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2 L’air, le souffle, le vent et l’âme

3.1 La corde dans les sciences et son rôle dans la mécanisation du monde

3.1.4 Une nouvelle esthétique

Le changement esthétique s’annonce, pour le monde musical, à l’aube du XVIIe siècle et il

demande une théorisation. L'héritage de Pythagore, l'importance de l’harmonie céleste et des nombres, et l'idée du « cosmos » font place aux méthodes expérimentales. L’abandon du modèle de l'harmonie universelle et du concept de la musique des sphères correspond à un changement de paradigme : le nombre ne revêt plus le statut de l'essence du cosmos, mais il prend maintenant celui d’une mesure et, plus précisément, de la mesure pour toutes les choses que le cosmos contient.

Plus loin encore, les « points » qui déterminent les intervalles sur le monocorde deviennent, nous l'avons vu dans le tableau n° 3 plus haut, de plus en plus mobiles. L'essor d'une multitude de tempéraments inégaux auprès des praticiens baroques et classiques reflète la variabilité du système. Chronologiquement, elle se situe au même moment où on note dans les grammaires une grande abondance de variantes pour les sons vocaliques. Cette vision des phénomènes du monde est riche et cherche plus à présenter la totalité des possibilités qu’à choisir celle qui semble la plus probante selon un ou deux critères déterminés.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le tempérament égal correspond à une sorte de rêve du critère

unique et il est, de ce point de vue, comparable à la ligne qui représente la suite des voyelles dans la GGR, rangées selon un seul critère choisi et écartant en même temps les autres possibilités (même si elles sont évoquées dans le texte). Cette démarche est emblématique du fait que l'époque qui nous intéresse reste largement déterminée par les calculs mathématiques et la richesse des rapports arithmétiques bien que l’intérêt pour le mesurable et le calculable prenne des formes très différentes chez les auteurs. En 1701, Sauveur, qui occupe depuis un an

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la première chaire d'Acoustique de l'Académie royale des Sciences (fondée en 1666), soutient la thèse que seule la multiplication des divisions peut permettre l'explication de la diversité des systèmes de tempérament. Son objectif est de trouver un « système général » (Sauveur 1701a : 128) qui soit compatible avec tous les autres existants. Il propose alors une division théorique qui permet d'expliquer la différence entre les demi-tons majeurs, mineurs et enharmoniques pour les tempéraments inégaux. Pour cela, il est nécessaire de recourir à une micro-unité qui ne se compose pas de douze (comme le propose le concept du tempérament égal), mais de 43 unités par octave. On note bien que la solution est extrêmement théorique et surtout – impraticable. Selon le projet annoncé d’établir un « nouveau système de musique » (Sauveur 1701a), toute la musique est réduite en tables de nombres et de logarithmes122.

Quelques années plus tard, Rameau trouve un nouveau chemin avec la théorie des corps sonores. Proposant une explication logique à la génération des accords et des règles qui déterminent leurs successions sur la notion de la basse fondamentale (cf. fig. 15), il arrive à analyser la musique en fonctions qui soutiennent des relations rationnelles et justifiables123. Nous nous expliquons : la basse fondamentale est une ligne mélodique pensée

qui ne figure jamais dans les partitions. La figure 15 montre la différence entre les notes qui

122 Sauveur (1701 et 1713) essaie également de déterminer le son fixe sur la base d'expérimentations et de calculs mathématiques. Tissot (1755 : 160) les cite pour en bâtir ses réflexions sur la mue. Plus loin encore, Sauveur est à l'origine des théories de Rameau, car c'est lui qui avait découvert le principe de la résonance des corps sonores.

123 Par ailleurs, le chiffrage de la partie de la basse fondamentale se présente également de manière plus aisée (on voit qu’il se compose presque exclusivement du chiffre 7 et des dièses), et ainsi plus systématique.

Figure 15 : Exemple pour une réalisation de la basse fondamentale chez Rameau (1764 : 97). Source : gallica.bnf.fr, consultée le 12 févr. 2018.

