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Les instruments de la politique monétaire

1.6. Mesures et politiques de lutte contre l’inflation

1.6.1. La politique monétaire

1.6.1.4. Les instruments de la politique monétaire

La politique monétaire utilise différent moyens d’action « instruments » permettant d’atteindre les objectifs intermédiaires. Nous pouvons les classer en deux grandes catégories : les instruments directs (les techniques de contrôle administratif et quantitatifs), et les instruments indirects (les techniques de marché).

1.6.1.4.1. Les instruments directs

1.6.1.4.1.1. L’encadrement du crédit

L'encadrement du crédit est une technique permettant à une banque centrale d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés dans le cadre de la politique monétaire. Les autorités monétaires fixent le volume global des crédits que chaque établissement est autorisé à consentir compte tenu de la progression de la masse de monnaie voulue et de la croissance économique anticipée (Mataf, 2014). Il consiste alors à limiter le volume des crédits accordés aux entreprises et aux particuliers par les banques commerciales.

L’encadrement du crédit est une procédure administrative de contrôle de la création monétaire réalisée par les banques. Le crédit étant à l’origine de la création monétaire, cet instrument permet de limiter la création de monnaie en fixant autoritairement des normes de progression de l’encours des crédits que chaque banque pourrait accorder. L’encadrement du crédit permet donc de freiner directement la progression de la masse monétaire, tout en évitant une forte hausse des taux d’intérêt (Guitton et Bramoullé, 1983, p 449).

1.6.1.4.1.2. La sélectivité du crédit

L’encadrement du crédit s’est progressivement assoupli ; de global, il est devenu sélectif. L’objectif de la sélectivité de crédit est de limiter la croissance des crédits distribués en influant sur leur destination. Les restrictions pèsent davantage sur certains types de crédit (le crédit à la consommation est généralement encadré) que sur d’autres (les crédits à l’investissement ou aux exportations le sont moins). Il s’agit donc d’orienter les crédits vers des secteurs jugés prioritaires (exportation, logement sociaux, agriculture) en proposant par exemple des taux bonifiés ou des avantages fiscaux (Delaplace, 2013, p137).

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1.6.1.4.2. Les instruments indirects

1.7.1.4.2.1. Les réserves obligatoires

Le système des réserves obligatoires constitue dans la plupart des pays un des principaux instruments de la politique monétaire. Instauré aux États-Unis depuis la fin du XIXe siècle, il avait pour principal objectif de protéger les déposants. C’est donc une réserve de liquidité représentant une fraction de dépôts que les banques doivent conserver pour se garantir contre les retraits massifs de billets qui se produisent lors des fréquentes paniques financières (De Mourgues, 2000, p 284).

Les réserves obligatoires sont en effet, des avoirs en monnaie centrale que les banques commerciales ont l’obligation de conserver sur leur compte courant auprès de leur banque centrale (BCE, 2016). Le montant des réserves obligatoires à déposer, rémunérées ou non selon les pays, est calculé comme un pourcentage de leur encours de dépôts.

Aujourd’hui, en tant qu’instrument de la politique monétaire, les réserves obligatoires sont utilisées pour influencer la liquidité bancaire, c’est-à-dire les besoins des banques en monnaie banque centrale et agir par ce biais sur le volume des crédits qu’elles accordent. Ainsi, lorsque la banque centrale augmente le taux des réserves obligatoires, la capacité des banques commerciales à prêter se trouve restreinte et de ce fait limitent leur offre de crédits ce qui entraine une réduction de la masse monétaire, en revanche, une diminution de ce taux encourage les banques à prêter davantage (augmentation de la masse monétaire) (Delaplace., 2013, p138).

1.7.1.4.2.2. Le réescompte

Le réescompte consiste pour une Banque Centrale à refinancer les créances que les banques détiennent sur leur clientèle à un taux fixe connu d’avance.

Le principe de cet instrument est assez simple : un créancier possédant un titre de créance sur un débiteur peut obtenir avant échéance un crédit contre la remise de ce titre à une banque qui lui en verse immédiatement le montant ; la banque se fait ensuite rembourser par le débiteur à l’échéance. Il s’agit d’une opération d’escompte. La banque à son tour peut se procurer des liquidités auprès de la banque centrale en lui cédant ce titre de créance, c’est le réescompte. Chacune de ces opérations d’escompte ou de réescompte se réalise moyennant le paiement d’un taux d’intérêt qui s’appelle le taux de réescompte pour les opérations entre banques commerciales et banque centrale (Blumberg, 2014).

