• Aucun résultat trouvé

6.2 Oscillateur à diode tunnel

6.2.3 Analyse des résultats

Contribution des impuretés paramagnétiques de l’échantillon

Une impureté paramagnétique a tendance à s’aligner avec le champ magnétique extérieur appliqué. Cet alignement conduit à une augmentation du champ magnétique local. Ce phénomène peut aussi se produire dans un supraconducteur si des impuretés paramagnétiques sont présentes dans le volume où pénètre le champ magnétique. La réponse diamagnétique de l’échantillon est alors plus faible que prévue, et l’application des formules déterminées précédemment conduit à surestimer la longueur de pénétration magnétique. Cet effet a été proposé pour la première fois par Cooper [22], il montre que la présence d’ions Nd3+dans Nd1.85Ce0.15Cu04y(NCCO) produit une correction non négligeable à basse température. Ceci lui permet de retrouver une dépendance de la longueur de pénétration linéaire en température, et ainsi de mettre en évidence la présence de nœuds dans le gap supraconducteur.

Il est donc important de tenir compte de la susceptibilité paramagnétique non nulle du matériau. Les équations de Maxwell montrent que l’on peut définir une longueur de pénétration magnétique effective

λef f =λ×p

1 +χimp (6.34)

χimpest la susceptibilité magnétique du matériau due aux impuretés et/ou aux éléments qui le consti-tuent eux-mêmes. Typiquement,χimp est de l’ordre de 1T10Θ(SI) (Curie-Weiss) pour des impuretés para-magnétiques (Θ = 0 K) ou ferropara-magnétiques (Θ >0 K). La correction est parfois si importante qu’elle produit en apparence une augmentation de la longueur de pénétration magnétique lorsque la tempéra-ture diminue [96]. En pratique, pour obtenir la susceptibilité paramagnétique des impuretés, les auteurs mesurent la dépendance en température de l’aimantation du matériau dans l’état normal.

Contribution paramagnétique du porte-échantillon

Je montre dans l’annexe9.1.2, que la contribution du porte-échantillon à l’inductance est LP−E=µ0(1 +χm)n2×VP−E+0(1 +χe)(µ0)2×πhR

4

8 (6.35)

où le porte-échantillon est assimilé à un cylindre de rayonR= 0.5 mm, de hauteurhet de susceptibilité magnétiqueχmet diélectrique6χe. La pulsation du circuit estω, et le nombre de spires par mètre de la bobine estn. La comparaison des corrections magnétiques et diélectriques donne

diélectrique diamagnétisme =

0(1 +χe)µ0ω2R2

8χm ≈2×103 (6.36)

où 1 +χe≈10 (cf. [145,146,163]) etχm=−1.2×105 (cf. [145,151]). Ces valeurs ont été mesurées à température ambiante, mais le diamagnétisme est normalement indépendant de la température, et χe semble saturer à basse température (cf. Fig.9.1).

Il semble que le diamagnétisme devrait dominer les effets de polarisation de trois ordres de grandeur à 14MHz. Ce ne serait plus valable au delà de 100MHz à cause de la dépendance quadratique en fréquence. En négligeant le terme diélectrique, cette formule est similaire à celle du vide, µ0 a simplement été remplacé par µ. Comme χm est négatif, le porte-échantillon contribue à réduire l’inductance, donc à augmenter la fréquence de résonance.

Quantitativement, lors de l’extraction du porte-échantillon nu, et en supposant qu’il occupe une fraction αdu volume interne de la bobine (α= VP−E

Vbob), la variation d’inductance s’écrit δL= µ0n2α×µn2−(1−α)µ0n2

×Vbob=−µ0χmn2VPE (6.37)

Ceci correspond à une variation de fréquence δf=−1 2f0 δL L = 1 2f0 VP−Eµ0χmn2 Vbob×µ0n2 = 1 2f0αχm≈ −82 Hz (6.38) ainsi, enlever le porte-échantillon, devrait conduire à une diminution de la fréquence d’une centaine de hertz au maximum.

