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3. D IDACTIQUE DE LA PRONONCIATION EN CONTEXTE FLE/S

4.3 Analyses et discussions

4.3.1 Musiciens et langage musical

L'analyse des liens entre musiciens et langage musical sera basée sur les résultats des questionnaires à échelle d'attitude et à choix multiples des panels MAS et MSS. Ils seront présentés sous forme de tableaux (Tableau 31 et Tableau 32) puis à travers une analyse complète.

De manière générale, nous pouvons affirmer que sur les points étudiés, à savoir l'influence de l'apprentissage du solfège sur les représentations sur le langage musical, très peu de différences peuvent être remarquées. Néanmoins, nous pouvons dire que, sur le plan socio-culturel, les musiciens qui font du solfège ont en général une formation plus traditionnelle, de type occidental, ont commencé depuis un âge plus précoce et jouent une palette d'instruments plus variée que ceux qui ne font pas de solfège. Cette dernière peut être expliquée, entre autres, par des quotas par classe d'instrument dans les conservatoires mais également de la doxa qui favorise un apprentissage plus « facile » de la guitare, par exemple, que celui du violon. La question d'accès aux instruments en termes de prix, de connaissance générale est aussi un facteur pouvant expliquer cette différence. Les influences de l'apprentissage plus précoce de la musique a été mises en valeur par les travaux liés à la période de l'âge critique en montrant notamment que plus un individu commence tôt la musique, plus il est fréquent (voire indispensable) qu'il ait l'oreille absolue modifiant de ce fait les processus neurophysiologiques et la conception cognitive de l'objet musical (Levitin & Zatorre, 2003) (voir 1.2.2).

MAS MSS

Tout à

fait Plutôt Moyen Plutôt

pas

Pas du tout

Tout à

fait Plutôt Moyen Plutôt

pas

Pas du tout

Un bon musicien doit seulement reproduire les intentions du

compositeur.

3% 11% 34% 27% 25% 1% 11% 34% 30% 25%

Un bon musicien apporte sa personnalité dans l’œuvre qu'il

interprète.

57% 37% 5% 1% 0% 62% 35% 3% 0% 0%

Quand je joue de la musique, je pense aux différentes techniques

que nécessite ce type de musique.

20% 35% 22% 17% 6% 14% 34% 27% 18% 7%

Avant de déchiffrer une partition/tablature, je pense aux

différents éléments de la partition/tablature: tempo,

rythme, tonalité, etc.

41% 40% 8% 8% 2% 27% 31% 16% 17% 9%

Avant de jouer une partition/tablature que je connais,

je pense aux différents éléments de la partition/tablature: tempo,

rythme, tonalité, etc.

32% 35% 17% 11% 5% 24% 33% 16% 16% 11%

Il est plus difficile de jouer une partition/tablature que

d'improviser.

6% 15% 26% 29% 25% 12% 18% 30% 22% 17%

Ma qualité de jeu est meilleure

lorsque j'improvise. 9% 16% 30% 26% 19% 14% 27% 29% 18% 11%

Ma qualité de jeu est meilleure

lorsque je joue une partition. 23% 27% 31% 15% 5% 9% 24% 30% 20% 17%

J'ai l'impression que ce que j'entends quand je joue n'est pas

la même chose que ce qu'entendent les spectateurs.

30% 35% 13% 17% 4% 14% 40% 22% 15% 9%

Lorsque je joue une partition/tablature dans un style,

je ressens des différences physiques par rapport à lorsque

je joue une partition dans un style différent.

41% 35% 16% 5% 3% 30% 43% 16% 8% 3%

La partition/tablature m'aide à

mieux jouer. 11% 27% 34% 18% 10% 14% 25% 21% 25% 15%

La timidité influence la qualité

du jeu. 39% 37% 12% 7% 4% 42% 35% 12% 6% 5%

Quand je joue, je ne pense pas en

même temps. 16% 17% 21% 23% 22% 14% 27% 20% 21% 18%

Tableau 31: Résultats synthétiques en pourcentages de réponses au questionnaire à échelle d'attitude des panels MAS et MSS. En gras et surligné gris : pourcentages X > 30% ; en gras : pourcentages 30% = ou > X > 20%.

Lorsque je change de style de musique (classique, baroque, moderne, folk, etc..) j'ai

l'impression:

D'agir différemment avec les autres

D'être la même personne De changer de personnalité MAS 45% 38% 17% MSS 39% 39% 22% Lorsque je change de style de musique (classique, baroque, moderne, folk, etc..) j'ai

l'impression:

D'être dans le même état d'esprit. De changer d'état d'esprit.

MAS 16% 84% MSS 19% 81% Je pense que la partition et l'œuvre jouée: Sont naturellement liés Fonctionnent de la même manière Fonctionnent différemment MAS 65% 10% 25% MSS 51% 15% 34%

Selon moi, le plus important pour bien

jouer c'est:

Retour positif des spectateurs

A l'aise même si

erreurs La qualité du son

MAS 19% 41% 40%

MSS 19% 42% 39%

Quand je change de genre de musique

Intégrer les éléments de chaque style

Garder mon identité personnelle

Garder mon identité culturelle

MAS 41% 45% 14%

MSS 37% 42% 21%

Tableau 32: Résultats synthétiques en pourcentages de réponses au questionnaire à choix multiples des panels MAS et MSS. En gras surligné gris : pourcentages X = ou > 50% ; en gras : pourcentages 30% =ou < X.

