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Normalisation et dénormalisation dans l’article dictionnairique

Traitement lexicographique et représentation idéologique

4. Normalisation et dénormalisation dans l’article dictionnairique

Les notions de normalisation et de dénormalisation sont souvent conçues comme étant deux aspects opposés. Or, dans le domaine de la lexicographie, ces deux concepts résultent des « remarques encadrées » que nous repérons au niveau de l’article dictionnairique. Etant un discours du « genre didactique », le dictionnaire tente de faire part des exceptions ainsi que des particularités, en les signalant dans son contenu, afin « d’instruire (et pourquoi pas divertir) ses lecteurs »1. Cependant, selon Josette Rey Debove, le plus important objectif, à partir de ces remarques, est de pouvoir « comparer, ]…[ rapprocher, ]…[ distinguer »2 pour qu’on puisse dégager les points de convergence et de divergence (entre deux articles, par exemple). En effet ; il s’agit des remarques signalées à propos « des familles étymologiques, des parentés morphologiques, de la synonymie distinctive, des différences et des ressemblances »3.

En plus des points cités, dans le paragraphe précédent, l’auteure stipule, pour une bonne manifestation de telles remarques dans le dictionnaire, qu’il doit y avoir une « adaptation » entre la théorie lexicale et la pratique lexicale dans le domaine de la lexicographie ; « en tant que bonne linguiste elle (Josette Rey Debove) ne peut ne pas être lexicographe, en tant que bonne lexicographe, ne pas être linguiste »4. Mais aussi, pour un bon placement des remarques nécessaires dans un dictionnaire, il faut être un bon didacticien. A titre d’exemple ;

« dans le QR (dictionnaire Quotidien Robert), les remarques sont explicitement mises en avant, elles sont érigées en système explicatif, sont encadrées, bien visibles, en outre grâce à leur position constante en fin d’article (et non pas cachées à l’intérieur de la microstructure comme, par exemple, dans le NPR) »5. Nous saisissons donc, à partir de cette exemplification concrète, que la manifestation de la dénormalisation, sous forme de remarques, au niveau des dictionnaires résulte d’une répercussion à la forte émergence de la normalisation au sein de la microstructure.

1 HEINZ Michaela, Le dictionnaire maitre de langue : lexicographie et didactique, Ed : Frank &Timme, 2009, p86.

2 REY-DEBOVE Josette, RQ, avant propos p. IX, cité par : HEINZ Michaela, Le dictionnaire maitre de langue : lexicographie et didactique, Op. Cit., p. 86.

3 Ibid.

4 Ibid.

5 Ibid.

138 4.1. Normalisation du discours lexicographique

La question de la normalisation dans le dictionnaire, et plus précisément au niveau de l’article dictionnairique, a depuis longtemps, marqué sa stabilité structurelle. C'est-à-dire, qu’on s’est habitué à une forme de présentation de microstructure uniforme pour la grande majorité des dictionnaires. Une forme souciant de manifester le plus d’exactitude dans le maximum d’économie possible et qui a fait preuve d’ « un essai de normalisation linguistique et non, jusqu’à ce jour, (d’) un essai de formalisation, qui n’est pas souhaitable dans un objet socio-culturel de grande diffusion »1. D’ailleurs, Josette Rey Debove, à propos de cette question de la normalisation de la microstructure, expose deux articles pour la même entrée

« issu », tirés de deux dictionnaires différents. Il s’agit, pour l’un, du petit robert 1967, dans un tirage de 1972 et, pour l’autre, du Dictionnaire de l’Académie Française 8ème édition, Vol 1, 1932. Nous présentons ces deux articles dans le but de pouvoir comparer leurs formes.

Acad 1932

ISSU, UE. Participe passé du verbe Issir, qui n’est plus en usage. On ne s’en sert que pour signifier Qui est né d’une personne ou d’une race. De ce mariage sont issus beaucoup d’enfants.

P.R.