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composent la basse continue (la mélodie réellement jouée) et la basse fondamentale. Cette deuxième indique le ton fondamental théorique de l’accord qui fait plus facilement ressortir sa fonction harmonique par rapport aux accords qui le précèdent ou suivent124. Autrement dit,

l’accord est caractérisé par sa fonction grâce à laquelle on reconnaît la systématique de la composition.

Ce concept va finalement l’emporter sur la règle de l'octave (cf. également annexe 4.5), selon laquelle à chaque degré de la gamme est attribué le (les) accord (s) le(s) plus fréquemment utilisé(s). La figure 16 montre l’exemple d’une gamme en do mineur. A chaque note, un accord bien défini est associé. Comme on ne pense pas en notes réelles, mais en « degrés » par rapport à une certaine gamme, le modèle s’applique sans changement à toutes les autres gammes mineures. Le système est linéaire, mais variable sur quelques points125. Le nouveau système

ramien en revanche est schématisé à un tel point qu'il permet d’exprimer les accords successifs selon les changements de la main droite du claveciniste sans même recourir à une partition.

Figure 16 : Exemple pour la règle de l’octave chez Champion (1726), ici pour le mode mineur. Source : gallica.bnf.fr, consultée le 12 févr. 2018.

On passe à un nouveau modèle graphique : la série représente l'analyse linéaire et logique, les fonctions ramiennes symbolisent (comme les tableaux à plusieurs entrées de Beauzée) la hiérarchisation des critères. Les douze touches du clavier correspondent à douze tons exactement déterminables. La division de l'octave en douze unités égales implique que le cercle des quintes (appelé aussi cercle harmonique126) se ferme. Toutes ces images visent à symboliser

la généralité sur la base d'une réflexion et d’un calcul logiques.

124 Ainsi, la basse fondamentale indique le ton fondamental théorique de l'accord, et la basse chiffrée la note réelle.

125 Par exemple le deuxième ton de la gamme déjà peut porter, selon le contexte, soit son accord propre, soit

l'accord de la petite sixte. Pour plus d’informations voir Charrak (2001).

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Regardant un peu plus exactement ce que ce changement symbolise, on se rend compte que les images doivent aussi servir à penser et à régler les transitions. Au lieu d'un système universel comme celui offert par l'instrument à vent, le nouveau souci d'exactitude n'offre que des points fixes qu'il faut lier d'une manière ou d'une autre. Nous avons vu que le modèle du tempérament égal est un système calculable, voire prévisible. La solution consiste à régler le passage d'un point à l'autre comme le sont les demi-tons toujours égaux, représentant à la fois des tons altérés et bémolisés127 et établissant ainsi des points de passage immuables d'un ton diatonique128 à

l'autre, car ils sont définis comme la moitié exacte de la distance qui les sépare129. Dans le

domaine de la grammaire, Beauzée présente un autre chemin pour résoudre le problème des transitions qui, pour les sons du langage, équivalent aux variantes [i. e. aux allophones] d’un son de base. La solution consiste à hiérarchiser les points fixes (i. e. les sons principaux identifiés) en intégrant les sous-catégories sous-jacentes (c’est-à-dire les variantes) dans la représentation générale (cf. partie 2, ch. 2.4.2) : les éléments sont rangés à leur place fixe et ensuite mis en relation.

L'ancien modèle représentationnel de l’image de l’instrument à vent s'oppose donc au nouveau type de l’instrument à cordes qui se veut analytique. Or, nous avons vu que Harduin transforme (avec plus ou moins de succès) l’image initiale de l’instrument à vent dans le but d'expliquer justement le passage entre deux voyelles par le son du y, que l'on peut aussi interpréter comme une transition. Comme nous avons pu le constater, cet essai sert à adapter l’image générale à un questionnement détaillé et précis qui, selon nos réflexions dans ce chapitre, conviennent plus au type « à cordes ». On peut donc se demander si le modèle de l'instrument à cordes n’aurait pas été plus « réaliste » dans le sens de pouvoir être prouvé avec plus de facilité ? Pourquoi Harduin a-t-il choisi de modeler l’ancienne image au lieu de se servir de la nouvelle, plus moderne et, comme il semble, plus adaptée au type de question à laquelle il cherche une réponse. Reprenons l'exemple de la diphtongue pour réfléchir sur cette question. La plupart des explications pour la (vraie) diphtongue consistent à dire que l'on prononce deux sons consécutifs en un seul temps. Celles de Girard et de Beauzée nous semblent permettre d’aller plus loin et de comparer la diphtongue avec un processus de passage ou de transition d'un son à l'autre. Ainsi, Girard définit « l'unité de syllabe dans la pluralité des sons » comme

