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CONCEPTIONS DE CONFECTION DE DICTIONNAIRES FRANÇAIS EN

P)- La néologie combinatoire

4. Néologisme de langue et néologisme de discours

« Tout néologisme constitue un processus en deux temps. D’abord, produit énonciatif et langagier d’un usager-locuteur ou création volontaire d’une commission de terminologie, puis réception, admission, stabilisation, (re) diffusion. » 1 .

A partir de ce principe de l’évolution néologique, est née une distinction entre le néologisme de langue et le néologisme de discours. C’est pourquoi, nous proposons d’aborder, dans ce point, chacune de ces formes de néologisme afin d’induire la double relation existante entre les deux formes.

4.1. Néologisme de langue

Le néologisme de langue est une nouvelle lexie dont la création est caractérisée par un usage largement répandu ; on désigne, plus précisément, les nouvelles formes linguistiques ayant un grand écho au sein de la société, ainsi que connues par un groupe de locuteurs.

En réalité, ce type de création ne passe pas forcément par une attestation avant qu’il soit intégré dans le lexique français ; c'est-à-dire que les lexies néologiques issues du néologisme de langue peuvent figurer dans la nomenclature de la langue française. En effet, Saussure a abordé le néologisme de langue, dans son CLG en improvisant un exemple : « in-décor-able »2, une forme qui est fortement diffusée dans la langue française. Saussure explicite son exemple, en montrant que tous les éléments constituants le mot improvisé « in-décor-able » sont placés pratiquement de la même sorte : « décor dans décor-er, able dans pardonn-able et in dans in-connu. »3. En faisant référence à cet exemple donc, nous pouvons induire que les néologismes de langue sont toutes les virtualités que le système de la langue française permet.

4.2. Néologisme de discours

Le processus du néologisme de discours a suscité la réflexion de beaucoup de spécialistes. Parmi ces derniers, nous citons SABLAYROLLES qui explicite que

« Le surgissement d’une nouvelle lexie et son fonctionnement dans la langue, quel que soit son sort ultérieur, constituent un phénomène langagier intéressant dont tout modèle linguistique qui se veut complet doit rendre compte. On ne peut exclure les hapax et autres mots d’auteur ou de discours ni de la lexicologie ni de l’analyse de discours.

Nous tenons pour néologismes relevant de la langue les lexies

1 BOUZIDI Boubaker, Néologie ET Néologismes de Forme dans le dictionnaire : Le Petit Larousse Illustré, Ed. EL BADR ESSATIE, EL EULMA, Algérie, 2016,P. 94.

2 DE SAUSSURE F., Cours de linguistique générale, Edition Talantikit, Béjaïa, 2002, p.247.

3 Ibid.

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dés leur création et première apparition parce que c’est la langue qui les a rendues possibles et qu’on ne peut faire qu’elles n’aient jamais été émises »1

Aussi, MORTUREUX confirme les propos précédents en soutenant l’idée que le néologisme de discours s’effectue lors d’une utilisation particulière de la langue. Elle résume que « c’est dans le discours que naissent les néologismes »2. A partir de cette déclaration, nous mettons l’accent sur le facteur maître de ce type de création lexicale ; en effet, c’est dans les différents énoncés qu’émergent les nouvelles formes linguistiques produites par les locuteurs.

4.3. Néologisme de langue et néologisme de discours

Après avoir abordé chacun des deux types de création lexicale indépendamment de l’autre, nous tenterons de cerner la relation existante entre ces deux formes de néologisme.

Cependant, nous devons clarifier d’abord, les deux notions distinctives dans cette relation : la langue et la parole (discours).

En faisant référence à la dichotomie Saussurienne célèbre : l’opposition langue/parole, nous soulignons que « la langue existe dans la collectivité sous la forme d’une somme d’empruntes déposées dans chaque cerveau à peu près comme un dictionnaire dont tous les exemplaires identiques seraient répartis entre les individus »3. Saussure oppose donc, la langue qui « n’est pas une fonction du sujet parlant »4 à la parole qui est au contraire « un acte individuel de volonté et d’intelligence »5. De ce fait, et grâce à cette distinction qui éclaircit la relation entre la langue, qui est inévitablement conçue collectivement au sein des sujets parlants, et la parole dont la nature est individuelle. Ainsi, la création linguistique serait définie plus clairement.

