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La Direction de la sécurité civile

Dans le document La sécurité civile (Page 66-70)

L’ÉTAT DE LA SÉCURITÉ CIVILE AVANT LA TEMPÊTE DE VERGLAS

3.2 L’état de préparation à la veille du verglas

3.2.1 La Direction de la sécurité civile

Compte tenu de son implication dans de nombreux sinistres, comme les incendies de Saint-Basile-le-Grand et de Saint-Amable ou les inondations du Saguenay, on pourrait s’attendre à ce qu’elle affiche un des meilleurs états de préparation en sécurité civile. Un examen plus attentif révèle cependant d’importantes lacunes.

Les responsabilités inhérentes au mandat de la DSC

Le rapport de débriefing préparé par l’ÉNAP147 au lendemain du sinistre du verglas recommande que les attentes vis-à-vis du MSP soient précisées et le rôle des intervenants membres de l’OSCQ clarifié. Ce rapport note des lacunes de divers ordres, depuis le manque d’intégration des plans d’urgence des ministères et organismes membres de l’OSCQ jusqu’à l’absence d’une liste des équipements disponibles et des centres de services aux sinistrés éventuels. La DSC ne prépare ni plans de mobilisation régionaux, ni exercices. À l’occasion, ses conseillers en sécurité civile participent à des exercices ou à des simulations organisés par des municipalités ou par des entreprises industrielles.

Il n’y pas de plan de mesures d’urgence propre à la DSC, bien qu’il existe un plan d’urgence du gouvernement148 et un autre pour le MSP149, comme on l’a souligné à la sous-section 2.4. On a également signalé, dans les sous-sous-sections 2.2 et 2.3, que le sous-ministre associé à la sécurité et à la prévention consacre à peu près le quart de son temps à la DSC150. Il joue pourtant le rôle de coordonnateur de l’OSCQ en cas de sinistre, alors que le directeur de la DSC agit comme coordonnateur ministériel du MSP dans l’OSCQ.

La DSC ne possède pas de portrait des milieux régionaux151 qui en présenterait les statistiques de base, les attributs fondamentaux et les caractéristiques à considérer dans une perspective de prévention et de préparation. Ceux qui existent ont été développés par les

147. École nationale d’administration publique, Rapport de débriefing de l’Organisation de Sécurité civile du Québec suite à la tempête de verglas de janvier 1998, Québec, 1998, 66 p.

148. Ministère de la Sécurité publique, op. cit., note 58.

149. Ministère de la Sécurité publique, op. cit., note 32.

150. Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], Enquête par entrevues semi-dirigées avec des représentants d’organisations publiques et privées (un intervenant de la DSC), 1998.

151. Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, mémoire présenté à la Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], 1998, p. 18.

directions régionales de santé publique, pour leurs propres besoins. La DSC ne possède pas non plus d’analyses de vulnérabilité du territoire en fonction de menaces potentielles. Il existe quelques cartes de risques météorologiques, de risques sismiques ou de risques d’inondations et de glissements de terrain, mais ces cartes ne sont pas diffusées aux intervenants municipaux. Ces sources d’information utiles ne sont pas connues non plus de certains conseillers de la DSC en région.

Enfin, la DSC n’a pas de plan d’urgence à l’échelle du Québec ou des régions. Il est difficile de cerner les fonctions qui seront exercées directement par la DSC en cas de sinistre. Par ailleurs, celle-ci se fie à ses partenaires de l’OSCQ pour subvenir à ses besoins en cas de sinistre.

Ainsi, contrairement à d’autres comme le MEF et la Sûreté du Québec, elle ne possède pas d’unité ou de poste de commandement mobile à déployer sur place pour coordonner les efforts gouvernementaux.

L’encadrement et le recrutement du personnel

Même si cela ne met pas nécessairement en cause la compétence de ses ressources, la DSC ne possède pas de cadre spécifique pour le recrutement et la formation des membres de son personnel. Ceux-ci proviennent le plus souvent de divers ministères et organismes gouvernementaux. Il n’existe pas de grille de sélection pour s’assurer qu’ils ont la formation ou la compétence requise. Par ailleurs, le programme d’accueil des nouveaux employés a été aboli.

