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Faible anisotropie

Lorsque la température diminue, la transition CDW est marquée par l’apparition d’un saut de résis-tivité d’environ 30% [140]. Ce saut est présent dans les deux directions : selon~cmais aussi dans le plan (~a,~b). Malgré la présence de chaînes 1D, ce composé est relativement peu anisotropeρab/ρc≈3[4]. Les mesures de conductivité optique [117] montrent que les vitesses de Fermi des états gappés par la CDW, ne sont ni seulement selon~c, ni seulement dans le plan (~a,~b).

Couplage électron-phonon fort

Par une combinaison des mesures de transport, de chaleur spécifique et de susceptibilité magnétique, Shelton et al.[108] estimaient que le gap CDW s’ouvrait sur environ 36% de la surface de Fermi. Les mesures optiques récentes [117] indiquent plutôt que 16% de la surface de Fermi est gappée. Elles indiquent aussi que l’amplitude du gap est environ 2∆≈80 meV, soit un ratio ∆/kBTCDW ≈5 beaucoup plus grand que la valeur 1.76 attendue en couplage électron-phonon faible. D’autre part ce gap se manifeste par un changement soudain de poids spectral entre 80 et 75 K, semblant indiquer une transition du premier ordre.

Transition du premier ordre et dimensionnalité

Dans un composé unidimensionnel (1D), les fluctuations empêchent toute transition de phase im-pliquant des interactions à courte portée le long d’une chaîne 1D. Ainsi, la transition CDW apparaît seulement lorsque les fluctuations deviennent 2D ou 3D, c’est-à-dire inter-chaînes. La température de tran-sitionTCDW est alors beaucoup plus basse que celle prédite par la théorie de champ moyenTM F

CDW [147], et on s’attend donc à un important régime de fluctuations au-dessus deTCDW : les pics de sur-structure, d’abord très élargis, deviennent de plus en plus fins à mesure que l’on s’approche de TCDW.10.

Mais ce mécanisme correspond plutôt à une transition du second ordre. Loin de la transition, l’hypo-thèse du champ moyen est valide. Plus près de la transition, l’hypol’hypo-thèse du champ moyen tombe car l’effet des fluctuations devient important : le comportement est dit « critique ». Au contraire, si la transition est du premier ordre, on s’attend à avoir un paramètre d’ordre approximativement constant dans une phase, qui saute soudainement à une autre valeur. Dans ce cas il n’y a pas de fluctuations et le champ moyen est toujours valable.

Dans Lu5Ir4Si10, les mesures de diffraction des rayons X montrent que la transition CDW se manifeste par l’apparition soudaine de pics de sur-structure selon c~∗, en dessous deTCDW= 83 K [4]. Les mesures de chaleur spécifique [4,64,97] observent un pic de largeur ∆T /TCDW ≈1% et d’amplitude 150 J/mol.K, autour deTCDW. Les mesures de transport et de susceptibilité magnétique [4,68,97,140] observent aussi un saut à la transition. Ce pic en chaleur spécifique et la discontinuité de ces trois paramètres physiques (qui sont liés à des dérivées premières de l’enthalpie libre : position des atomes, densité de porteurs) suggèrent que la transition CDW est du premier ordre. D’autre part, Beckeret al.[4] n’observent aucune fluctuations pré-transitionnelles au-dessus de 85 K, ce qui serait cohérent avec une transition de phase du premier ordre. Les auteurs suggèrent de plus que le couplage inter-chaîne est fort, afin d’expliquer l’absence de fluctuations 1D.

Une étude détaillée de la chaleur spécifique [64] conclut cependant que la transition pourrait être du second ordre, car leurs mesures n’observent aucune hysteresis. Les auteurs expliquent l’absence de fluctuations, telle qu’observée par Beckeret al., par le fait que les exposants critiques dévient des valeurs champ moyen seulement dans un intervalle de 5 K autour de la transition. La présence d’une hysteresis est effectivement le critère fondamental pour conclure que la transition est du premier ordre. Or, jusqu’à présent, seule une hystérèse partielle a été observée [97].

En résumé, la CDW de Lu5Ir4Si10se développe selon l’axe~c, mais elle n’est pas compatible avec une théorie 1D en couplage faible. Au contraire, le ratio ∆/kBTCDW ≈5 indique un fort couplage électron-phonon, et l’ordre de la transition est controversé bien que les arguments soient plutôt en faveur du premier ordre. Enfin, entre 16% et 36% de la surface de Fermi disparaissent à la transition, ce qui n’est pas sans conséquence sur la supraconductivité : la disparition sous pression de la CDW au-dessus de 2 GPa, s’accompagne d’une brusque augmentation de laTC.

1.4.2 Supraconductivité

Sheltonet al.observent que la température de transition CDW diminue continûment avec la pression (Fig. 1.26a). Au-dessus de 2 GPa, la CDW semble avoir totalement disparue. Simultanément, la tempé-rature critique reste à peu près constante égale à 4 K tant que la CDW est présente, mais à 2 GPa la température critique saute brusquement de 4 K à 9 K (Fig. 1.26b). Le même phénomène se produit en dopant :

pour 50% de germanium à la place du silicium, la CDW disparaît et laTCaugmente de 4 à 6 K [97, 111]

pour 5% de scandium à la place du lutécium, laTCaugmente aussi de 4 à 6 K

Les mesures de chaleur spécifique[44,97] à basse température montrent un comportement BCS stan-dard, avec ouverture d’un gap d’amplitude ∆C/γTC= 1.41 (la théorie BCS prédit une valeur de 1.43).