6. Pour rappel :=0(1 +χe) est la permittivité diélectrique du matériau.r= (1 +χe) est la permittivité diélectrique relative ou constante diélectrique.

Expérimentalement, on observe au contraire une augmentation de quelques centaines de hertz qui varie d’un porte-échantillon à l’autre (120 Hz dans les dernières mesures). Nous pouvons donc conclure que

le diamagnétisme du porte-échantillon ne peut expliquer le phénomène.

le phénomène pourrait être expliqué par une effet diélectrique si la valeur de χe augmentait de trois ordres de grandeur à basse température. Ceci semble improbable, car généralement le réseau atomique se durcit quand la température diminue. Or, contrairement au paramagnétisme, la po-larisation est liée à l’amplitude du déplacement des ions. On s’attend donc à une susceptibilité diélectrique plus faible à basse température.

Il semble alors que seul des impuretés paramagnétiques ou ferromagnétiques puissent expliquer ce phénomène. Qualitativement, la dépendance en température du porte-échantillon suit effectivement une loi de type Curie. Dans des mesures récentes entre 0.5 et 5 K, on observe une loi de Curie

δf[Hz] = 0.17

T[K] (6.39)

Pour un facteur de remplissage égal à 1, si la susceptibilité suit une loi de Curie pour un spin 1/2, la fréquence varie de δf=−1 2f0 δL L =1 2f0 δχm 1 +χm =1 2f0δχm=1 2f0 N µ2 B kBT (6.40)

où la référence estδf= 0 à haute température. Cela semblerait indiquer un taux d’impuretés de 6 ppm, si elles avaient un spin 1/2, en accord avec des taux d’impuretés ferromagnétiques typiques [151].

Cependant cette loi de Curie pose un problème quantitatif : le décalage en fréquence, dû au porte-échantillon, varie seulement de 300 mHz entre 5 K et 0.5 K. Or, si la contribution du porte-échantillon est de 120 Hz à 0.5 K, on s’attend normalement à ce que la contribution à 5 K soit de 12 Hz, donc à une variation d’une centaine de hertz.

Autrement dit, la réponse paramagnétique du porte-échantillon est constituée d’une contribution constante de 120 Hz, à laquelle s’ajoute une faible variation de 300 mHz entre 5 K et 0.5 K.

Actuellement notre hypothèse est que ceci pourrait être dû à la présence simultanée d’impuretés ferro-magnétiques saturées, produisant la contribution constante7 de 120 Hz, et d’impuretés paramagnétiques, produisant la faible dépendance en température.

Avant chaque série de mesure, le porte-échantillon est nettoyé à l’eau régale8, afin de dissoudre toute impureté métallique qui se serait déposée en surface. Les impuretés para/ferromagnétiques, qui semblent présentes, seraient donc sans doute piégées dans le volume du porte-échantillon.

Lien entre la fréquence et la longueur de pénétration magnétique

L’ensemble des modèles présentés dans le chapitre précédent, aboutit à une formule générique de la susceptibilité magnétique hχeffi= −1 (1−N) 1− λ Rtanh R λ (6.41) Cette formule se simplifie encore pourT Tc. On a alors tanh R

λ

≈1 carλR. Lorsqu’on introduit l’échantillon supraconducteur dans l’oscillateur à diode tunnel, la variation de fréquence peut alors s’écrire

f(T)−f0= Vexpulsé 2Vbob f0 1 (1−N) 1−λ(T) R (6.42) On peut envisager de calculer le préfacteur Vexpulsé

2Vbob f0(11N), mais c’est imprécis, surtout pour le facteur démagnétisant effectif N. Une meilleure façon de déterminer ce préfacteur, est d’extraire l’échantillon de la bobine à la température la plus basseTmin. On peut alors assimiler le préfacteur à la variation de fréquence lors de l’extraction

f(Tmin)−f0= Vexpulsé 2Vbob f0 1 (1−N) 1−λ(Tmin) R Vexpulsé 2Vbob f0 1 (1−N) (6.43)

