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Les municipalités

Dans le document La sécurité civile (Page 74-79)

L’ÉTAT DE LA SÉCURITÉ CIVILE AVANT LA TEMPÊTE DE VERGLAS

3.2 L’état de préparation à la veille du verglas

3.2.4 Les municipalités

Selon le modèle fonctionnel, la municipalité constitue la cellule de base de la sécurité civile.

Considérées comme les mieux placées pour connaître leur milieu et les besoins de leurs citoyens, les municipalités ont la responsabilité de planifier et de s’organiser pour faire face à un éventuel sinistre.

Le maire est le premier responsable des mesures d’urgence de sa municipalité, les autres intervenants jouant un rôle d’appui. Comme on l’a vu plus haut, le modèle fonctionnel attribue des fonctions précises au conseil, au coordonnateur des mesures d’urgence et aux services municipaux. Le coordonnateur municipal est celui sur qui repose la préparation municipale. Il soutient la planification des mesures d’urgence, s’assure de la formation des intervenants muni-cipaux, veille à l’organisation des ressources et suscite la concertation entre les intervenants183.

Caractéristiques de la préparation municipale

À la différence des ministères, la préparation des municipalités ne suit pas une approche orientée sur un seul secteur d’activité. Non seulement englobe-t-elle la préparation des services municipaux qui interviennent en cas d’urgence, comme la protection incendie, la sécurité publique ou les travaux publics, mais elle doit aussi prévoir les besoins de la population en services de toute sorte : nourriture, hébergement, information, soutien à domicile, etc.

Or, les besoins de la population varient selon la nature du sinistre. Comme l’a montré le cas du verglas, il peut être difficile de les anticiper et de planifier les mesures nécessaires. Ainsi, en janvier 1998, les besoins en matière d’hébergement ont été surestimés, l’offre s’avérant plus grande que la demande réelle184: grosso modo, c’est 4,1 % de la population sinistrée seulement qui a eu recours aux centres de services aux sinistrés pour y dormir. Par contre, plusieurs centres ont été utilisés comme centre de jour ou lieu de rassemblement. Des sinistrés venaient s’y

180. Communauté urbaine de Montréal, op. cit., note 137.

181. Communauté urbaine de Montréal, Rapport sur l’état de préparation des municipalités du territoire de la Communauté urbaine de Montréal en matière de mesures d’urgence, 1997, 10 p. ; Communauté urbaine de Montréal, Bilan de l’état de préparation des municipalités et des intervenants en mesures d’urgence de la Communauté urbaine de Montréal pour l’année 1997, 1998, 10 p.

182. Communauté urbaine de Montréal, op. cit., note 137.

183. Ministère de la Sécurité publique, op. cit., note 35.

184. Ville de Saint-Basile-le-Grand, mémoire présenté à la Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], 1998, 42 p.

réchauffer, se nourrir, se laver, etc., mais retournaient à leur domicile pour la nuit. Sur l’île de Montréal, les différences culturelles et les besoins spécifiques des divers groupes de citoyens ont posé d’autres problèmes dans les centres de services aux sinistrés. Ces situations n’étaient pas prévues dans les plans d’urgence185.

L’état de préparation selon les municipalités

L’état de préparation varie considérablement d’une municipalité à une autre. En premier lieu, plusieurs municipalités, surtout les petites, n’ont pas la structure prévue au modèle fonctionnel avec le tandem CMSC-OMSC. Le cas échéant, la préparation repose sur une personne nommée par le conseil. Parfois, il n’y a ni plan d’urgence, ni titulaire de la fonction.

Selon les résultats de la consultation que la Commission a menée auprès des municipalités du territoire touché par le verglas, la plupart d’entre elles possèdent un plan de mesures d’urgence. Toutefois, l’état de préparation réel des municipalités s’évalue en fonction du contenu de ces plans, du temps écoulé depuis leur préparation ou leur dernière révision, et des exercices de simulation qui ont été tenus ou pas. Ainsi, la totalité des municipalités de 10 000 habitants et plus disent posséder un plan de mesures d’urgence, alors que 80 % d’entre elles ont procédé à une analyse qualitative des risques. Moins de la moitié d’entre elles ont tenu un exercice, alors que 35 % en ont tenu un dans les trois dernières années. Enfin, 48 % disent avoir préparé un calendrier d’activités de sécurité civile en 1997.

L’état de préparation des municipalités est proportionnel à leur taille. En effet, si 100 % des municipalités de 10 000 habitants et plus ont un plan d’urgence, seulement 64 % de celles de moins de 10 000 habitants en ont un. Plus précisément, le pourcentage est de 87 % pour les municipalités de 5 000 à 10 000 habitants, de 83 % pour celles de 2 000 à 5 000 et de 57 % pour celles de moins de 2 000 habitants.

Posséder un plan d’urgence ne donne toutefois aucune assurance quant à sa mise à jour, à son adéquation aux risques, à son efficacité ou à la qualité de la réponse des intervenants. Le sondage auprès des municipalités a permis de mesurer ces aspects de l’état de préparation dans leu‘Deux tiers des municipalités qui possèdent un plan d’urgence. Le tableau 5 rend compte de certaines caractéristiques significatives de leur état de préparation.

