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Partie 2.- La qualité de la justice vue par les magistrats et les greffiers : bilan des

X.- Sur les nouvelles technologies

Selon un magistrat allemand, les nouvelles technologies augmentent la productivité, permettent de gérer une pénurie dans la durée. Par ce biais, des gains de productivité sont attendus, sans ces nouvelles technologies on n’aurait pas pu gérer les tribunaux. En Allemagne, parfois, un magistrat refuse d’utiliser un logiciel pour rendre une décision. Il existe une standardisation de la décision en matière pénale, il n’y a pas de motivation en première instance ou stéréotypée, ce qui n’est pas conforme à la loi, notamment pour l’emprisonnement. L’appel se fait sans que le prévenu ne connaisse la motivation.

L’indemnisation d’un préjudice corporel peut être standardisée. Le taux de rejet des procédures d’injonction de payer est important et ces rejets ne sont pas motivés. Le domaine de l’ordonnance pénale est élargi pour économiser du temps d’audience. En Allemagne, il faudrait que l’ordinateur de la justice soit séparé des autres ordinateurs du gouvernement si un technicien peut regarder dans un dossier.

En France, il y a un seul lieu où sont archivés des scans d’instruction. Il y a des outils greffe Tic, informatique pour fabriquer des décisions des trames, des fusions. L’informatique documentaire est intéressante pour la qualité (Jurica est peu utilisé), la recherche du précédent amplifié.

Il existe des listes de discussion entre les juges d’instance, Thémis etc.. qui constituent des sortes de délibérations informelles dématérialisées. Il y a un effet déterminant des grands axes jurisprudentiels pour les textes nouveaux (juge des enfants, J.A.F. juge d’instance, J.L.D., tutelle, liste générale). C’est une forme de jurisprudence concrète, des interprétations appliquées à des cas,. Le bilan est tout de même positif, selon une représentante du Syndicat de la Magistrature.

1.- Juge d’instance.

À propos de l’informatique, un juge d’un Tribunal d’instance du nord estime qu’il serait souhaitable que le logiciel rattaché à WordPerfect, qui sert en matière de surendettement soit connecté avec la Banque de France. Ainsi, les greffiers n’auraient pas à saisir toutes les données des demandeurs, données déjà fichées par la Banque de France.

Il serait aussi catastrophique, comme cela est régulièrement envisagé, de remplacer WordPerfect par OpenOffice, car ce logiciel ne permet pas de créer des « trames intelligentes », c’est-à-dire dont les mots s’accordent automatiquement en genre et en nombre. Ce serait une perte de temps considérable.

Quant à l’usage de l’internet pour communiquer avec les justiciables, c’est une mesure à prendre avec précaution car dans les régions précarisées, beaucoup n’ont pas accès à internet. En revanche, le système de l’envoi d’un SMS pour rappeler l’audience fonctionne très bien. Il augmente de 20 à 30 % le taux de présence des parties.

En outre, la justice derrière un écran est moins crédible. Il est important de maintenir la solennité de l’audience.

Selon le Vice-Président d’un Tribunal d’instance de l’ouest, l’automatisation permet la souplesse : pour de nombreuses procédures, la trame est automatisée et du temps est dégagé pour des affaires plus compliquées. À titre d’exemple, il est possible de citer le logiciel Omnipagepro qui permet de convertir un document scanné en fichier texte, sans erreur. Grâce à ce système, la dernière semaine de chaque mois, dans son Tribunal d’instance, est consacrée aux affaires délicates. Aucune audience n’est prévue.

2.- Président de TGI.

Selon le Président d’un grand Tribunal de grande instance d’Ile-de-France, les nouvelles technologies s’imposent doucement et vont s’étendre. En ce qui concerne la communication électronique et la mise en état en matière civile, c’est acquis. La communication électronique en matière pénale est plus difficile à mettre en place, surtout aux assises car la procédure y est plutôt orale.

Le Président d’un TGI de taille moyenne d’Ile-de-France est favorable aux enregistrements vidéo et audio des audiences par le TGI. Cela permettrait de savoir ce qui s’est passé, libèrerait un greffier qui prend des notes (c’est archaïque). Il faudrait un site pour chaque TGI et non que le site du ministère tente de tout regrouper. Il faudrait un véritable site qui renseigne réellement, avec un plan, des indications nombreuses et bien organisées. Un site qui répond réellement aux questions.

Selon le Président d’un grand Tribunal de grande instance du nord, la Chancellerie n’encourage pas la communication électronique car elle est moins sûre. Toutes les minutes au pénal sont numérisées.

3.- Parquet.

Le Procureur de la République d’un grand TGI du sud de la France affirme qu’il serait souhaitable que tous les dossiers soient numérisés. Encore faudrait-il avoir le personnel compétent pour le faire.

