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De la notion de pays en (voie de) développement chez l’ONU au classement des pays du PNUD par leur « Indice du développement

Le classement d’Haïti comme pays à Indice du développement humain

1.1. Des pays en quête du « développement humain » : vers un distinguo entre le développement et la croissance économique

1.1.4. De la notion de pays en (voie de) développement chez l’ONU au classement des pays du PNUD par leur « Indice du développement

humain »

Les appellations « pays en voie de développement » ou « pays en développement » sont censées traduire le processus de progrès économique et social dans lequel les pays en question s’engagent. Par définition, un pays en (voie de) développement (PED ou PVD) implique un processus qui « cohabite aujourd’hui avec celle du "Sud", qui insiste sur la

localisation géographique des PED en opposition avec le Nord, ou bien encore avec la notion de "pays émergent" qui insiste sur le caractère imminent de leur développement, en particulier pour les pays les plus avancés dans leur développement » (Deubel, 2008, p. 465). Dans ce cas, les notions de pays du Nord ou du Sud ne désignent plus l’opposition (peu précise et non pertinente géographiquement) entre « pays riches » et « pays pauvres ». D’une part, des inégalités existent aujourd’hui même au sein des pays qui sont « du Nord » (les trente-quatre pays membres de l’OCDE). D’autre part, « le Sud regroupe l’ensemble des pays

émergents (Brésil, Argentine, Malaisie), des pays de revenus intermédiaires (comme le Maroc) et les pays les moins avancés au nombre de 48, essentiellement africains » (Di Maio, Epelbaum, Gueydan, Hantcherli, & Hoppe, 2012, p. 2). Comme l’ont souligné Akkari et Payet (2010, p. 7), « les notions de Nord et de Sud, si elles recouvrent en grande partie une

géographie, ne s’y résument pas et constituent des métaphores sociopolitiques d’un rapport de domination, historiquement constitué ». Cette approche est plus optimiste et plus positive. Néanmoins, elle masque un peu la réalité. Les appellations « pays en voie de développement » ou « pays en développement » ne sont donc pas opérationnelles en matière de mesure du degré de développement.

Le classement des pays par l’« Indice du développement humain » (IDH) a été utilisé, pour la première fois, par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), en 1990. Nous rappelons que « le développement humain est un processus qui conduit à

l'élargissement des possibilités offertes à chacun. Vivre longtemps et en bonne santé, être instruit et avoir accès aux ressources nécessaires pour jouir d'un niveau de vie convenable sont les plus importantes » (Haq, 1990, p. 10). Dans cette perspective, le développement humain n’implique pas particulièrement les mesures usuelles de performances économiques nationales ou de l’emballement planétaire du processus d’industrialisation. L’idée est que « l’activité économique est moins une fin en soi qu’un moyen, la fin étant d’élever le niveau

avant « la qualité de vie des hommes au sein de la société dans laquelle ils évoluent » (Insee, 2013). Le développement est compris sous l’angle de durabilité. Tout développement « soutenable » (au sens anglo-saxon) ou « durable » (au sens de la traduction européenne) implique des réponses aux besoins des générations actuelles, qui ne compromettent pas la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins (Brundtland, 1987; Deléage, 2007; Haq, 1990; Klugman, 2011). La conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement tenue à Rio, en 1992, soutient cette approche et préconise des « méthodes écologiquement, économiquement et socialement rationnelles » (ONU, 1992). Le concept de développement a donc évolué en extension et en compréhension. Même si l’IDH devient un indicateur incontournable, les différents facteurs ou éléments à prendre en compte dans la mesure du « bien-être » d’une population ne sont pas toujours évidents. Cet indicateur synthétique de mesure du niveau de développement humain des pays est compris entre 0 et 1. Il ne s’arrête pas simplement aux mesures des inégalités traditionnelles fondées sur le poids économique mesuré par le PIB ou le PIB par habitant. Il intègre également les éléments relatifs aux disparités en matière d’éducation et de santé. Il représente la synthèse de trois séries de composantes clés, à savoir :

- l’espérance de vie ou la durée de vie moyenne, qui implique non seulement la

longévité en termes du nombre moyen d'années qu'un groupe d'individus peut s'attendre à vivre, mais aussi la poursuite des objectifs variés, la bonne santé et la nutrition adéquate ;

- le taux d’alphabétisation pour les hommes et pour les femmes, qui concerne un

minimum d’accès à un enseignement de qualité, indispensable à une vie productive dans la société moderne, pendant une durée moyenne de scolarisation ;

- le Revenu national brut par habitant (RNB/h), qui, calculé en parité de pouvoir d’achat

(PPA), représente l'accès aux ressources nécessaires pour jouir d'un niveau de vie convenable moyen.

