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Les multinationales, incarnation du potentiel économique arctique à travers l’exemple des ressources naturelles

PARTIE II : La structure hybride de la coopération arctique, un processus de régionalisation internationalisée de régionalisation internationalisée

SECTION 2 : La présence grandissante des acteurs non étatiques

3. Les multinationales, incarnation du potentiel économique arctique à travers l’exemple des ressources naturelles

3.1. La richesse des ressources minérales arctiques 3.1.1. Le potentiel des hydrocarbures

En incluant l’ensemble de leurs territoires et zones maritimes, les Etats riverains de l’océan Arctique font partie des plus grands producteurs de pétrole et de gaz dans le monde.

TABLEAU N° 1 : RESERVES TOTALES PROUVEES DE PETROLE (en milliards de barils de pétrole)

1996 2006 2015 2016 Total 1148,8 1388,3 1691,5 1706,7 Canada 48,9 179,4 171,5 171,5 Danemark 0,9 1,2 0,5 0,4 Etats-Unis 29,8 29,4 48 48 Norvège 11,7 8,5 8 7,6 Russie 113,6 104 102,4 109,5

Source : BP. BP Statistical Review of World Energy 2017. Londres, juin 2017, 66e édition, 52 p.

En ce qui concerne l’Arctique à proprement parler, suivant des estimations de l’Institut d’études géologiques des Etats-Unis de 2008, 22 % des ressources mondiales non découvertes mais exploitables techniquement se trouveraient dans cette région qui couvre 6 % de la superficie mondiale (13 % des réserves mondiales de pétrole, 30 % des réserves de gaz, et 20 % de gaz

TABLEAU N° 2 : RESERVES TOTALES PROUVEES DE GAZ NATUREL (en billions de mètres cubes)

1996 2006 2015 2016

Total 123,5 158,5 185,4 186,6

Canada 1,9 1,6 2,2 2,2

Danemark 0,1 0,1 moins de 0,05 moins de 0,05

Etats-Unis 4,7 6 8,7 8,7

Norvège 1,5 2,3 1,9 1,8

Russie 30,9 31,2 32,3 32,3

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naturel liquéfié).491 Un tiers des hydrocarbures se trouveraient sur les terres, un tiers en offshore dans des eaux à moins de 500 mètres de profondeur et le tiers restant dans des eaux à plus de 500 mètres de profondeur.492 En 2011, les estimations d’hydrocarbures découvertes et non découvertes sont évaluées à 70 milliards de tonnes d’équivalent pétrole, dont uniquement 7 milliards ont été découverts. L’Arctique produit 10 % du pétrole et 25 % du gaz dans le monde493, ce qui a d’autant plus d’importance que comme l’explique Erling Kvadsheim, directeur des affaires internationales de Norwegian Oil and Gas, « The oil and gas sector is the

world's primary energy industry. »494

491 STAUFFER, Peter H. (ed.). « Circum-Arctic Resource Appraisal: Estimates of Undiscovered Oil and Gas North of the Arctic Circle. » U.S. Geological Survey. USGS Fact Sheet 2008-3049, 2008, 4 p. Disponible sur : https://pubs.usgs.gov/fs/2008/3049/fs2008-3049.pdf.

492 Ernst & Young. Arctic oil and gas. 2013, 15 p.

493 CHAUVET, Victor. Russia, China & the Arctic: Competitions, cooperations & geo-economics. Power dynamics & regional integration process in the Russian Far East. Saarbrücken : LAP LAMBERT, 2017, 127 p.

494 Entretien avec Erling Kvadsheim, directeur des affaires internationales, Norwegian Oil and Gas (13 juin 2017).

TABLEAU N° 3 : PRODUCTION TOTALE DE PETROLE (en milliers de barils de pétrole par jour)

2006 2012 2015 2016 Total 82519 86183 91704 92150 Canada 3208 3740 4389 4460 Danemark 346 204 158 142 Etats-Unis 6825 8894 12757 12354 Norvège 2772 1917 1948 1995 Russie 9819 10642 10981 11227

Source : BP. BP Statistical Review of World Energy 2017. Londres, juin 2017, 66e édition, 52 p.

TABLEAU N° 4 : PRODUCTION TOTALE DE GAZ NATUREL (en milliards de mètres cubes)

2006 2012 2015 2016 Total 2876,7 3352,3 3530,6 3551,6 Canada 171,7 141,1 149,1 152 Danemark 10,4 5,7 4,6 4,5 Etats-Unis 524 680,5 766,2 749,2 Norvège 88,7 114,7 117,2 116,6 Russie 595,2 592,3 575,1 579,4

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Cette lecture globale des ressources en Arctique cache une hétérogénéité prononcée dans leur répartition. Plus de 70 % des réserves de pétrole se trouvent dans l’Alaska arctique, le bassin Amérasie, le bassin de l’Est du Groenland, le bassin de Barents de l’Est, ainsi que la zone entre l’Ouest du Groenland et l’Est du Canada. Pour les réserves de gaz, plus de 70 % se trouvent dans le bassin Ouest de la Sibérie, dans le bassin de Barents de l’Est et dans l’Alaska North Slope.495

