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Implications de la loi n° 90-10 relative à la monnaie et au crédit sur l’Inflation

Chapitre III : Analyse des déterminants de l’inflation en Algérie

3.1. Analyse descriptive de l’évolution de l’inflation en Algérie depuis l’indépendance à nos jours

3.1.2. Evolution de l’inflation en Algérie entre 1990 et 1999 : « Transition »

3.1.2.1.4. Implications de la loi n° 90-10 relative à la monnaie et au crédit sur l’Inflation

Les tentatives d’accélération du processus de transition initiées avec la loi 90-10 relative à la monnaie et au crédit, notamment par le programme d’assainissement financier et de restructuration industrielle des entreprises publiques (initié par la BM), appuyé par l’accord de confirmation (Accord Stand-by 06/1991 – 05/1992) avec le FMI et les timides démarches pour atténuer le poids de la dette extérieure ; n’ont eu aucun résultat palpable, pire encore, la situation s’est aggravée. De plus, ces réformes n’ont même pas été menées à leur terme.

Ainsi, la crise de la croissance qui a été démarrée avec la chute historique des prix du pétrole de 1986 et la réduction drastique des importations dont dépendaient l’appareil productif national, est devenue une récession durable. Elle a atteint un record de (-2.1%) en 1993 (voir tableau n° 3).

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Sur le plan externe, la conjoncture économique a été marquée par un resserrement sans précédent de la contrainte financière extérieure. La baisse régulière des prix du pétrole, qui passent de 24,3 dollar le baril en 1990 à 17,5 dollar en 1993 (Rakhrour et Souak, 2016), a entrainé une baisse de recettes des exportations et par conséquent, la détérioration accrue de la balance des paiements, avec la chute des réserves de change qui ne couvraient plus que six à sept semaines d’importations (Ilmane, 2007).

L’alourdissement continu de la dette extérieure (qui passe de 30% du PIB en 1985 à 61.4% du PIB en 1991) a été accompagné d’une réduction de sa maturité de 7 à moins de 3 ans (en raison du recours massif aux crédits à court terme). Cette évolution de la dette extérieure a aggravé dangereusement le poids de son service qui passe de 37% des exportations des biens et services en 1985 à 74% en 1991 pour atteindre un record de près de 82% en 1993 à tel point que le pays se trouvait au bord de la cessation de paiement (Ilmane, 2007).

Dans ce contexte, la masse monétaire a continué à croître à des taux plus ou moins élevés par comparaison au taux de croissance du PIB qui s’est nettement détérioré (voir tableau n° 3). Cela se confirme par le taux de liquidité qui a avoisiné les 50% pendant toute cette période, même s’il a enregistré un recul important par rapport à 1988 où il a atteint 84%.

Les entreprises publiques qui étaient structurellement déficitaires, se finançaient par découverts bancaires. Les banques, alors toutes publiques, étant elles-mêmes structurellement illiquides, se refinançaient automatiquement, auprès de la Banque centrale. Dans ce contexte, la politique monétaire ne pouvait être qu’accommodante pour éviter le risque de mettre le système bancaire en situation d’insolvabilité. En effet, le refinancement des banques par la Banque centrale est passé de 31 Milliards de DA en 1989 à 108 Milliards de DA en 1991 (Ilmane, 2007).

L’instrumentation qui s’imposait ne pouvait être qu’une instrumentation directe. Les taux d’intérêt ne pouvaient jouer réellement leur rôle dans l’allocation des ressources vu la situation économique globale, particulièrement celle des entreprises publiques, et le niveau élevé d’inflation les rendant négatifs en termes réels. En effet, si les taux d’intérêt créditeurs furent libéralisés depuis 1990, ce n’est pas le cas des taux débiteurs qui étaient plafonnés depuis cette date à 20 %. De même, le taux d’intérêt du marché monétaire interbancaire a été plafonné à 18 %. Quant au taux de réescompte, il fut porté de 7 % en 1989 à 10,5% en 1990 et à 11,5 % à partir du 01/10/1991 ; il demeura à ce niveau jusqu’au 09/04/1994 (Ilmane, 2007)

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Alors que la Banque centrale avait un grand mal à contenir l’emballement des découverts des entreprises publiques auprès des banques, l’Exécutif suspendit la disposition de la loi 90-10 qui limite son recours à ses avances pour se permettre de financer son déficit (il s’agit de l’article 78 qui limite ces avances à 10% des recettes budgétaires ordinaires de l'exercice écoulé et pour une durée totale de 240 jours, le tout devant être remboursé avant la fin de chaque exercice).