On conçoit donc, la création linguistique en tant que « l’acte d’expression d’une pensée individuelle, mais en fonction de la communication »6. En réalité, lorsqu’on invente un nom à un nouvel objet, à une nouvelle technique ou à un nouveau concept, c’est pour le faire connaitre aux différents membres de la communauté linguistiques. Egalement, si un écrivain (inventeur particulier) se permet d’utiliser un mot que lui-même a créé, c’est parce qu’il est

1 SABLAYROLLES J. –F., Néologismes Et Nouveauté(s), Op. Cit.

2 MORTUREUX Marie-Françoise, La Lexicologie Entre Langue Et Discours, p. 105. Op. Cit.

3 DE SAUSSURE F., Cours de linguistique générale, p. 30, Op. Cit.

4 Ibid.

5 Ibid.

6 GUILBERT Louis, théorie du néologisme, Op. Cit.

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soucieux d’assurer la transmission du sens exact de sa pensée à ses lecteurs. De ces cas concrets, nous réalisons que le néologisme nait du locuteur (sujet parlant) mais, ce dernier effectue ses créations en tant que membre d’une communauté linguistique donnée et aussi, afin de pouvoir les (ces néologismes) exploiter lorsqu’il entretient une communication avec d’autres locuteurs. En effet ; les trois éléments cités précédemment : le locuteur créateur (sujet parlant), l’interlocuteur (destinataire) et la communauté à laquelle appartiennent ces deux derniers, attribuent nécessairement la nature trio au néologisme. C’est pourquoi Louis Guilbert considère le néologisme comme un « un phénomène de langue »1.

En réalité, ce n’est qu’à travers la langue que nos pensées s’incarnent. D’ailleurs, la nouvelle unité lexicale répond « souvent » aux exigences du système de la langue et cela par souci que la création soit rejetée par la communauté. Nous rejoignons Louis Guilbert qui exemplifie par un « tel spécialiste qui voudra ériger son domaine d'étude en science n'aura pas d'autre moyen de le faire qu'en se soumettant à l'usage établi de former des noms de science par un composé à deux termes, le premier signifiant l'objet de la spécialité, le second la notion de spécialisation (ex : fuséologie, futurologie, gérontologie, kremlinologie). »2. On conclut ainsi, selon Louis Guilbert que « le néologisme [dans ce cas] ne produit alors aucun effet de choc, il est normalement reçu, au point qu'il devient parfois difficile de le reconnaître »3.

De ce qui précède, nous nous apercevons que la relation existante entre le néologisme de langue et le néologisme de discours est caractérisée par la complémentarité. Etant donné que le néologisme issu d’une création individuelle est inévitablement d’un aspect collectif, puisqu’on tient, par cette invention, à répondre aux besoins de la collectivité linguistique.

Néanmoins, cette création, et malgré qu’elle soit individuelle, est censée être conforme aux différentes structures qui régissent le système de la langue. A ce propos, Louis Guilbert s’interroge : « le caractère contraignant du système de la langue ne constitue-t-il pas un frein à la liberté créatrice]… [ ? »4.

Nous explicitons qu’il ne faut pas nier que les règles qui organisent la langue permettent au locuteur une infinité de diverses créations, mais en l’empêchant de s’écarter de ces règles qui font la permanence du système. En dernier, nous résumons par une distinction faite par Noam Chomsky :

1 Ibid.

2 Ibid.

3 Ibid.

4 Ibid.

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« La créativité linguistique ne peut s'exercer par des moyens fondamentalement contraires au fonctionnement de toute langue, par des marques alinguistiques, mais elle peut modifier certains aspects du système ; elle ne saurait, par exemple, abolir, dans le dialogue, l'opposition je /tu sauf par affectation de transgression du code comme chez certains poètes, ou l'opposition verbe /nom, mais elle peut substituer la forme verbale intransitive je m'en rappelle à la forme verbale transitive je me le rappelle. »1