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La Noctuelle de la tomate Helicoverpa zea est un ravageur polyphage dommageable aux cultures dans le Nouveau Monde, en particulier celles de tomate en Martinique. Du fait des multiples inconvénients de la lutte chimique et du coût des méthodes alternatives non chimiques de substitution, nous avons évalué le potentiel de l’utilisation du maïs sucré comme plante piège pour contrôler H. zea sur tomate, pour répondre à deux questions de recherche : 1) Quelle est l’at-tractivité du maïs vs la tomate pour la noctuelle ? ; 2) Quelle variété de maïs utiliser comme plante piège ?

L’infestation de la tomate par H. zea a été significativement plus faible à proximité immédiate d’une bordure de maïs sucré que dans des parcelles situées à 70 m et plus de cette bordure (Rhino et al., 2014). Par ailleurs, la variété de maïs sucré Java s’est montrée potentiellement une bonne plante-piège car sur une gamme de 10 variétés de maïs, les pontes de la noctuelle sur les soies de cette variété ont été très importantes alors que l’infestation des épis laiteux est restée faible (Rhino et al., 2013).

Cela pourrait s’expliquer par le fait que les larves s’y déve-loppent moins bien, et restent plus longtemps sur les soies, où elles sont plus exposées à la prédation. On a donc affaire à la fois à des processus « bottom-up » de détournement attractif, et « top-down » d’action des ennemis naturels aériens qui sont favorisés via notamment la fourniture de ressources alimentaires alternatives (e.g. pollen pour les punaises Orius) (Figure 1).

À partir du Pathosystème Noctuelle-Tomate-Maïs en Marti-nique, pour répondre à la question de recherche « Comment optimiser l’implantation spatio-temporelle du maïs? », nous développons un modèle individu-centré spatialement expli-cite avec trois modules interactifs décrivant : (1) la phénologie

de la plante cultivée et de la plante piège et la dynamique de leurs stades attractifs pour la noctuelle ; (2) le développement de la noctuelle ; (3) les mouvements et le comportement d’oviposition de la noctuelle (Grechi et al., 2012). Le dernier module s’appuie sur les connaissances actuelles du compor-tement de la noctuelle mais encore incomplètes pour valider le modèle sur ce pathosystème spécifique.

Toutefois, nous avons illustré le potentiel du modèle à éva-luer par simulation le niveau d’infestation des tomates en réponse : (1) aux modalités de déploiement spatial des plantes pièges dans la parcelle (bordure; interlignes; patchs) ; (2) aux caractéristiques des plantes (attractivité relative de la plante-piège par rapport à la plante cultivée) ; (3) aux traits de comportement de l’insecte (distance de perception des stimuli émis par la plante) en considérant des traits théoriques.

Conclusions et perspectives

Les différents cas d’études présentés participent d’une ap-proche agroécologique, même s’ils ne sont pas au même stade, en termes de diffusion, notamment par rapport au cas d’étude de gestion des mouches des cucurbitacées à La Réunion. À cet égard, le dernier cas d’étude, sur la gestion « push-pull » de la Noctuelle de la tomate, bien que le moins avancé, présente des caractères de généricité, dont devraient bénéficier, via l’approche de modélisation présentée, des modèles voisins, moyennant un paramétrage adéquat. Il s’agit de celui de la gestion des mouches des cucurbitacées, mais aussi de celui de la gestion « push-pull » du Foreur de la canne à sucre par implantation d’une bordure d’Erianthus arundinaceus (Nibouche et al., 2012). Les résultats obtenus à La Réunion font état, dans les parcelles bordées d’Erianthus par rapport aux parcelles Témoin : (1) d’une réduction des dégâts d’un facteur de 2 à 9 ; (2) d’un gain de rendement en canne de 22 % ; (3) d’une réduction des attaques jusqu’à une distance de 40 m de la bordure.

Références bibliographiques

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Questions / Réponses

„J.-N. Aubertot : Comment le modèle individu centré est-il paramétré ? À partir de mesures sur des individus ou bien s’agit-il de paramètres moyens à l’échelle d’une population ?

