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Inflation induite par excès de la masse monétaire

1.4. Causes de l’inflation

1.4.1. Inflation induite par excès de la masse monétaire

Historiquement, l'inflation a d'abord été considérée comme un phénomène purement monétaire : il s’agit d’un désordre attribué au gonflement de la masse monétaire en circulation dans une économie (Ghitton et Bramoulé, 1983). On considère que l'inflation résulte de l'émission par les autorités monétaires de monnaie en trop grande quantité par rapport à la quantité de biens et services dans le circuit économique (Apoteker et al, 2008). Ce fut le cas en Espagne (dont la monnaie était assise sur l’or ou l’argent) à la suite de l'afflux d'or en provenance des Amériques après leur conquête et qui conduira à la révolution des prix du XVIIème siècle, partout en Europe de l'ouest.

Ce qui crée le phénomène de l'inflation, ce n'est pas le fait que la monnaie augmente en valeur absolue, c'est le fait que l'augmentation de la quantité de monnaie en circulation dans l’économie se fait en disparité avec les éléments réels (revenu réel). C'est cette idée de disparité, qui crée une perturbation. Ce n'est pas le fait que la monnaie augmente en tant que telle c'est le fait qu'elle augmente plus que le reste des choses qu'elle doit entrainer (Ghitton et Bramoullé, 1983).

L’inflation traduit alors, un déséquilibre monétaire créé par une émission excessive de monnaie au regard de la quantité que les agents économiques (ménages, entreprises, état) souhaitent détenir compte tenu du niveau de production de l’économie. En mettant à leur disposition des moyens de paiement supplémentaires sans contrepartie immédiate en équivalent dans la production, on déclenche l’inflation, du fait du décalage entre la masse monétaire en circulation et la quantité de biens et services disponibles. En effet, en disposant d’un pouvoir d’achat supplémentaire les agents économiques vont augmenter leur demande en biens et services ; si l’offre ne suit pas, l’ajustement entre offre et demande se fait par la hausse des prix (Ndiaye et J.Badji, 2008)

Dans ce cas, en l'absence de création de richesse réelle, la conséquence directe d’un accroissement d’offre de monnaie se manifeste sous la forme d'une augmentation de la demande et par la suite des prix (Apoteker et al, 2008).

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C'est le point de vue théorique avancé par l'école quantitativiste au XIXème siècle à la suite d'Irving Fisher et au XXème siècle avec l'école monétariste. Pour « Milton Friedman » (chef de file de l’école monétariste et prix Nobel d’économie en 1976), « l'inflation est toujours et partout un phénomène monétaire ». Selon lui, elle ne résulte que d’une expansion monétaire sensiblement plus forte que le taux d’accroissement de la production réelle. En fait, les monétaristes considèrent que la monnaie est l'huile de l'économie: dans une voiture, l'huile doit s'adapter à la voiture, si on en met trop, la voiture brule, si on n’en met pas assez, la voiture n'avance pas. Tout comme l'huile, il faut la bonne quantité de monnaie, adaptée à l'évolution du volume de la production; si la quantité de monnaie n'est pas corrélée au volume de la production, l'inflation apparaît (Le monde politique, 2015).

L’explication de l’inflation monétaire, repose sur l'existence d'une relation économique, appelée « théorie quantitative de la monnaie » ou « équation d'Irving Fisher » attribuée aux économistes quantitativistes, dans un premier temps, et révolutionnée par la suite par Milton Friedman (1970) qui a apporté une conception nouvelle de cette théorie. Cette dernière s'exprime ainsi (Zonon, 2003):

𝑀 × 𝑉 = 𝑃 × 𝑇 Ou bien : 𝑀 × 𝑉 = 𝑃 × 𝑌 Avec :

M = masse monétaire (stock de monnaie) en circulation ;

P = niveau des prix ;

V = vitesse de circulation de la monnaie, c’est-à-dire, le nombre de fois qu’une même unité de monnaie permet de régler des transactions pendant la période considérée ;

T = volume des transactions effectuées pendant une période donnée ;

Y = volume de production d’une économie pendant une période donnée (son niveau est déterminé par la capacité productive de l’économie « facteurs de production »).

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Les hypothèses de base de cette théorie sont :

 Plein emploi des facteurs de production, donc (T) fixé.

 Habitudes de paiement stables, donc (V) constante à court terme (en général une année). On peut donc écrire : P = VT × M or VT constant donc (P) et (M) sont proportionnels.

Cela implique que : ∆P = VT × ∆M (∆ représente la variation) donc (∆P) et (∆M) sont proportionnels.

En effet, d’après les quantitativistes, avec (V) et (T) constants, toute variation de la quantité de monnaie en circulation dans l’économie (∆M) implique une variation proportionnelle du niveau général des prix (∆P). Exemple : si les autorités monétaires décident d’augmenter la masse monétaire de 5%, alors les prix augmenteront automatiquement de 5%. Donc, l’origine de l’inflation est monétaire. Cette équation justifie l'idée d'une dichotomie (sphère réelle - sphère monétaire) (Diemer, 2010).