Tableau 5

Caractérisation des plans de mesures d’urgence municipaux avant la tempête de verglas

Caractéristiques Population (nombre de municipalités)

0 à 1 999 2 000 à 4 999 5 000 à 9 999 10 000 à 49 999 50 000 et +

(90) (60) (13) (57) (14)

% % % % %

Plan révisé depuis deux ans 32 59 69 84 93

Simulations et exercices 9 17 15 44 50

Ententes de mise en commun 38 27 62 68 86

Responsable nommé 60 58 92 79 86

Comité de mesures d’urgence 21 23 23 47 64

Calendrier d’activités 6 5 15 45 57

Responsable formé 53 69 77 80 100

185. Commission des services aux citoyens de la ville de Montréal, mémoire présenté à la Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], 1998, 19 p.

Ce tableau révèle que l’état de préparation des municipalités augmente en fonction de leur taille :

• La révision récente du plan de mesures d’urgence semble intimement liée à la taille de la municipalité, variant de 32 % pour celles de moins de 2 000 habitants à 93 % pour les municipalités de 50 000 et plus.

• Dans l’ensemble, les exercices et simulations sont relativement peu utilisés par les municipalités, ne touchant que 9 % des municipalités de moins de 2 000 habitants.

Entre 2 000 et 10 000 habitants, elles y ont recours à raison de 17 % et 15 %. Le taux augmente à 44 % pour les municipalités entre 10 000 et 50 000 habitants et à 50 % pour les municipalités de 50 000 habitants et plus.

• Les ententes de mise en commun des ressources, soit entre les municipalités, soit entre une municipalité et des organismes communautaires comme la Croix-Rouge, les Moissons, etc., se multiplient en fonction de la taille des municipalités. À 38 %, la proportion la plus faible est celle des municipalités de 2 000 à 5 000 habitants.

Elle passe à 86 % parmi les municipalités de 50 000 et plus.

• La présence d’un responsable des mesures d’urgence est plus fréquente que celle d’un comité de mesures d’urgence. Autrement dit, dans bien des municipalités, il y a un responsable sans pour autant qu’il y ait de CMSC. Là encore, la présence d’un responsable est liée à la taille des municipalités. Enfin, les comités de mesures d’urgence ne sont pas toujours actifs.

• Très peu de municipalités de moins de 10 000 habitants ont mis sur pied un calendrier d’activités en mesures d’urgence. Quant aux municipalités de 10 000 à 50 000 habitants et aux municipalités de 50 000 et plus, respectivement 45 % et 57 % d’entre elles ont établi un tel calendrier d’activités.

• En ce qui concerne la formation en sécurité civile des responsables du dossier des mesures d’urgence, on note une forte association de cette donnée avec la taille des municipalités. En effet, seulement 53 % d’entre eux ont une formation dans les municipalités de moins de 2 000 habitants alors qu’ils en ont tous dans les municipalités de 50 000 habitants et plus.

Vue d’ensemble de l’état de préparation

Pour évaluer globalement l’état de préparation des municipalités, on leur a attribué un indice calculé en donnant une valeur à chacune des dix questions mesurant l’état de préparation :

• La municipalité possède-t-elle un plan de mesures d’urgence ?

• Le plan contient-il un répertoire téléphonique, un organigramme des personnes responsables, etc. ?

• La municipalité a-t-elle procédé à une révision majeure du plan ?

• La municipalité a-t-elle procédé à une mise à jour majeure du plan ?

• La municipalité a-t-elle procédé à un exercice de simulation ?

• La municipalité a-t-elle signé des ententes d’entraide avec d’autres municipalités ou des organismes ?

• La municipalité avait-elle nommé un responsable du dossier des mesures d’urgence ?

• La municipalité avait-elle nommé un comité de mesures d’urgence ?

• Le responsable des mesures d’urgence a-t-il suivi une formation en ce domaine ?

• Le responsable ou le comité a-t-il préparé un calendrier d’activités en 1997 ? L’addition des réponses positives de chaque municipalité permet de calculer son indice global d’état de préparation. Plus la valeur est élevée, meilleur est son état de préparation. La valeur maximale, pour les municipalités de moins de 10 000 habitants, est de 13,0. Pour les municipalités de 10 000 et plus, elle est de 16,0. L’indice moyen montre, encore une fois, que l’état de préparation varie directement en fonction de la taille de la municipalité. Plus les municipalités sont petites, moins elles sont préparées.

Tableau 6

L’indice de l’état de préparation des municipalités

Catégories de municipalités Indice moyen

1 999 habitants ou moins 3,0

2 000 à 4 999 habitants 5,0

5 000 à 9 999 habitants 7,3

10 000 à 49 999 habitants 9,4

50 000 habitants et plus 11,3

Le nombre de responsables des mesures d’urgence municipaux formés en ce domaine est relativement faible, surtout dans les municipalités de moins de 10 000 habitants. De plus, la formation du responsable est directement reliée à l’indice de préparation et à la taille de la municipalité. Comme le tableau suivant le montre, si 88 % des responsables n’ont pas reçu de formation en sécurité civile parmi les municipalités possédant un indice situé entre 1,0 et 1,4, il en est de même pour seulement 5 % des municipalités possédant un pointage de 10,1 ou plus.

