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Le classement d’Haïti comme pays à Indice du développement humain

1.2. Le profil actuel de la République d’Haïti en référence aux catégories de l’Indice du développement humain

1.2.1. L’espérance de vie à la naissance des Haïtiens et ses composantes

De 1980 à 2013, l’espérance de vie à la naissance des Haïtiens est passée de 51 ans à 62 ans (Banque Mondiale, 2015). Haïti n’a pas atteint la durée de vie moyenne de 68 ans par rapport aux autres pays de la planète. Nous constatons, au cours de cette même période, une différence relativement constante de deux ou trois ans en faveur des femmes haïtiennes. Cela dénote sans doute deux aspects imbriqués à prendre en compte, à savoir : les facteurs sanitaires et la différence d’espérance de vie entre les hommes et les femmes.

Tout d’abord, il convient de souligner que le phénomène démographique de l’espérance de vie différente des femmes et des hommes se trouve dans beaucoup de sociétés. En France, par exemple, l'espérance de vie à la naissance s'établit à 85,0 ans pour les femmes et à 78,7 ans pour les hommes (Insee, 2014). Selon les recherches de Luy (2011, p. 580), les

hommes, eux-mêmes, sont principalement responsables de la « surmortalité masculine ». Dans cet ordre d’idées, on ne doit pas penser que, face à la surmortalité masculine, on n’y peut rien. La différence d’espérance de vie entre les sexes n’est pas essentiellement due à des facteurs biologiques. Autrement dit, elle n’est pas nécessairement liée à des causes génétiques ou hormonales. Elle est, dans la majorité des cas, liée à des facteurs environnementaux, sociaux et comportementaux (mode de vie, accidents ou risques inhérents à l’activité professionnelle).

Ensuite, du point de vue sanitaire, il existe à la fois des déterminants sociaux et individuels qui influencent considérablement l’espérance de vie.

- Par déterminants sociaux de la santé, nous entendons les facteurs qui dépendent de la

communauté dans laquelle s’inscrivent les individus. Nous distinguons alors les conditions de vie et de travail (emploi, logement, transports, accès aux services publics essentiels), le système de soins, les conditions économiques, culturelles et environnementales (Moleux, Schaetzel, & Scotton, 2011). En Haïti, la condition d’habitat de la population est très précaire (IHSI, 2009). Nous pouvons mentionner ici plusieurs aspects, tels que : la structure des logements modestes, le manque d’accès aux services de distribution d’eau et d’électricité, la mauvaise gestion des déchets solides domestiques, la forte utilisation du bois de feu et du charbon de bois pour la cuisson. Nous pouvons citer d’autres facteurs, dont le taux de mortalité infantile de 53 ‰, la prévalence de la malnutrition des enfants de moins de 5 ans, les cas de paludisme, la prévalence du VIH, l’incidence de tuberculose, le ratio de décès maternel, le manque de services d’assainissement de base, etc. (Banque Mondiale, 2015).

- Par déterminants individuels de la santé, nous entendons de facteurs qui dépendent plus particulièrement des individus d’une communauté donnée. Les principaux déterminants individuels de la santé sont les suivants : l’âge, le sexe, le mode ou le parcours de vie, l’hérédité ou le patrimoine biologique (le bagage génétique individuel) et les comportements individuels de risque (fumer, boire beaucoup d'alcool, ne pas manger des fruits et des légumes, ne pas faire régulièrement de l'exercice physique). En fait, une bonne hygiène de vie individuelle peut faire croître l’espérance de vie.

Toutefois, à côté des comportements et environnements individuels, la société est la principale responsable des inégalités sociales de santé (Cambois & Robine, 2001). Il convient

plus précisément de chercher à lutter contre les inégalités sociales face à la santé. Ici, Cambois et Robine (2001, p. 148) propose une « une vision globale à la fois des avancées sociales

médicales et sanitaires dans la population et de la manière dont ces avancées s’appliquent aux différents groupes de population ». En Haïti, d’après le plan stratégique national de réforme du secteur santé 2005/2010, il était question de prendre en compte les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). D’après le Ministère de la planification et de la coopération externe (MPCE, 2007, p. 68), les objectifs, les programmes et les lignes stratégiques d’action devaient porter principalement sur la réduction :

- des taux de mortalité maternelle, infantile et juvénile ; - des taux de mortalité liée au VIH/SIDA et à la malaria ;

- des taux de l’incidence de l’infection au VIH/SIDA, de tuberculose et d’autres maladies comme la filariose, le tétanos, la poliomyélite et la rougeole.

Or, en Haïti, le total des dépenses de santé publiques et privées a été estimé à 6,9 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2010. Le pourcentage de dépenses publiques a été évalué à 21,4 %. Par définition, les dépenses publiques de santé concernent les prestations de services de santé (préventifs et curatifs), les activités de planification familiale, les activités ayant trait à la nutrition et l’aide d’urgence réservée à la santé. Par exemple, à Cuba, par rapport au PIB, les dépenses en santé en 2010 représentent 10,6 %, dont 91,5 % de dépenses publiques. A la Jamaïque, en cette même année, dans les 4,8 % du PIB en dépenses de santé, 53,5 % sont des dépenses publiques. Jusqu’à présent, la situation d’Haïti reste extrêmement compliquée en matière de dépenses publiques de santé.