127 Donc, des tons enharmoniques.

128 Progression par tons et demi-tons, selon la tonalité. La gamme diatonique de sept tons s’oppose à la gamme chromatique, composée de douze (demi-)tons.

129 Dans les tempéraments inégaux, les notes bémolisées sont plus hautes que les demi-tons altérés. Un la bémol par exemple est plus haut qu’un sol dièse.

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caractéristique de la diphtongue (Girard 1747 : 15) qu'il nomme par conséquent syllabique. La définition indique que « deux voyeles, gardant leur son naturel, se prononcent néanmoins en

une syllabe » (1747 : 14). La formule choisie par Girard insiste plus clairement sur le passage d’un son à l’autre que celles des autres grammairiens (cf. partie II, ch. 1.2.1). Elle implique un changement clair entre deux sons distincts.

Selon Beauzée, la diphtongue est un mécanisme naturel destiné à éviter ou à diminuer au moins le hiatus. En effet, le contact de deux sons vocaliques entraîne une réaction (l'affaiblissement de la première voyelle) que Beauzée décrit par la tournure que la voix prépositive (donc, la première des deux voyelles) « s'associe[…] en quelque sorte avec la voix

postpositive » (la deuxième voyelle). Le point de départ du grammairien est un phénomène mécanique (voir Fournier 2007a). Il importe que les deux sons qui forment la diphtongue témoignent d'une « affinité naturelle des deux dispositions requises dans l'organe pour la

production de ces sons » (Beauzée 1767 : 40). L’hypothèse semble logique : la proximité de

deux voyelles dans la représentation linéaire dans la GGR ou chez de Brosses, fondée sur un critère organique pourrait être le signe d'une telle affinité. De fait, les suites des voyelles sont pratiquement identiques dans les deux textes, sauf que celle de Port-Royal est un peu plus éten- due dans la seconde partie qui contient les voyelles labiales :

Tableau 4 : L’ordre des voyelles dans la GGR et chez de Brosses

GGR A e é i o ô eu ou u e muet de Brosses a n (ai) é i o 8 (ou) u

Est-il possible de vérifier l'hypothèse des affinités dans le sens d’une « conformité, de la

convenance, du rapport qui est entre diverses choses » (DA 1694, art. « affinité) ou, adapté à notre questionnement précis, l’existence d’un lien ou d’un rapport de proximité entre les voyelles voisines ? Une preuve qu'à l'époque les théoriciens imaginent les voyelles selon une telle prémisse se trouve (curieusement) dans les écrits qui traitent de la science musicale130.

Sauveur (1701 : parties 3, 7, 8 et table 4) présente un nouveau modèle pour dénommer les notes de la gamme que nous résumons dans le tableau 5 et dans la figure 17131. Il se fonde sur l'idée

130 Nous évitons le terme moderne de musicologie qui n'existait pas encore à l'époque et qui évoque d'autres associations pour le lecteur moderne.

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d'utiliser des voyelles voisines pour indiquer l'équivalence des intervalles132. Voilà les notes de

la gamme que Sauveur propose :

Tableau 5 : La gamme de Sauveur

do133 do

dièse ré mi bé-mol mi fa fa dièse sol sol dièse la si bé-mol si pa pi ra go ga so sa bo ba lo de do

Appliqué à un clavier, on obtient le schéma suivant :

Figure 17 : Visualisation de la gamme de Sauveur sur un clavier (il s’agit d’une gamme mésotonique, cf. annexe 4.3.2). Source : C. S.

