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Les bailleurs de fonds : le local comme réceptacle de renforcement des capacités

327 Entretien CARE, idem.

1.3. Les bailleurs de fonds : le local comme réceptacle de renforcement des capacités

Les bailleurs de fonds ont, en Afrique, toujours insisté sur le rôle des capacités de gestion des collectivités locales dans la réussite des politiques de décentralisation. Dans ce but, les bailleurs privilégient les programmes et les projets, d’une part, de formation des élus et des fonctionnaires locaux et, d’autre part, de dispositifs de concertation. Les bailleurs de fonds intervenant au Mali n’ont pas dérogé à la règle. Historiquement, dès la mise en place de la Mission de Décentralisation au début des années 1990, les assistances techniques allemande (GTZ) et américaine (USAID) ont octroyés des aides à la formation à la base. En ce qui concerne les dispositifs de concertation, les coopérations suisse, néerlandaise et canadienne et le PNUD ont financé la création des GREM et des GLEM, groupes régionaux et locaux d’étude et de mobilisation330.

L’analyse des problèmes du local − identifiés par les bailleurs de fonds − s’aligne sur ce que l’on appelle généralement les problèmes des capacités des autorités locales en Afrique331. Ainsi, au Mali, les bailleurs considèrent que les communes connaissent des contraintes budgétaires fortes (c’est-à-dire des budgets votés sans rapport avec la demande social d’équipements collectifs, une faible mobilisation des ressources, des investissements sur fonds propres quasi-inexistants), des contraintes humaines (un personnel pléthorique, un manque de qualification des agents municipaux, un manque d’expérience des élus locaux, une absence d’information des populations), des contraintes institutionnelles (déficit structurel de la trésorerie des communes, un crédit communal inexistant, un budget surévalué).

A partir du milieu des années 1990 et surtout dès le début des années 2000, les bailleurs de fonds ont suivi des stratégies et des objectifs divergents au Mali en ce qui concerne la décentra- lisation et la sécurité alimentaire. En effet, chacun d’eux a élaboré des stratégies nationales en accord avec les objectifs généraux de leurs organisations. Ainsi, la délégation de l’Union Européenne au Mali a d’abord privilégié les programmes de soutien à la décentralisation. Son objectif était « de transformer les nouvelles communes en véritables acteurs du développement local ». Cela exigeait d’une part le renforcement de leurs capacités de gestion et de planification, d’autre part, le renforcement des institutions responsables de la décentralisation332. Dans le but de

constituer une coordination durable entre les acteurs intervenant au niveau local, L’UE avait lancé l’idée de la création de « réseau de développement » (la commune, l’ONG, les associations locales, la société civile) regroupant les différents acteurs et partenaires locaux de développement avec la mairie et les élus municipaux333.

Par la suite, l’Union Européenne a soutenu les programmes de sécurité alimentaire :

« Peut être juste un point sur les actions qui ont été menées jusqu’à présent dans la sécurité alimentaire. Elles reflètent un peu la stratégie de mission du Mali, pas forcément celle de la Commission Européenne. Au Mali, on a choisi d’intervenir à travers les ONG, comme dispositif. (…) La Commission Européenne a donc appuyé le dispositif jusqu’en 2001, un dispositif qui avait l’air d’être bien performant. Puis à un moment donné, tous les partenaires se sont un peu retirés, surtout que l’Etat a contribué au financement jusqu’à 70 ou 80 %. Jusqu’à présent on intervient toujours, on a une ligne budgétaire pour la sécurité alimentaire, mais on intervient principalement à travers les actions des ONG. » 334

330 Le PNUD a octroyé 250 millions de francs CFA au titre de l'assistance technique pour l'aménagement du

territoire et le programme de développement ; la Suisse, 10 millions francs CFA pour la communication ; le Canada, 260 millions francs CFA pour la création et formation des GLEM et le découpage territorial ; les Pays-Bas ont financé le fonctionnement des GREM à concurrence de 60 millions francs CFA. Voir, pour le rôle des GREM et des GLEM : B. Béridogo, « Processus de décentralisation au Mali et couches sociales marginalisées », Le bulletin de l'APAD, n° 14, in La décentralisation au Mali : état des lieux. URL : http://apad.revues.org/document581.html.

331

D. Olowu et P. Smoke, « Determinants of Success in African Local Governments: an Overview », Public Administration and Development, vol. 12, n° 1, 1992, p. 1-18.

332

Idem.

333

Idem.

