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3.1. Objectifs de recherche

La thèse comporte un objectif général et deux objectifs spécifiques. L'objectif général de la thèse consiste à délimiter le champ des finances solidaires en France et au Brésil, en s'interrogeant sur le rôle joué par ces initiatives dans le développement de l’économie solidaire.

Deux études de cas ont été réalisées dans l’objectif d'analyser les dynamiques propres aux pratiques de finances solidaires dans chaque pays. En ce qui concerne l'analyse croisée des cas, l'objectif est d'établir un dialogue entre les contextes français et brésilien afin d’en faire ressortir des particularités et pour en identifier des éléments communs.

3.2. Caractérisation de l'étude et implications méthodologiques

En vue d'atteindre ces objectifs, nous procédons à des choix méthodologiques qui conduisent la recherche. Nous soulignons ensuite la nature interprétative, expérimentale, qualitative, historique, comparative et anthropologique de l'étude ainsi que les implications méthodologiques.

L'objet des sciences sociales étant la compréhension et l'explication des faits sociaux (Mauss, 1971), notre travail s'inscrit dans une approche interprétative qui, au-delà d'une description de la réalité qui prétend s'en tenir strictement aux « faits », s'intéresse aux représentations du monde. En l'occurrence, nous analysons les cas en ayant comme question transversale la représentation économique des acteurs.

Nous avons eu recours à l'expérience avec une immersion approfondie dans la réalité comme manière de rendre compte de la complexité des faits sociaux. Le cadre théorique de la thèse a été construit à partir du travail de terrain et de l'élaboration de deux études de cas. Ainsi, les monographies sur la société de capital-risque IES en Midi-Pyrénées et sur la Banque Bem dans la région sud-est du Brésil, nous ont permis de construire le cadre théorique de la thèse.

Notre recherche est de nature qualitative. Ce qualificatif porte sur le type de matériau empirique récolté et sur les méthodes avec lesquelles il est traité avec une étude approfondie de cas dans chaque contexte national.

Pour appréhender les initiatives de finances solidaires comme un phénomène social, une analyse historique nous semble fondamentale pour comprendre la constitution de ce champ. Comment le champ de la finance solidaire s'est-il constitué en France et au Brésil ? Quels sont les principaux enjeux de la finance solidaire dans chaque contexte ? Quels dialogues ont été établis entre la finance solidaire et le champ de l'économie solidaire ? À partir de ces questions, les finances solidaires sont présentées dans une perspective historique qui remonte à l'émergence des initiatives pionnières en vue de mettre en évidence les problématiques et les projets politiques fondateurs.

Nous avons réalisé une étude qualitative de cas multiples dans deux contextes, issus de l'Europe continentale (France) et de l'Amérique Latine (Brésil). Nous interrogeons d'abord chaque cas pour ensuite établir un dialogue entre les deux terrains. Des regards croisés nord- sud peuvent contribuer à penser la réalité dans chaque contexte particulier (França Filho, 2003).

Il ne s'agit pas d'une étude comparative internationale dans le sens habituel. Il s'agit de voir comment le déplacement vers une autre réalité aide à se retrouver dans sa réalité pour rendre visibles des aspects qui pourraient rester invisibles au demeurant. François Laplantine, anthropologue français qui a mené ses recherches à Bahia (Brésil), affirme : « Nous ne prenons conscience de nous-même qu'à travers le regard réitéré du visage d'autrui (...) » (Laplantine, 2007, p. 100). Dans ce sens, la recherche a été guidée par des principes épistémologiques de base de la pensée anthropologique.

La démarche de la recherche est anthropologique dans le sens où nos propos reposent sur l'immersion dans un contexte culturel spécifique (Geertz, 2012). Le terrain de l’ethnographe se définit avant tout par l’étrangeté culturelle qui lui est reconnue ou conférée, qu’il soit géographiquement lointain ou proche. Nous avons pris conscience de la nécessité de procéder à une immersion culturelle en France et en même temps, d'établir une certaine distance vis-à- vis du terrain brésilien, dans un processus de « décentrement de nous-mêmes » (Geertz, 2012).