7. La susceptibilité magnétique d’un ferromagnétique saturé est en théorie nulle en l’absence d’effet démagnétisant. En revanche,χmest de l’ordre de 1/Npour un facteur démagnétisantN, par exemple,χm≈3 pour des inclusions sphériques. Pour expliquer le phénomène, il faudrait alors que le volume cumulé de ces inclusions sphériques occupe une fraction

α=f2δf

0χm ≈10−5 du volume de la bobine, soit une sphère unique de 10µm de rayon. 8. mélange d’acide nitrique HNO3et chlorhydrique HCl en proportions respectives 1 :2

En faisant cela on néglige seulement le terme en λ(Tmin)

R , qui est généralement de l’ordre de 0.4% (λ

100 nm etR≈100µm). À cette petite approximation près, la variation de fréquence entre la température la plus basse Tmin et une certaine températureT s’écrit alors

f(T)−f(Tmin) = ∆f0

λ(Tmin)−λ(T) R

(6.44) où on a noté ∆f0=f(Tmin)−f0. Pour terminer, la température la plus basse est choisie comme référence. En posantδλ(T) =λ(T)−λ(Tmin) etδf(T) =f(T)−f(Tmin), les variations de longueur de pénétration magnétique s’expriment alors simplement par

δλ(T) =−Rδf(T)

f0 (6.45)

Application

La géométrie la plus courante, pour les échantillons que j’ai étudiés, est présentée Fig. 6.10. Les dimensions sont exagérées par soucis de clarté : la bobine fait 8 mm de long et 1 mm de diamètre, h est typiquement de l’ordre de 2 mm, e et l de l’ordre de 0.03 à 0.3 mm, tandis qu’à basse températureλest typiquement de l’ordre de 100 nm. Ainsi,

1. la géométrie est telle qu’on peut négliger les effets démagnétisants

2. à basse température la longueur de pénétration magnétique est négligeable devant les dimensions de l’échantillon

Figure6.10 –Mesure de longueur de pénétration magnétique. Géométrie de l’échantillon dans la bobine du circuit LC. Le champ magnétique pénètre dans l’échantillon, sur une distance caractéristique λ.

Dans ces conditions, on peut raisonnablement utiliser les formules obtenues pour un barreau infiniment long de section rectangulaire, cf. Éq.6.25. Pour une longueur de pénétration isotrope λ, on a donc

χm=−1 +2λ e + 2λ l (6.46) R= el 2(e+l) (6.47) δλ(T) =−δf(T) f0 el 2(e+l) (6.48)

L’incertitude sur la valeur absolue deδλ(T) est dominée par les incertitudes sur les dimensions géo-métriques de l’échantillon, qui sont d’environ 10-20%. En effet, il est délicat de mesurer les dimensions de l’échantillon à mieux que 10%, d’autant plus que la section n’est ni parfaitement rectangulaire ni parfaitement lisse sur toute la longueur de l’échantillon (voir section 7.3).

En revanche, cette technique est extrêmement sensible. En prenant les dimensions usuelles :h= 1 mm, e=l= 0.1 mm, la sensibilité du dispositif est de 80 Å/Hz. Donc, pour une précision sur δf de l’ordre de 10 mHz, la sensibilité sur la longueur de pénétration magnétique est de l’ordre de 1 Å.

Conclusion

Ceci conclut la description de l’oscillateur à diode tunnel. Son point fort est son extrême sensibilité, qui permet de mesurer les variations relatives de la longueur de pénétration magnétique avec une précision de 1 Å. La mesure d’une dépendance en température complète, de 0.5 à 10 K avec une résolution de 10 mK, ne prend que 2 ou 3 jours. Les variations à basse température (en dessous deTSC/3) indiquent la présence de nœuds ou renseignent sur la plus petite échelle d’énergie du gap supraconducteur. Cependant la valeur absolue de la longueur de pénétration magnétique est inaccessible par cette technique. Celle-ci est nécessaire pour pouvoir exploiter les données sur toute la gamme de température. Pour l’obtenir, nous mesurons le premier champ critique à l’aide de micro-sondes Hall.