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Hydro-Québec et le partage de l’information

Dans le document La sécurité civile (Page 123-127)

Le 1 800 636-AIDE : une analyse critique

4.2.4 Hydro-Québec et le partage de l’information

Les sous-sections qui précèdent ont montré l’importance de l’information sur l’état du réseau électrique dans le processus de gestion du sinistre du verglas. Hydro-Québec a joué un rôle de première importance dans la diffusion de cette information.

Par la nature même de ses activités et parce que les interventions d’urgence font partie de son quotidien, Hydro-Québec est une entreprise relativement autonome. Dans les situations d’urgence plus courantes, elle délègue habituellement un représentant pour les besoins de sécurité civile. Dans le cas du verglas, il est rapidement devenu évident, aux yeux des dirigeants de l’entreprise, que les modes de fonctionnement de la sécurité civile et ceux d’Hydro-Québec étaient à toutes fins utiles incompatibles. D’une part, Hydro-Québec n’a pas l’habitude de faire circuler l’information de façon fluide : le service à la clientèle et la Direction de la sécurité industrielle

352. Hydro-Québec, mémoire présenté à la Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], 2eséance, 8 octobre 1998, 75 p.

agissent souvent comme filtre ou tampon entre l’extérieur et les effectifs du transport et de la distribution. D’autre part, le découpage d’Hydro-Québec en unités d’affaires distinctes ne correspond pas au fonctionnement centralisé de la DSC, obligeant celle-ci à contacter plusieurs unités pour s’informer.

Dans la région de Montréal, les centres d’urgence de la distribution et du transport ont été isolés pour pouvoir se concentrer sur le rétablissement. Les requêtes leur étaient parfois acheminées directement dans les cas d’urgence (incendie, centre de services aux sinistrés) mais, le plus souvent, elles étaient filtrées et priorisées par le service à la clientèle.

Les liens avec le gouvernement

Hydro-Québec et le gouvernement du Québec ont établi des liens à trois niveaux :

• des liens stratégiques au plus haut niveau, entre le bureau du Premier ministre et le bureau du président-directeur général d’Hydro-Québec, donnant lieu à des rencontres quotidiennes d’un petit groupe de personnes ;

• des liens avec la sécurité civile à la fois au plus haut niveau, à l’occasion de rencontres élargies au bureau du Premier ministre, et de manière continue à une table de coordination établie au CUP d’Hydro-Québec.

• des liens opérationnels par l’entremise d’agents de liaison provenant de la sécurité civile et de la Direction de la sécurité industrielle d’Hydro-Québec.

Ces liens ont souffert de leur caractère improvisé et de l’absence de concertation et de cohérence dans le système de partage d’information.

Les relations avec la population à travers les médias

Par souci d’efficacité, pour faire passer un message uniforme et pour éviter que les centres d’urgence ne soient débordés par les demandes d’information provenant de l’extérieur, Hydro-Québec a centralisé en un seul endroit les relations avec les médias. L’information était généralement acheminée à travers la sécurité civile, mais le point marquant des communications publiques d’Hydro-Québec a été le point de presse quotidien de son président-directeur général, donné quelquefois conjointement avec le Premier ministre, le ministre de la Sécurité publique et les porte-parole de la Sûreté du Québec et des Forces armées canadiennes.

Certains ont toutefois souligné que les points de presse ne rejoignaient pas les sinistrés qui étaient privés de télévision et n’avaient accès, au mieux, qu’à la radio.

Les relations avec les municipalités

Hydro-Québec possède une structure décentralisée, encadrée par des politiques, des normes et des procédures. Elle ne possède pas de plan d’urgence général. Chacun des groupes possède son propre plan répondant à la politique et aux normes en vigueur. Par exemple, TransÉnergie s’occupe des équipements de transport, Distribution s’occupe de la clientèle et du réseau de distribution et Production est responsable du plan d’urgence des barrages352.

Pour assurer la coordination entre les groupes ainsi que la gestion des demandes municipales et de l’information à leur transmettre, Hydro-Québec s’est donné des mécanismes et a participé à diverses opérations :

• dans chaque région, une équipe de relations avec les autorités gouvernementales et municipales, en service 24 heures sur 24, diffusait quotidiennement de l’information sur le rétablissement, répondant aux questions des maires, députés, responsables des mesures d’urgence, etc. Ces équipes était en contact quotidien avec le service de sécurité industrielle qui assurait le lien avec les FAC et la DSC ;

• Hydro-Québec a entrepris de contacter les municipalités par téléphone dès les premières heures de la tempête de verglas pour obtenir les renseignements nécessaires à la confection du portrait de l’organisation des mesures d’urgence municipale. Elle a aussi téléphoné aux centres de services aux sinistrés pour donner les coordonnées des services d’Hydro-Québec. Cette démarche a été d’une efficacité douteuse, puisque Hydro-Québec n’a pas réussi à rejoindre plusieurs municipalités ;

• sur l’île de Montréal, le directeur régional d’Hydro-Québec participait aux conférences téléphoniques réunissant les maires des 29 municipalités de la CUM pour faire le point sur l’état de la situation.

Hydro-Québec jugeait impossible de procéder par le seul canal de la DSC pour entrer en contact avec les municipalités. Dans le groupe Distribution, c’est par le biais de son service à la clientèle et de son réseau de contacts plus ou moins formel que se faisait le lien avec le terrain et principalement avec les municipalités.