4.- Premier président.

Il y a pour le premier président d’une cour d’appel du centre, un réel apport des nouvelles technologies.

- La mise en état change, ce sont d’autres méthodes de travail qui permettent de dégager les points à débattre à l’audience.

- L’audience interactive est pratiquée dans son ressort, mais il faut aussi préserver le contact entre les magistrats et les avocats.

- Les nouvelles technologies changent les méthodes de travail mais cela suppose de la formation du temps, des échecs, de l’aide de la Chancellerie parce que les outils sont vieux et parce qu’il faut s’assurer de la sécurité du système.

- Elle souligne, par exemple, qu’elle a pu expérimenter par convention (avec barreau) des convocations par mails (avec la Sécurité sociales ; les mandataires judiciaires, les hôpitaux), c’est long et cela demande de multiples précautions.

Les nouvelles technologies ne sont pas assez utilisées, et ne le sont pas assez bien. 5.- Syndicat.

Selon le Président de l'Union Syndicale des Magistrats (USM), il y a des excès du TTR (traitement en temps réel) à corriger mais on ne peut pas revenir en arrière. Avant, il y avait deux piles : une que l’on vidait, l’autre que l’on remplissait, maintenant il y a des réponses par email.

Cela facilite la numérisation dans Cassiopée, parfois pour un dossier sensible, on demande à ce qu’il soit faxé si ce n’est pas clair, cela donne des garanties de ne pas avoir de mauvaises surprises. Le compte rendu d’enquête n’est pas toujours rédigé par la personne qui a fait l’enquête : l’OPJ (officier de police judiciaire) était qualifié, un gardien de la paix n’est pas toujours clair dans ses explications, d’où des décisions d’orientation catastrophiques. Il n’y a pas le même problème pour la gendarmerie où on a conservé la hiérarchie. Avec Cassiopée, cela fonctionne mieux mais pas pour l’instruction quand il y a plusieurs faits et parties. Parfois on a l’impression que cela ne sort pas comme cela a été entré, si au départ on a mis vol et viol puis supprimé viol le terme de viol réapparaît à l’impression et l’on encourt une nullité. Ce sera corrigé en 2017. C’est un problème de conception du logiciel dès le début. Il

n’a pas été conçu par les magistrats eux-mêmes, comme en Algérie (casier judiciaire en temps réel, consultation du dossier en ligne, etc.), mais par les informaticiens : c’est assez rigide. Portalis servira pour le civil, aidera aux relations avec les RPVA. Autre problème : WINCI TGI est adossé à word perfect qui n’est plus guère utilisé et Cassiopée à open office. On a dû garder une version ancienne car la version nouvelle générait des bugs. Selon le président de l’USM, les NT devraient être externalisées. On n’avait pas pensé non plus au malvoyant : il a fallu en urgence prévoir une version. L’interconnexion avec la police et la gendarmerie fait gagner beaucoup de temps si les informations sont bien données, 80 % du temps gagné, les piles ont disparu dans les bureaux d’ordre.

L’idée d’une adresse e.mail justice pour les juges prud’homaux et les juges consulaires se heurte à un problème d’accès à l’intranet justice ; ce n’est déjà pas possible avec un ordinateur portable pour un juge professionnel. Devant la juridiction administrative, chaque ordinateur portable a un accès à la procédure et à la jurisprudence de tous les tribunaux avec Sagace. Il faudrait aussi distribuer des téléphones portables aux magistrats. Les magistrats ont accès à Jurinet (jurisprudence de la Cour de cassation et des cours d’appel). Dans certaines cours d’appel, Lexisnexis et Dalloz ont été supprimés, parfois il y a seulement un abonnement électronique à Lexisnexis, faute de moyens.

