles informations parvenant au système. Leurs caractéristiques seront comparées à celles des nouvelles informations, et c’est cette comparaison qui permettra de sélectionner les informations du registre sensoriel qui seront transférées en MCT.

Ce modèle, très détaillé, permet d’expliquer de nombreux effets observés dans la littérature. Il rend compte de l’effet de récence, provenant du registre à court terme, et de l’effet de primauté, provenant du registre à long terme après répétition. Cependant, il a été remis en cause par la neuropsychologie. En effet, un nouvel argument en faveur de la séparation et indépendance des deux systèmes MCT / MLT a été mis en évidence par l’existence d’une double dissociation en neuropsychologie. Le modèle modal d’Atkinson et Shiffrin (1968) considère que l’information doit nécessairement passer par le registre à court terme pour qu’elle soit ensuite stockée en MLT. Cette théorie peut rendre compte du profil du célèbre patient H.M. de Milner (1966), qui présente un déficit en MLT mais une préservation

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de la MCT (empan correct, effet de récence préservé). Cependant, elle ne peut en aucune façon expliquer la dissociation inverse présentée par le patient K.F. de Shallice et Warrington (1970). Ce dernier présente un déficit de la MCT (empan réduit à 2 ou 3 chiffres, absence d’effet de récence) et une MLT préservée. Selon le modèle modal, un déficit de la MCT aurait dû entraîner un déficit en MLT et dans d’autres domaines cognitifs, car le passage par ce registre est une étape fondamentale pour l’apprentissage et le raisonnement.

Le modèle modal d’Atkinson et Shiffrin (1968), ne permettant pas d’expliquer le cas K.F., est donc abandonné. La principale critique faite à ce modèle porte sur la relation qu’il suppose entre la MCT et la MLT : l’information doit nécessairement passer par la MCT et être répétée, avant de pouvoir être stockée en MLT. Sur la base de ces critiques, et de nombreuses autres données expérimentales, Baddeley (1986 ; Baddeley & Hitch, 1974) va élaborer un nouveau modèle théorique dans lequel la MCT et la MLT n’ont plus aucune relation.

2. Mémoire à court terme / mémoire de travail

La découverte d’une double dissociation en neuropsychologie a largement contribué à infirmer et abandonner le modèle d’Atkinson et Shiffrin (1968). Cependant, ce dernier a eu une grande influence sur le développement des modèles ultérieurs. Il a permis également d’apporter de nombreuses informations sur la MCT. En effet, comme une grande majorité de chercheurs, et notamment Baddeley et Hitch (1974), Atkinson et Shiffrin (1968) considèrent l’unité de stockage à court terme comme une mémoire de travail temporaire permettant la réalisation de tâches cognitives. La notion de MCT, conçue comme un système unitaire, est donc très tôt abandonnée et incorporée dans un cadre plus complexe, la mémoire de travail, supposée correspondre à une double fonction de stockage et de traitement de l’information. En effet, la réalisation de tâches cognitives, telle que la résolution de problème, nécessite le maintien des informations pendant un certain laps de temps, mais également leur traitement, leur coordination. Le calcul mental est une tâche très représentative de la fonction de la mémoire de travail. Cette tâche nécessite de retenir les nombres présentés (23x12) et d’effectuer des opérations sur ces nombres. Les chercheurs ont donc intégré des processus permettant la manipulation des informations, le simple stockage ne suffisant pas dans la

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plupart des tâches. La notion de MCT est cependant toujours utilisée dans les tâches requérant uniquement le stockage de l’information. Baddeley (1986) a longuement étudié le concept de mémoire de travail et élaboré un modèle décrivant ses composantes de stockage et de traitement. Avant d’aborder la description de ce modèle, nous allons définir la MCT et la mémoire de travail en vue de les distinguer.