Il n’y a pas non plus de programme de formation continue pour le personnel. En fait, les conseillers acquièrent leur savoir-faire à la faveur d’une expérience de terrain de plusieurs années. Dès lors, les nouveaux conseillers peuvent difficilement contribuer de façon significative à la planification d’urgence des municipalités, surtout s’ils sont en face d’employés municipaux affectés de façon soutenue à la sécurité civile.

Le problème d’encadrement s’est aggravé avec les changements fréquents de hauts fonctionnaires et les départs assistés des dernières années, qui ont contribué à l’érosion de la culture et de la mémoire organisationnelle. Ainsi, en novembre 1998, le ministre et le sous-ministre associé à la sécurité et à la prévention ont quitté leurs fonctions presque au même moment, le premier pour devenir directeur de la Sûreté du Québec, l’autre vice-président de la Régie des alcools, des courses et des jeux. Quant à l’actuel directeur de la DSC, il est entré en fonction il y a quelques mois.

En fait, depuis 1996, la DSC a eu quatre directeurs. En moins de dix ans, elle a connu sept ministres, quatre sous-ministres et cinq sous-ministres associés. À la longue, la multiplication des départs et des arrivées mine la crédibilité de la DSC vis-à-vis ses partenaires. Elle entretient l’incertitude quant à la continuité du service et au développement de l’organisation et affecte sa capacité de développer des relations fructueuses avec ses partenaires.

3.2.2 Les ministères de l’OSCQ

Les mandats des ministères en matière de sécurité civile sont propres à chacun et varient selon leur mission. Selon le Manuel de base de la DSC152, tous les ministères faisant partie de l’OSCQ ont des fonctions en ce domaine. Ils doivent notamment planifier la sécurité civile dans leur propre organisation et établir des liens entre les paliers territoriaux de leur structure. Ils doivent

152. Ministère de la Sécurité publique, op. cit., note 35, p. 120 et suiv.

collaborer avec la DSC à la planification de la sécurité civile à la grandeur du Québec et avec Communication-Québec pour ce qui touche les activités de communication. Ils ont à former leur personnel, reconnaître et soutenir les associations de bénévoles liées à leur champ d’activité et établir des ententes de services avec des ressources privées ou bénévoles153. Les unités régionales des ministères et organismes membres de l’OSCQ sont également membres d’un comité régional de planification en matière de sécurité civile, présidé par la DSC.

En général, l’état de préparation de chaque ministère est étroitement lié à ses activités régulières. On remarque une meilleure préparation des ministères appelés à intervenir en situation d’urgence de façon régulière, comme le MTQ, le MEF et le MAPAQ. Par exemple, le MEF intervient lors de déversements de produits dangereux et le MRN dans le cas de feux de forêt. Leur degré de préparation est fonction de la fréquence et de la nature de leurs interventions.

Les ministères qui accompagnent le plus souvent la DSC à l’occasion d’un sinistre réalisent l’essentiel de leur préparation à partir de l’expérience acquise d’un sinistre à l’autre.

Par contre, les ministères à mission plus administrative paraissent moins préoccupés de mesures d’urgence et affichent une préparation moindre. Ainsi, une direction régionale d’un ministère membre de l’OSCQ disait ne pas posséder de plan de mesures d’urgence mais plutôt un cadre d’intervention succinct remontant à plusieurs années et probablement désuet154.

