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Implications de la gestion centralisée sur l’inflation

Chapitre III : Analyse des déterminants de l’inflation en Algérie

3.1. Analyse descriptive de l’évolution de l’inflation en Algérie depuis l’indépendance à nos jours

3.1.1. Evolution de l’inflation en Algérie entre 1962 et 1989 : « Economie socialiste et planification centralisée

3.1.1.2. La planification centralisée

3.1.1.2.3. Implications de la gestion centralisée sur l’inflation

Après deux décennies d’efforts d’investissements, financés principalement par l’endettement externe et les crédits bancaires internes, le développement de l’économie algérienne est resté tributaire des ressources des hydrocarbures. Au cours des années soixante-dix, l’essentiel des recettes d’exportation d’hydrocarbures avait servi à couvrir la forte composante importation des investissements publics massifs (forte dépendance de l’appareil de production vis-à-vis de l’extérieur pour son fonctionnement : équipements et intrants) et de la consommation finale (défaillance de l’agriculture et forte dépendance alimentaire). Le manque de prudence dans l’allocation et la gestion des ressources, importantes jusqu’au milieu des années quatre-vingts,

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avait ainsi favorisé l’émergence de déséquilibres internes et le resserrement de la dépendance de l’économie vis-à-vis des exportations du secteur des hydrocarbures. Le mode d’allocation « administré » des ressources et la chute brutale des cours du pétrole en 1986, s’est traduit par une instabilité économique et financière sans précèdent (Laksaci, 2010) :

La baisse des exportations des hydrocarbures (-39 %), qui sont passées de 13 milliards de dollars en 1985 à 7 milliards de dollars en 1986, suite à la chute de 46 % des prix du pétrole, en situation de forte propension à l’importation, s’est traduite par un déficit de la balance des paiements extérieurs courants, entraînant une grave érosion des réserves de change (0,72 milliard de dollars à fin 1990 contre 2,5 milliards de dollars à fin 1985).

L’encours de la dette extérieure a ainsi atteint un niveau excessif de 26,1 milliards de dollars à fin 1989 contre environ 17 milliards de dollars à fin 1985, avec une part importante de crédits à échéances courtes. En conséquence, le ratio service de la dette extérieure/exportations s’est envolé pour atteindre 80 % en 1988 contre 35 % en 1985.

L’accentuation du déséquilibre des finances publiques. Les recettes de la fiscalité pétrolière avaient chuté de près de 50 % en 1986, alors que le rythme des dépenses avait été maintenu. En conséquence, le déficit budgétaire global avait atteint des niveaux record en 1986 (13 %) et 1988 (13,7 %), relativement au produit intérieur brut, financés pour l’essentiel par la création monétaire.

L’expansionnisme monétaire était également alimenté par le refinancement quasi automatique par la Banque Centrale des crédits bancaires à moyen terme ayant servis à financer les investissements planifiés au cours des années 1970 et 1980, en situation d’épargne intérieure structurellement insuffisante. Ainsi, la politique monétaire très accommodante et le rôle passif dévolu à la Banque Centrale ont contribué à l’instabilité financière interne provoquant une hausse de l’inflation malgré un système des prix administrés.

En effet le rôle réduit de la politique monétaire et son laxisme et l’absence de limites institutionnelles a conduit à une injection massive de liquidités dans l’économie et une allocation peu rigoureuse des ressources. La création monétaire a pris des proportions importantes, pas seulement en raison du volume des investissements engagés mais aussi et surtout, à cause de l’aggravation du déficit comptable des entreprises publiques. Ces dernières, incapables de générer un surplus ou une valeur ajoutée leur permettant d’assurer leur développement ou du

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moins leur équilibre, obligeaient les banques à leur consentir des crédits jusqu’à concurrence de leurs dépenses conduisant ainsi, à un découvert bancaire de plus en plus important (Bellal, 2010).