2.1. Distinction mémoire à court terme / mémoire de travail

La MCT se distingue de la mémoire de travail car elle implique seulement de maintenir passivement l’information sans effectuer de traitement ou de transformation de ces informations (Klapp, Marshburn & Lester, 1983). Les situations mettant en jeu la MCT impliquent donc de retenir l’information et de la reproduire de façon non transformée. Ce système est mesuré le plus couramment par l’empan de chiffres, tâche dans laquelle le sujet doit rappeler une suite de chiffres dans l’ordre où elle a été présentée. L’empan représente la plus grande suite correctement reproduite. Miller (1956) considère qu’un empan normal est d’environ 7 ± 2.

Les situations impliquant la mémoire de travail comprennent à la fois le maintien et le traitement de l’information. Une mesure représentative de la mémoire de travail est l’empan envers qui consiste à rappeler une suite de chiffres par exemple dans l’ordre inverse où elle a été présentée. Ce test implique à la fois la rétention de l’information et un traitement nécessitant de modifier l’ordre des chiffres. Il faut cependant être prudent, car une même tâche peut évaluer la MCT et la mémoire de travail selon les sujets. Par exemple, une tâche d’empan de mots en présentation visuelle sera un test de MCT pour des sujets adultes, mais elle évaluera la mémoire de travail pour les enfants en cours d’acquisition de la lecture (la lecture n’étant pas automatisée) (Case, 1985).

Au vu de ces caractéristiques, nous pouvons donc avancer que la MCT fait partie intégrante de la mémoire de travail. Cette dernière étant utilisée pour rendre compte de la plupart des tâches cognitives qui demandent à la fois une rétention et un traitement de l’information, comme le calcul mental ou la lecture.

Nous parlerons principalement de la MCT dans cette recherche, puisque nous utilisons des tâches de rappel sériel impliquant uniquement la rétention d’information, sans mise en œuvre d’un traitement. Cependant, ce système étant incorporé dans un système plus vaste de mémoire de travail, l’étude de ses caractéristiques nécessite d’aborder la mémoire de travail.

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2.2. Le modèle de la mémoire de travail de Baddeley et Hitch (1974)

Le modèle de la mémoire de travail de Baddeley (1986 ; Baddeley & Hitch, 1974) constitue une référence auprès de nombreux chercheurs. Les nombreux travaux réalisés par Baddeley pour le développer ont permis une description fine des composantes qui le constituent. Baddeley (1986, 1992) définit la mémoire de travail comme « un système de maintien temporaire et de manipulation de l’information, nécessaire pour réaliser des activités cognitives complexes, telles que la compréhension, l’apprentissage, le raisonnement ». Nous nous limiterons ici à la conception classique du modèle présentée en 1986.

En 1986, Baddeley présente la mémoire de travail comme un système hiérarchisé constitué de trois composantes (cf. Figure 2) :

 l’administrateur central, un système attentionnel qui sélectionne, coordonne et contrôle le traitement des informations, et qui supervise les systèmes esclaves ;

 deux systèmes esclaves responsables du maintien de l’information. Ces deux systèmes se différencient par la nature du matériel stocké :

• la boucle phonologique, responsable du stockage des informations verbales,

• le calepin visuo-spatial qui assure le stockage des informations visuelles et spatiales.

Figure 2. Modèle de la mémoire de travail de Baddeley et Hitch (1974)

ADMINISTRATEUR CENTRAL CALEPIN VISUO-SPATIAL Autorépétition subvocale BOUCLE PHONOLOGIQUE Stock phonologique à court terme Entrée auditive Entrée visuelle

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Les études menées par Baddeley (1986 ; Baddeley & Hitch, 1974) portent principalement sur les systèmes esclaves, c’est-à-dire sur les systèmes de stockage des informations. Nous détaillerons donc principalement ces systèmes, et plus particulièrement la boucle phonologique, puisque sa capacité est mesurée par des tâches d’empan mnésique, tâches portant sur du matériel verbal (chiffres, mots) que nous utilisons dans le présent travail.