Mon regard n'étant pas le même (étranger) dans les deux cas, il était très important d'avoir un regard extérieur, ce qui a été apporté par les deux directeurs de thèse – un français et un brésilien – et de nombreux autres interlocuteurs que nous avons rencontrés pendant le travail de thèse, dont certains acteurs et chercheurs qui travaillent dans les deux pays sur le thème de l'économie solidaire.

Mais si notre positionnement dans la recherche a été une démarche anthropologique, celle-ci n'est pas la démarche de la collecte de données comme nous le préciserons plus tard. Le travail de l'anthropologue consiste en une insertion personnelle et de longue durée dans le groupe qu’il étudie, insertion elle-même essentiellement fondée sur la communication interpersonnelle (principalement orale) et sur la contrainte pour le chercheur d’enregistrer un nombre maximal d’observations (Geertz, 1996). D'après Geertz (1996), la construction du texte anthropologique commence sur le terrain, avec le carnet de terrain. Bien que nous ayons privilégié l'observation directe avec l'utilisation d'un carnet de notes, pour la collecte de données nous avons eu recours notamment à des entretiens semi-directifs.

Contrairement à la collecte de données, l'écriture de la thèse ne s'inscrit pas dans une démarche anthropologique. D'après Geertz (1996), l’écriture anthropologique cherche à occulter le problème de la signature, de l’installation de la présence d’un auteur au sein d’un texte. Nous n'avons pas adopté ce mécanisme d’écriture qui suggère que n'importe qui d'autre aurait rassemblé les mêmes observations et les aurait interprétées de la même manière (Geertz, 1996). Le style d'écriture adopté dans la thèse est celui s’adressant à un étranger, présentant la réalité brésilienne à un interlocuteur français, et la réalité française à un interlocuteur brésilien. Bien que les premiers lecteurs de la thèse, les co-directeurs de recherche, aient une connaissance profonde de l'économie solidaire dans ces deux contextes, nous ne pouvons pas supposer que tous nos lecteurs l’aient. Nous admettons pour cette raison que notre interlocuteur puisse être étranger tout comme nous le sommes.

Le choix du mot « interlocuteur » précise que notre travail d'écriture ne s'adresse pas à un auditeur ou lecteur passif puisque l'intérêt du travail, et d'ailleurs de tous les travaux scientifiques, est d'établir un dialogue. Ceci justifie notre choix de l'usage du « nous », qui ne fait pas l'objet d'un consensus dans le monde scientifique. Nous disons « nous » en supposant que ce que nous disons peut être partagé par les lecteurs. L'écriture est un acte social : j'écris pour que le lecteur accueille ce que je lui propose (Eco, 1977).

3.3. Collecte des données empiriques

Le travail de recherche s'est déroulé en alternance au Brésil et en France, pendant quatre ans (de 2013 à 2017). Nous avons récolté des données secondaires à travers la consultation de documents et des données primaires par l'observation directe et des entretiens semi-directifs6.

En France, nous avons mené des recherches à Paris et en Midi-Pyrénées. Nous avons assisté à plusieurs réunions et rencontres ainsi qu'à des assemblées générales et des manifestations de l'économie solidaire. Le travail sur le terrain en Midi-Pyrénées s'est déroulé dans 8 villes de 3 départements : Toulouse, Ramonville Saint-Agne, Saint-Orens de Gameville, Labège et Balma (en Haute-Garonne), Sarrant (dans le Gers) et Castres et Lautrec (dans le Tarn).

Durant un séjour de 3 mois au Brésil (août et novembre 2015),7 nous avons approfondit notre

recherche dans cas de la Banque Bem. Bien que le séjour puisse sembler court, nous travaillons sur ce terrain depuis 2005, celui-ci étant l'un des cas analysé dans notre travail de master. Au Brésil, nous avons également participé à des activités du réseau brésilien de banques communautaires et du comité de finances solidaires du conseil national de l'économie solidaire (« Comitê Temático de Finanças Solidárias e Crédito do Conselho Nacional de Economia Solidária »).

Le corpus de données qualitatives nous a servi, dans un premier temps, à l'élaboration d'un panorama des finances solidaires dans chaque contexte. Dans un deuxième temps, les données récoltées nous ont permis d'élaborer une monographie sur chaque cas, à la fois descriptive et analytique.

6 L'Annexe 1 indique les interviews et les sujets abordés. Tous les entretiens ont été enregistrés, sur

autorisation de chaque interviewé.