ISSU, UE. [isy] p.p. (v. 1100 ; de l’a. fr. eissir, issir, lat. exire « sortir »). 1° Qui est né, sorti (de parents, d’une espèce). Il est issu de sang royal, d’une grande famille de magistrats 2

Cette structuration de la normalisation est suivie, en grande partie, par « tous les dictionnaires récents ». Alors, pour assurer cette cohérence, trois points ont été tracés de manière à envelopper la normalisation de la microstructure. Il s’agit de « l’adoption d’une terminologie métalinguistique réduite à des abréviations, et l’attribution d’une fonction métalinguistique à certains signes supra-segmentaux ; l’ordre fixe des informations ; l’utilisation de la typographie à des fins informatives. »3. Donc, c’est sur la base de cet enchainement structurel de la normalisation, qu’on pourrait cerner le cadre de la dénormalisation.

1 Ibid. p 87. Josette REY-DEBOVE a consacré tout un chapitre à ce sujet, dans son « étude linguistique et sémiotique des dictionnaires.

2 REY-DEBOVE Josette, étude linguistique et sémiotique des dictionnaires, Op. Cit., p. 173.

3 Ibid.

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4.2. Marquage de dénormalisation au niveau de la microstructure

Il est vrai que les dictionnaires suivent un certain modèle de présentation des informations constituant la microstructure mais, dans certains cas (pour certains dictionnaires) nous remarquons quelques différences au niveau de la toile de l’article dictionnairique ; ces différences sont désignées par la dénormalisation. Celle-ci émerge sous forme de remarques signalées par le dictionnaire au niveau de sa microstructure. Car, le lexicographe, parfois pour se démarquer ou pour montrer une forme de libéralisme vis-à-vis du code « agréé » par la norme, implique quelques remarques dans son article dictionnairique. A titre d’exemple : au lieu de rencontrer des abréviations (qui sont utilisées en vue d’économie et d’espace), nous retrouvons des informations (sous forme de remarques) qui peuvent s’étaler jusqu’à

« plusieurs lignes (parfois elle [la remarque] comporte plusieurs phrases), et elle peut même raconter une petite histoire. ». Comme nous pouvons avoir le cas contraire ; des remarques très courtes, par exemple : « pour le sens pirate (flèche) (rem.) [s. v. corsaire]. »1.

En outre, il n’y a pas que la longueur de la remarque qui figure parmi les marques de dénormalisation mais aussi, le style du texte par lequel on présente les informations. C'est-à-dire qu’on n’utilise pas forcément les mêmes formules dans les articles dictionnairiques d’un seul dictionnaire. « Mots de la même famille, Même famille que, De la même famille étymologique, … »2. Egalement, nous attirons l’attention que le placement de ces informations (portées par les remarques) au sein de la microstructure varie d’un dictionnaire à un autre.

Dans le Robert Quotidien, elles sont placées à la fin de l’article (comme nous l’avons signalé dans le point précédent). Par contre, dans d’autres dictionnaires, les remarques sont

« intégrées à l’article, à la place exacte qui convient au type d’information qu’elles transportent, sans bousculer le programme d’informations de la microstructure»3.

S’agissant du rôle de l’information véhiculée par la remarque qui est différent de celui des autres catégories d’informations (catégorie grammaticale, définition, synonymie, antonymie ; déjà explicitées dans notre première partie). En fait, la remarque émerge pour apporter « soit un supplément, soit un complément d’information, soit, parfois, un ajout partiellement redondant, par rapport aux informations données dans la microstructure »4. Néanmoins, ces deux types d’informations constituant l’article dictionnairique sont cohérents.

1 HEINZ Michaela, Le dictionnaire maitre de langue : lexicographie et didactique, Op. Cit., p. 88.

2 Ibid. P. 89.

3 REY-DEBOVE Josette, étude linguistique et sémiotique des dictionnaires, Op. Cit., p. 170.

4 HEINZ Michaela, Le dictionnaire maitre de langue : lexicographie et didactique, Op. Cit., p. 91.

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Par exemple : nous repérons une « cohésion par l’emploi anaphorique d’un déterminant possessif ou démonstratif »1.

Il faut signaler qu’en réalité, cette cohésion ne correspond pas à la nature de l’information fournie par chacun des deux types. Car, l’information fournie par la remarque vise « la chose nommée » et non pas « le signe nommant », vu que la remarque apparait comme un indicateur de dénormalisation au sein de la microstructure. De plus, sachant que les informations qui concernent le mot-entrée, en tant que « signe nommant », se soucient de montrer l’emploi de ce mot dans la langue, la remarque est mise à la disposition du « lecteur » afin de lui fournir des informations de plus sur le même mot.