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J’ai mesuré la dépendance en température des variations de longueur de pénétration magnétique δλ(T), selon les deux axes principaux, dans la whisker W3 et les barreaux IV, VII et VIII.

8.5.1 Dépendance en température de δλab

Pour mesurerδλab(T), l’échantillon est placé avec l’axe~c parallèle au champ AC, ainsi les supercou-rants s’écoulent uniquement dans le plan (~a,~b). La whisker W3 et le barreau IV sont bien adaptés pour cette mesure. Ils ont leur dimension la plus grande selon l’axe ~c : les effets démagnétisants sont donc réduits au minimum (en particulier pour la whisker) et le facteur de calibrationRest déterminé d’après la formule du barreau infiniment long présentée au chapitre 2 (Éqn.6.47). Notez que cette géométrie est beaucoup plus favorable que dans le cas des dichalcogénures. J’utilise ainsi la formule

δλ(T) =−δf(T)

f0 el

2(e+l) (8.3)

où e et l sont les dimensions de la section de l’échantillon, et ∆f0 >0 est la différence : fréquence avec l’échantillon à la plus basse température au sein de la bobine, moins fréquence à vide.

Lors de l’extraction5 à 500 mK on mesure ∆f0=−187 Hz pour la whisker et ∆f0 = 83870 Hz pour le barreau IV. Le signe de ∆f0 mesurée sur la whisker ne correspond pas à un diamagnétique, mais cette valeur de ∆f0 est inférieure à la contribution paramagnétique du porte-échantillon utilisé. Nous avons mesuré la contribution du porte-échantillon seul : ∆f0=−597 Hz. Nous en déduisons donc que la contribution de la seule whisker est ∆f0= 404 Hz.

En utilisant ces valeurs et les dimensions géométriques e et l du tableau 8.2, on obtient alors des résultats identiques pour le barreau IV et pour la whisker, aux incertitudes près.

Incertitudes

La précision surδf est estimée à environ 0.05 Hz d’après la stabilité en fréquence, ce qui produit un bruit intrinsèque d’environ 1 Å sur δλ(T) pour le barreau IV. En pourcentage, l’incertitude sur δf est très grande pour les premiers points puisqueδf est très faible, mais elle décroît très vite. Pour le barreau IV, d(δf)/δf vaut : 20% à 0.52 K, 7% à 0.6 K, 3% à 0.7 K, 1% à 1 K.

D’autre part, la valeur absolue de δλ(T) est obtenue via un préfacteur qui dépend des dimensions géométriques et de ∆f0. J’ai mesuré avec précision les dimensions du barreau IV au microscope optique, et j’ai vérifié la cohérence du résultat avec sa masse et les paramètres de maille. J’estime l’incertitude sur les dimensions transverses e et l à environ 0.02 mm (soit 5%). Le porte-échantillon contribue pour 400 Hz à l’incertitude sur la mesure de ∆f0= 83870 Hz, soit 0.4%, et la variation de cette contribution paramagnétique avec la température a été précédemment évaluée à environ 0.05 Hz entre 0.5 et 2 K [27]. En supposant que les incertitudes sur e, l,δfet ∆f0sont indépendantes, j’en déduis que l’incertitude sur la valeur absolue deδλ(T) est de : 5% + 1 Å.

Notez que l’incertitude de 5% sur le préfacteur correspond à une renormalisation de la courbe dans son ensemble. Ainsi, je ne mets pas des barres d’erreur de 5% sur les courbes δλ(T), car j’effectue une régression avec un modèle où le préfacteur est en paramètre libre, l’incertitude pertinente est donc seulement de 1 Å (en revanche le préfacteur est déterminé à 5% près, au mieux).

λab(T)et densité superfluide normalisée

Je déduis la dépendance en température de la valeur absolue de la longueur de pénétration magnétique, λab(T) =λ0,ab+δλab(T), en utilisant la valeurλ0,ab= 409 nm [50].

