• Aucun résultat trouvé

6.2 Oscillateur à diode tunnel

6.2.1 Mesure de susceptibilité magnétique

En première approximation3, la fréquence des oscillations spontanées du circuit est la fréquence de résonance du circuit LC

f0= 1

2π

L0C0 (6.30)

Pour une faible variation d’inductance ∆L=LL0on observe donc un petit déplacement de la fréquence f du circuit

f f0=−1

2f0 L

L0 (6.31)

Voyons maintenant comment les variations d’inductance sont reliées à la susceptibilité magnétique du matériau.

L’inductance L de la bobine est liée à la partie réelle de la susceptibilité magnétique du matériau placé en son sein. En l’absence d’effet démagnétisant, on peut montrer (cf. 9.1) que l’inductance de la bobine est la somme de trois termes

L=µ0n2Vbob+µ0χmn2VPE+µ0hχmin2Vexpulsé (6.32)

où le premier terme est l’inductance à vide de la bobine, le second est la contribution magnétique du porte-échantillon de susceptibilité χm, et le troisième est la contribution de l’échantillon. nest le nombre de spires par mètre de la bobine. Notez que cette formule ne fait pas intervenir la susceptibilité magnétique du supraconducteur4, mais sa valeur moyennehχmiqui relie l’aimantation moyenne à l’excitation magnétique (cf. 9.1). Comme mentionnés précédemment, les effets démagnétisants sont inclus empiriquement en utilisant la même formule avec une susceptibilité magnétique moyenne effectivehχeffi[94]

On peut maintenant exprimer la variation de fréquence causée par la présence du matériau supracon-ducteur ff0=−1 2f0 LL0 L0 =1 2f0 µ0hχeffin2Vexpulsé µ0n2Vbob =Vexpulsé 2Vbob f0hχeffi (6.33) dans cette expression f0 est la fréquence de résonance à vide, et on a négligé la contribution du porte-échantillon, qui fait l’objet d’un paragraphe dédié ci-après. χeff peut alors être reliée à la longueur de pénétration magnétiqueλen fonction de la géométrie de l’échantillon, d’après les formules que nous avons vues dans la section précédente.

On dispose de solutions analytiques seulement si l’échantillon est un ellipsoïde ou pour certaines géo-métries sans effet démagnétisant. Dans le cas général, la détermination deχeff est un problème non trivial. Cela revient à calculer la distribution du champ magnétique dans la bobine, autour de l’échantillon supra-conducteur. Les formules semi-analytiques de Prozorovet al. [96] présentées dans la section précédente, ont justement été obtenues en utilisant des simulations numériques à base d’éléments finis.

Examinons maintenant la réalisation concrète du circuit LC oscillant à diode tunnel.

3. En toute rigueur, la fréquence de résonance n’est pas exactement celle du circuitLC, il existe un terme correctif(cf. Réf. [24, Éq.6]) f0= 1 2π 1− LC (6.29)

le facteurest proche de 0, mais son expression est complexe et dépend des autres paramètres du circuit, notamment de

L. D’après [24], quand le circuit est optimisé et qu’il s’agit, comme dans notre cas, de mesurer une très faible variation de

L, cette seconde dépendance enLne donne qu’une correction négligeable.

4. La susceptibilité magnétiqueχmest en effet hétérogène au sein du supraconducteur. H étant supposé parfaitement uniforme dans la bobine,χmreflète la dépendance spatiale de l’aimantation. Elle peut même être tensorielle siH~ etM~ ne sont pas colinéaires. :M~ = [χmH~.

6.2.2 Dispositif expérimental

Le système de mesure de longueur de pénétration est installé sur une canne3He pompé en continu, construite au laboratoire. Cette canne est adaptée à un cryostat 4He à bain pompé (Cryostat Orange standard 70 mm, de marque AS Scientific).

Cryogénie

Le cryostat, en photographie Fig.6.4, est constitué d’un puits central sous faible pression d’hélium, dont la température peut varier de 1.8 K à 300 K. La source froide est une « boîte à 1K » collée contre la paroi externe du puits. L’hélium liquide, conservé à 4.2 K à pression ambiante dans les réservoirs, est aspiré dans la boîte à 1K. Un système de pompage maintient la boîte à 1K à une pression inférieure à la pression de vapeur saturante de l’hélium. L’hélium bout en permanence pour tenter de rétablir la pression d’équilibre, ce qui requiert de l’énergie et ainsi abaisse la température du système. Le contact thermique entre le puits et la canne est assuré par une petite quantité d’hélium 4 (quelques millibars pour un volume d’une dizaine de litres).

