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Conclusion : les modèles basés sur la rédintégration, une explication pour les

Chapitre II Les connaissances sémantiques en rappel sériel immédiat : leurs effets sur

4. Les conceptions théoriques sur l’ordre

4.4. Conclusion : les modèles basés sur la rédintégration, une explication pour les

Les différentes conceptions évoquées ci-dessus présentent toutes des inconvénients. Aucune n’arrive à rendre compte de tous les effets observés sur le rappel sériel, et surtout aucune ne semble pouvoir expliquer les différentes influences des connaissances sémantiques sur les performances de MCT (cf. Majerus, Norris & Patterson, 2007, pour une vue similaire).

L’hypothèse d’association inter-items prédirait une meilleure rétention de l’ordre, du fait des puissantes relations qui existent entre les items, ou au contraire un effet négatif en raison de la similarité des items. Or, on observe le plus souvent une absence d’effet ou un effet négatif sur l’ordre. L’hypothèse d’association item-position prédit une absence d’effet, en particulier pour les listes de mots comparées à des listes de non-mots : les mots n’étant pas similaires phonologiquement, ni sémantiquement, ils ne devraient pas être confondus, et la rétention de l’ordre ne devrait donc pas être perturbée. Mais c’est un effet négatif qui est observé. Enfin, l’hypothèse hiérarchique semble pouvoir ne rendre compte que des effets de chunking.

Au vu des différents effets des connaissances sémantiques sur le rappel de l’ordre, il apparaît nécessaire de prendre en compte l’information d’item dans la rétention de l’ordre. D’ailleurs, une critique importante à la séparation de l’information d’item et de l’information d’ordre est la tâche de rappel sériel, et notamment les erreurs de transposition qui apparaissent dans cette tâche (la suite de lettres D – F – K – T – S est rappelée D – S – K – T – F, les lettres F et S sont transposées). Il existe un désaccord au sein de la communauté de chercheurs pour désigner ces erreurs de transposition comme reflétant un échec dans la mémorisation de l’information d’ordre. Pour Conrad (1965), ces erreurs proviennent de la mémorisation de l’information d’item. Il montre d’ailleurs, dans une étude de 1964, que les erreurs réalisées lors du rappel dans une tâche de rappel sériel de suites de lettres sont similaires à celles commises lors d’un test de confusion auditive dans lequel le participant doit écrire la lettre qu’il a entendue. Il suggère que les items d’une liste à rappeler sont transposés parce qu’ils sont confondus phonologiquement. Les erreurs d’ordre sont donc dues à un échec dans la mémorisation de l’information d’item.

D’autres modèles, tentant de rendre compte de l’information d’ordre, ont été élaborés, mais ils ont l’avantage de considérer l’information d’item. Un de ces modèles, important à nos yeux, est le modèle des caractéristiques proposé par Nairne (1988, 1990, 2001), évoqué dans le chapitre précédent dans le cadre des modèles basés sur la rédintégration.

Ce modèle considère que les items sont représentés par une série de caractéristiques (phonologiques, sémantiques, …), et que le rappel consiste à comparer les caractéristiques des représentations dégradées de ces items avec des représentations en MLT. L’item choisi en MLT sera celui qui possède le nombre de caractéristiques le plus élevé en commun avec la trace dégradée en MCT. Plus les caractéristiques sont distinctives, plus la correspondance entre la trace et la représentation en MLT sera facilitée. Nairne (1990) considère que le délai de rétention peut faire varier cette distinctivité.