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Le réescompte est une opération qui consiste, pour une banque centrale, à acheter un effet avant son échéance à une banque ou à un organisme financier qui l'a déjà escompté, en remettant le montant de la créance, déduction faite du taux d'escompte officiel, appelé taux de réescompte et fixé par la banque centrale. Le réescompte est utilisé par les banques pour se refournir en liquidité auprès de la banque centrale.

Etant donné que le réescompte est une opération par laquelle une banque va procéder à la cession d'effets qu'elle détient à une banque centrale afin de se fournir en liquidités ; il est rendu nécessaire de par les crédits octroyés par une banque et les ressources ainsi immobilisées. Le réescompte constitue par conséquent l'un des moyens d'intervention d'une banque centrale sur le volume et l'évolution de la monnaie et du crédit (Mataf, 2014).

La régulation de la création monétaire passe alors par la manipulation des taux de réescompte, lorsque la banque centrale souhaite restreindre le crédit et donc la création monétaire, elle élève le taux de réescompte. Les banques répercutent cette hausse du coût de refinancement sur le taux d’intérêt des prêts accordés à leur clientèle, ce qui doit décourager l’appel au crédit. La banque peut aussi compléter son action en fixant un plafond de réescompte limitant globalement le volume du réescompte possible.

Toutefois, le marché monétaire donne désormais la possibilité aux banques de se refinancer, sans passer obligatoirement par la banque centrale. L’instrument d’Open market prend donc le relais de la politique de réescompte.

1.6.1.4.2.3. L’Open Market

L’open market est un instrument de politique monétaire indirect et un moyen d’intervention de la Banque centrale sur le marché monétaire, cette dernière peut resserrer ou élargir les trésoreries bancaires par ses achats ou ses ventes de titres. L’achat des titres permet un apport de liquidité, par contre, la vente des titres permet les retraits de liquidité. L’opération d’achat de titres va permettre aux banques commerciales d’avoir des liquidités, cela entrainera l’accroissement de la masse monétaire en circulation. Il est l’instrument efficace dont dispose la banque centrale pour contrôler la masse monétaire et aussi de suivre l’activité du système bancaire en général. La Banque centrale fixe la quantité de monnaie centrale qu’elle est disposée à offrir en échange de titres mobilisables ou négociables (procédure d’appel d’offre), la confrontation de l’offre rigide de monnaie centrale et de la demande de monnaie centrale détermine le prix de cette monnaie centrale : le taux directeur du marché monétaire, qui devient le taux de référence pour les banques commerciales) (Lehmann, 1999, p66).

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L’intervention de la banque centrale sur le marché monétaire permet de mener une véritable politique monétaire en agissant d’une part, sur la quantité de monnaie centrale en circulation, consistant à fournir ou retirer des liquidités aux établissements financiers via des achats ou des ventes de titres et d’autre part, influencer à la baisse ou à la hausse le taux du marché monétaire (La finance pour tous, 2017).

Dans les économies modernes, l’instrument le plus utilisée par la banque centrale pour agir sur l’offre de monnaie est l’opération d’open market. Cette opération s’effectue selon les règles de fonctionnement de marché c’est pour cette raison qu’elle est dite transparente. Dans les pays en transition à l’instar de l’Algérie où le système financier se caractérise par l’absence de marchés financiers et une libéralisation financière faible, les conditions de fonctionnement de marché ne sont pas réunies et il arrive souvent que le recours aux règles dites hors marché (limitation de crédit, réescompte etc.) soit le plus dominant. Or, ces dernières sont considérées par les institutions financières internationales et les défenseurs de l’ouverture financière comme faussant le jeu de la concurrence et par conséquent moins efficaces.

La politique monétaire a connu d’importantes mutations à la fin des années 1970 et dans le courant des années 1980 ; elle a vu ses supports théoriques renouvelés en profondeur notamment grâce aux apports du courant monétariste. Ce tournant, marque la volonté de rompre avec une décennie d’inflation mais aussi un changement profond d’orientations stratégiques des banques centrales. Progressivement s’est imposée l’idée que la tentation des banques centrales à stimuler l’activité économique serait d’autant moins forte que la politique monétaire ne serait plus un instrument aux mains d’un pouvoir politique souvent enclin à soutenir l’activité favorisant alors le développement de l’inflation : l’octroi progressif de l’indépendance des banques centrales a constitué un axe important de la lutte contre l’inflation (OFCE, 2006). En effet, dans ce nouveau contexte, la politique monétaire a été confiée à une Banque Centrale indépendante dont l’objectif final consiste à stabiliser les prix et maintenir le pouvoir d’achat de la monnaie. Ainsi, la lutte contre l’inflation apparaît comme l’une des principales missions assignées à pas mal de banques centrales.