Plusieurs études empiriques ont montré la consistance de cette théorie. En effet, l’étude fondatrice de Friedman et Schwartz sur l’histoire monétaire des USA (1963) indique clairement une corrélation positive entre la croissance de la masse monétaire et le niveau de l’inflation. Plus tard, d’autres études à travers le monde, confirment cette théorie : les pays où les taux de croissance de la monnaie sont élevés tendent à avoir un taux d’inflation élevé et les pays à faible croissance monétaire, un taux d’inflation réduit (Zonon, 2003, p 7)

La croissance de la masse monétaire en circulation dans une économie peut être attribuée :

 A une création monétaire excessive par les banques commerciales via une offre importante de crédit à l’économie : l’octroi de volumes importants de crédits à l’économie, sans rapport avec le niveau d’activité économique, peut entretenir une demande excessive par rapport à l’offre de biens et services, surtout si cette dernière est inélastique à court terme. Ce désajustement entre demande et offre sur le marché des biens et services génère et entretient des tensions inflationnistes (Dempo Toe et Hounkpatin, 2007). En effet, si les crédits accordés aux divers agents économiques (particuliers et entreprises) ne conduisent pas directement (ou suffisamment) à injecter dans le circuit économique des biens nouveaux à hauteur du montant de monnaie nouvelle, cela se traduit par des dépenses

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supplémentaires qui risquent d’augmenter les prix et donc causer l’inflation puisque l’offre est incapable de répondre à la demande. Il ya plus d’encaisses disponibles aux mains des agents économiques que de biens et services offerts.

Qu’est-ce que la création monétaire ?

Les banques commerciales créent de la monnaie tout simplement en faisant leur métier traditionnel de crédit à leur clientèle. A chaque fois qu’une banque accorde un crédit à un ménage ou à une entreprise, elle crée de la monnaie pour le même montant. Elle accroît en même temps et du même montant l’actif et le passif de son bilan. L’actif, car le crédit qu’elle consent est matérialisé par une créance qu’elle acquiert sur son débiteur. Le passif, car tout crédit se traduit par un accroissement des dépôts à vue, donc de monnaie. Tout crédit fait un nouveau dépôt ; tout crédit ajoute au volume de monnaie existant (De Mourgues, 2000, p 35).

Illustration (De Mourgues, 2000, p 36) :

Soit un bilan bancaire simplifié ; soit un chiffre arbitraire, 100, représentant le volume de monnaie existant au passif. 20 représente les réserves de la banque déposées auprès de la banque centrale. 80 représente les créances de la banque sur ses débiteurs (crédits de la clientèle).

Soit, 10, la valeur d’un nouveau crédit consenti par la banque à un client. Le total du bilan est accru immédiatement de ce montant, à l’actif et au passif. Une créance supplémentaire de 10 est inscrite à l’actif, un dépôt supplémentaire de 10 apparaît au passif dans le compte du client bénéficiaire du crédit.

Notons, qu’aucun agent n’a préalablement renoncé à disposer de son propre avoir monétaire pour permettre à la banque de consentir son crédit (il n’y a pas eu d’épargne préalable au crédit). Les anciens titulaires de dépôts bancaires possèdent toujours la même somme de

Actif Passif Actif Passif

Réserves 20 Dépôts à vue 100 Réserves 20 Dépôts à vue 110 Titres 80 Titres 90 (+10)

(+10)

100 100 110 110

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monnaie. Ils peuvent effectuer le même montant de dépenses qu’auparavant. Le crédit bancaire aboutit à ce qu’un agent dispose d’une capacité de paiement supplémentaire. Il serait donc inexact de penser que les banques ont puisé dans les dépôts préalablement formés pour consentir un nouveau crédit.

La banque n’a pas besoin de détenir dans ses caisses la somme correspondante. Elle crée de nouveaux moyens de paiement qui vont circuler dans l’économie. Les banques peuvent créer, indéfiniment, de la monnaie mais en réalité, plusieurs facteurs contribuent à limiter l’émission de monnaie, que nous allons aborder ultérieurement.

 Au financement du déficit public par la banque centrale (ce que l’on dénomme souvent par l’expression « faire fonctionner la planche à billets ») : le recours à la « la planche à billets » permet à la banque centrale de prêter directement au trésor public afin de permettre à ce dernier de financer les déficits du budget de l’état et de financer la dette publique. La banque centrale devra ainsi recourir à un processus de création monétaire. Si autrefois, il s’agissait d’imprimer systématiquement de l’argent à travers une planche à billets (d’où le terme), la création monétaire s’effectue de nos jours de manière scripturale, c’est-à-dire sous forme électronique dans les ordinateurs de la banque centrale. Il s’agira de jeu d’écriture entre la banque centrale et le trésor public. Cependant, lorsque le mécanisme est utilisé de manière irresponsable, faire tourner « la planche à billets » fera que les billets en circulation perdront de leur valeur (leur pouvoir d’achat diminue).

Pour une économie qui fonctionne normalement, la quantité d’argent qui circule doit correspondre aux besoins de l’économie afin de consommer la quantité des biens et produits en circulation. En temps de crise économique, la banque centrale peut décider d’augmenter l’argent en circulation pour tenter de relancer la croissance. Les banques commerciales disposeront ainsi de liquidités pour prêter aux ménages et aux entreprises afin de doper la consommation et l’investissement.

Mais dans ce cas le financement de la banque centrale au profit du trésor public va servir à couvrir artificiellement les déficits des comptes publics de l’état (ces derniers sont toujours soumis à rude épreuve par la chute drastique des revenus et le maintien à un niveau élevé des dépenses publiques). Compte tenu que la planche à billets, tournera pour couvrir les déficits sans avoir pour rôle de relancer l’économie, la conséquence directe sera logiquement une hausse significative du taux d’inflation, accompagnée d’une forte baisse du pouvoir

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d’achat. En effet, si une plus grande quantité d’argent circule dans l’économie sans contrepartie de création de richesse, c’est la valeur de la monnaie qui va diminuer (Babouche, 2017).