Parmi ses explications, les plus importantes pour notre raisonnement sont les suivantes : • Si deux noms proposés pour les notes contiennent les mêmes voyelles ou des voyelles

équivalentes (i. e. les paires a/o et e/i, infra), les intervalles sont majeurs134, pourvu

que les notes soient naturelles135, c'est-à-dire diatoniques ou non altérées (exemple :

pa-ra)136.

• Si deux noms contiennent des voyelles différentes, les intervalles diatoniques sont mineurs, pourvu que les notes soient naturelles (exemple : ra-so).

132 A comparer avec la proposition de Lancelot qui choisit des noms pour les notes de la gamme qui utilisent exclusivement les trois voyelles a, e, et i comme celles qui sont les plus distinctes et les plus faciles à entonner : le concept proposé par cet auteur est purement pédagogique. La gamme serait alors, selon lui, ta – le – mi – da – se – re – ni (Lancelot 1685 : 4-6).

133 Dans tous les traités de l’époque, la touche du clavier, appelé do aujourd’hui, est nommé ut (son deuxième nom). Pour faciliter la lecture de cette partie musicologique complexe, nous adoptons ici l’usage moderne en France.

134 La théorie musicale distingue pour les consonances parfaites (la tierce et la sixte) et pour les dissonances de la seconde et de la septième, des intervalles majeurs et mineurs. L’intervalle mineur est toujours un demi-ton plus petit que son correspondant majeur. Ainsi, la seconde mineure correspond à un demi-ton et la seconde majeure à deux demi-tons (c’est-à-dire un ton).

135 Les notes naturelles sont celles qui ne portent ni bémol, ni dièse. Pour le dire très simplement, elles correspondent aux « touches blanches » du piano moderne.

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Des règles sophistiquées expliquent ensuite comment on reconnaît les intervalles qui se sont

« éloignez » ou « approchez » d'un ou de plusieurs degrés, c’est-à-dire demi-tons. Ici, elles ne

nous intéressent pas en détail. Deux points nous semblent pourtant remarquables dans cette nouvelle proposition de noms de notes.

D’abord, l'idée que l'on passe d'un degré de la gamme à l'autre par éloignement ou par rapprochement : une distance est parcourue. On progresse en traversant des points fixes représentés par les notes du système diatonique. Soit la deuxième note est voisine de la première, et on se déplace alors simplement d'un degré vers la gauche ou vers la droite. Soit la note est plus éloignée et on passe degré par degré jusqu'à arriver à la note envisagée. Sous cet angle, il y a analogie entre le passage d’une note à l’autre par degrés et celui d'une voyelle à la prochaine située à droite ou à gauche sur la corde.

Selon l'ordre linéaire établi par Arnauld et Lancelot et par de Brosses, on peut dire que le i se trouve à droite du a de trois degrés, et pour passer du ê au o, il faut se déplacer de deux degrés vers la droite. Nous proposons donc un raisonnement par analogie : le rapport de ressemblance que l’on peut voir dans les deux concepts linéaires permet d’établir (par déduction) également un rapport (analogique) entre les voyelles utilisées pour désigner les distances éloignées ou rapprochées.

Ensuite, Sauveur désigne comme voyelles équivalentes e et a ainsi que i et o. En effet, regardant les noms des notes diatoniques, on voit que le changement du a au o indique le demi- ton entre mi (ga) et fa (so). La deuxième série de voyelles, e et i, n'intervient qu'une seule fois. Les notes ainsi marquées se situent en haut et en bas de la gamme et ne concernent que les sons altérés. Selon l'explication de Sauveur, les noms des notes diésées137 reprennent la voyelle de

la note diatonique située une tierce plus basse (exemple : mi / ga – sol dièse / ba), pour les notes

bémolisées138 il s'agit de la tierce supérieure (comme sol / bo – mi bémol / go). Afin de maintenir

cette systématique pour do dièse et si bémol, il aurait fallu quitter le cadre de l'octave, car les sons indiqués correspondent à un tempérament mésotonique139. Si Sauveur propose un concept

fondé sur une répartition de l'octave en 43 unités égales qui permet théoriquement des intervalles d'une distance toujours exactement identique (supra), il n'arrive toutefois pas à se se

137 Notes altérées d’un demi-ton et marquées d’un dièse. 138 Notes abaissées d’un démi-ton et marquées d’un bémol.

139 Les noms des notes nous livrent effectivement la preuve que Sauveur pense à un tempérament mésotonique : en montant, pa (do) – ra (ré) – ga (mi) – sa (fa#) – ba (sol#) ne trouvent pas de suite dans le prochain ton,

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distancier de la pratique courante du tempérament en usage. De cette manière pourtant, le choix de la tierce n'est pas arbitraire : do dièse ne peut être que la tierce de la, si bémol celle de re.