En dessous de 2Kenviron, la pression de vapeur saturante de l’hélium 4 chute fortement (au moment de la transition superfluide) en conséquence il devient très difficile d’abaisser suffisamment la pression de l’hélium pour le faire bouillir. Pour descendre en dessous de 1.8 K le système à3He pompé est nécessaire. Le principe de fonctionnement est le même, mais la pression de vapeur saturante de l’hélium 3 reste élevée à des températures plus basses, jusqu’à environ 0.2 K. La température de base de notre dispositif est de 0.45 K. Le refroidissement complet du système, de 300 à 0.45 K, nécessite une demi-journée.

Figure 6.4 – Le réfrigérateur 3He utilisé pour les mesures de longueur de pénétration, température de

Électronique basse température : oscillateur à diode tunnel

L’échantillon supraconducteur est placé au sein d’une bobine dans un circuit électronique auto-oscillant. Le principe général d’un circuit auto-oscillant est de boucler un amplificateur large bande sur un filtre passe-bande. Quand l’amplification devient supérieure à l’amortissement du système, le bruit électrique amplifié, puis filtré, puis amplifié, et ainsi de suite... va conduire à des oscillations stables dont la fréquence dépendra du filtre, et dont l’amplitude est déterminée par les non-linéarités du système (i.e.

l’amortissement est plus important pour les grandes amplitudes).

Figure6.5 –Schéma de principe de l’auto-oscillateur LC utilisé pour mesurer la longueur de pénétration.

Le schéma du circuit utilisé est représenté Fig. 6.5. La partie droite contient l’amplificateur. L’en-tretien des oscillations est assuré par une diode tunnel polarisée dans sa zone de résistance négative (la caractéristique d’une telle diode est présentée Fig.6.6). La résistance RB permet la polarisation correcte de la diode tunnel. Au contraire, la capacité CBpermet de réduire l’amortissement des oscillations hautes fréquences, en court-circuitant RB.

Figure 6.6 – Caractéristique courant-tension d’une diode tunnel, similaire à celle du circuit résonant, pour différentes températures. La zone de résistance différentielle négative est située autour de 0.1V.

La partie LC à gauche constitue la partie filtre en elle-même. L’échantillon est placé dans la bobine L de ce filtre. Un système de poulies et de ressorts permet de l’insérer ou de le retirer à froid, au sein même du cryostat. La bobine Ltap est réglée pour que le circuit soit juste au-dessus du seuil des oscillations (« stabilité marginale »). Enfin la résistance RP est nécessaire pour éviter la formation d’oscillations spontanées entre la bobine Ltapet la capacité parasite de la diode tunnel. L’ensemble des valeurs choisies pour les différents composants conduit à une fréquence de résonance du circuit d’environ 14 MHz.

Pour plus de détails, je renvoie le lecteur aux travaux de C.T. Van Degrift [24,25] et à la thèse de P. Diener [27].

Électronique haute température : mesure de fréquence

La partie à basse température du dispositif expérimental est constituée de l’oscillateur à diode tunnel, qui convertit les variations de longueur de pénétration en un décalage de la fréquence de résonance du circuit.

Dans la partie du circuit à température ambiante, une source de courant permet de polariser la diode tunnel avec une tension continueVDC. La tensionVDCest amenée par un câble coaxial au circuit oscillant. Par ce même câble coaxial, une petite partie du signal de l’oscillateur,VAC, est aussi récupérée. Une chaîne d’instrumentation convertit ensuite le signalVAC(≈14 MHz), en un signal basse fréquence (1−100 KHz) correspondant aux variations de fréquence de l’oscillateur. Celles-ci peuvent ainsi être mesurées par un compteur avec une précision de 109.

Figure6.7 – Chaîne d’instrumentation pour mesurer les variationsδf de la fréquence de l’oscillateur à diode tunnel.