En effet, même dans les pays développés, les coûts de la santé et des soins de longue durée posent un problème majeur de politique économique. Il s’agirait de neutraliser les principaux déterminants des facteurs démographiques et non démographiques qui sont respectivement l’effet d’âge et l’effet de revenu. D’une part, à cause du phénomène de « vieillissement en bonne santé », les coûts de la santé et de soins de longue durée tendent à augmenter avec l’âge. D’autre part, bien que l’on ne parvienne pas encore à quantifier avec précision l’élasticité des dépenses par rapport au revenu, il semble que l’effet de revenu agisse dans le même sens que celui de l’âge. Comme l’a dit Husson (2004, p. 148), « la

consommation de santé aurait une vocation "naturelle" à croître au même rythme que le revenu ». La complexité de la gestion de l’élasticité des dépenses par rapport au revenu résulte du fait que, « sur longue période, les dépenses de santé tendent à croître plus vite que

Oliveira Martins et Christine de la Maisonneuve (2006), seules des réformes en profondeur peuvent aider à gérer le rapport coût/efficacité, et à minimiser les dépenses pour les soins de longue durée. Cela n’est pas quelque chose de facile. Il s’agirait, d’une part, de limiter l’incidence de la technologie et des prix sur les dépenses de santé, et, d’autre part, d’atténuer la dérive du coût des soins de longue durée grâce à des gains de productivité.

Dans le cas d’Haïti, les enjeux en matière de taux de la croissance de la population pourraient entraver toute réforme de santé en profondeur. Dans l’optique du développement durable, un accroissement démographique rapide peut empêcher un pays à faire face à des problèmes économiques, sociaux et environnementaux (ONU, 2004). En d’autres termes, un taux de croissance énorme peut influencer considérablement les indicateurs de l’éducation, de l’infrastructure, de l’emploi ou du PIB par habitant, de la bonne santé et de la nutrition adéquate. En 2014, le taux de croissance de la population haïtienne était de 1,3 %. Cet accroissement de la population haïtienne est influencé par le taux de natalité et l’indice synthétique de fécondité.

En 2011 comme en 2010, l’indice synthétique de fécondité (ISF) en Haïti était 3,3 enfants par femme. Par rapport à celui de l’année 1980 (6,1 enfants par femme), nous pouvons constater une baisse considérable. Pourtant, la République d’Haïti est encore parmi les pays à indice de fécondité élevé. D’après les données de la Banque Mondiale, entre 1980 et 1995, l’indice synthétique de fécondité est tombé de 4,1 à 3,1 dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire, et de 1,9 à 1,7 dans les pays à revenu élevé. Or, « dans les pays où

la fécondité est encore élevée, les importantes populations de jeunes soumettent à très rude épreuve les services de santé, l’enseignement et l’emploi » (ONU, 2004). Qui plus est, en Haïti, il existe des disparités entre le milieu de résidence, le niveau d’éducation et le degré de bien-être économique. Par exemple, entre 2005 et 2006 (RNPD, 2010, p. 14‑15), l’ISF était supérieur à 4 dans l’ensemble des milieux ruraux. Il était inférieur ou égal à 2,4 chez les femmes dépassant le niveau scolaire primaire, et inférieur ou égal à 2,1 chez les femmes appartenant à la classe des riches en matière de bien-être économique. La gestion de la fécondité reste problématique en Haïti.

Bien que le taux brut de natalité (nombre de naissances pour 1000 habitants) connaisse une nette diminution durant les trois dernières décennies, il demeure très élevé par rapport à beaucoup de pays. De 42 ‰ en 1980, il est passé à 26 ‰ en 2014. Si pour la France, par exemple, un taux de natalité de 13 ‰ peut être considérée comme un atout majeur (UMP,

2012), tel n’est pas le cas des pays en voie de développement à IDH faible. En Haïti, où 77 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté, le taux de natalité reste une question démographique majeure dans les programmes à caractère social.

Bref, la durée de vie moyenne est un des critères portant sur la dimension sociale du processus conduisant à l’élargissement des possibilités offertes à chacun. Dans le monde, l’espérance de vie à la naissance est passée de 46 ans entre 1950 et 1955 à 68 ans entre 2005 et 2010 (INED, 2010). Il y a pourtant de très grandes disparités entre les pays en développement et les pays développés. C’est le cas d’Haïti. Mais, comme nous l’avons souligné, l’espérance de vie des individus d’une collectivité quelconque tient à un ensemble de dimensions ou de facteurs d’ordre sanitaire, environnemental, social et comportemental qui débordent largement 1e système des soins de santé. En Haïti aujourd’hui, tout programme sérieux en matière de coûts de la santé et des soins de longue durée, qui vise à agir favorablement sur l’indicateur de l’espérance de vie et ses composantes doit nécessairement prendre en compte les grandes disparités entre le milieu de résidence, le niveau d’éducation et le degré de bien-être économique.

1.2.2. Le revenu national brut par habitant en corrélation avec des

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