2.2.1. La boucle phonologique

La boucle phonologique, système le plus détaillé, prend uniquement en compte les propriétés physiques des stimuli. Elle est spécialisée dans le maintien de l’information verbale (provenant du langage), codée sous une forme phonologique. Elle est composée de deux parties : un stock phonologique à court terme et une boucle articulatoire ou d’autorépétition, appelée processus de répétition articulatoire subvocale. Le stock phonologique à court terme contient les traces mnésiques qui sont maintenues durant une seconde et demie à deux secondes. Passé ce délai, ces traces deviennent irrécupérables. Elles peuvent cependant être rafraîchies par le processus de répétition articulatoire subvocale qui repose sur le langage intérieur. Ce processus n’est pas seulement capable de rafraîchir la trace en mémoire mais il permet aussi de convertir du matériel présenté visuellement en code phonologique. Ces deux parties de la boucle phonologique permettent de rendre compte de nombreuses données expérimentales.

Le stock phonologique à court terme rend ainsi compte des effets de similarité phonologique et du discours non écouté. L’effet de similarité phonologique s’explique par le fait que le stock phonologique à court terme repose, comme son nom l’indique, sur un code phonologique. Dans des listes d’items similaires phonologiquement, les traces mnésiques sont moins distinctes entre elles, elles ont plus d’éléments semblables, ce qui entraîne des confusions. Elles sont donc moins bien rappelées que des listes phonologiquement dissimilaires (Baddeley, 1966a, 1966b ; Conrad & Hull, 1964).

Le stock phonologique à court terme est aussi responsable de l’effet d’écoute inattentive, ou discours non écouté. La présence en fond sonore d’un discours, simultanément à la présentation d’une liste d’items, diminue de manière significative les performances de rappel de la liste. Salamé et Baddeley (1987, 1989) montrent que cet effet provient du langage et non du bruit, et qu’il est d’autant plus important si le fond sonore est composé d’items similaires phonologiquement ou sémantiquement à ceux de la tâche principale de rappel.

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En ce qui concerne l’existence de la boucle articulatoire, elle est justifiée par les effets de longueur des mots et de suppression articulatoire. Baddeley, Thomson et Buchanan (1975) montrent que le rappel d’une liste de 5 mots monosyllabiques, comme dos – pas – sac – tir – bas, est beaucoup plus facile que celui d’une liste de mots polysyllabiques, comme université – opportunité – aluminium – constitutionnel – auditorium. Ceci s’explique par un temps de répétition plus long des mots longs, qui entraîne un effacement de la trace mnésique des autres mots ne pouvant pas être répétés. Les auteurs observent une corrélation entre la vitesse de lecture et le rappel de mots dont la longueur varie de 1 à 5 syllabes. Ils montrent ainsi que l’empan mnésique correspond au nombre d’éléments qui peuvent être prononcés en environ 2 secondes. Cet effet permet de rendre compte des différences d’empan observées chez des sujets de langues maternelles différentes. Hoosain et Salili (1988) montrent que les Chinois ont une vitesse de prononciation de 265 millisecondes par chiffre et un empan moyen d’au moins 9,9, alors que les Anglais ont une vitesse de 321 millisecondes par chiffre et un empan moyen de 6,6. Les auteurs supposent que la boucle articulatoire a pour fonction de maintenir les éléments dans le stock phonologique à court terme en rafraîchissant leurs traces. Plus ce processus est rapide, plus le nombre d’éléments retenus sera important, et plus l’empan mnésique sera grand. Si les traces s’effacent, l’empan mnésique est déterminé par le nombre d’éléments pouvant être rafraîchis avant d’être effacés. Ce nombre dépendrait donc de la vitesse à laquelle la trace s’efface (de nombreuses études s’accordent à dire qu’elle est d’environ deux secondes) et du temps de prononciation de chaque élément.

