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ENCADRE N° 1 : LES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN ARCTIQUE EN CHIFFRES

Les températures

L’augmentation des températures moyennes depuis la moitié du XXe siècle est due à 90 % à l’augmentation des émissions des gaz à effet de serre anthropiques. Suivant les données du XXe siècle, la tendance au réchauffement climatique sur de grandes parties de l’Arctique serait d’au moins 5° C. Jusqu’en 2011, les années de 2005 à 2011 sont les six années les plus chaudes en Arctique depuis 1880. La période entre 2011 et 2015 est la période la plus chaude depuis 1900. La température moyenne de janvier 2016 est de 5° C supérieure à la moyenne pour ce mois entre 1981 et 2010. Ce record est supérieur de 2° C au précédent de 2008. Au Groenland, le réchauffement est 1 à 3 fois supérieur à la moyenne globale. Réchauffement de 3 à 4° C en hiver sur les 50 dernières années en Alaska et dans le Canada de l’Ouest.

Pour les 100 ans à venir, le scénario avec des émissions modérées projette des températures annuelles moyennes de 3 à 5° C plus élevées sur les terres et 7° C au-dessus des océans. La température moyenne automne-hiver doit augmenter de 3 à 6° C d’ici 2080.

La banquise

Diminution de la surface des glaces de 10 à 15 % sur les derniers 50 ans. -2,9 % par décennie entre 1978 et 1996. Réduction de la superficie de la banquise : moyenne annuelle de 8 % sur les 30 dernières années. Pour 2100, les prévisions projettent une diminution entre 10 et 50 %. Réduction annuelle de 50 gigatonnes de la masse de la nappe glaciaire entre 1995 et 2000. Passant à environ 200 gigatonnes entre 2004 et 2008. Masse de la banquise près de 1/3 inférieure à la moyenne observée en été sur la période de 1979 à 2000. Entre 1979 et 2000, la superficie moyenne de la banquise en été est de 6,71 millions de km2. En septembre 2007, elle est de 4,17 millions de km2. En septembre 2012, 3,4 millions de km2. Superficie moyenne en hiver de 15,51 millions de km2 entre 1981 et 2010. Superficie de 14,63 millions de km2 en 2011. Les mesures de l’épaisseur de la glace sont effectuées dans l’océan Arctique dès 1958. Réduction de l’épaisseur moyenne de la glace en hiver de 3,64 m en 1980 à 1,89 m en 2008. A la moitié des années 1980, la glace pluriannuelle représente 75 % de la banquise. En 2011, elle représente 45 %.

Projection d’un océan Arctique quasiment libre des glaces en été avant la fin du XXIe siècle.

Les glaces et le pergélisol

Réduction de 18 % des terres arctiques couvertes de neige depuis 1966. Diminution des glaces arctiques entre 2,1 % et 3,3 % par décennie depuis 1978. Perte de près de 16 % de la superficie des glaciers du Groenland entre 1979 à 2002.

Diminution de la superficie du pergélisol de 7 % depuis 1900. La limite du pergélisol se retire de 30 à 80 km en Russie entre 1970 et 2005 et de 130 km au Québec sur les 50 dernières années. La superficie du pergélisol dans l’hémisphère Nord doit réduire de 20 % d’ici 2040 et même de 2/3 d’ici 2080.

Les glaciers, la couverture de glace et la couverture glaciaire du Groenland contribuent à plus de 40 % à l’élévation du niveau de la mer avec près de 1,3 mm par an entre 2003 et 2008, pour un total de 3,1 mm.

Jusqu’à la fin du siècle, la réduction de la masse des glaciers et de la couverture de glace serait de 10 à 30 %.

L'élévation du niveau des

eaux

Elévation des eaux de 8 cm sur les derniers 20 ans.

Projection de 10 à 90 cm sur les 100 prochaines années. Avec une température supérieure de 5,5° C sur 1000 ans, la fonte de la nappe glaciaire du Groenland conduirait à une élévation des eaux de 3 m. Un réchauffement de 3° C sur plusieurs millénaires conduirait à une élévation de 7 m.