Il existe un problème de fiabilité des statistiques. Selon le Président de l'Union Syndicale des Magistrats (USM), globalement les statistiques ne sont pas fiables. Un groupe de travail à l’USM travaille sur la charge de travail des magistrats, mais il n’est plus très actif, car il est difficile d’avoir des statistiques fines sur ce que font les juges (winer pour les JDE). Les chiffres ne remontent pas automatiquement, ce sont des extraits locaux transmis à pharos. Par exemple, le procureur d’un grand TGI du Nord s’est aperçu qu’il manquait un quart de son activité. Le problème vient de ce que cela a des répercussions sur le dialogue de gestion, et sur la répartition des postes. En fait, la chancellerie ne tient pas compte des statistiques de Pharos, mais fait un cross check au doigt mouillé. Or, un recueil statistique défaillant interdit toute analyse fine de l’activité, et notamment, de la charge de travail. La nomenclature est trop pointue (code NAC), il faudrait des gros blocs de compétence. Un dossier ne vaut pas un dossier. Le président de juridiction s’arrange avec les chiffres. Il faudrait rationaliser les conditions d’enregistrement (pas au pénal, mais à l’assistance éducative et aux affaires familiales). Les méthodes d’enregistrement varient par juridiction : un dossier par mesure d’assistance éducative, un dossier unique avec jugements modificatifs, par enfants d’une même mère, par fratrie complète, un dossier par bande ou un dossier par mineur, le nombre de dossiers peut ainsi varier considérablement. C’est aussi vrai pour le J.A.F. qui fait des procédures modificatives ou qui rouvre un dossier. Pour les tutelles, il arrive qu’un dossier soit ouvert et ne soit jamais fermé. Cela arrivait aussi pour l’assistance éducative : le dossier n’était fermé qu’à la majorité du jeune. Pour l’application des peines, la chancellerie n’a pas une vue d’ensemble, elle se fonde sur du déclaratif, elle dépend de ce que le délinquant est placé en milieu ouvert ou fermé (art 723-14), ce n’est pas au même endroit dans la grille statistique. Une circulaire du 7 octobre 2011 a tenté de remédier à ces variations dans les modes de calcul avec une grille complexe car complète, or l’API ne l’a pas intégré, d’autres indiquent seulement leur déclaratif dans le rapport d’activité. On ne sait donc pas combien il faut de jap à tel ou tel endroit. Ainsi, dans un tribunal il y avait deux postes localisés traitant 1200 dossiers alors que la moyenne nationale est de 885 mais en réalité un des deux postes étaient vacants. Dès lors, le dialogue de gestion se fait approximativement, par grande masse, le chef de cour qui a le meilleur réseau obtient le plus. Il faut avoir une réflexion globale sur

l’enregistrement des dossiers pour crédibiliser les statistiques et éviter de regarder dans l’assiette du voisin.

6.- Juge non professionnel.

La Présidente d’une formation de jugement du TCI note qu’il n’y a pas vraiment d’outils pour recourir aux nouvelles technologies devant ces juridictions, hormis l’envoi des décisions d’appel aux TCI.

De nouveaux logiciels de saisine ou de rédaction de jugement de transmission des jugements ont été proposés, 3 en 5 ans ! « TCI new » a bloqué tous les TCI de France pendant trois mois. Des trames (structures de jugement) sont proposées, elles sont faites par des secrétaires greffiers.

Comme la réparation est forfaitaire, des trames pourraient être utiles mais celles qui existent émanent des caisses et sont donc vues avec suspicion par les juges des TCI.

Selon une vice-présidente de conseil de Prud’hommes, la communication électronique n’est pas à l’ordre du jour là non plus pour des raisons de défaut d’équipement : aucun conseiller n’a de boîte e.mail, en tant que conseiller, et on y a encore recours au fax ! Les conseillers n’ont pas d’accès à l’intranet de la justice mais un accès aux revues électroniques. Il y a seulement 8 ordinateurs avec accès internet, et ce depuis 6 mois, devant sa juridiction

7.- Justiciable et intermédiaires (en dehors des gens de justice).

Selon JP Jean, des améliorations concrètes sont attendues par le citoyen, un meilleur service grâce aux nouvelles technologies. Dans l’enquête 2013, le recours aux nouvelles technologies est plébiscité par les citoyens pour s’informer, télécharger les documents (85%), prendre un rendez-vous (81%), suivre leur affaire en ligne (64%).

Le SMS pourrait être davantage utilisé pour un rappel de rendez-vous (81%), confirmer une heure d’audience (71%), recevoir un rappel de pièces justificatives à fournir (+ 70%). C’est déjà pratique courante aux Pays-Bas ou en Turquie.

Dans plusieurs pays européens, les informations sur les délais prévisibles par type d’affaire sont disponibles dans chaque tribunal aux bornes d’accueil. Le justiciable peut suivre l’avancement de sa procédure au guichet d’accueil ou bien en ligne.

Comment les nouvelles technologies permettent-elles (ou pourraient-elles permettre) d’améliorer la qualité de la justice ? Selon un site Internet intermédiaire en matière de justice, par une « meilleure information légale des justiciables des partages d’expériences contribuant à la démystification de l’accès au juge pour les litiges les plus simples ». Mais aussi par l’émergence de nouveaux outils permettant de saisir la justice en ligne dans le respect des dispositions légales. La standardisation de la procédure n’implique en aucun cas la standardisation de la justice ou de ses décisions. La procédure judiciaire, pour les litiges relevant du juge de proximité ou du tribunal d’instance, est extrêmement normée, et donc parfaitement adaptée à l’outil informatique.