Enfin, un effet de suppression articulatoire est observé. Si on demande à un sujet lors d’une tâche d’empan de chiffres de répéter une suite de sons sans signification, comme « bla bla bla » ou des mots comme « the », « double », l’empan sera plus faible. Cet effet est indépendant des éléments prononcés et provient du fait que l’articulation d’un item domine le processus de répétition articulatoire subvocale et empêche ainsi son utilisation, soit pour maintenir des éléments situés dans le stock phonologique à court terme, soit pour convertir des éléments visuels en code phonologique (Baddeley, Lewis & Vallar, 1984).

La boucle phonologique fait donc intervenir un stock phonologique à court terme et une boucle articulatoire. L’existence de ces deux composantes est justifiée par plusieurs effets décrits ci-dessus, mais également par la neuropsychologie, avec la description de patients atteints quant à l’une ou l’autre de ces composantes. Le cas R.L., par exemple, étudié par Belleville, Peretz et Arguin (1992), présente une atteinte de la boucle articulatoire (pas d’effet de longueur des mots, pas d’effet de la suppression articulatoire, pas d’effet de la similarité

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phonologique en modalité visuelle) mais un stock phonologique à court terme préservé (effet de similarité phonologique en modalité auditive).

2.2.2. Le calepin visuo-spatial

Le second système esclave, le calepin visuo-spatial, a été moins étudié. Il joue un rôle dans les tâches d’imagerie mentale, de rotation mentale, de localisation, de mémorisation d’objets non verbalisables. Baddeley et Hitch (1974) considèrent qu’il a le même fonctionnement que la boucle phonologique.

Logie (1995) propose, à l’instar de la boucle phonologique, qu’il est composé également de deux parties : un registre de stockage passif de l’information visuo-spatiale (visual cache) et un mécanisme actif de rafraîchissement (inner scribe). Le mécanisme de rafraîchissement agit comme la boucle articulatoire dans la boucle phonologique : il régénère le contenu du registre de stockage passif lorsque les informations qu’il contient doivent être maintenues plus longtemps. Le calepin visuo-spatial présente des effets analogues à ceux de la boucle phonologique. Il montre un effet de similarité visuelle et un effet de longueur de chemin : le rappel est meilleur lorsque les localisations sont proches. Il présente également un effet de structuration : la performance est meilleure lorsque le matériel est structuré, comme une grille, que lorsqu’il est déstructuré, comme dans les blocs de Corsi. La grille est en effet une structure qui a une représentation en MLT (le damier par exemple) : elle forme un carré ou un rectangle, selon le nombre de lignes et de colonnes qui la composent.

2.2.3. L’administrateur central

Enfin, l’administrateur central est considéré comme une composante attentionnelle de la mémoire de travail, qui joue un rôle dans la sélection, la planification, le contrôle de différents processus utilisés dans le stockage et le traitement à court terme. Il intervient dans de multiples activités qui ne peuvent pas être effectuées de façon automatique. Il est conçu comme une capacité générale de traitement qui peut être utilisée pour effectuer soit un processus de contrôle, soit un stockage supplémentaire. Ses ressources attentionnelles sont limitées. Il est assimilé au système attentionnel superviseur (SAS) de Norman et Shallice (1980). L’administrateur central aurait quatre fonctions :

- le partage de ressources, ou processus d’attention divisée ; qui permet de traiter en parallèle plusieurs informations en gérant l’allocation des ressources attentionnelles sur plusieurs cibles simultanément. Il est évalué avec le paradigme de la double tâche ;

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- la flexibilité mentale, c’est-à-dire la capacité à changer de stratégie. Ce processus permet le désengagement d’une tâche qui n’est plus appropriée, pour s’engager dans une tâche plus adéquate ;

- l’inhibition, c’est la capacité à inhiber une réponse dominante, automatique.