La Russie se présente comme le géant des ressources dans la région. La seule Sibérie contiendrait 7 % des réserves de ressources connues, soit 9 % de charbon, 10 % de pétrole et 30 % de gaz naturel. La Russie a produit 534 millions de tonnes de pétrole et de gaz en 2015.496 L’industrie des hydrocarbures représente 10 % du PIB russe, mais 50 % de ses revenus.497 James Henderson souligne que la production et l’exportation du pétrole sont vitales pour la Russie. En 2013, le pétrole contribue à hauteur de 45 % aux revenus du budget total.498 Les réserves d’hydrocarbures dans les eaux russes seraient de 418 millions de tonnes de pétrole, soit 3 milliards de barils de pétrole et de 7,7 de tonnes de mètres cubes de gaz. Les réserves non découvertes pourraient atteindre 9,24 milliards de tonnes de pétrole, soit 67,7 milliards de barils de pétrole, et 88,3 tonnes de mètres cubes de gaz.499 Deux tiers de la production russe de pétrole et de gaz viennent du Nord du cercle arctique. Les plus grands bassins sont la mer de Kara, la mer de Barents, la mer d’Okhotsk, la mer de l’Est de la Sibérie et la mer des Laptev. Selon les estimations, la Russie détient 58 % des hydrocarbures de la région. 250 milliards de barils d’équivalent pétrole se trouveraient dans la mer de Barents, la mer de Petchora, la mer de Kara, au large de la péninsule de Yamal et de la péninsule de Gydan.500 Les ressources russes en gaz se trouvent surtout en offshore, ce qui augmente les coûts d’exploitation. Néanmoins, elles se situent surtout dans des bassins moyennement profonds, à moins de 500 mètres de profondeur.

495 Sur les répartitions des réserves voir : PERRY, Charles M., ANDERSEN, Bobby. New Strategic Dynamics in the Arctic Region. Implications for National Security and International Collaboration. The Institute for Foreign Policy Analysis, 2012, 190 p.

496 CHAUVET, Victor. Op. cit., 127 p.

497 Ibid.

498 HENDERSON, James. « Key Determinants for the Future of Russian Oil Production and Exports. » The Oxford Institute for Energy Studies, avril 2015, 55 p. Disponible sur : https://www.oxfordenergy.org/wpcms/wp-content/uploads/2015/04/WPM-58.pdf.

499 COHEN, Ariel. « Russia in the Arctic: Challenges to U.S. Energy and Geopolitics in the High North. » in BLANK, Stephen J (ed.). Russia in the Arctic. Carlisle : Strategic Studies Institute, 2011, p. 1-42. Le plus grand dépôt possible en offshore de 586 milliards de baril de pétrole serait situé dans la zone revendiquée par la Russie PERRY, Charles M., ANDERSEN, Bobby. Op. cit., 190 p.

500 SIMONET, Loïc. « Les hydrocarbures de l’Arctique : Eldorado ou chimère ? » Géoéconomie. 2016/5, n° 82, p. 73-98.

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La Russie fait partie des plus grands exportateurs de gaz et de pétrole dans le monde. L’exploitation de nouveaux gisements en Arctique est nécessaire pour répondre à l’épuisement progressifs des gisements déjà en exploitation. Cette situation explique la croissance de la production dans les grandes régions riches en hydrocarbures. Par rapport à 2015, la production de pétrole dans les régions de Iamalie, de Nénétsie et de la République des Komis a progressé de plus de 17 %, atteignant 57,6 millions de tonnes.501 Sur les six premiers mois de l’année 2017, Sergueï Frank, le directeur général de Sovcomflot, explique que les progrès techniques ont permis de transporter 20 millions de tonnes de pétrole brut depuis l’Arctique.502

Les Etats-Unis, à travers l’Alaska, sont la deuxième puissance dans l’exploitation des ressources en Arctique. D’un point de vue général, cet Etat devient le premier producteur de gaz et de pétrole à la fin des années 2010. Si le marché énergétique américain a subi des évolutions majeures, notamment avec ses ressources en gaz de schiste et son potentiel pétrolier dans d’autres régions comme le golfe du Mexique, la production de pétrole en Alaska augmente entre 2014 et 2017, après une longue période de baisse.503 Les hydrocarbures représentent 80 à 90 % du budget de cet Etat américain. Dès lors, la position américaine sur l’exploitation des ressources dans sa zone arctique manque de clarté. Malgré un intérêt affiché de certaines compagnies comme Shell et le soutien de la part des autorités d’Alaska pour permettre une exploitation dans le Refuge national arctique de la faune sauvage, les autorités fédérales se sont montrées plus réticentes sous la présidence de Barack Obama en instaurant un moratoire sur la majorité des licences attribuées sur l’offshore entre 2017 et 2022, hormis dans le golfe de Cook. Fin 2017, le forage dans le Refuge national arctique de la faune sauvage est à nouveau autorisé, sous la présidence de Donald Trump.

