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Partie 2.- La qualité de la justice vue par les magistrats et les greffiers : bilan des

VIII.- Sur l’accessibilité de la justice

Pour les justiciables, la justice apparaît souvent comme opaque. Peu de non-juristes s’y retrouvent. Cependant, de l’avis général, la justice ne doit pas chercher à se simplifier à l’excès, car cela nuirait à sa qualité.

1.- Juge d’instance.

Pour un juge au Tribunal d’instance du nord, le justiciable reproche souvent à la justice d’être compliquée et difficile à comprendre. Quelle réponse apporter ? Il faut soit considérablement simplifier la justice, au détriment éventuellement de sa qualité, soit enseigner le droit aux citoyens. Elle estime qu’il est tout à fait anormal que l’économie soit enseignée au lycée (sans aucune utilité pour la majorité des élèves) et non le droit. Toute personne a, dans sa vie, affaire au droit (contrat de travail, de bail, de mariage…). Encore faudrait-il que les enseignants soient compétents.

2.- Procureur.

Selon le Procureur de la République d’un grand TGI du sud, si la justice est accessible matériellement (le nombre de recours ne cesse d’augmenter), elle demeure opaque sur le plan intellectuel à une majorité de citoyens. Beaucoup de personnes poursuivies ne comprennent pas l’audience, malgré les efforts de vulgarisation.

C’est pourquoi, le rôle du greffier est essentiel, notamment pour donner des explications en amont et en aval. Il lui paraît évident qu’il faudrait enseigner le droit au Lycée (plutôt que l’économie qui ne servira qu’à une minorité).

Chaque citoyen a, au cours de la vie, recours au droit (il signera un contrat de travail, de bail, devra s’occuper d’une succession, sera peut-être auteur ou victime d’agressions, etc.). Or, l’agressivité naît bien souvent de l’incompréhension. Il est impératif de former le citoyen au droit.

3.- Président de TGI.

Le Président d’un grand Tribunal de grande instance du nord estime que bien souvent, les justiciables peinent à comprendre l’audience. Le langage juridique est suranné : « il appert que », « le Sieur » : il faudrait le moderniser ! Ce serait un indicateur de qualité objectif. Selon le Président d’un TGI de taille moyenne d’Ile-de-France, les Maisons de justice et du droit (M.J.D.) sont très utiles. Elles permettent d’orienter la personne selon son litige. Il faut y mettre des personnels particulièrement qualifiés. Attention toutefois, les MJD donnent des informations en termes de compétence mais ne conseillent jamais sur la procédure à choisir. Les personnes venant dans les MJD sont des accidentés de la vie : (souvent, problèmes sociaux, psychologiques) : le contact humain est essentiel. D’où un certain scepticisme à propos des bornes interactives.

Les directeurs du CDAD (Conseil départemental de l’accès au droit) n’ont pas de droit de regard sur les Maisons de justice et du droit des autres ressorts, car elles sont sous la dépendance des autres chefs de juridiction. Il serait souhaitable cependant que le directeur du CDAD ait un adjoint, pour faire la jonction et la transmission, en vue d’assurer la continuité. Cela nécessiterait également que les budgets soient stables pour que les projets soient pérennes.

Dans les critères de qualité la Présidente du Tribunal de grande instance de taille moyenne du centre, aborde le sujet de l’aide juridictionnelle. Le problème est de savoir comment on instruit, on dépose les dossiers. C’est important car l’aide juridictionnelle, traduit, selon elle, l’accessibilité de la justice.

4.- Greffe

Selon le greffier en charge d’une Maison de justice et du droit d’Ile-de-France, ce poste revient généralement à une sortie d’école (du greffe). Dans son cas, il était le seul volontaire. Son prédécesseur n’ayant pu avoir quelqu’un pour faire l’accueil, la MJD a été fermé pendant 4 mois. Actuellement, il a une vacataire pour 5 mois mais qui est sur le point de partir. Il dépend d’un grand TGI d’Ile-de-France, son greffier en chef est secrétaire général du CDAD. Il y a une réunion par an du conseil des MJD dirigé par le Président du TGI, en présence du Procureur général. Il reçoit 12000 visites par an soit 34 % du département. Il y a 6 autres MJD. Il ne peut faire plus. Des associations lui demandent de faire une permanence. Il manque aussi un juriste en droit du travail. Il n’y a pas la médiation.

Les greffiers en général sont débordés : « tout retombe sur eux ». Certains travaillent le week- end. Lui est seul pour la MJD. Il doit faire l’accueil, ce qui est parfois très fatigant. Il est là depuis 9 mois. Les problèmes de sécurité sont nombreux, toutes les vitrines ont été cassées quelques mois auparavant. Il a obtenu une demi-journée de fermeture, pour faire ses statistiques et le PV du conseil. Parfois une personne demande « c’est ici la Loi de la Justice ?». Il n’a aucun rapport avec le TI à 300 mètres, ce n’est pas le même domaine.

Il prépare à l’aide juridictionnelle, donne le formulaire, aide à le remplir. Le greffier ne conseille que pour les problèmes de procédure et lutte avec la mairie qui veut tirer la MJD à elle.