334 Entretien A.H. (Chargé de sécurité alimentaire) et S.P. (Chargé de programme), représentants de l’Union

Le 10 novembre 2000, le conseil de l’Union européenne et la Commission européenne ont décidé de privilégier le lien entre commerce et développement, l’appui aux politiques macro- économiques, les transports, le renforcement des capacités institutionnelles, notamment en matière, d’une part, de bonne gestion des affaires publiques et d’Etat de droit, et d’autre part, de sécurité alimentaire et de développement rural durable. La sécurité alimentaire fait partie des domaines - contribuant à la réduction de la pauvreté - privilégiés de l’UE. Au Mali, l’UE et le gouvernement ont signé le 29 mai 2002 un « document de stratégie de coopération ». Ce document s’insère dans le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP). Les domaines privilégiés sont l’appui au renforcement institutionnel et au processus de décentralisation, l’appui macro- économique à travers l’aide budgétaire et le secteur des transports.

Dans ce contexte, la sécurité alimentaire est un axe privilégié de l’action générale de l’UE. La délégation de l’UE au Mali a financé la sécurité alimentaire avant 2001. Depuis 2001, elle privilégie surtout le programme d’appui à la décentralisation, ce qui nous rappelle qu’il peut y avoir, comme dans toute chaîne administrative, des hiatus et des différences de priorité entre l’organisation centrale de l’UE et ses délégations. Le soutien de la délégation de l’UE au Mali est protéiforme, il concerne en effet à la fois les collectivités locales, les administrations, mais aussi les associations locales et les ONG335. Dans le domaine de la sécurité alimentaire, l’UE au Mali

conserve des actions ponctuelles en faveur des activités agropastorales dans les régions du Nord, de la sécurisation de l’élevage et d’appui aux organisations paysannes.

Les coopérations nationales (française, suisse, américaine) ont également des projets du même type dans le domaine de la décentralisation et ont connu des fluctuations dans le domaine de la sécurité alimentaire.

En ce qui concerne la décentralisation, les coopérations ont financé et suivi des actions de renforcement des capacités. Par le passé, avant les élections de 2004, l’USAID a ainsi élaboré un programme de renforcement des capacités des citoyens pour pouvoir gérer le développement local durable. Le PNUD a soutenu la mission de décentralisation, a mis en place des fonds locaux villageois pour le financement de programmes locaux. Il a également financé la formation des futurs élus par le truchement de la GTZ336.

Les coopérations ont autant œuvré dans le domaine de la sécurité alimentaire que dans celui de la décentralisation. On observe que les coopérations ont des impératifs propres, et parfois n’ont pas comme seule priorité la sécurité alimentaire. Ainsi, la coopération française a abandonné ses programmes de sécurité alimentaire :

« Autrefois, le Service de Coopération et d’Action Culturelle et l’Agence Française de développement étaient directement impliqués dans la sécurité alimentaire, via le Programme de Restructuration du Marché Céréalier. Désormais, ils se sont retirés de la question alimentaire. »337

Quand les coopérations continuent à soutenir les dispositifs de sécurité alimentaire, elles adoptent une vision localisée de l’intervention qui peut être l’indice d’une reconnaissance et d’une revalorisation du local :

« Là bien sûr, là, il y a une optique complètement [différente]. Il y a des pistes [à suivre] au niveau communal. A l’heure actuelle, nous CSRS, travaillons déjà avec des organisations paysannes. C’est, [par exemple], une organisation paysanne qui s’occupait de la distribution [alimentaire] en pays dogon. Cette dernière n’a pas pu acheter les mille tonnes [prévues] parce que les prix augmentaient très vite : elle a du se contenter d’en acheter 860 tonnes ! Ils ont identifié des cibles, ils avaient ciblés [les personnes]. Ce sont des organisations paysannes qui ont fait ce travail (…). C’est l’Association des Organisations Professionnelles Paysannes (AOPP) de Mopti et plus particulièrement la section de Koro qui s’en est occupée. Elle l’a fait de manière extrêmement intelligente, extrêmement pertinente. En ce qui nous concerne [Coopération Suisse], on s’est contenté de mettre un consultant pour assurer un suivi. » 338

335 H.B. Cissé, S.I. Maiga S.I. et S. Bartholomeussen, Liens entre décentralisation et coopération décentralisée

au Mali., Maastricht, ECDPM, Document de réflexion n°6, 1999, 41 p.

336 Voir J. Coll, op cit.

337 Entretien L.H., Agence Française de Développement, 25 janvier 2006. 338 Entretien J-L.V., Coopération suisse, 7 juin 2005.

Pour conclure, les bailleurs de fonds se présentent comme des soutiens au milieu local. Dès le début des années 1990, ils ont fortement financé tous les types d’action en faveur de la décentralisation. Ils se présentent comme des organisateurs du local en mettant l’accent sur leur rôle dans l’amélioration des capacités financières et administrative du milieu local, en particulier des communes. Nous ne pouvons pas vraiment dire que les bailleurs se présentent comme des organisateurs, à proprement parler, des dispositifs locaux de sécurité alimentaire. Le soutien à la sécurité alimentaire lorsqu’il fait partie de leur priorité est présenté comme des actions locales ponctuelles. Pour résumer, ils ont insisté sur le contexte général de gouvernance locale et non pas sur le contexte particulier des dispositifs locaux de sécurité alimentaire.

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