Plus précisément, la chaîne de mesure est constituée des éléments suivants :

1. un filtre passe-bas, laisse passer VDC mais récupère seulement la petite partie VAC du signal de l’oscillateur à haute fréquence (afin de ne pas introduire d’amortissement dans l’oscillateur) 2. le signal HF est amplifié par un préamplificateur MITEQ, bande passante 0–100MHz, gain×100 3. le signal est ensuite mixé (multiplié) avec une fréquence de référence produit par un générateur

Tektronix AFG3102. Le signal mixé contient alors une enveloppe de fréquencefHF fréf, i.e. la différence entre la fréquence du signal HF et celle du générateur5.

4. cette composante basse fréquence est isolée par un filtre passe-bas puis amplifiée par un NF electronic instruments LI-75A

5. la fréquence de cette composante basse fréquence est finalement mesurée par un compteur Agilent 53131A option 10.

Le compteur et le générateur sont synchronisés sur la même base de temps. Cette base de temps est un oscillateur à quartz à ultra haute stabilité, dans une enceinte à température régulée. La dérive mensuelle annoncée est de ∆f /f0= 1.5×108.

Régulation thermique de l’oscillateur

Les variations de fréquence dues aux dépendances thermiques des composants sont d’environ 100 Hz/K, tandis que les variations de longueur de pénétration conduisent à des décalages d’environ 10 mHz/Å.

5. La trigonométrie montre que le produit de deux sinusoïdes peut aussi être décrit comme une somme de deux sinu-soïdes. La première sinusoïde (« la porteuse ») oscille à haute fréquence à la somme des fréquences. La seconde sinusoïde (« l’enveloppe ») oscille à basse fréquence à la différence des fréquences.

Pour atteindre une sensibilité d’1 Å, il est donc nécessaire de réduire la contribution des gradients et du bruit thermique en dessous de 10 mHz. C’est pourquoi la température du circuit doit être régulée à au moins 104K près.

Pour cela on découple la température du boîtier électronique de celle de l’échantillon. Ainsi, on peut conserver une température de l’électronique de 3 K à 104K près (voire 105K) tout en faisant varier la température de l’échantillon entre 400 mK et 10 K. Pour travailler au delà de 10 K il faut choisir une température plus élevée pour l’électronique. Le schéma de la Fig. 6.8résume la conception de la partie basse température du dispositif expérimental (une photographie en est présentée Fig.6.9).

Figure6.8 –Schéma du dispositif de mesure de longueur de pénétration magnétique.

Les points essentiels de la conception sont les suivants

1. le circuit électronique est dans un boîtier blindé, à froid, situé au plus près de l’échantillon. Le blindage du boîtier permet de se protéger du bruit radio-fréquence.

2. le circuit est suspendu par des tiges de Vespel (un polymère peu conducteur thermiquement et électriquement) sous le porte-échantillon, ce qui permet de le découpler thermiquement du porte échantillon.

3. l’enceinte de travail est initialement sous vide pour tester l’étanchéité et éviter la formation de glace sur le dispositif lors du refroidissement. Elle est constituée d’un calorimètre à joint indium, dans lequel on réalise un vide secondaire (106mBar) à température ambiante, ce qui conduira à un vide encore plus poussé à basse température, par pompage cryogénique.

4. la géométrie de la régulation en température de l’électronique minimise les gradients thermiques dans le boîtier électronique. Le point froid (un caloduc relié au couvercle de l’enceinte) et le point chaud (une résistance chauffante) sont sur le même côté du boîtier. Ainsi le gradient thermique entre le point froid et le point chaud ne s’étend pas dans le boîtier. Ceci explique aussi que le thermomètre est placé sur le côté opposé. Le boitier lui-même est en cuivre massif, d’excellente conduction thermique.

5. l’échantillon est suspendu par une tige à l’intérieur de la bobine, en prenant garde de ne pas en toucher les bords. La tige est en saphir monocristallin, afin d’assurer un bon contact thermique. Elle ne peut pas être métallique, car l’effet de peau perturberait le champ magnétique du solénoïde. Cette tige est collée à la stykast noire sur le mécanisme d’extraction, lui-même vissé sur la boîte 3He. Une résistance, placée sur le mécanisme, permet de chauffer l’échantillon tout en limitant les gradients thermiques.

Figure6.9 –Mesure de la longueur de pénétration magnétique : partie à basse température du dispositif expérimental.