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3.5 Calculs ab initio et effets anharmoniques

3.5.4 Incidence sur la supraconductivité

À la vue des différences fondamentales du spectre de phonon entre les directions ΓK et ΓM, que ce soit en fonction de Télec dans les calculs, ou de la température réelle dans les expériences, cela suggère fortement que le couplage électron-phonon est fortement anisotrope. Ceci a nécessairement d’importantes conséquences sur les propriétés supraconductrices de 2H-NbS2. De ce point de vue, il est instructif de comparer les mesures de gaps supraconducteurs des deux dichalcogénures isoélectroniques 2H-NbSe2 et 2H-NbS2.

Dans 2H-NbSe2, les deux valeurs principales du gap supraconducteur [23,36,40,46,105] qui entrerait en compétition ou collaborerait avec la supraconductivité ont initialement été attribuées [8,17,33,58] à la CDW. Cependant, l’observation dans 2H-NbS2 de deux valeurs principales du gap supraconducteur très similaires (par les mêmes méthodes : STS [41], chaleur spécifique [55],Hc1[67] et longueur de pénétration magnétique [26]), semble clairement contredire cette hypothèse.

Si le couplage électron-phonon est fortement anisotrope, alors la force d’appariement des paires de Cooper devrait elle-même être anisotrope. Cela suggère que les deux valeurs du gap supraconducteur me-surées dans 2H-NbS2, et par extension dans 2H-NbSe2, proviennent de l’anisotropie du couplage électron-phonon.

3.6 Conclusion

Nous avons mesuré la dépendance en température du spectre de phonon de 2H-NbS2, par diffusion thermique diffuse (Thermal Diffuse Scattering, TDS) et par diffusion inélastique des rayons X (Inelastic X-ray Scattering, IXS). Cette étude révèle que 2H-NbS2possède deux modes de phonons mous semblables à ceux de 2H-NbSe2. Pour les deux branches de phonons longitudinales les plus basses en énergie selon la direction ΓM (i.e.a~∗), nous observons un amollissement large, profond et dépendant fortement de la température. Mais, contrairement à 2H-NbSe2, les énergies des phonons mous restent non nulles, et ils ne se figent jamais en une distorsion statique du réseau. Cette absence de CDW est en désaccord avec les calculsab initioharmoniques. La dépendance en température, qui suit probablement une loi de puissance de type champ moyen entre 300 et 2 K, est une preuve de la présence de forts effets anharmoniques qui s’opposent aux effets du couplage électron-phonon. Ces effets anharmoniques sont responsables de l’absence de CDW dans 2H-NbS2, mais aussi des faiblesTCDW dans les autres TMD [127].

Ainsi 2H-NbS2, qui est le plus léger composé parmi les TMD, est un composé à proximité immé-diate d’une onde de densité de charge, entravée par les effets anharmoniques. Cependant, ses propriétés supraconductrices ne semblent pas fondamentalement différentes de celles de 2H-NbSe2, ce qui suggère que l’élément pertinent pour décrire la supraconductivité dans les TMD est l’anisotropie et la force du couplage électron-phonon, plutôt que la nature de l’état fondamental (CDW versus métal). Cela procure alors une explication naturelle à l’existence d’un gap supraconducteur anisotrope.

Chapitre 4

2H-NbS

2

: Pureté du polytype

Nous avons vu précédemment que pour un dichalcogénure de formule générale MX2, différents poly-types peuvent exister. Dans le cas de NbS2, deux polytypes sont connus : 2H et 3R1. Leurs structures respectives seront représentées un peu plus loin, Fig.4.3.

Notre étude s’intéresse seulement au polytype 2H-NbS2, mais ce polytype n’est thermodynamiquement stable qu’au-dessus d’environ 700˚C. À température ambiante la phase de plus basse enthalpie est le polytype 3R. Aussi, pour synthétiser le polytype 2H-NbS2on utilise le fait qu’il est cinétiquement stable en dessous de 200˚C. La dernière étape de synthèse nécessite donc une trempe, ce qui induira inévitablement un certain désordre, d’autant plus que les feuillets S-Nb-S sont faiblement liés par des interactions de type Van der Waals.

Les cristaux ont été synthétisés par Laurent Cario de l’IMN qui a d’abord vérifié le polytype par diffraction X sur poudre. Comme le montre la Fig. 4.1, la prédominance du polytype 2H est de 99% contre seulement 1% pour le 3R. De plus le polytype de chaque monocristal sélectionné pour nos études a ensuite été vérifié sur un diffractomètre quatre-cercles.