Tableau 7

La formation du responsable des mesures d’urgence et l’indice de préparation des municipalités

Indice de préparation

1,0 à 4,0 4,1 à 7,0 7,1 à 10,0 10,1 et +

Nombre de responsables 186 9 65 71 41

non formés 25 % 88 % 37 % 18 % 5 %

formés 70 % 58 % 75 % 95 %

ne sait pas 2 % 3 % 6 %

pas de réponse 1 % 11 % 1 %

Pour expliquer l’état de préparation des municipalités, un grand nombre de gestionnaires invoquent les contraintes budgétaires et le manque de personnel permanent. Plusieurs petites municipalités n’ont qu’un employé, le secrétaire-trésorier, souvent à temps partiel. Par ailleurs, pas plus pour les municipalités que pour les établissements de santé ou les industries, il n’existe d’obligation légale de développer, tenir à jour et mettre en œuvre un plan de mesures d’urgence.

De plus, les municipalités et la DSC perçoivent différemment leurs rôles respectifs avant, pendant et après un sinistre. On constate, à cet égard, l’absence d’un programme d’aide financière dont les conditions d’admissibilité et les mécanismes d’attribution, définis à l’avance, seraient connus des municipalités. De plus, le remboursement complet des coûts additionnels encourus pour les interventions d’urgence n’encourage pas les municipalités à investir dans leur état de préparation :

« Pour les rapports aux municipalités, le fait de ne pas avoir un programme normé, permanent et stable concernant le financement des mesures d’intervention qu’elles doivent prendre fait en sorte que plusieurs d’entre elles attendent de savoir si leurs dépenses seront remboursées avant d’agir. Cette situation crée un effet de déresponsabilisation et de dépendance face au gouvernement central. De plus, le financement à 100 % ne contribue pas à convaincre les municipalités que la sécurité civile constitue une de leurs responsabilités186».

Le sentiment de sécurité est également un obstacle important. Plusieurs municipalités rurales n’ont ni industrie ni autre source de risque technologique et, de mémoire d’homme, n’ont pas connu de catastrophe naturelle. Ces circonstances favorisent un sentiment de sécurité dans la population et chez les autorités municipales, même si ce sentiment est sans fondement objectif tant qu’une évaluation minimale des risques n’a pas été faite.

De façon plus ponctuelle, on invoque aussi le mandat relativement court des élus municipaux qui conditionne leur ordre de priorité, l’absence de soutien de la DSC et la réticence des entreprises à divulguer l’information relative aux risques.

Les attitudes face à la sécurité civile

Selon le sondage de la Commission auprès de la population sinistrée, 79,5 % des gens considèrent que le gouvernement est responsable d’assurer la protection de leur famille en cas de sinistre. De plus, 71,3 % sont d’avis que le gouvernement est capable d’assurer cette protection et 53 % croient que leur municipalité est bien préparée en cas de sinistre.

Or, non seulement le niveau de préparation varie-t-il d’une municipalité à l’autre, mais aussi l’attitude face à la gestion d’un sinistre. Certaines municipalités se considèrent incapables d’intervenir dans le cas de sinistres spécifiques comme le déversement de produits pétroliers et préfèrent laisser la gestion du sinistre à l’entreprise privée. D’autres, habituellement parmi les plus grandes municipalités, préfèrent gérer elles-mêmes la situation malgré leur manque de formation spécialisée, et demander à l’entreprise privée d’agir uniquement comme fournisseur de services spécialisés. Malgré tout, pour plusieurs entreprises, les exercices et les simulations permettent d’améliorer la communication avec les autorités municipales.

Pendant le sinistre du verglas, plusieurs municipalités s’attendaient à ce que la DSC joue un rôle majeur en gestion et en coordination et soutienne les municipalités187. N’étant pas préparées pour un sinistre d’une telle ampleur, la majorité d’entre elles se sont alors tournées vers la DSC, qui n’a pu répondre à leur demande d’aide. En fait, les attentes des municipalités à l’endroit de la DSC sont fondées sur ce qui s’applique en cas de sinistre de moindre envergure,

186. École nationale d’administration publique, op. cit., note 147, p. 40.

187. Mémoires présentés à la Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], 1998, par : Ville de Greenfield Park, 10 p. ; Ville de Marieville, 14 p. ; Municipalité des Coteaux, 5 p. ; Municipalité de Saint-Michel, 12 p. ; Ville de Brossard, 10 p. ; Ville de Boucherville, 7 p.

comme les inondations saisonnières ou le déversement de produits chimiques. La DSC est alors présente et participe activement aux opérations. Par contre, dans le cas du verglas, vu l’ampleur du sinistre, elle n’a pas pu être présente auprès de chacune des municipalités qui l’auraient souhaité, laissant celles-ci en attente et suscitant chez elles de la frustration.

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