Les modèles basés sur la rédintégration (Saint-Aubin & Poirier, 1999, 2000 ; Schweickert, 1993 ; Walker & Hulme, 1999) sont très proches de la conception de Nairne (1990) et ils abordent également la question du rappel à court terme de l'information d'ordre. Ils présentent l’avantage de rendre compte des deux effets de la similarité sémantique : amélioration du rappel des items et dégradation du rappel de l’ordre. Ces modèles, et plus particulièrement le modèle basé sur la rédintégration de Saint-Aubin et Poirier (1999, 2000), considèrent les erreurs d'ordre comme le produit d'un problème dans la reconstruction des traces phonologiques dégradées (Nairne, 1990 ; Saint-Aubin & Poirier, 1999, 2000). Ils supposent qu'au rappel, les représentations phonologiques sortent dans l'ordre approprié et que les erreurs d'ordre proviennent donc du processus de rédintégration qui , fondé sur des représentations sémantiques, ne prendrait pas en compte les informations d'ordre. Au moment du rafraîchissement des traces, le processus de rédintégration pourrait activer d’autres mots concurrents, comme des voisins phonologiques, en MLT. L’activation de ces mots diminuerait la capacité de discrimination phonologique et perturberait l’ordre mémorisé. Cette hypothèse permet d’expliquer l’augmentation des erreurs d’ordre dans les listes similaires phonologiquement : la similarité provoque une diminution de la discrimination des traces entre elles et gêne la reconstruction, d’où un effet négatif sur le rappel de l’ordre. Dans ce cadre, Saint-Aubin et Poirier (1999, 2000) se sont intéressés aux effets des connaissances sémantiques sur le rappel à court terme de l’ordre, et ont tenté d’en rendre compte à partir des modèles basés sur la rédintégration. Ces auteurs considèrent que la trace temporaire est uniquement phonologique, car ni la fréquence, ni la similarité sémantique n'influencent sa dégradation. Les facteurs sémantiques, selon cette hypothèse, n'ont donc aucun effet sur l'information d'ordre. Ceci suggère donc que les connaissances sémantiques en MLT facilitent le rappel d'items, mais n'ont pas d'effet sur le rappel d'ordre dans les tâches de MCT.

Cependant, cette hypothèse a été remise en cause par une étude plus récente de Saint- Aubin, Ouellette et Poirier (2005), qui révèle un désavantage de la similarité sémantique. Ils ont observé, contrairement aux études précédentes, un taux d’erreurs d’ordre plus élevé pour les listes dans lesquelles les mots appartiennent à une même catégorie par rapport aux listes dont les mots appartiennent à des catégories différentes. Les auteurs ont alors révisé leurs données antérieures, et ils ont observé qu'à un niveau descriptif, même si le traitement statistique ne confirmait pas cette différence, les valeurs obtenues dans la proportion d'erreurs d'ordre étaient toujours plus grandes pour les listes dont les mots appartiennent à la même catégorie (Saint-Aubin & Poirier, 1999).

Au vu de ces résultats, ils ont modifié leur modèle et postulé que les représentations dégradées, utilisées comme indices de récupération, contenaient des caractéristiques phonologiques, mais également des caractéristiques sémantiques. Cette nouvelle hypothèse, soutenue également par Neath et Nairne (1995) et Tolan et Tehan (1999), permet d’expliquer le désavantage de la similarité sémantique sur le rappel d'ordre. Saint-Aubin, Ouellette et Poirier (2005) postulent ainsi que les caractéristiques sémantiques communes des traces dégradées gênent le rappel d'ordre, en augmentant la similarité sur les indices de récupération.

Ces données indiquent que le rôle des connaissances sémantiques de la MLT sur le rappel à court terme de l’information d’ordre est loin d’être déterminé. La dernière révision de l’hypothèse de reconstruction de Saint-Aubin, Ouellette et Poirier (2005) pourrait suggérer que les connaissances sémantiques n’ont pas forcément un effet négatif sur le rappel d’ordre, mais que cela dépend du matériel utilisé. Cette théorie, qui fait intervenir la MLT dans la MCT à travers le processus de rédintégration, a deux avantages : elle permet de rendre compte des effets des connaissances sémantiques sur le rappel à court terme, et surtout, elle permet d’expliquer à la fois les effets sur l’information d’item et sur l’information d’ordre.

Alors que le rôle des représentations sémantiques sur le rappel des items est indiscutable et révèle un avantage dans toutes les études, son effet sur le rappel d’ordre n’est pas concluant. Les données concernant les variables de fréquence et de concrétude présentent le même profil, à savoir une absence d’effet (nombre d’erreurs d’ordre équivalent). Ces facteurs ne semblent pas influencer le rappel de l’ordre. La littérature est beaucoup plus partagée pour les études portant sur la catégorisation : certaines révèlent une absence d’effet et d’autres un effet défavorable (plus d’erreurs d’ordre pour les listes catégorielles), sans possibilité de trancher. L’hétérogénéité de ces résultats nous amène à nous interroger sur le véritable rôle des représentations sémantiques dans le rappel d’ordre à court terme, et dans un premier temps sur la raison des différences observées.

5. Une interprétation des différences entre les études sur le rappel d’ordre à