Le nouveau système pour les noms des notes est alors un système à moitié théorique, à moitié pratique. En principe, do dièse devrait s'appeler po, mais il est nommé pi. Si bémol, selon la théorie da, se nomme de. On voit l'origine de l'idée de l'équivalence, terme que Sauveur ne justifie d'ailleurs pas. Le regard sur la présentation de la GGR montre pourtant que selon le modèle linéaire proposé, a / e et i / o sont en effet voisines. Dans ce sens, le passage du a au e correspond à la tierce descendante et celui du o au i à la tierce montante.

Revenons à notre questionnement initial qui est de comprendre ce que le modèle (actualisé) de l’instrument à vent offre à Harduin et ce qu’il ne trouve pas dans celui de l’instrument à cordes. Nous avons vu que le modèle linéaire établit une affinité entre les voyelles a et e, et entre i et o. Or, seul le i figure parmi les voyelles (i, u, ou) qui permettent d'après Harduin la formation d’une véritable diphtongue. Il ne peut alors pas argumenter avec l’affinité ou l’équivalence des voyelles selon leur ordre linéaire et d’après un modèle graphique. Comme ses analyses sont fondées sur des critères physiologiques, il a besoin d’un autre type d’argumentation. L’observation empirique concernant les voyelles qui permettent la formation d’une diphtongue repose finalement sur l’analyse d’une production orale par le moyen de ses sens.

Même si Harduin traite une question de détail, le nouveau modèle de l’image de la corde qui visualise les transitions des points fixés sur la corde par des divisions visibles, expérimentalement prouvables et mathématiquement calculables, ne correspond justement pas à ses besoins. Il préfère donc adapter l’image de l’instrument à vent qui est plus large et plus ouverte. Ce raisonnement montre une caractéristique importante des réflexions effectuées sur la base de l’instrument à cordes : la pensée s’objective, et on cherche volontiers la preuve visible, la déduction logique ou le raisonnement par analogie. Dans notre exemple, on voit la proximité des concepts qui se fondent sur l'image de la forme linéaire (corde ou gamme), même s'il s'agit de domaines différents.

De manière générale, l'image ouverte (qu’il s’agisse de « l'orgue naturelle » de Lamy, du nombre céleste ou d’une somme de voyelles) est remplacée par une conception plus concrète et plus rationnelle des phénomènes (comme les intervalles musicaux calculables, les organes à l'intérieur du larynx ou un ordre logique des sons vocaux).

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si les savoirs scientifiques (comme les autres formes de savoirs) circulent, ce n’est pas parce qu’ils sont universels. C’est parce qu’ils circulent – c’est-à-dire parce qu’ils sont ré-utilisés dans d’autres contextes et qu’un sens leur est attribué par d’autres – qu’ils sont décrits comme universels.

Dans les domaines de l’acoustique, de la grammaire et de la musique, l’objet « ré-utilisé » qui promet de donner un sens général ou universel, est justement la corde. L’instrument à cordes est ainsi un exemple typique pour la thèse de Pestre (1995) que

la pratique de la philosophie naturelle et des sciences depuis le 17e siècle consiste

largement à intervenir sur le monde et à transformer des observations et des expériences locales en appareils et instruments capables de circuler hors de leur lieu originel de fabrication.

La nouvelle forme de la représentation peut alors être interprétée comme une modernisation intégrant les modifications qui semblent nécessaires pour assurer des résultats valables selon les nouvelles exigences. Elles reposent évidemment sur les nouvelles découvertes dans le