Je rappelle que la densité superfluide ρs,i est proportionnelle à (λ0,i+δλi(T))2, où i réfère à la direction cristallographique,λ0est la longueur de pénétration magnétique à 0 K etδλ(T) est la variation en température. En limite propre, la valeur deλ0est liée seulement aux propriétés de la surface de Fermi, tandis que la dépendance en températureδλ(T) est aussi liée au gap supraconducteur. L’approximation à basse température pour un supraconducteur de type II avec un gap complètement ouvert, est donnée

5. Rappel : ∆f0vaut environ 330 kHz/mm3.

par δλ(T) λ(0 K) = s π∆(0 K) 2kBT exp(∆(0 K) kBT ) (8.4)

où ∆(0 K) est la valeur du gap supraconducteur à température nulle. Dans la Fig. 8.13, je présente la dépendance en température de la densité superfluide normalisée pour le barreau IV et la whisker W3.

Figure 8.13 –Densité superfluide normalisée dans le plan (~a,~b) pour le barreau IV (carrés noirs) et la

whisker W3 (disques rouges), pour H parallèle à l’axe~c.λ0,ab= 409nm d’après [50]. La dépendance en température théorique selon le modèle BCS en couplage faible est indiquée par une ligne noire. Les Tc

sont respectivement de 3.9 K pour la whisker et 3.77 K pour le barreau.

(Médaillon) Variations de longueur de pénétration magnétique à basse température. La ligne pointillée correspond au modèle BCS avec λ0,ab= 409nm et ∆(0K) = 1.76kBTc. La ligne noire pleine correspond à une régression en loi de puissance αTn avecn= 2.94(1)et α= 350(5)nm.

Analyse de la dépendance en température de λab

En dessous de Tc et sur une vaste gamme de température, les variations sont très proches de celles attendues pour un supraconducteur de type BCS couplage faible en limite propre.

Cependant, à basse température, nous observons une faible déviation de la longueur de pénétration magnétique au modèle BCS en limite propre ou sale. Dans le médaillon de la Fig.8.13on constate que δλ(T) n’a pas encore totalement saturée à 0.5 K, contrairement à ce que prévoit le modèle BCS pour une Tc de 3.73 K. Une régression exponentielle s’ajuste assez mal à cette courbe, et fournit une valeur d’environ 1.2kBTc. La dépendance en température est mieux décrite par une loi de puissanceαTn avec n= 2.94(1) etα= 350(5) nm, cette dernière régression est représentée par une ligne noire pleine.

Pour essayer d’expliquer ce phénomène, j’ai envisagé l’effet du paramagnétisme du matériau, mais la correction semble être négligeable. Quantitativement, d’après les mesures SQUID à 10 kOe, la sus-ceptibilité magnétique dans l’état normal suit une loi de Curie entre 30 K et Tc. La régression en 1/T donne

4πχm(cgs) =χm(SI) =−6.3(1)·106+2.6(1)·105

avec un coefficient de régression R = 0.999. Comme nous l’avons vu au chapitre 2, la longueur de pénétration mesurée doit alors être renormalisée par un facteur 1/p1 +χm(T). Mais l’estimation à la plus basse température (0.5 K), où l’effet est le plus grand, donne une correction d’environ 0.1 Å, ce qui est inférieur à la résolution de l’expérience.

L’estimation précédente doit cependant être modérée, car l’oscillateur à diode tunnel fonctionne avec une très faible excitation magnétique (<1µT), tandis que j’ai utilisé les données SQUID à 10 kOe. Or la mesure du cycle d’aimantation à 5 K sur le plus gros échantillon (Fig.8.14) montre la présence d’un petit cycle ferromagnétique avec un champ coercitif d’environ 1000 Oe et une aimantation rémanente de 0.2µT. La susceptibilité magnétique pour µ0H<1µT est alors potentiellement beaucoup plus élevée, et je ne peux donc pas totalement exclure un effet d’impuretés para/ferromagnétiques.

Figure8.14 –Petit cycle ferromagnétique mesuré au SQUID sur l’échantillon2_mm, avec une extraction

de 0.8 cm. L’aimantation SI est donnée enµT selon la formuleMSI(µT) = 100·4πMcgs(emu)·9.8/0.1473.

On ne peut pas non plus totalement exclure la présence d’une petite échelle d’énergie dans le gap supraconducteur, comme dans les dichalcogénures 2H-NbS2 et 2H-NbSe2. Cependant, le poids de cette échelle serait extrêmement faible, car la densité superfluide normalisée suit le comportement BCS sur presque toute la gamme de température.

