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Inflation induite par des facteurs psychologiques et des anticipations

1.4. Causes de l’inflation

1.4.6. Inflation induite par des facteurs psychologiques et des anticipations

Au sens économique, l'anticipation est « une estimation des valeurs futures d'une variable économique (inflation, revenu, taux d'intérêt, salaire, …) par un agent économique sur laquelle il fonde ses décisions » (Razafimanantena et Rajamarison, 2013, p 20).

Les anticipations du taux d'inflation constituent un élément majeur de la formation des prix et jouent un rôle central dans le processus inflationniste, par les comportements qu'elles induisent. En effet, une fois que les agents économiques intègrent l’idée que les prix vont augmenter, ils répercutent rapidement cette anticipation sur les prix qui de ce fait augmentent conformément à leurs attentes (OFCE, 2006, p 167).

Longtemps considérées, comme psychologiques, c'est-à-dire hors du champ d'explication de l'économiste, les anticipations de prix ont été progressivement endogénéisées, c'est-à-dire intégrées dans l'analyse économique vu leur rôle déterminant pour l’inflation (Ghitton et Bramoullé, 1983, p 405).On distingue deux types d’anticipations :

1.4.6.1. Anticipations adaptatives

Les anticipations adaptatives supposent que l’évolution anticipée d’une variable à une période donnée dépend des anticipations formées dans le passé et des erreurs commises sur ces anticipations. C’est une conception de « Milton Friedman (chef de file des monétaristes) selon laquelle, dans le domaine de l’inflation, l’anticipation se fonde sur la valeur présente d’une variable et sur les erreurs de prévisions faites à la période précédente (Pollin, 2014).

Une partie de l’erreur d’anticipation est corrigée pour la prochaine anticipation. En d’autres termes se sont des anticipations qui se fondent sur les évolutions passées constatées. Cela signifie que le niveau futur anticipé des prix est mécaniquement ajusté à l'écart entre le niveau des prix d'aujourd'hui et le niveau de prix anticipé antérieurement. Le prix anticipé en période (t+1) est une moyenne pondérée du prix anticipé et du prix réalisé en période (t) (Cagan, 1956).

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Les anticipations adaptatives impliquent généralement des erreurs de prévisions systématiques qui sont coûteuses pour les agents économiques. On leur reproche le fait qu’elles se basent uniquement sur l’évolution des prix dans le passé et ne tiennent pas compte de toute l’information disponible. De plus, la réaction des agents économiques n’est pas instantanée : le niveau futur anticipé des prix est issu d’un mécanisme d’ajustement nécessitant un temps d’adaptation (Lovell, 1986). Dans ces conditions le processus de formation des anticipations peut paraître irrationnel.

1.4.6.2. Anticipations rationnelles

Théorie issue de l’hypothèse proposée par Muth en 1961 et reprise et développée dans les années 1970 par divers économistes comme Barro, Lucas, Sargent ou encore Wallace, ou d’autres économistes de l’école des nouveaux classiques. Cette théorie part d’une critique des anticipations adaptatives. Pour ces économistes, les anticipations adaptatives sont trop simples pour s’appliquer à plusieurs circonstances. Selon la théorie des anticipations rationnelles, les agents économiques utilisent de manière optimale, toute l’information disponible, y compris l’information sur les politiques actuelles et prospectives, pour prévoir les prix (Zonon, 2003). En effet, les agents rationnels tiennent compte de l’ensemble de l’information pertinente dont ils disposent à un moment donné, présente ou passée voire future (en tenant compte également des politiques en cours ou annoncées par les gouvernements) pour élaborer leurs anticipations, et pas seulement des erreurs passées. De plus, les agents économiques ont une parfaite connaissance du modèle de l’économie qui relie les variables exogènes aux variables endogènes sur lequel ils basent leurs anticipations.

Pour ce qui est des anticipations rationnelles, les agents ne font pas d’erreurs systématiques de prévisions comme dans le cas des anticipations adaptatives car les anticipations rationnelles sont fondées une information parfaite, abondante et non biaisée. Aucun élément de l’information n’a plus d’importance qu’un autre. Les agents connaissent le fonctionnement du système économique ce qui leur permet de faire des anticipations qui s’avèrent justes (Pollin, 2014).

Comme nous l’avons définie précédemment, l’inflation est une hausse généralisée et continue du niveau général des prix entrainant une baisse durable de la valeur de la monnaie et donc de son pouvoir d’achat. Si les agents économiques anticipent une hausse des prix, ils vont certainement en tenir compte dans la prise de leurs décisions (de consommation, d’investissement, de négociations salariales, d’ajustement des prix contractuels…etc.). Ainsi, les agents économiques,

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de par leur comportement, vont inévitablement influencer l’évolution du niveau général des prix et par conséquent, déterminer en partie l’inflation de la période suivante :

 Au moment des négociations salariales, les employés considèrent, généralement, quel niveau l’inflation pourrait atteindre plus tard, par exemple, au cours de l’année suivante dans la mesure où les hausse des prix futures réduiront la quantité des biens et services qu’un salaire nominal donné permet d’acquérir. Ainsi si l’inflation anticipée est élevée, les travailleurs risquent de revendiquer une plus forte augmentation des salaires nominaux au moment des négociations (Génération Euro students’ award, 2015).

 Il en est de même lors de la fixation des prix par les entreprises. Si les conventions salariales reposent sur des anticipations d’inflation en hausse, les coûts des entreprises vont inévitablement augmenter, ce qui va les inciter à incorporer cette hausse dans les prix de vente des produits (Génération Euro students’ award, 2015).

 L'anticipation de nouvelles hausses de prix peut conduire les chefs d'entreprises à stocker une partie des produits en attendant que ces hausses se produisent, ce qui raréfie l'offre immédiatement disponible (rétention des stocks) (Bezbakh, 2011).

 L’anticipation d’un regain de l’inflation pousse également les consommateurs à intensifier leur demande en biens et services pour éviter de supporter les hausses de prix à venir. Cela peut même s'effectuer par l'intermédiaire d'une désépargne, surtout si leurs dépôts sont mal protégés de l'inflation (Bezbakh, 2011).

 Il en est de même des banquiers qui doivent inclure dans leurs taux d'intérêt nominaux les prévisions d'inflation. Dans le cas où ces prévisions contiennent une surestimation de l’inflation, le loyer de l'argent va augmenter. Par conséquent, les coûts élevés de financement des investissements vont exercer des pressions à la hausse sur les prix (Razafimanantena et Rajamarison, 2013).

Vu le rôle important que joue les anticipations dans l’accélération du processus inflationniste, la politique monétaire se doit d’être crédible dans son objectif de maintien de la stabilité des prix afin de stabiliser les anticipations d’inflation à long terme.

Dans l’analyse des nouveaux classiques, le rôle des anticipations est central dans l’inflation. Cependant, un débat existe sur la question de savoir si les anticipations sont adaptatives ou rationnelles.

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