L’approche des ministères

Afin de mieux identifier les situations en vue desquelles les ministères doivent se préparer, leurs plans contiennent un inventaire des principaux risques et de l’impact possible sur leur domaine d’activité. L’ordre de priorité des risques est fondé en grande partie sur l’historique et l’impact des sinistres connus155. Il n’y pas d’analyse concertée des risques entre les ministères. Voici quelques exemples de l’approche des ministères :

• Pour le MTQ, les infrastructures routières sont menacées par les tremblements de terre dans Charlevoix, par les inondations en Estrie, ou par les glissements de terrains sur la Côte-Nord156. Cela donne un ordre de priorité des risques différent pour chaque région. Le MTQ a identifié 20 types d’urgences pour lesquelles il procède à des études de vulnérabilité à l’échelle de ses directions territoriales. Certaines sont terminées. Ces études consistent à « localiser les endroits à risque de façon à identifier les éventuelles voies de déviation et de déterminer le positionnement des panneaux de signalisation indiquant celles-ci»157.

153. Ibid.

154. Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], Enquête par entrevues semi-dirigées avec des représentants d’organisations publiques et privées (un intervenant du MSP), 1998.

155. Ministère de l’Environnement et de la Faune, op. cit., note 91 ; Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], Enquête par entrevues semi-dirigées avec des représentants d’organisations publiques et privées (un intervenant du MTQ et du MEF).

156. Ministère des Transports du Québec, mémoire présenté à la Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], 1998, 82 p.

157. Ibid., p. 20-37.

• Le plan d’urgence du MEF prévoit l’inventaire des risques auxquels le ministère est susceptible de répondre le plus fréquemment et qui concernent le plus directement les activités du ministère158. Le plan d’urgence du MEF ne prévoit pas d’ordre de priorité variant d’une région à l’autre. Pour chacun des risques, différentes directions du ministère sont mobilisées selon leurs domaines de spécialisation. L’ensemble des intervenants du MEF sont considérés comme faisant partie d’Urgence-Environnement. Ce groupe dispose d’un fonds d’intervention pour la lutte contre les accidents environnementaux avec des budgets pour certains travaux d’urgence.

• Le MRN a structuré son plan d’urgence en fonction de ses secteurs d’activité : énergie, forêts, mines, terres et Forêt Québec, une unité autonome récemment créée159. Selon les secteurs, la contribution du ministère peut varier du simple envoi d’experts jusqu’à une intervention opérationnelle plus complète comme c’est le cas lors d’incendies de forêt160. Dans ce dernier cas, le MRN agit de concert avec la SOPFEU161, un organisme sans but lucratif qui agit directement pour prévenir, détecter et éteindre les feux sur le territoire qui lui est confié162.

L’inventaire des risques étant différent pour chacun des ministères, le degré de préparation varie selon l’ordre de priorité que chacun s’est donné et non en fonction d’un inventaire de risques communs pour un territoire donné. De plus, chaque ministère se prépare avec le souci d’utiliser ses propres ressources le plus efficacement possible pour exécuter rapidement les opérations qui font partie de sa mission.

Par ailleurs, dans la plupart des ministères, les employés ont peu de formation en sécurité civile. Celle qu’offre un ministère touche d’abord son champ de compétence. Par exemple, le personnel du MEF reçoit des cours sur l’intervention en cas de déversement de produits pétroliers ou de produits chimiques. De l’aveu même de plusieurs gestionnaires, même si leurs ministères sont prêts à intervenir dans les sinistres relevant de leur compétence, ils ne se sentent pas la responsabilité d’assurer une préparation globale contre les sinistres de toute nature. Pour eux, il s’agit là d’une mission de sécurité civile qui relève d’abord et avant tout de la DSC163, à l’égard de laquelle ils assumeront un rôle de support si celle-ci le demande.

158. Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], Enquête par entrevues semi-dirigées avec des représentants d’organisations publiques et privées (un intervenant du MEF), 1998 ; Ministère de l’Environnement et de la Faune, op. cit., note 91. Dans la version de décembre 1996 déposée à la Commission, le plan d’urgence du MEF énumérait les fiches d’intervention disponibles pour onze situations : déversement de contaminants en général, fuite de gaz et risques d’intoxication respiratoire, déversement ou infiltration d’hydrocarbures atteignant les égouts, déversement de purin ou lisier, déversement maritime majeur, rupture ou menace de rupture d’un ouvrage hydraulique géré par le MEF, inondation, mouvement de terrain, carcasse de mammifères marins, mortalité massive de poissons, pénurie d’eau potable. D’autres fiches sont en préparation.