- la capacité à maintenir et manipuler l’information en MLT. Grâce à cette dernière fonction, l’administrateur central serait capable d’activer des représentations à long terme, et permettrait d’établir des relations entre les systèmes esclaves et la MLT. Ce rôle n’est pas développé dans le modèle : Baddeley (1996) considère seulement une forme de rappel plus spécialisée.

Baddeley (1986) a développé un modèle de la mémoire de travail qui comprend donc trois composantes : une composante dédiée au traitement de l’information, c’est l’administrateur central, et deux systèmes de maintien des informations que l’on pourrait appeler « MCT verbale » et « MCT visuelle ». La notion de MCT est donc bien incorporée dans un système plus vaste, qui permet de rendre compte de la plupart des tâches cognitives.

La richesse des travaux qui ont permis l’élaboration de ce modèle et l’existence de preuves neuropsychologiques le validant ont contribué à sa popularité. Ce modèle permet notamment de décrire les processus de la MCT mis en jeu dans le rappel sériel immédiat. Cependant, il ne tient pas compte d’une possible relation entre la MCT et la MLT, sinon à travers l’une des fonctions non développée de l’administrateur central. L’époque de sa conception correspondant à celle de l’établissement de la dichotomie MCT / MLT, on peut comprendre qu’aucune hypothèse concernant un lien entre ces deux systèmes mnésiques n’apparaisse. Cependant, ce modèle va être confronté à des données qu’il ne peut pas expliquer, données qui supposent la contribution de la MLT dans des tâches d’empan mnésique, et qui vont entraîner sa remise en cause.

3. Mémoire de travail et mémoire à long terme

Le modèle de Baddeley (1986 ; Baddeley & Hitch, 1974) a beaucoup contribué à établir la dichotomie MCT et MLT. La puissance de ses données a écarté pendant de nombreuses années les quelques recherches qui mettent en évidence une relation entre ces deux systèmes. Pourtant, ces études sont de puissants arguments relatifs à cette relation, et

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plus particulièrement à l’influence de la MLT sur la MCT. Depuis les années 1990, les chercheurs s’intéressent à cette relation, et ils montrent que des données plus anciennes portant sur ce sujet existent.

Parmi ces travaux, ceux de Waugh et Norman (1965) montrent que le rappel libre immédiat de listes supra-empan (de longueur supérieure à l’empan) reflète l’opération à la fois de la MCT et de la MLT. Ces auteurs montrent que les items récents sont récupérés par la MLT et que l’empan corrèle plutôt avec les performances de la mémoire secondaire. Un autre argument ancien en faveur de la contribution de la MLT sur l’empan se retrouve en neuropsychologie chez des patients ayant une MCT réduite. Saffran et Marin (1975) montrent que les performances en MCT chez ces patients ressemblent à du rappel différé plutôt qu’à du rappel immédiat, avec un effet de primauté mais pas d’effet de récence. De plus, ils observent que ces patients se trouvent sensibles à la familiarité et à la signification des items. Saffran et Marin (1975) supposent que la MLT est à la base des capacités résiduelles de la MCT chez ces patients.

D’autres études plus connues montrant l’influence de la MLT sur la MCT existent : il s’agit notamment de la mise en évidence du chunking par Miller (1956). Nous verrons également que Baddeley lui-même (Gathercole & Baddeley, 1990) a observé cette relation et a dû la prendre en compte dans son modèle. Enfin, nous aborderons d’autres études qui ont permis de rendre compte définitivement de cette influence de la MLT sur la MCT.

3.1. La capacité de la mémoire à court terme – le chunking

La MCT a été mesurée pour la première fois par Jacobs (1887). Il a mis au point une technique, connue sous le nom de mesure de l’empan mnésique. Cette procédure consiste à présenter à un sujet une liste d’items (le plus souvent des chiffres) qu’il doit rappeler dans l’ordre. La première liste qui lui est donnée est courte, de l’ordre de 1 ou 2 items, puis sa taille augmente jusqu’à ce que le sujet ne soit plus capable de rappeler correctement la liste dans l’ordre. L’empan correspond à la liste la plus longue pour laquelle le sujet a donné une réponse correcte.