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L’Arctic Climate Impact Assessment s’intéresse à l’évolution de l’environnement arctique de manière large. Il souligne que les changements climatiques et la fonte de la banquise affectent négativement l’habitat des mammifères arctiques comme les ours polaires ou les phoques. L’impact sur la biodiversité est global, l’Arctique étant une région clef pour la reproduction et la nutrition de nombreuses espèces. La végétation arctique peut évoluer. Même si la végétation agit sur la séquestration du carbone, elle risque de ne pas être suffisante pour pallier la réduction des surfaces hautement réfléchissantes de l’Arctique.218 Les écosystèmes terrestres seront perturbés avec des possibles évolutions des espèces. Les écosystèmes marins seront plus proches du pôle Nord. Une agriculture plus proche du pôle Nord serait donc envisageable.219 Les effets du réchauffement climatique peuvent être une opportunité pour l’économie locale et mondiale, dans la mesure où ils ouvrent l’océan Arctique à une navigation plus accessible et une exploitation des ressources pétrolières et gazières.220

Ces données de 2004 sont approfondies par les deux rapports Snow, Water, Ice, Permafrost in

the Arctic. Ils soulignent tous deux que certaines estimations du GIEC ont été sous-estimées.

Le rapport Snow, Water, Ice, Permafrost in the Arctic de 2011 relève que les projections sous-estimées du GIEC de 2007 portent sur les changements observés dans la glace de mer. Le rapport Snow, Water, Ice, Permafrost in the Arctic de 2017 affirme que le GIEC sous-estime également les prévisions de l’élévation du niveau de la mer.221 Ces suivis démontrent précisément l’évolution constante du climat en Arctique. Ils mettent en exergue l’imbrication de la région dans le système climatique mondial.

Les effets de l’Arctique sur le reste du monde sont multiples : ralentissement de la circulation thermohaline, élévation du niveau des mers, érosions, crues, infrastructures endommagées, écosystèmes, contaminations de l’eau potable.222 Les évolutions du pergélisol et de la couverture de neige affectent les émissions de méthane et de carbone.223 Les sols arctiques contiendraient près de la moitié du carbone dans les sols terrestres.224 Le coût économique de

218 Ibid.

219 Organisation météorologique mondiale/Programme des Nations Unies pour l’environnement. Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Rapport spécial. WATSON, Robert T., ZINYOWERA, Marufu C., MOSS, Richard H., DOKKEN, David J. (eds.). Incidences de l’évolution du climat dans les régions : Evaluation de la vulnérabilité. Résumé à l’intention des décideurs. Novembre 1997, 17 p.

220 AMAP. Conseil de l’Arctique. Arctic Climate Impact Assessment. Cambridge : Cambridge University Press, 2005, 1042 p.

221 AMAP. Conseil de l’Arctique. Snow, Water, Ice and Permafrost in the Arctic. Summary for Policy-makers. 2017, 19 p.

222 Ibid.

223 Ibid.

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ces changements pourrait s’élever de 7 à 90 trillions de dollars pour la période entre 2010 et 2100. Néanmoins, les évolutions de l’Arctique présentent de nouvelles opportunités. Les possibilités de transport et l’accès aux ressources changent radicalement. Les activités commerciales peuvent se développer.225

Suivant le rapport Snow, Water, Ice, Permafrost in the Arctic de 2017, même si les actions entreprises au niveau mondial permettent d’atteindre les objectifs du Traité de Paris, les tendances ne seraient stabilisées voire freinées qu’après la moitié du siècle. A la fin du siècle, les températures pourraient être stabilisées 5 à 9° C au-dessus des moyennes sur la période de 1986 à 2005 au-dessus de l’océan Arctique en hiver.226 L’élévation du niveau des mers pourrait être réduite de 20 centimètres entre 2006 et 2100. La durée de la couverture de neige se stabiliserait à un niveau de 10 % inférieur par rapport à celui d’aujourd’hui et l’étendue du pergélisol à environ 45 % en-dessous des valeurs actuelles.227