Les banques centrales européenne (BCE) et américaine, la « Réserve Fédérale » (FED) ont des objectifs définis par des textes fondateurs différents. Le « Federal Reserve Act » amendé en 1978 dispose que « l’objectif confié à la FED est d’assurer le plein emploi, la stabilité des prix et la modération des taux d’intérêt à long terme ». Beaucoup plus explicite, l’article 105 du traité de Maastricht stipule que l’objectif principal de la BCE doit être de maintenir la stabilité des prix

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(Nsengiyumva, 2011). La première a donc un objectif économique explicite et un objectif monétaire implicite. Et vice versa pour la seconde. Les européens restant hantés par l'hyperinflation de 1923 et l'inflation rampante des trente glorieuses. Les américains obsédés, eux, par le chômage des années 1930 et leur faible croissance des trente glorieuses (plus faible que celle de l’Europe a l'époque) ; chacun ses démons (Majnoni, 2003).

Le concept de stabilité des prix n’est cependant pas défini de façon explicite dans le traité de Maastricht. La BCE en a assuré une interprétation en se donnant pour objectif une progression de l’IPCH inférieure à 2% dans la zone euro. « La stabilité des prix doit être maintenue à moyen terme ». La clarification apportée en 2003 par le conseil des gouverneurs, précise que la progression de l’indice compatible avec la stabilité des prix doit être au-dessous mais proche de 2%.

Aux États-Unis, aucun président de la FED n’a proposé une définition quantitative explicite de la stabilité des prix. Au contraire, Greenspan estimait que les indices disponibles n’étaient pas suffisamment précis : « par stabilité des prix, je ne me réfère pas à un seul chiffre, tel que mesuré par un indice des prix particuliers. En fait, il devient de plus en plus difficile de dégager la notion de ce que constitue un indice des prix stable. Une cible numérique spécifique d’inflation représenterait une inutile et fausse précision ». Il suggéra à la place une évaluation qualitative. Ainsi, la stabilité des prix se conçoit mieux comme un environnement dans lequel l’inflation est si faible et stable dans le temps qu’elle n’influence pas matériellement les décisions des ménages et des entreprises. En retenant une définition qualitative, Alan Greenspan s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur Paul Welcker qui disait : « une définition acceptable d’une relative stabilité des prix m’apparaîtrait comme devant être une situation dans laquelle les anticipations de hausse générale (ou de baisse) des prix sur une période longue n’ont pas une influence sur le comportement économique et financier (Diaw et Sarr, 2011, p 6).

L’indépendance de la banque centrale vis-à-vis du pouvoir politique (Bordes, 2007, p 16): La solution adoptée par les pouvoirs publics pour lutter contre l’inflation a été de déléguer la politique monétaire à des banques centrales indépendantes auxquelles est assignée comme objectif principal la stabilité des prix. L’hypothèse la plus admise est que le manque d’indépendance de la banque centrale fait intervenir des considérations d’ordre politique, qui entrainent la mise en œuvre d’une politique monétaire moins efficace. Ce triomphe de la banque centrale indépendante au cours des années 1990 marque une étape importante dans l’émergence

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de la politique monétaire « moderne ». L’indépendance de la banque centrale peut être caractérisée par :

 La liberté d’élaborer et de mettre en œuvre la politique monétaire (indépendance opérationnelle ou des instruments) ;

 L’indépendance des dirigeants, appréciée notamment à travers les pouvoirs dont dispose le gouvernement pour nommer (ou révoquer) les dirigeants de la banque centrale, sa participation et son rôle dans les réunions où sont prises les décisions de la politique monétaire ;

 L’indépendance financière évaluée à travers le contrôle budgétaire exercé par les pouvoirs publics, ou par la liberté laissée ou non à l’état de financer ses dépenses par un recours direct ou indirect aux crédits de la banque centrale. Mais il n’y a pas d’indépendance des objectifs : la banque centrale n’a pas la liberté de déterminer elle-même le ou les objectifs de la politique monétaire.

Le statut d’indépendance de la banque centrale dont la mission est la gestion de la monnaie, doit être assortie de l’obligation de rendre compte. Cette obligation reconnaît au pouvoir politique le droit de nommer les membres des organes de direction de la banque centrale, d’être suffisamment informé de leurs activités, de participer à leurs réunions et de les écouter périodiquement.