Miller (1956) s’intéresse entre autres à la capacité de la MCT. Dans cet article, il rassemble un grand nombre de données expérimentales pour estimer cette capacité. Sur la base des expériences de Hayes (1952), il affirme que le nombre de stimuli retenus en MCT est constant, de l’ordre de 7. Miller (1956) précise que cette limitation est déterminée par le nombre de groupes (qu’il dénomme « chunks ») et non par le nombre de chiffres. Il considère

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des chunks ou groupes, parce qu’il observe que les items peuvent être regroupés dans un chunk et que ceci améliore les performances. Par exemple, un empan de lettres est de l’ordre de 7 items lorsque ces lettres sont sélectionnées au hasard. L’empan monte à 9 items lorsque les lettres suivent une alternance voyelle – consonne – voyelle, les lettres étant alors regroupées en syllabes. Enfin, il peut atteindre 50 lettres lorsque ces lettres forment des mots, le tout organisé dans une phrase cohérente. Miller (1956) montre de même que l’empan de mots (7 mots) est équivalent à l’empan de lettres (7 lettres). Dans tous ces cas, le nombre de chunks correspond toujours à 7 ± 2.

Un chunk représente donc un groupe, une partie intégrée d’information, et se rappeler une partie du chunk permet de se rappeler l’ensemble. Par exemple, si nous donnons une liste de mots parmi lesquels il y aura 3 noms d’animaux, ces 3 noms peuvent constituer un seul chunk pour le participant, et il lui permettra d’augmenter son empan en exploitant les possibilités de regroupement, au travers de l’activité du chunking. Un chunk est donc composé de plusieurs éléments qui sont considérés comme un tout pour le sujet (par exemple, la suite de lettres UODNSL constitue 6 unités ou chunks dans cet ordre ; si elle est présentée dans l’ordre suivant : ONULSD, elle n’en constitue plus que 2). Le chunk suppose de faire appel à un processus d’organisation : les items sont regroupés en fonction des représentations que nous possédons en MLT. En d’autres termes, si les items sont organisés selon un ordre qui a un sens en MLT, leur rappel est considérablement amélioré.

Le chunking constitue donc une stratégie de recodage de l’information qui permet d’améliorer les performances en MCT. En fait, si nous considérons l’empan de lettres, nous observons que cet empan augmente fortement lorsque les lettres sont combinées pour former un mot qui possède une représentation en MLT. Miller (1956) montre que la capacité d’empan mnésique ne se définit pas seulement en nombre d’éléments, mais aussi par la possibilité qu’ils offrent une organisation sémantique. Il a ainsi démontré que la MCT n’est pas indépendante de la MLT et de son organisation, et que cette dernière lui permet d’améliorer de façon significative ses performances.

3.2. Mémoire de travail et vocabulaire

Des travaux plus récents mettent également en évidence cette relation entre la mémoire de travail et la MLT. En effet, après l’élaboration de son modèle de la mémoire de travail, Baddeley (Baddeley, Papagno & Vallar, 1988 ; Gathercole & Baddeley, 1989, 1990) réalise un certain nombre d’études révélant un lien fort entre le développement du vocabulaire

Figure

Figure 1. Modèle modal d’Atkinson et Shiffrin (1968)
Figure 2. Modèle de la mémoire de travail de Baddeley et Hitch (1974) ADMINISTRATEUR CENTRAL CALEPIN VISUO-SPATIAL Autorépétition subvocale BOUCLE PHONOLOGIQUE  Stock phonologique à court terme Entrée auditive Entrée visuelle
Figure 3. Représentation du modèle de Cowan (1988)
Figure 4. Représentation du modèle d’activation interactive de N. Martin et Saffran (1992)
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