Finalement, alors que les propriétés de la CDW dévient fortement du modèle de Peierls-Fröhlich en couplage faible, les propriétés supraconductrices semblent en bon accord avec la théorie BCS en couplage faible. Les corrélations entre laTCet la disparition de la CDW semblent alors indiquer un effet de densité d’état au niveau de Fermi : la supraconductivité et la CDW seraient en compétition pour les mêmes électrons.

10. Par exemple, dans le bronze bleu quasi-1D : K0.3MoO3, Pougetet al.[38] analysent le comportement critique des longueurs de corrélation, définies comme l’inverse de la largeur des pics de sur-structure. Au-dessus deTCDW= 180 K, ils observent des fluctuations 3D, qui deviennent ensuite 2D à partir de 200 K, et qui persistent jusqu’à température ambiante.

1.4.3 Conclusion

Dans cette étude, nous avons essayé de distinguer l’influence de la CDW sur la supraconductivité dans le dichalcogénure 2H-NbSe2. Pour cela nous avons étudié le composé isostructural 2H-NbS2 qui ne présente pas de CDW. L’étude comparative des propriétés supraconductrices des deux composés révèle de nombreuses similarités.

Dans un deuxième temps, nous avons étudié l’influence du mode de phonon mou de 2H-NbSe2sur ses propriétés supraconductrices. Pour cela, nous avons suivi la dépendance du phonon mou de 2H-NbSe2 à basse température, et sous pression jusqu’à 16 GPa, par diffusion inélastique des rayons X. De plus, nous avons mesuré le spectre de phonon de 2H-NbS2à pression ambiante et basse température.

Simultanément, nous avons essayé de voir comment les résultats obtenus sur les dichalcogénures pou-vaient se comparer à d’autres cas de coexistence entre la supraconductivité et une CDW. Nous avons ainsi étudié le composé Lu5Ir4Si10, qui présente une CDW très différente de celles des dichalcogénures. À la recherche d’éventuelles déviations au modèle BCS couplage faible, telles que celles observées dans 2H-NbSe2, nous avons mesuré les propriétés supraconductrices de Lu5Ir4Si10 à basse température. Cette recherche s’est avérée infructueuse, mais nous avons confirmé la nature premier ordre de la transition CDW en observant une hysteresis complète. Enfin les études de diffraction X sous pression ont révélé que la CDW semblait constituée de deux périodicités.

Le chapitre suivant décrit les différentes techniques expérimentales utilisées au cours de ce travail. Les résultats expérimentaux sont présentés dans les chapitres ultérieurs.

(a)

(b)

Figure1.26 –(a) Dépendance en température de la résistivité dans Lu5Ir4Si10, pour différentes pressions. La CDW est marquée par un brusque saut de résistivité, qui disparaît au-dessus de 2GPa (20kbar).(b) La TC reste constante tant que la CDW est présente, puis saute brusquement quand la CDW disparaît. D’après [108].

Deuxième partie

Chapitre 2

Techniques expérimentales I

Au cours de ma thèse, j’ai mesuré un large spectre de propriétés physiques. J’ai utilisé un certain nombre de techniques expérimentales pour la caractérisation des échantillons. Mais, principalement, j’ai été un utilisateur avancé de trois techniques expérimentales :

diffusion inélastique des rayons-X pour la mesure des spectres de phonons

oscillateur à diode tunnel pour la mesure de longueur de pénétration magnétique

micro-sondes de Hall pour la mesure du premier champ critique

Dans une moindre mesure, j’ai aussi réalisé des mesures de second champ critique par mesure de chaleur spécifique AC et mesure de susceptibilité magnétique AC locale différentielle.

Dans ce chapitre, je me restreins à la présentation de la première technique : la diffusion des rayons X. Les résultats que nous avons obtenus sont présentés dans les trois chapitres suivants (Chap.3,4et5). Les autres techniques expérimentales constituant un domaine distinct, leur présentation est reportée au chapitre6. Ma présentation de chaque technique commence par une introduction théorique, suivie d’une description du dispositif expérimental et de la procédure de mesure.

2.1 Diffusion/diffraction des rayons X à basse température et

sous pression : mesures de spectres de phonons

La diffusion cohérente des photons X par différents atomes d’un cristal produit un phénomène d’in-terférence que l’on nomme diffraction. Après une introduction générale sur les rayons X, cette section présente successivement les phénomènes de diffusion/diffraction classique (pour expliquer l’influence de la polarisation), élastique (dans le cadre de la théorie cinématique) et inélastique, en se restreignant au cas d’un cristal. Il existe de nombreux ouvrages traitant de la diffusion des rayons X, je me suis inspiré en particulier de Guinier [148], Ashcroft et Mermin [143], Burkel [12], Ravy [162] et Squires [155].