Malgré les mesures énoncées à la veille de la promulgation de la LMC en 1990, prévoyant la minimisation des déficits budgétaires, ces dernières n’ont pas donné de résultats satisfaisants en la matière. Le comportement du solde budgétaire est lié fondamentalement à la conjoncture pétrolière (la vulnérabilité des finances publiques à l’égard de la volatilité des prix des hydrocarbures étant très forte) et à l’évolution du taux de change du dinar vis-à-vis du dollar. De plus, à partir de 1992, un processus d’assainissement financier des entreprises publiques et donc des banques a été entamé. Ces opérations consistaient en le rachat par le Trésor des créances dites « non performantes » détenues par les banques sur les entreprises publiques. Ces rachats sont réalisés par l’émission par le Trésor d’obligations au profit des banques, afin de renflouer ces dernières et alléger leur portefeuille, mais leur poids demeure important. Les découverts bancaires se sont, donc, progressivement transformés en déficit budgétaire. Cet acte a permis à l’état de porter le déficit budgétaire de 12.2 milliards DA en 1992 à 100.6 milliards DA en 1993, soit de 1.2 % à 8.7 % du PIB pour les mêmes années respectivement (Ilmane, 2007).

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Pour ces raisons, un changement de cap a été opéré, en 1992, par les autorités. Il s’agit d’un retour à la monétisation du déficit budgétaire. Le recours de l’Exécutif au déficit budgétaire et surtout à son financement par la monnaie de base ne pouvait qu’aggraver les différents déséquilibres, notamment l’accélération du processus inflationniste.

En effet, la sous-période (1990-1993) a été marquée par un fort taux d’inflation puisqu’il est passé de 17.9% en 1990 à 20.5% en 1993, enregistrant un pic de 31.7% en 1992 (voir tableau n°4). Cette forte inflation a été nourrie, d’une part, par le lancement du processus de la libéralisation des prix et du désengagement de l’état qui s’est traduit par la suppression des subventions dont bénéficiaient les biens et services de consommation et d’autre part, par la dévaluation du dinar algérien intervenue en 1991 qui a engendré un renchérissement des produits importés. De plus, l’expansion monétaire excessive et la politique budgétaire de l’état (déficit budgétaire accru) ont largement contribué à la montée des tensions inflationnistes pendant cette période. Comme nous venons d’évoquer, la création monétaire a résulté en grande partie des crédits accordés à l’économie et du financement monétaire des déficits budgétaires du trésor qui assurait le sauvetage des entreprises publiques ainsi que l’essentiel des investissements.

Vu la détérioration drastique des indicateurs d’endettement extérieur et la vulnérabilité de la position financière extérieure de l’Algérie qui s’est encore aggravée au début de 1994 (l’économie s’est trouvée dans une situation de quasi cessation de paiement), et malgré l’apport de financements exceptionnels de soutien à la balance des paiements par le FMI (accord Stand-by de 1991) et la BA (programme de restructuration des entreprises publiques et du secteur financier), le recours au rééchelonnement de la dette extérieure (publique et privée) est devenu incontournable. Il ne pouvait cependant être obtenu sans le soutien des institutions de « Bretton Woods » (le FMI et la BM), ce qui s’est concrétisé par un double programme de stabilisation, d’abord et d’ajustement structurel, ensuite. Ces programmes avaient pour objectif de corriger les

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déséquilibres macroéconomiques et monétaires, libéraliser le système économique et renforcer l’application de la LMC.