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2.1 Le noyau fondateur de 1865-

Le noyau initial des collaborateurs de L’Éducateur se forme lors des deux premières années de la revue, et regroupe essentiellement des anciens étudiants de Daguet proche des milieux libéraux-nationaux catholiques et protestants, parmi lesquels on trouve Auguste Biolley, Alexis Bourqui, Joseph Rey, Pierre Ducotterd et Jules Paroz.

Auguste Biolley (1836-1891)555 entre à l’École normale de Fribourg où il suit les cours de Daguet et de Cyprien Ayer. Titulaire d’un brevet d’enseignement primaire, il s’installe dans le canton de Neuchâtel et enseigne notamment au Locle. Fervent patriote – proche d’Albert Richard556 le confident de Daguet – il publie avec Louis Bornet un Manuel d’instruction civique qui fut en usage jusqu’à l’apparition de celui de Numa Droz en 1884. Il est ensuite nommé professeur aux écoles

554 Voir Patrick Dubois, « Le Dictionnaire de F. Buisson et ses auteurs (1878-1887), Histoire de

l’éducation, 85/2000, en ligne, http://histoire-education.revues.org/index1233.html –– du même, « La pédagogie catholique dans le “Dictionnaire de Pédagogie” de Ferdinand Buisson », in Pédagogie chrétienne, pédagogues chrétiens, colloque international d’Angers de septembre 1995, Paris, Éditions Don Bosco, 1996, p. 323-333.

555 Notons que Biolley est également membre fondateur de la SIR avec, notamment, Frédéric Villommet, Émilien Chappuis-Vuichoud et Louis Hermenjat.

556 Albert Richard (1801-1881), menuisier, puis imprimeur, se forme aux lettres en autodidacte et entame une carrière d'enseignant, d'abord à Berne, au gymnase supérieur (1835-1847), puis à l'académie de Genève (1847-1870), où il est nommé professeur de littérature comparée grâce au soutien du nouveau régime radical. Sa production littéraire, essentiellement poétique, exploite la veine héroïque; sur le mode de la chanson et de la légende, Richard célèbre les débuts de la Confédération helvétique, contribuant par là à en rendre populaires les grandes figures en Suisse romande (dhs). Voir également la correspondance entre Richard et Daguet, AEN, Fonds Daguet.

secondaires et industrielles de Neuchâtel, avant de succéder à Édouard Clerc au Gymnase cantonal557.

Alexis Bourqui (1826-1903), originaire de Murist dans la très radicale Broye fribourgeoise, suit les cours de Daguet à l’école moyenne centrale. Après des études de droit qui le mènent à Munich, il devient professeur de français au collège Saint- Michel de 1859 à 1867, avant de « s’exiler » dans le Jura au moment des purges politiques. Il obtient la direction de l’école industrielle de Delémont. Il revient dans son canton en 1874, et obtient la charge de préfet du Lac à Morat, puis d’officier d’état civil de la ville de Fribourg dès 1877558.

Un autre Broyard, Joseph Rey (1836-1892), est un élève distingué de Daguet à l’École normale de Fribourg. Ce dernier prend d’ailleurs le jeune homme sous sa coupe, et le nomme professeur et gérant de cet établissement. Au retour des conservateurs à Fribourg en 1857, Daguet intercède auprès de son ami savoyard Vincent Bouvard, qui trouve un poste au jeune professeur (voir chapitre 6). On sait que Rey y diffuse la méthode du Cours de langue maternelle du Père Girard, dont il se fait l’ingénieux interprète559. Président de la Société pédagogique Vaud-Genève,

Rey incarne également un des moteurs du mouvement des vieux-catholiques de Genève, dont Daguet fut un des membres les plus actifs560.

En outre, Xavier Ducotterd (1836-1920), également originaire de la Broye, élève de Daguet à l’École cantonale, est placé par son maître en Allemagne à Wiesbaden dès 1861, où il se fait bientôt le passeur des idées d’Herbart561. Le libéral fribourgeois Pierre Ducotterd (1825-1895) est quant à lui appelé par Daguet pour prendre le poste de professeur d’arithmétique et de comptabilité à l’École cantonale dès 1850. Comme Bourqui et malgré ses positions politiques, il est maintenu à son poste en 1857, et enseigne toute sa vie au collège Saint-Michel562.

557 Cf. L’Éducateur, 22/1891, p. 357-358.

558 Voir Jean-Marie Barras, Au temps de l’école normale. D’Hauterive à Fribourg : chronique,

contexte et témoignages, Fribourg, Imprimerie Saint-Paul, 2005, p. 39.

559 Cf. L’Éducateur, 14/1893, p. 234-238.

560 Voir la dense correspondance de Hyacinthe Loyson et de Daguet, AEN, Fonds Daguet. 561 Voir chapitre 6 infra et Jean-Marie Barras, op. cit., p. 177-180.

Jules Paroz (1824-1897) suit les cours de Daguet à Porrentruy de 1841 à 1844, qui l’engage ensuite comme professeur dans ce même établissement. Pourtant, on sait que son sentiment vis-à-vis de M. et Mme Daguet fut sujet à variations, comme l’atteste l’extrait suivant d’une lettre adressée au pasteur Bernard (8 mars 1848) :

La vie scientifique qui semblait vouloir prendre racine à Porrentruy est sur le point de s’éteindre. Plus de réunion, de société, rien. Les marionnettes ne dansent que quand M. Stockmar tire les ficelles. M. Thurmann est dangereusement malade depuis bien longtemps. M. Daguet, vice-président de nos réunions, ne peut rallier aucun soldat sous son drapeau : son affaire ne va pas trop et ne pourra jamais aller ; il est trop grossier dans ses relations et trop plein de lui-même : sa devise est : abaisser les autres pour s’élever. Il a actuellement toute l’École à dos ; ce qui ne surprend pas, je crains bien qu’un jour il ne tombe dans un misérable état, d’autant plus qu’il a une femme qui est un gouffre pour l’argent et une Lola pour la vanité. Ainsi tout meurt dans notre ville563.

Vers 1850, Paroz est appelé à la direction d’une école secondaire des filles à Berne. Il s’y familiarise avec les méthodes d’enseignement de Pestalozzi, de Gustav Kramer et de Karl Georg von Raumer, qu’il diffuse dans son journal L’Éducateur

populaire. Désireux de répandre la pédagogie pestalozzienne en Suisse romande,

Paroz fonde une École normale évangélique en 1866 à Grandchamp, bientôt transférée à Peseux près de Neuchâtel564. Collaborateur de Pierre Larousse dès 1858,

Paroz est l’auteur d’une Histoire universelle de la pédagogie aux multiples rééditions et traductions565.