En effet, pour prendre en compte le « bien vivre » de chaque être humain, l’IDH a aussi des limites. Certes, cet indicateur composite « réussit assez bien à suppléer au PNB

pour mesurer le développement » (Sen, 2003, p. 259). Il permet de constituer « un tableau

précis à un moment précis dans le temps » (Haq, 1990, p. 12). Il favorise également un élargissement considérable de « l’attention empirique que reçoit l’évaluation des processus de

développement » (Sen, 2003, p. 259). Pourtant, il ne nous permet pas de découvrir précisément les éventuelles distorsions des chiffres. Le PNUD a expliqué cela en ces termes :

« Les trois mesures du développement humain ont un défaut commun: ce sont des moyennes

qui masquent les grandes disparités existant au sein d'une population. L'espérance de vie varie selon les groupes sociaux. Les taux d'alphabétisation des hommes et des femmes révèlent souvent des écarts importants. De plus, le revenu est inégalement réparti. » (Haq, 1990, p. 12). Cling, De Vreyer, Razafindrakoto et Roubaud (2004, p. 176), eux-mêmes, affirment que « la croissance ne suffit pas pour la réduction de la pauvreté ; elle en est une

condition nécessaire mais doit s'accompagner de la mise en place de politiques de réduction des inégalités présentes et futures ». C’est pourquoi, quand cela est possible, le coefficient de Gini est pris en compte.

L’indice ou coefficient de Gini a été élaboré par le statisticien italien Corrado Gini en 1912. Comme l’IDH, cet indicateur d’inégalité complexe et synthétique varie de 0 à 1. Plus il est élevé (proche de l’unité), plus l’inégalité est forte. Le plus souvent, la mesure de cet indicateur est représentée par l’inégalité des revenus à l’aide de la courbe de Lorenz (Bretagnolle, 1996; Establet, Pascual, & Raymond, 1994; Langouët, 2011). Comme l’ont souligné Bellù et Liberti (2006), « il mesure le ratio entre l’aire située entre la courbe de

Lorenz et la droite d'équidistribution (et donc l’aire de concentration) et l’aire de concentration maximale ». En un mot, l’indice de Gini peut nous permettre de mettre en lumière le degré d’inégalité et d’injustice, en matière de salaires, de revenus, de niveaux de vie dans une société donnée.

En revanche, certains auteurs ont des réserves même concernant l’expression « développement humain durable ou soutenable ». Selon eux, elle se révèle contradictoire en masquant l’hypocrisie de la logique capitaliste de la croissance économique. Elle serait synonyme de dégradation des ressources de matière ou d’énergie. Latouche (2003) va jusqu’à soutenir la thèse d’« une société de la décroissance ». Selon lui, toute « société de croissance », qu’elle se dise « durable » ou « soutenable », demeure dévoreuse du bien-être. Il a proposé de « décoloniser l’imaginaire » qui promet la richesse et produit au contraire la pauvreté (Latouche, 2011).

La thèse de l’anthropologue américain Marshall Sahlins est proche de la conception de Latouche. Dans son ouvrage « Stone Age Economics » (1972), traduit en français Âge de

pierre, âge d’abondance : économie des sociétés primitives (1976), Sahlins défendait l’idée que les sociétés primitives étaient dans l’abondance et non dans la pénurie. D’après lui, le sous-développement, tel qu’on le concevait à son époque, a été engendré par le capitalisme.

Cela dit, c’est le monde capitaliste qui, en faisant accroître les besoins à satisfaire, aurait créé des sociétés sous-développées au sens occidental. Le sous-développement de certains pays serait la conséquence du développement des autres.

Malgré les remises en causes du concept de « développement durable/soutenable », une chose reste sûre aujourd’hui. Les notions de développement et de croissance économique ne sont plus synonymes. Certes, elles sont liées. Mais, la littérature conceptuelle au sujet du développement est là pour nous rappeler les principaux enjeux. La croissance économique désigne un phénomène quantitatif caractérisant l’augmentation des richesses produites par un pays sur une période donnée. Le développement d’une nation a plutôt le sens d’une combinaison des changements mentaux et sociaux favorisant la croissance du produit réel global (Capul & Garnier, 2005; Deubel, 2008; Haq, 1995; Lecaillon, Le Page, & Ottavj, 2008; Perroux, 1961). Il correspond à un phénomène qualitatif de transformations sociétales (éducation, santé, libertés civiles et politiques…) permettant l’apparition et la prolongation de la croissance économique.

Par ailleurs, de 1990 à 2009, le PNUD classait les pays suivant trois niveaux de développement humain. C’étaient : 1) le niveau élevé (entre 1 et 0,800), 2) le niveau moyen (entre 0,799 et 0,500) et 3) le niveau faible (entre 0,499 et 0). Mais, à partir de 2010, cette organisation internationale a fait un classement en fonction des quartiles de l’IDH.

Les quartiles (Q1, Q2, Q3) représentent les trois valeurs

qui divisent un ensemble de données triées de manière croissante en quatre classes d’effectifs égaux, avec des amplitudes ou étendues différentes (Tableau 1). L’étendue désigne, dans ce cas, l’écart entre les valeurs extrêmes de chaque classe d’effectifs.

D’où quatre groupes de pays : 1) des pays à IDH très élevé (entre 1 et 0,800), 2) des pays à IDH élevé (entre 0,799 et 0,700), 3) des pays à IDH moyen (entre 0,699 à 0,550) et 4) des pays à IDH faible (entre 0,549 et 0). Dans cette nouvelle forme de classement, les pays à IDH très élevé sont appelés « pays développés », et les autres, « pays en développement ».

Tableau 1 Classes Fréquence simple Fréquence cumulée [Min ; Q1[ 25% 25% [Q1 ; Q2[ 25% 50% [Q2 ; Q3[ 25% 75% [Q3 ; Max] 25% 100%

Les quartiles (Q1, Q2, Q3) d’une série statistique

1.1.5. Les fondements et la portée de l’approche du développement humain

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