Ainsi, les mesures de la dépendance en température de la longueur de pénétration magnétiqueλab, montrent la présence d’une petite déviation au modèle BCS. Mais déterminer l’origine de cette déviation nécessite encore d’autres investigations.

8.5.2 Dépendance en température de δλc

J’ai aussi mesuré la longueur de pénétration en appliquant un champ AC selon l’axe~a. Pour cela j’ai utilisé les barreaux VII et VIII découpés selon l’axe~a, avec respectivement une petite et une grande face selon ~c (i.e.parallèle à l’axe ~c). Dans cette géométrie, les supercourants s’écoulent pour partie dans le plan (~a,~b) et pour partie selon~c, on sonde doncλabetλc. En soustrayant la contribution deλab, d’après les mesures précédentes, il est possible d’en déduire λc. Cette anisotropie modifie légèrement la formule deδλ(T) : δλc(T) =−Labδf(T) 2∆f0 Lab Lc δλab(T) (8.6)

Lc est la longueur de la face parallèle à~c, etLabla longueur de la face parallèle à~a. Je présente ici le résultat de l’échantillon VIII6, qui possède un rapport Lab

Lc = 0.42/0.54 et pour lequel ∆f0= 104842 Hz. La températureT /Tc= 0.14 est prise comme origine des deuxδλ.

6. Pour l’échantillon VII,δf(T) est identique, aux incertitudes près, à ce qui est mesuré sur les échantillons IV et W3, sans doute car le ratio Lab

Lc = 0.14/0.42 est moins favorable.

La dépendance en température deδλc(T) est présentée dans la Fig.8.15. La valeur exacte deδλc(T) est connue seulement à 15% près car elle dépend de trois facteurs principaux :δλab(T) dont le préfacteur est connu à 5% + 1 Å près, et les deux dimensions géométriques Lab et Lc chacune connue à 5% près. À basse température, δλc(T) semble assez proche du comportement exponentiel attendu pour un gap BCS d’amplitude 1.76kBTc et pour une longueur de pénétration magnétique à température nulle λ0,c de 300 nm (telle que mesurée par Jaiswal et al. [50]). Par ailleurs, des variations simultanées de 5% de chacun des facteurs de δλc(T), ne permettent pas de faire disparaître le comportement exponentiel avec un gap d’amplitude 1.76kBTc.

Cette analyse indique que le gap supraconducteur selon l’axe ~c possède une amplitude proche de 1.76kBTc et elle semble aussi être en accord avec une valeurλ0,c de 300 nm.

Figure 8.15 –Obtention deδλc(T) à partir de δλab(T). (disques rouges)δλab mesurée dans le barreau IV.

(carrés bleus) δλc déduite deδλab(T)d’après les mesures sur les barreaux IV et VIII. Bon accord avec la dépendance exponentielle théorique de δλc (trait orange), dans le modèle BCS couplage faible en limite propre, avec λ0,c= 300nm [50].Tc= 3.77K, est identique dans les barreaux IV et VIII.

(triangles verts) δλiso hypothétique, obtenu en supposant λisotrope, barreau VIII. (trait pointillé) modèle BCS pourδλab, avecλ0,ab= 409nm [50].

8.6 Conclusion

Nous avons présenté des mesures de résistivité à haute et basse température montrant une hystérèse au voisinage de la transition CDW. Ceci est une preuve forte de la nature premier ordre de la transition. Jusqu’à 1000 K, aucune autre anomalie de résistivité n’est observée. Ce résultat suggère que la nature premier ordre de la transition a une autre origine que dans le cas des dichalcogénures bidimensionnels.

D’autre part, nous avons mesuré les pics de diffraction satellites de la CDW, sous pression et à basse température. Nous observons que la CDW est constituée de deux périodicités, qui semblent en compétition.

Enfin, même si une anomalie à très basse température reste encore à expliquer dans la dépendance en température deλab, les propriétés supraconductrices de Lu5Ir4Si10sont globalement en bon accord avec la théorie BCS en couplage faible. Ce dernier résultat contraste avec les propriétés supraconductrices des dichalcogénures 2H-NbSe2 et 2H-NbS2, qui sont à proximité d’une transition CDW du second ordre.