Compte tenu de la situation financière détériorée des entreprises publiques, le portefeuille des banques était alourdi des créances douteuses devenues par la suite des créances irrécouvrables ou créances non performantes. Cette situation a entraîné la diminution de la liquidité des banques ce qui les avaient contraint par la suite à pratiquer un rationnement du crédit pour limiter leurs pertes (Boumghar, 2004).

Pour la période 1970-1986, la croissance de la masse monétaire a toujours été supérieure à celle du PIB. Si nous nous référons aux données statistiques présentées par le tableau n° (1), nous pouvons relever l’énorme disparité entre l’évolution de la masse monétaire mesurée par l’agrégat (M2) et celle du PIB. Sur les périodes 1972-1975 et 1976-1979, la masse des biens et services a augmenté respectivement de 10.9% et 7.6% en moyenne par an alors que la masse des moyens de paiement s’est accru respectivement de 25% et 24% en moyenne par an. Tandis que sur l’ensemble des années 80, le rythme moyen d’évolution de la production était de 2.8% alors que le taux de croissance annuel moyen de la masse monétaire, en net ralentissement à cause de la chute des prix du pétrole, était estimé à 14.7%. Ces chiffres montrent que l’économie algérienne a connu une création monétaire excessive par rapport aux besoins réels de l’économie.

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Pour cette raison, le taux de liquidité de l’économie, mesuré par le rapport entre les agrégats M2 et le PIB, a toujours été très élevé nettement supérieur à 50%, à l’exception de l’année 1974 où il a atteint 46% à cause de la hausse des prix des hydrocarbures. Cet indicateur fait ressortir le caractère inflationniste du mode de financement de l’économie nationale dominant à l’époque. Le recours excessif à la création monétaire et sans contrepartie réelle s’est répercuté sur le niveau général des prix dans la mesure où une croissance non proportionnelle de la masse monétaire par rapport à la production réelle a induit l’apparition de tensions inflationnistes. Les taux d’inflation enregistrés pendant la période allant de 1970 à 1989 sont présentés dans le tableau ci-dessous : Année 1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 Masse Monétaire (M2) 13,1 13,9 18,1 20,4 25,8 33,7 43,6 52,0 67,5 79,7 Taux de croissance de M2 (%) 6,5 30,3 12,3 26,6 31,0 29,2 19,1 29,9 18,1 Produit Intérieur

Brut (PIB) réel 1192,0 1057,0 1347,0 1399,0 1503,0 1579,0 1712,0 1802,0 1968,0 2115,0

Taux de croissance

du PIB réel (%) -11,3 27,4 3,9 7,4 5,1 8,4 5,3 9,2 7,5

PIB à prix courants 22,9 23,5 27,4 32,1 55,6 61,6 74,1 87,2 104,8 128,2

Taux de Liquidité (M2/PIB) (%) 57,1 59,3 66,2 63,4 46,3 54,8 58,8 59,6 64,4 62,2 Année 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 Masse Monétaire (M2) 93,5 109,2 137,9 165,9 194,7 223,9 227,0 257,9 293,0 308,1 Taux de croissance de M2 (%) 17,4 16,7 26,3 20,3 17,4 15,0 1,4 13,6 13,6 5,2 Produit Intérieur

Brut (PIB) réel 2132,0 2196,0 2336,0 2462,0 2600,0 2696,0 2707,0 2688,0 2661,0 2778,0

Taux de croissance

du PIB réel (%) 0,8 3,0 6,4 5,4 5,6 3,7 0,4 -0,7 -1,0 4,4

PIB à prix courants 162,5 191,5 207,6 233,7 263,9 291,6 296,6 312,7 347,7 422,0

Taux de Liquidité

(M2/PIB) (%) 57,6 57,0 66,4 71,0 73,8 76,8 76,5 82,5 84,3 73,0

Tableau n° 1 : Evolution Annuelle de la Masse Monétaire et du Produit Intérieur Brut (1970-1989) en Milliards de Dinars

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En effet, le taux d’inflation a connu une progression permanente depuis 1970 passant de 4.8% à 9.3% en 1989 enregistrant son niveau le plus élevé en 1978 soit 15.6%.