Il faut fournir un gros travail d’orientation et d’évaluation. Lorsque les gens viennent ils veulent voir un avocat mais comprennent que ce sera tout aussi bien de rencontrer le représentant d’une association ou un greffier. La MJD contribue à l’intégration, par les lettres, l’accès au droit, l’ouverture au français et à l’écriture.

Quand la MJD a été fermée pendant 4 mois en raison de l’absence d’un agent d’accueil et d’un greffier, elle a dû essayer de répartir les permanences dans d’autres lieux.

Les PAD (points d’accès au droit) sans greffier dépendent de la ville, mais beaucoup de citoyens étaient en colère.

Il existe aussi un service SMS du droit pour les jeunes qui veulent poser des questions de droit, les réponses sont préparées par la correspondante.

Un entretien a aussi été mené avec la correspondante ville/justice : elle a été juriste d’association dans cette même MJD à sa création il y a 11 ans et elle est coordonnatrice MJD. Sa fonction a été créée il y a une dizaine d’années, et a été reprise ailleurs en France. Elle a deux supérieurs hiérarchiques : la ville et le parquet. La mairie met 190000 euros par an pour la MJD plus les locaux.

Le tribunal fournit seulement un greffier et un délégué du procureur, pour la 3° voie. Pour les convocations, il y a pas mal de couacs, le procureur se trompe dans les jours de permanence des délinquants qui ne viennent pas le bon jour. Il y a de plus en plus de quantitatif : les associations, pour avoir des subventions, doivent dire le nombre de personnes qu’elles pensent recevoir et ensuite indiquer le nombre reçu. Pour autant, la ville ne pousse pas à faire du chiffre. Le rendez-vous de 30 mn est un minimum, pas 10 mn comme dans une ville voisine où ce sont surtout des avocats qui laissent leur carte. Ici ce sont des associations. Le document CERFA pour obtenir une subvention demande des chiffres, alors que la qualitatif est important. Il faut prendre le temps de recevoir plusieurs fois 30 mn à 45 mn, la deuxième fois avec les papiers, la 3° pour préparer une audience sans avocat, par ex pour la

contribution aux charges du mariage. Il ne faut pas décider pour eux, les gens savent quel est leur intérêt.

Il y a deux grandes fonctions à une MJD : la 3° voie et accès au droit. Un fascicule propre est réalisé à partir d’une convention avec la mairie et le parquet. On crée un lien entre les associations, une même personne peut relever de plusieurs associations, souvent les associations déjeunent ensemble si l’une a une permanence le matin et l’autre l’après-midi. Un avocat a une permanence, un juriste du CDAD, il y a 3 permanences pour l’écrivain public.

Il y a 10 permanences d’écrivain public dans la ville, spécialisés en arabe, 95 % de tunisien même sil y a 130 nationalités dans cette ville. Il écrit surtout des papiers pour la préfecture, dans le prolongement de la justice.

La Ligue des droits de l’homme intervient pour le droit des étrangers, il y a une association pour le logement, un représentant du défenseur des droits pour les rapports avec les services publics, une autre personne pour les victimes d’infraction pénale, une autre encore pour les droits des femmes situation de violence conjugale. Sur ce point, il y a un réseau avec procureur, des référents ville et procureur pour le portable TGD (très grand danger). Le conciliateur de justice a une permanence par mois, l’autre au Tribunal d’instance.

En tout, il y a environ 80000 usagers des M.J.D. et P.A.D. (point d’accès au droit) en Seine- St-Denis par an et en Seine-et-Marne (7 MJD 32 PAD et les mairies en Seine-St-Denis). Avant, il n’y avait rien, ce travail d’accès au droit était fait par les avocats.

5.- Juge non professionnels.

Selon la Présidente d’une formation de jugement du TCI, il y a une faille dans l’accès au droit, car bien souvent, les justiciables qui relèvent de ces juridictions pensent venir devant une commission administrative.

Le problème vient de ce que personne ne connaît ces TCI ils ne sont même pas dans l’annuaire ou l’annuaire de la justice et personne ne connaît la procédure.

6.- Justiciable.

Selon l’enquête Ipsos de 2013, les justiciables attendent « Une information claire et facilement accessible ».

Selon un site internet spécialisé en matière de justice, la justice n’est pas suffisamment accessible à tous aussi bien matériellement, financièrement qu’intellectuellement : « Un justiciable ne peut pas saisir gratuitement toutes les juridictions (timbre fiscal et ministère d’avocat obligatoire).

L’aide juridictionnelle ne cesse de se réduire et ne couvre pas le coût réel de la procédure : seuls les honoraires d’avocats et les coûts de saisine peuvent y être inclus.

Les procédures sont souvent trop complexes pour les justiciables qui n’ont pas les moyens de se faire représenter par un avocat et qui ne rentrent pas dans les critères très restrictifs de l’aide juridictionnelle, ou qui n’ont pas de protection juridique qui prend en charge leur litige ».

Selon ce site la notion d’accessibilité pourrait être mesurée par le nombre de nouvelles affaires portées devant les tribunaux.