À la demande de la DSC, qui préparait le programme d’assistance financière aux sinistrés, Hydro-Québec a dressé, le 10 janvier, une liste des municipalités où elle ne prévoyait pas être rétablir le service avant sept jours. La distribution de cette liste a créé des difficultés parce que de nombreuses municipalités n’y étaient pas incluses353. Ces dernières étaient en effet alimentées par de simples artères provenant de circuits de distribution plus importants. Elles n’apparaissaient pas nommément dans les données techniques d’Hydro-Québec. De plus, comme cette liste ne contenait que les municipalités de la Montérégie, les autres régions se sont senties oubliées. Cette liste fut modifiée le 14 janvier pour y inclure toutes les régions affectées.

Les critiques des municipalités à l’endroit d’Hydro-Québec ont été nombreuses. Outre celles engendrées par la publication de la première liste ci-dessus, les plaintes les plus fréquentes furent les suivantes :

• la difficulté de savoir quand l’électricité serait rétablie ;

• le non-respect des dates de rebranchement annoncées, engendrant de faux espoirs suivis de frustrations ;

• le manque de spécificité des communiqués d’Hydro-Québec, plusieurs municipalités se sentant oubliées ;

• des contradictions ou de la confusion entre l’information d’Hydro-Québec fournie par les médias et celle obtenue auprès des responsables locaux354.

353. Ministère de la Sécurité publique, op. cit., note 228, 53 p.

354. Mémoires présentés à la Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], 1998, par : Municipalité de Sainte-Barbe, 4 p. ; Municipalité du village de Roxton Falls, 7 p. ; Ville de Saint-Lambert, 23 p. ; Ville de Châteauguay, 14 p.

Plus généralement, comme l’a fait valoir, entre autres, l’Union des municipalités du Québec :

«Plusieurs municipalités ont déploré les efforts déployés par Hydro-Québec pour gérer médiatiquement cette crise au détriment des instances municipales. En effet, ces dernières, intervenantes au premier plan auprès des populations, ont été privées d’informations pertinentes à une meilleure gestion de la crise dans leur milieu. Par exemple, l’échange d’informations relatives aux dates de rebranchement ou la collaboration pour la définition des priorités de raccordement se sont avérés difficiles, voire inexistants355».

Dans d’autres cas, les responsables municipaux n’ont eu que des félicitations à l’endroit d’Hydro-Québec. Dans plusieurs de ces cas, l’équipe de coordination d’urgence d’Hydro-Québec était située à proximité de la municipalité ou sur son territoire, ce qui a facilité les communi-cations356.

Le sinistre du verglas a permis de constater que la structure de communication d’urgence d’Hydro-Québec avec les municipalités, fondée sur les équipes de communication situées dans les CUR, a été débordée par les demandes d’information. Les unités plus petites, district et secteur, étaient également en contact avec les équipes municipales, d’où des difficultés d’arrimage entre les informations fournies par l’entreprise. Par ailleurs, les noms désignant les postes, les réseaux et les lignes d’Hydro-Québec diffèrent de la toponymie officielle et des noms que les citoyens entendent et utilisent tous les jours. Ces différences ont engendré des confusions. Certaines municipalités ont dû s’adresser à plusieurs gestionnaires pour obtenir de l’information puisque leurs citoyens sont alimentés par des postes situés dans deux régions distinctes, selon le découpage territorial d’Hydro-Québec.

Enfin, Hydro-Québec n’est pas outillée pour connaître la localisation exacte des pannes affectant le réseau de distribution. Elle doit en être prévenue par l’abonné privé de courant. Pour cette raison, elle ne pouvait répondre avec précision aux questions relatives aux causes des pannes et aux délais de rétablissement. Hydro-Québec compte y remédier à moyen terme, notamment par l’identification des abonnés en fonction du transformateur auquel ils sont rattachés, afin

« d’assurer l’information sur les causes des interruptions, l’évolution des travaux et les prévisions de rétablissement357».

355. Union des municipalités du Québec, mémoire présenté à la Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], 1998, p. 9.

356. Mémoires présentés à la Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], 1998, par : Ville de Saint-Basile-le-Grand, 42 p. ; Ville de Farnham, 15 p.

357. Hydro-Québec, Présentation à la Commission de M. Yves Filion, directeur-général adjoint, 1998.

Les principaux constats sur l’information communiquée par hydro-québec

Faute d’une structure préétablie pour communiquer les renseignements nécessaires à la gestion de l’intervention lors du sinistre du verglas, l’information reçue de la direction centrale d’Hydro-Québec par les municipalités ne concordait pas avec celle fournie par les ressources sur le terrain.

La communication de l’information était orientée vers la télévision, alors que les populations sinistrées ne disposaient la plupart du temps que de la radio.

De la part des municipalités, les critiques les plus fréquentes à l’endroit d’Hydro-Québec sont la difficulté de savoir quand l’électricité serait rétablie, le non-respect des dates de rebranchement annoncées, le manque de spécificité des communiqués et les contradictions entre l’information d’Hydro-Québec fournie par les médias et celle obtenue auprès des responsables locaux.

Les différences entre les désignations en usage à Hydro-Québec et les appellations familières aux citoyens ont engendré de la confusion et conduit à l’oubli de certaines municipalités.

Faute de connaître la localisation exacte des pannes affectant le réseau de distribution, Hydro-Québec ne pouvait répondre avec précision aux questions des municipalités sur le rétablissement du courant.

Dans le document La sécurité civile (Page 123-127)