A. Ratnadass : Outre des données issues de la bibliographie,

le paramétrage nécessite encore l’acquisition de données expérimentales sur le comportement de vol et de ponte. Celles-ci sont obtenues par lâchers d’adultes dans des « mo-dules » (grand tunnel) et comptage au bout de quelques jours des pontes sur la tomate et le maïs.

„B. Reynaud : Comment les agriculteurs peuvent gérer de fortes populations de fourmis écophiles dans les vergers ? N’est-ce pas un frein à l’utilisation ?

A. Ratnadass : En Asie (Sud-Chine et Vietnam), les

produc-teurs s’accommodent depuis de siècles des fourmis (de l’espèce Oecophylla smaragdina) en adaptant leur technique de récolte (arrosage ou enfumage des arbres, attraction des fourmis par des appâts, port de manches longues ou application d’argile ou cendres sur les membres) tant ils sont convaincus du « bonus » apporté par les fourmis. En Afrique de l’Ouest, la technique est plus difficile à diffuser du fait d’une appréhension des producteurs par rapport aux morsures.

„T. Atiama-Nurbel : Est-ce que les composés attractifs ou répulsifs ont été étudiés pour le couple maïs-ravageur ?

A. Ratnadass : Les analyses sont en cours (dans le cadre

d’une thèse). De même que celles des composés à priori toxiques contenus dans les soies de certaines variétés.

> Point sur les recherches en protection des cultures

à l’échelle européenne

J.-N. AUBERTOT1 | F. LESCOURRET2 | A. MESSEAN3

jean-noel.aubertot@toulouse.inra.fr

Résumé

L’Europe est l’un des principaux continents producteurs de denrées agricoles. La prise de conscience du risque potentiel d’une utilisation abusive des pesticides a poussé la Commission Européenne à la mise en place d’une série de réglementations et de directives visant à limiter l’uti-lisation des pesticides. Afin de développer et soutenir le déploiement du vieux concept de Protection Intégrée des Cultures, différentes structures de recherche ont été mises en place à l’échelle européenne. Cette communication fait le point sur le Groupement de Recherche Européen ENDURE, le projet européen PURE (2011-2015), et l’ERA-NET C-IPM. Le groupement ENDURE assure le développement continu de la Protection Intégrée des Cultures comme concept durable et actionnable et offre une gamme renouvelée d’outils et de services. Le projet PURE a permis des avan-cées significatives sur différents aspects de la Protection Intégrée des Cultures, et ce, pour différents systèmes de production agricoles. Les travaux ont porté sur le dévelop-pement d’approches biologiques, écologiques et techniques pour maîtriser les stress biotiques, en parallèle de travaux méthodologiques pour la conception de solutions de Pro-tection Intégrée des Cultures combinant des éléments de gestion stratégiques et tactiques. Pour quelques études de cas, l’évaluation de la durabilité des stratégies de Protec-tion Intégrée des Cultures a fait l’objet de développements particuliers, et des méthodes permettant la coinnovation ont été mises au point. Enfin, l’ERA-NET C-IPM est destiné à générer une dynamique collective pour identifier les prio-rités de recherche/développement, mettre en commun les ressources disponibles et articuler les initiatives existantes, et développer des appels d’offres communs transnationaux.

Mots-clés : Integrated Pest Management, ENDURE, projet

européen PURE, ERA-NET C-IPM

Introduction

Parmi les principales réussites de la construction euro-péenne, la coordination des activités agricoles d’une part, et la coordination de la recherche d’autre part, sont certai-nement les plus visibles. La Politique Agricole Commune a permis de réguler la production agricole européenne, et de mieux prendre en compte le respect de l’environnement dans les activités agricoles. Au fil des ans, la Communauté Européenne s’est dotée de différents instruments pour fédérer et structurer la recherche sur la protection des cultures. A l’heure actuelle, la recherche en protection des

cultures à l’échelle européenne s’appuie sur différentes dynamiques privées et publiques. Cette présentation porte sur trois instruments de recherche majeurs à l’échelle eu-ropéenne : le Groupement de Recherche ENDURE (http:// www.endure-network.eu), le projet européen PURE (http:// www.pure-ipm.eu), et l’ERA-NET C-IPM (c-ipm.org).

Le Groupe de Recherche Européen