Conclusion

Résultats

Dans cette étude, j’ai présenté la dépendance en température de la dispersion des phonons dans le composé 2H-NbS2, obtenue par diffusion inélastique des rayons X. Nous avons ainsi mis en évidence la présence de deux phonons mous, dont la variation d’énergie en température est semblable à celle de 2H-NbSe2.

Par ailleurs, en mesurant la dispersion des phonons sous pression et à basse température dans 2H-NbSe2, nous montrons que, quand l’état fondamental (i.e.à température nulle) n’est pas l’onde de densité de charge, un mode de phonon mou persiste, et comme observé dans 2H-NbS2 son énergie extrapolée à température nulle est positive. Ainsi les composés 2H-NbS2 et 2H-NbSe2ont en commun la présence de phonons mous, en revanche dans le cas de 2H-NbSe2le mode de phonon mou tombe à zéro lorsque l’onde de densité de charge apparaît, contrairement au cas de 2H-NbS2 où le phonon mou reste à énergie finie. Dans les deux cas, ces phonons mous semblent liés à la présence d’un fort couplage électron-phonon. Mais dans le cas de 2H-NbS2, nous montrons de façon indirecte que les effets anharmoniques sont suffi-samment forts pour s’opposer à l’amollissement complet des phonons et donc à l’apparition de l’onde de densité de charge. Ainsi, 2H-NbS2 se révèle être un composé relativement unique : il se situe à la limite d’une instabilité onde de densité de charge, que seuls les effets anharmoniques empêchent d’advenir.

Dans la seconde partie, j’ai mesuré l’anisotropie et la dépendance en température de la longueur de pénétration magnétique dans 2H-NbS2. J’obtiens les valeurs suivantes de la longueur de pénétration magnétique à température nulle :λab= 730±100 Å, etλc= 8800±900 Å, soit une anisotropie d’environ 12. D’autre part, la dépendance en température de la densité superfluide confirme la présence d’un gap supraconducteur réduit dans 2H-NbS2, dont l’amplitude est très similaire à celle observée dans 2H-NbSe2. En comparaison, les propriétés supraconductrices de Lu5Ir4Si10 se révèlent tout à fait standard, c’est-à-dire bien décrite par le modèle BCS couplage faible. En revanche, l’observation d’une hystérèse à la transition, mesurée dans la dépendance en température de la résistivité, montre que l’onde de densité de charge est du premier ordre. De plus, les mesures de diffraction X sous pression et à basse température révèlent que l’onde de densité de charge est unidimensionnelle de périodicité 1/7, et qu’elle contient une seconde périodicité de 1/20.

Discussion et ouverture

Dans 2H-NbS2et 2H-NbSe2, le fait que les phonons mous apparaissent seulement le long de la ligne de symétrie ΓM, laisse attendre que l’intensité du couplage électron-phonon présente une forte anisotropie. Ceci est confirmé par les calculsab initio. Étant donné le rôle central de ce couplage dans la théorie stan-dard de la supraconductivité, nous proposons donc que les spécificités des propriétés supraconductrices de ces deux composés soient liées à l’anisotropie du couplage électron-phonon, plutôt qu’à la nature de l’état ordonné (onde de densité de charge ou métal). Les phonons mous étant présents dans les deux composés, comme la supraconductivité, nous avons prouvé expérimentalement qu’il faut plutôt raisonner en terme de renforcement de la supraconductivité par les phonons mous.

De plus, le fait que la supraconductivité du composé Lu5Ir4Si10est de type BCS couplage faible avec un gap uniforme sur la surface de Fermi, laisse penser que les grands gaps supraconducteurs apparaissent seulement en présence de phonons mous. En effet, le fait que la transition onde de densité de charge est du premier ordre dans ce composé, suggère l’absence de phénomènes pré-transitionnels tels que les phonons mous. Mais l’isotropie du gap pourrait aussi avoir d’autres origines telles que la dimension de l’onde de densité de charge : bidimensionnelle dans le cas de 2H-NbSe2, unidimensionnelle dans le cas

de Lu5Ir4Si10. Enfin, le rôle et l’origine des multiples vecteurs d’ondes de l’onde de densité de charge de Lu5Ir4Si10, mériteraient aussi sans doute de plus amples éclaircissements.

Quatrième partie