Mais, grâce aux mesures de TDS faites par Alexey Bosak sur ID29, nous disposons d’informations très détaillées sur la structure du cristal. Ces mesures montrent que l’ordre cristallin est excellent au sein d’un feuillet. En revanche, elles montrent aussi que certains pics de Bragg sont élargis selon l’axe~c, ce qui signale un certain désordre entre les feuillets. J’ai donc cherché à caractériser l’empilement et à quantifier la pureté du polytype 2H, en analysant les résultats expérimentaux de TDS.

Après une présentation générale des données de TDS dans le plan (H,0,L), je présenterai une analyse de la mosaïcité du cristal. Ensuite, par le biais d’une simulation numérique je quantifierai la prédominance du polytype 2H. Enfin, j’analyserai les données de TDS dans les plan (H,K,0), dont certains aspects rappellent ce qui est observé dans les dichalcogénures de type 1T.

4.1 Résultats de TDS

La figure4.2aprésente une synthèse des résultats expérimentaux de TDS, pour les deux températures mesurées et dans deux coupes principales de l’espace réciproque : le plan (H,K,0) ou (~a,~b), et la plan (H,0,L) ou (~a, ~c).

Les pics de Bragg sont fins, la pleine largeur à mi-hauteur de la tache (1,1,0) vaut 0.13a, l’ordre cristallin dans le plan (~a,~b) est donc très bon. L’examen de la figure4.2b montre en revanche un quasi-continuum selon l’axe~c∗. Le contraste de la figure est cependant trompeur : les taches sont très élargies et saturées, mais elles restent distinguables. L’élargissement des taches témoigne néanmoins d’un désordre dans l’empilement des couches selon l’axe~c.

Expérimentalement, on observe deux types de profils (x,0,L). Comme le montre la Fig. 4.4, selon l’axe~c les profils (0,0,L), (1,1,L) et (3,0,L) présentent seulement des pics paires, tandis que les profils (1,0,L) et (2,0,L) contiennent aussi des pics impairs, et surtout les pics pairs sont très élargis. Notez que ces profils ont été obtenus en moyennant les résultats de TDS sur un cylindre de rayon a/3 autour de chacune des directions (x, y, L).

1. Il s’agit des notations de Ramsdell : le polytype 2H présente deux feuillets S-Nb-S dans la maille élémentaire, d’où le "2", tandis que le 3R en contient trois. La lettre "H" indique que le réseau global est hexagonal, tandis que "R" signifie rhomboïdal.

Figure 4.1 – Spectre de diffraction X sur poudre de 2H-NbS2. La prédominance du polytype 2H est de 99%, contre seulement 1% pour le 3R.

(a) (H,K,0) (b) (H,0,L)

Figure4.2 –Mesures de diffusion diffuse d’un monocristal de 2H-NbS2, réalisées par Alexey Bosak sur la ligne ID29 à l’ESRF. (a) Plan(a~, ~b∗)ou (H,K,0) de l’espace réciproque dans un échantillon de 2H-NbS2, et (b) plan (a~, ~c∗) ou (H,0,L).

Figure 4.3 – Structures cristallographiques de 2H-NbS2, à gauche, et 3R-NbS2, à droite. Les atomes de niobium sont en vert, les atomes de soufre en jaune. Par symétrie, le facteur de structure des deux polytypes est identique le long des profils (0,0,L), (1,1,L) et (3,0,L).

D’après les tables du NIST [20], j’ai calculé les facteurs de structure pour les polytypes 2H et 3R et je les ai superposés aux résultats expérimentaux. Pour des raisons de symétrie, ces deux facteurs de structure produisent des figures de diffraction identiques selon (0,0,L), (1,1,L) et (3,0,L). En revanche, les facteurs de structure des polytypes 2H et 3R diffèrent selon (1,0,L) et (2,0,L). Ces deux derniers profils permettent donc de discriminer entre les deux polytypes : les résultats expérimentaux indiquent clairement une structure 2H, ce qui confirme les mesures de diffraction sur poudre.

En revanche, il est remarquable que les pics sont très élargis seulement sur les profils où les polytypes 2H et 3R donnent des résultats différents. L’analyse de la largeur de ces pics va justement fournir des informations supplémentaires sur la structure. Mais avant cela, je vais analyser les faibles largeurs des profils (0,0,L), (1,1,L) et (3,0,L), pour tenir compte de l’effet de la mosaïcité.