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La nouvelle école classique (NEC)

Chapitre II : Revue de la littérature sur les déterminants de l’inflation

2.1. Revue des grandes théories économiques de l’inflation

2.1.5. La nouvelle école classique (NEC)

Comme son nom l’indique, la nouvelle école classique (NEC) cherche à retourner aux intuitions des classiques (Smith, Say, et Ricardo), notamment dans le domaine de la théorie monétaire. Si les keynésiens fondent leur conception et leurs objectifs sur les possibilités de régulation du cycle économique sur le fait que la monnaie - et donc l'inflation - n'est pas neutre, les monétaristes soutiennent que cette absence de neutralité ne vaut que dans le court terme (Bailly et al, 2006, p 112).

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La vision des nouveaux classiques peut être plus radicale que celle de Friedman ; ils nient toute possibilité d’action de la monnaie sur l’économie réelle même à court terme et réactualisent la thèse de la « monnaie-voile ». Prenant appui sur la théorie des anticipations rationnelles, ils estiment que les agents ne sont jamais victimes d’illusion monétaire (Montoussé, 2007, p 22).

Si la NEC, représentée par Lucas, Barro, Sargent, Wallace, reprend à son compte les hypothèses du monétarisme (prix flexibles, économie à l'équilibre, chômage naturel, neutralité à long terme de la monnaie), elle n'en constitue pas moins une radicalisation des thèses développées par Friedman. En effet, la NEC a pour ambition de montrer que (Combe, 1997) :

 La monnaie est neutre, même à court terme, renouant ainsi avec la vision dichotomique stricte des auteurs classiques.

 Les politiques économiques conjoncturelles restent sans effets sur l'activité réelle, dès lors qu'elles sont anticipées par les agents.

 Les fluctuations cycliques sont la réponse optimale de l'économie à des chocs exogènes, ce qui ôte toute légitimité à l'intervention étatique.

2.1.5.1. Les anticipations rationnelles

Dans l’analyse des nouveaux classiques, le rôle des anticipations est central dans l’inflation. Ils considèrent que l’augmentation de la masse monétaire non proportionnelle à celle des richesses est la cause de l’inflation à cause des mauvaises anticipations des agents économiques.

Nous avons vu que pour Friedman, les anticipations des agents économiques sont adaptatives. Cela signifie que les agents constituent leurs anticipations relatives à l’inflation en se basant sur les valeurs passées des prix et des erreurs commises. L’agent dans ce cas-là révise toujours sa prévision en fonction de ces erreurs pour formuler les nouvelles anticipations. Il y aurait donc une inertie dans l’inflation, venant du fait que les anticipations de l’inflation future qui sont en fait, basées sur l’inflation du passé, influencent les prix qu’attendent les agents économiques. L’implication de cela est que l’inflation ne peut que changer lentement d’année en année.

Le modèle d’anticipations adaptatives de Friedman a été critiqué par les nouveaux classiques car il se base seulement sur des périodes antérieures. Les événements pouvant perturber l’économie ne sont pris en compte qu’une fois survenus et enregistrés.

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La NEC, développe le principe des « anticipations rationnelles ». L'anticipation rationnelle stipule que les agents vont agir en moyenne de façon à anticiper au mieux l'inflation. Cela signifie que les agents disposent de toute l’information sur le fonctionnement de l’économie, c'est-à-dire le comportement des autres agents y compris des autorités monétaires et savent comment les réactions de chacun (y compris les leurs) modifient les variables économiques. Là, les prévisions sur les valeurs futures des prix sont faites par les agents en utilisant de façon optimale toute l’information disponible sur les facteurs qui leurs semblent déterminer cette variable. Les individus ne commettent aucune erreur systématique de prévision. En prenant en compte toutes les informations pertinentes, l’individu les emploie d’une manière efficiente.

La NEC substitue alors à l'hypothèse « d'anticipations adaptatives » celle « d'anticipations rationnelles », introduite par Muth dès 1961 entreprise par Lucas (prix Nobel en 1995) en 1972. Les agents forment des anticipations rationnelles, dès lors qu'ils tirent parti de toute l'information disponible (et non plus seulement des informations passées) pour établir leurs prévisions ; en conséquence, les agents ne font pas d'erreurs systématiques de prévision, comme dans le cas d'anticipations adaptatives.

Pour tirer parti de toute l'information disponible, les agents doivent disposer d'un même schéma interprétatif ; la NEC suppose qu'ils connaissent le « bon » modèle de l'économie, en l'occurrence le modèle néoclassique : ils savent par exemple qu'un accroissement de la masse monétaire doit se traduire par une hausse équivalente du niveau général des prix.

Soulignons ici le caractère auto réalisateur des anticipations rationnelles : si les agents croient à la théorie quantitative, cette dernière est validée par leur comportement (Combe, 1997).

2.1.5.2. L'inefficacité radicale des politiques conjoncturelles

Contrairement aux keynésiens qui soutiennent que la politique monétaire peut être utilisée pour stimuler la production, les nouveaux classiques pensent que la monnaie n’a pas d’influence dans la sphère réelle même à court terme – comme l’admettent les monétaristes.

Retour sur l'arbitrage inflation/chômage : A la suite de Friedman, les nouveaux classiques (et en particulier Sargent et Wallace, 1975) reconsidèrent la question de l'arbitrage inflation/chômage (la courbe de Phillips) en s'appuyant sur les anticipations rationnelles des agents. Supposons qu'un gouvernement annonce une relance monétaire de l'économie ; les agents comprennent aussitôt que cette politique se traduira par une hausse du niveau général des prix ; leurs salaires

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s'ajustent aussitôt à l'inflation anticipée et le chômage ne diminue pas. Dans ce cas, toute politique monétaire est inefficace puisque ses effets sont parfaitement anticipés. Elle n’a aucun impact sur les variables réelles et ne se traduit que par l’inflation (Combe, 1997).

La neutralité de la relance budgétaire : Dans un article du Journal of Political Economy (1974), Robert Barro reconsidère la question de la relance budgétaire, en s'appuyant sur les anticipations rationnelles des agents. Il montre qu'une politique de déficit budgétaire financée par l'emprunt reste sans effets sur l'activité économique, dans la mesure où les agents ne sont pas victimes d'une « illusion fiscale » : ils anticipent parfaitement la hausse future des impôts, destinée à rembourser l'emprunt initial ; en prévision de ces prélèvements futurs, les ménages constituent alors immédiatement une épargne d'un montant équivalent à l'endettement public et mettent en échec la politique de relance par la consommation. Il est donc supposé que les ménages font des anticipations parfaites et intègrent dans leur contrainte budgétaire inter-temporelle les impôts futurs (Combe, 1997).