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381 Entretien Y.K. Christian Aid, 31 mai 2007. 382 Entretien N.D., PROMISAM, 13 juin 2007. 383

Idem.

3. 1. 3. L’absence de coordination entre les différents services de la sécurité alimentaire L’absence de coordination entre les différents services de la sécurité alimentaire transparaît dans l’élaboration et la mise en œuvre des instruments de sécurité alimentaire. Elle s’explique, sur le terrain, par la concurrence entre le Commissariat à la Sécurité Alimentaire et les services des ministères sectoriels, engagés en principe, dans les actions de sécurité alimentaire. Cette concurrence s’exprime d’une part dans les dispositifs d’urgence et d’autre part dans les évaluations de la politique. Ainsi, en ce qui concerne les statistiques de la situation d’insécurité alimentaire de la population, on observe :

« C’est surtout l’appareil statistique qui pose problème. Il est partiellement maîtrisé par le Ministère de l’Agriculture et le Ministère du Plan, et partiellement mis en forme par le Système d’Alerte Précoce (qui dépend lui aussi du CSA). »385

La mise en forme de la politique est assumée par la CSA et est une fonction qui permet de légitimer son existence :

« A l’époque où il y avait le Ministère délégué à la Sécurité Alimentaire, c’était lui qui concevait ces requêtes ; quand le Ministère de l’Agriculture était en charge des problèmes de sécurité alimentaire, c’était à lui de le faire. Désormais, avec la création du Commissariat à la Sécurité Alimentaire, c’est lui qui est chargé d’élaborer les éléments de politiques et de les mettre en œuvre. Je vais vous donner les textes. Oui, nous centralisons tout, nous sommes chargés de suivre la mise en œuvre. »386

La compétition entre le CSA - un service dont la sécurité alimentaire est la mission sans qu’il est les moyens de l’accomplir - et des ministères - avec des moyens, mais déchargés, en théorie, de cette fonction - est l’indice des conflits de compétence :

« Les ministères sont en concurrence. Il y a des conflits de compétence et pas de ligne politique établie. Le Commissariat à la Sécurité Alimentaire s’oppose par exemple au ministère de l’Agriculture. Quand il s’agit de présenter le bilan, le ministère de l’Agriculture parle, puis le Commissariat à la Sécurité Alimentaire. Mais ils tiennent des discours différents (…). L’ensemble du dispositif n’est donc pas coordonné, c’est pour ça. Normalement, le responsable de la sécurité alimentaire devrait aller voir le ministère de l’Agriculture et lui dire « bon, comment fait-on pour intégrer cela dans ton budget ? » Or non, chacun fait un truc dans son coin, puis envoie le document à tous les bailleurs de fonds. »387

Il n’existe donc aucune volonté, de la part des fonctionnaires, de coordonner les politiques sectorielles au niveau local ou régional, ce qui se traduit par le maintien d’un système de déconcentration, empêchant ainsi la mise en œuvre d’une véritable décentralisation. Le poids des routines dissuade les fonctionnaires de coopérer avec leurs collègues des autres ministères :

« Si sur la Loi d’Orientation Agricole, on a eu une coordination intermédiaire, pour tout ce qui concerne la sécurité alimentaire, c’est un pataquès effroyable. Il n’y a pas de suivi. On peut refaire dix réunions et on a à chaque fois des personnes différentes. On refait trente fois les mêmes choses. On rediscute tout. Tout le monde, en plus, n’est pas toujours là. C’est infernal. Des semaines et des semaines de discussion pour revenir à la case départ. »388

Ces conflits de compétence ont un impact direct sur les collectivités locales. Elles sont incapables d’identifier les ministères responsables d’autant plus qu’il existe une différentiation de l’action de chaque ministère en fonction des territoires. Aux conflits de compétence s’ajoute un pouvoir discrétionnaire des services dans l’application des dispositifs et des instruments :

« Au Mali, c’est l’Etat qui s’est toujours véritablement chargé de la sécurité alimentaire. Et même actuellement, s’il y a un Commissariat à la Sécurité Alimentaire qui travaille parfois avec les collectivités locales, d’autres fois il ne le fait pas (…). Pendant longtemps l’Etat a eu un partenariat avec des groupes organisés, des associations, mais ce type de partenariat ne peut

385 Entretien L.L., Assistant technique (Cellule d’Appui aux Réformes Institutionnelles), 17 janvier 2006. 386 Entretien Y.T, Commissaire adjoint, CSA, 2 juin 2005.

387 Entretien L.L., Assistant technique (Cellule d’Appui aux Réformes Institutionnelles), 17 janvier 2006. 388

exister avec les collectivités locales. Par exemple, une banque confiée à une association féminine est beaucoup plus en rapport avec le Commissariat à la Sécurité Alimentaire qu’avec les autorités locales [banques mises en place par le CSA]. Si celles-ci veulent intervenir, on leur demande de quoi elles se mêlent. Les élus locaux sont court-circuités. Les banques sont considérées comme un prolongement de l’Etat dans la commune. Or, ce n’est pas à l’Etat de venir les installer et de dire « on vous associe ». C’est le mode de gestion légué par le colonialisme. »389

L’action publique en matière de sécurité alimentaire se caractérise en grande partie par des logiques d’action marquées par des relations privilégiées entre des acteurs du centre (que ce soit des fonctionnaires, des bailleurs de fonds ou des ONG) et des acteurs locaux. La diversité des logiques d’action centralisées ne permet par une intégration locale des politiques et des dispositifs. Nous sommes dans le cas d’un ensemble de relations marquées par la déconcentration, qui s’oppose à l’objectif d’une véritable décentralisation, c’est-à-dire du transfert de pouvoir à des élus locaux. Différents types de relations coexistent, qui s’ignorent les unes les autres. C’est ce tissu nébuleux de relations qui expliquent en grande partie l’absence de pilotage dans les dispositifs locaux de sécurité alimentaire.

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