L’enjeu est majeur au vu des réserves possibles en Alaska. Les réserves non découvertes pourraient être de plus de 27 milliards barils de pétrole et 119 millions de mètres cubes de gaz.504 Le Refuge national arctique de la faune sauvage contient 10,4 milliards de barils de pétrole, la mer de Beaufort 6,94 milliards de barils pétrole ainsi que 2,97 billions de mètres

501 Atle STAALESEN. « Big growth for Russian Arctic oil ». The Independent Barents Observer. 6 février 2017. https://thebarentsobserver.com/en/industry-and-energy/2017/02/big-growth-russian-arctic-oil. [Consulté le 8 février 2017].

502 Atle STAALESEN. « Record oil volume shipped out of Russian Arctic, says company ». Eye on the Arctic. 11 juillet 2017. http://www.rcinet.ca/eye-on-the-arctic/2017/07/11/record-oil-volumes-shipped-out-of-russian-arctic/. [Consulté le 12 juillet 2017]. Voir également : COHEN, Ariel. Op. cit., p. 1-42.

503 Alex DEMARBAN. « After a long decline, Alaska expects third straight year of increased oil production ». The Independent Barents Observer. 26 octobre 2017. https://thebarentsobserver.com/en/industry-and-energy/2017/08/more-french-oilmen-needed-russian-arctic-coast. [Consulté le 28 octobre 2017].

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cubes de gaz naturel, et la mer des Tchouktches 15,4 milliards de barils de pétrole et 7,15 billions de mètres cubes de gaz.505 Suivant le rapport de l’Institut d’études géologiques des Etats-Unis, 23 milliards de barils de pétrole techniquement possible à exploiter et 10 billions de mètres cubes de gaz sont présents sur le plateau continental dans la mer de Beaufort et la mer des Tchouktches.

Au Canada, les réserves d’hydrocarbures les plus importantes se trouvent dans la mer de Beaufort et le delta de Mackenzie. 1,7 milliards de barils de pétrole et 880 milliards de mètres cubes de gaz seraient présents dans l’Arctique canadien, mais l’exploration n’en est qu’à ses débuts, d’autant plus qu’un moratoire similaire à celui aux Etats-Unis a été établi. Cette politique n’est quant à elle pas suivie par le Groenland, qui poursuit la prospection de pétrole. L’exploitation du pétrole y est perçue comme une base pour l’indépendance. Cairn Energy découvre des réserves de pétrole au Groenland en 2010. Des licences sont attribuées à Statoil, ConocoPhillips, Nunaoil et BP.

En Norvège, le gaz et le pétrole représentent une part considérable du budget. En 2014, 7,46 milliards de mètres cubes de gaz sont produits au Nord du cercle arctique. En 2014, le gisement de Snøhvit produit 5,2 milliards de mètres cubes de gaz, plus importante production depuis le début de l’exploitation en 2007.506 Sur le quatrième quart de 2017, Statoil réalise un profit de 4 milliards de dollars.507 La mer de Barents renfermerait 30 % du pétrole non découvert et 43 % des ressources de gaz non découvertes de la Norvège. Selon des études réalisées en 2017, la zone à l’Est du Svalbard contiendrait 1,4 milliards de mètres cubes d’équivalent pétrole, ce qui doublerait le potentiel pétrolier de la Norvège dans la mer de Barents.508

505 CLAES, Dag Harald, MOE, Arild. « Arctic petroleum resources in a regional and a global perspective. » in OFFERDAL, Kristine, TAMNES, Rolf (eds.). Geopolitics and Security in the Arctic. Regional dynamics in a global world. New York : Routledge, 2014, p. 97-120. ; COHEN, Ariel. Op. cit., p. 1-42. ; HOSSAIN, Kamrul, KOIVUROVA, Timo, ZOJER, Gerald. « Understanding Risks Associated with Offshore Hydrocarbon Development. » in CAVALIERI, Sandra, KRAEMER, R. Andreas, TEDSEN, Elizabeth (eds.). Arctic Marine Governance. Opportunities for Transatlantic Cooperation. Milton Keynes : Springer, 2014, p. 159-176.

506 Atle STAALESEN. « In Arctic, Norway steps on the gas ». The Barents Observer. 25 mars 2015. http://barentsobserver.com/en/energy/2015/03/arctic-norway-steps-gas-25-03. [Consulté le 26 mars 2015].

507 Elisabeth BERGQUIST. « Statoil Reports Record High 2017 Figures ». High North News. 7 février 2018. http://www.highnorthnews.com/statoil-reports-record-high-2017-figures/. [Consulté le 8 février 2018].

508 Thomas NILSEN. « Norway doubles Arctic oil estimates ». The Independent Barents Observer. 25 avril 2017. https://thebarentsobserver.com/en/industry-and-energy/2017/04/norway-doubles-arctic-oil-estimates. [Consulté le 25 avril 2017].

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ENCADRE N° 2 :