Malgré ces différences dans le profil socio-culturel des deux panels de musiciens, il est intéressant de constater qu'il semblerait que la variable du solfège, et celle de l'âge d'apprentissage ne modifient pas de manière considérable les représentations liées au langage musical. En effet, dans les deux cas, un « bon » musicien n'est pas seulement celui qui reproduit les intentions du compositeur, comme le souhaitait Stravinsky (voir 3.3.3), mais surtout un individu qui apporte sa personnalité et sa vision de l’œuvre dans son jeu. Nous pouvons ajouter qu'il ne semble pas y avoir de profil particulier sur la question à savoir si une position en faveur de la reproduction des intentions du compositeur serait en opposition formelle à une position en faveur d'apporter sa personnalité à l’œuvre (Tableau 33).

Degré de différence

0 1 2 3 4

MSS 4% 24% 33% 19% 20%

MAS 8% 26% 28% 18% 21%

Tableau 33: Degré de différence entre les réponses au questionnaire à échelle d'attitude pour les affirmations : « un bon musicien doit seulement reproduire les intentions du compositeur » et « un bon musicien apporte sa personnalité dans l’œuvre qu'il interprète ». Le résultat correspond à la valeur absolue de la différence entre les deux attitudes d'un même sondé. Les données ont été calculées sur la base de « tout à fait d'accord » = 1 ; « plutôt d'accord » = 2 ; « moyenne d'accord »= 3 etc. Les formules utilisées ont été « SI », « NB.SI » et « ABS ». Un degré 2 de différence dans le tableau correspond par exemple à « tout à fait d'accord »-« moyennement d'accord ». 0 correspond à un degré similaire pour les deux affirmations et 4 correspond à deux réponses totalement opposées.

De ce fait, nous avons pu constater que lorsque les musiciens (MAS et MSS) changent de style de musique, ils n'ont pas l'impression de changer de personnalité mais pensent changer d'état d'esprit. Ils pensent ainsi agir différemment avec les autres (musiciens ou spectateurs), tout en ayant la forte conviction d'être la même personne. Il leur importe de garder leur identité personnelle tout en intégrant les éléments spécifiques de chaque style. Ce changement d'esprit peut être expliqué lorsque les sondés montrent une forte tendance sur le fait qu'ils pensent aux différents éléments de la partition/tablature avant de déchiffrer ou de jouer une partition/tablature qu'ils connaissent déjà. Néanmoins, cette tendance semble légèrement plus faible lorsqu'il consiste à simplement « jouer de la musique ». Jouer une partition/tablature imposerait chez l'individu une prise de conscience des différentes composantes de l’œuvre écrite puis par extension à l’œuvre jouée même si pour cette dernière la tendance est atténuée. Cependant, nous remarquons que face à la partition, les MAS montrent une tendance plus importante à penser aux caractéristiques de la partition. L'apprentissage du solfège serait donc un catalyseur en faveur d'une prise de conscience métacognitive, face à la partition, des différents éléments qui la composent. Dans les deux panels, nous n'avons pas de tendance remarquable sur le fait qu'ils penseraient en même temps qu'ils jouent.

Concernant les formes écrite et sonore de l’œuvre, une légère tendance apparait, dans les deux panels, sur le fait qu'il ne soit pas plus difficile de jouer une partition que d'improviser. Cependant les réponses des MSS montrent une légère tendance, contrairement à celle des MAS, sur le fait que la qualité de jeu serait meilleure lors de l'improvisation. A l'inverse, pour les musiciens ayant fait du solfège, la qualité de jeu serait meilleure lorsqu'ils jouent une partition.

Dans les deux cas, la partition/tablature n'aiderait pas à mieux jouer. Cette différence ne peut pas être expliquée en terme de conception des relations forme écrite/sonore car les deux panels montrent une forte tendance en faveur du fait que la partition et l’œuvre jouée sont naturellement liées. Néanmoins, les MSS montrent une légère tendance à penser qu'elles pourraient fonctionner différemment malgré leur lien naturel.

Dans les deux cas, il y a une très bonne prise de conscience sur les différences acoustiques et perceptives entre ce que le musicien joue et ce que les spectateurs perçoivent. Toutefois, et ce malgré cette prise de conscience, avoir un retour positif des spectateurs n’apparaît pas comme la principale réponse à savoir ce qui est le plus important pour « bien » jouer. Le plus important pour eux étant d'être à l'aise même s'il y a des erreurs et la qualité du son. Cette qualité pouvant être largement influencée par la timidité comme une très large majorité des sondés le pense. Au niveau individuel, les musiciens perçoivent très majoritairement une différence physique lorsqu'ils changent de style de musique.