159. Ministère des Ressources naturelles, présentation à la Commission de M. Jean-Paul Beaulieu, sous-ministre, 1998.

160. Ibid.

161. Ministère des ressources naturelles, Plan des mesures d’urgence, 102 p.

162. M.-C. THERRIEN, Pragmatisme et modèle systémique pour la compréhension des processus de gestion des feux de forêts : apprentissage et expérience lors d’événements complexes, thèse de doctorat, 1998, 155 p.

163. Commission scientifique et technique [verglas de janvier 98], Enquête par entrevues semi-dirigées avec des représentants d’organisations publiques et privées (un intervenant du MRN), 1998. ; Ministère de l’Environnement et de la Faune, op. cit., note 91, p. 2-2.

Les conséquences de l’approche

La préparation des ministères est sectorielle, chacun se préparant en fonction de son seul champ de compétence. En second lieu, elle oriente la préparation des ministères en fonction des situations d’urgence ou des sinistres déjà vécus. L’état de préparation des ministères s’en ressent évidemment.

Certes, cette approche permet à chacun de planifier l’utilisation optimale de ses ressources et de son expertise. L’effort est orienté vers la réalisation d’objectifs bien connus qui font partie du mandat de l’organisation. Par contre, l’approche empêche l’utilisation globale et intégrée des ressources gouvernementales en fonction de leur disponibilité et de leur accessibilité, quel que soit le ministère d’où elles proviennent. En effet, lorsqu’un risque n’entre pas dans le champ d’activité d’un ministère ou d’un organisme, ce risque n’est pas systématiquement porté à l’attention de la DSC. Dès lors, s’il survient un sinistre qui ne concerne pas directement l’un d’entre eux, ni les ministères, ni la DSC ne savent de quelle façon utiliser le plus efficacement les ressources. Souvent, comme ce fut le cas lors du sinistre du verglas, l’OSCQ « oublie » d’envisager leur utilisation au bénéfice des autres ministères plus directement mobilisés par le sinistre.

Par exemple, le MRN et la SOPFEU peuvent mobiliser une grande quantité de ressources réparties sur l’ensemble du territoire : hélicoptères, camions, voitures, postes de commandement mobiles, réseau de veille et d’alerte, systèmes de communication radio, ingénieurs, techniciens, etc. Or, le plan d’urgence du MRN ne prévoit la mobilisation de ces ressources que pour combattre les feux de forêts. Pourtant, de l’avis même des gestionnaires du ministère, en dehors des périodes de danger d’incendies de forêt, ces ressources pourraient avantageusement être mises au service de l’OSCQ. Il en serait de même pour les ressources du secteur des mines164.

De même, le MEF emploie environ 500 agents de conservation de la faune, qui ont statut d’agents de la paix. Ces agents pourraient seconder les policiers en cas de sinistre, par exemple en patrouillant les quartiers ou en faisant la tournée des résidences. Pourtant, il n’est pas prévu de les utiliser et, selon le syndicat des agents de conservation, on n’a fait appel qu’à 4 % d’entre eux lors du sinistre du verglas165. Or, de l’avis d’un responsable du ministère, ils auraient fort bien pu intervenir davantage à cette occasion, ce qui aurait assuré une relève et dégagé de nombreux policiers et militaires166.

Il ressort aussi de ce qui précède que plusieurs ministères paraissent mieux préparés à un sinistre que la DSC, du moins en regard des risques touchant leur champ d’activité et cela, même s’ils considèrent la sécurité civile comme accessoire. En contrepartie, bien qu’elle soit investie du leadership de la sécurité civile, la DSC ne dispose pas de tous les moyens et de toutes les ressources nécessaires pour accomplir sa mission en ce qui concerne la préparation.

Dans le document La sécurité civile (Page 66-70)