L’étude du changement climatique est de plus en plus précise et se concentre sur des éléments particuliers. Au niveau mondial, le GIEC mène de nombreux rapports spéciaux.228 Le Conseil de l’Arctique a quant à lui par exemple formé un groupe d’étude sur le carbone noir et le méthane, qui font partie des polluants à courte durée de vie qui contribuent au réchauffement climatique.229

3. L’eldorado économique entrevu

Comme le précisent les différents rapports environnementaux, tous ces changements climatiques présentent des opportunités économiques. Le réchauffement climatique peut avoir des effets bénéfiques comme la baisse de la demande d’énergie en chauffage, l’ouverture des routes maritimes ou l’essor du tourisme.230 Le développement économique de la région représente un grand enjeu pour la coopération dès la fin des années 1980 comme le signale Mikhaïl Gorbatchev dans son discours, dont les hydrocarbures constituent des ressources

225 AMAP. Conseil de l’Arctique. Snow, Water, Ice and Permafrost in the Arctic. SWIPA Executive Summary. 2011, 15 p.

226 AMAP. Conseil de l’Arctique. Snow, Water, Ice and Permafrost in the Arctic. Summary for Policy-makers. 2017, 19 p.

227 Ibid.

228 Les rapports du GIEC sont disponibles sur :

http://www.ipcc.ch/publications_and_data/publications_and_data_reports.shtml.

229 Conseil de l’Arctique. Expert Group on Black Carbon and Methane: Summary of Progress and Recommendations 2017. 2017, 49 p.

230 Organisation météorologique mondiale/Programme des Nations Unies pour l’environnement. Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Bilan 2001 des changements climatiques : Les éléments scientifiques. 2001, Genève, 92 p.

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stratégiques. L’étude de 2008 de l’Institut d’études géologiques des Etats-Unis estime que l’Arctique renfermerait 90 milliards de barils de pétrole, 47 000 milliards de mètres cubes de gaz naturel et 44 milliards de barils de gaz naturel liquéfié.231 Ces chiffres correspondent à 30 % des réserves mondiales de gaz et 13 % des réserves mondiales de pétrole.232

La littérature de la fin des années 1980 pose également cette question. Finn Sollie souligne les grandes attentes concernant le pétrole dans les eaux du Nord, en émettant l’hypothèse d’une coopération entre les Etats arctiques. La Norvège pourrait être un partenaire potentiel dans le développement des activités d’extraction de l’URSS.233 L’opportunité énergétique du grand Nord est aussi relevée par Pertti Joenniemi et Kari Möttölä. Ils notent que la mer de Barents représente une grande opportunité commerciale entre les Etats occidentaux et l’URSS, d’autant plus avec les ressources qui n’ont pas encore été trouvées et l’intérêt soviétique pour le développement des ressources offshore. La coopération commerciale en Arctique peut aussi bien faire intervenir les acteurs sus-cités que des partenaires asiatiques comme le Japon.234 Les possibilités en hydrocarbures dans la région arctique ne concernent pas uniquement la mer de Barents. Stephen G. Powell pose ainsi la question de la quantité de pétrole dans le refuge faunique national de l’Arctique (ANWR) en Alaska.235 John Merritt souligne aussi les possibilités économiques de l’Arctique en notant le potentiel du commerce maritime.236 La route maritime du Nord atteint par exemple son pic d’utilisation en 1987, quand 6,58 millions de tonnes de cargo sont transportés par 331 navires, qui réalisent 1 306 voyages.

La région arctique est déjà l’objet de recherches poussées avant la fin de la guerre froide. Dès les années 1960, la Russie et les Etats-Unis mènent une exploitation pétrolière en Arctique. L’Alaska concentrerait 29,9 milliards de barils de pétrole et 5,9 milliards de barils de gaz naturel liquéfié. L’exploration pétrolière en Alaska porte ses fruits en 1968 à Prudhoe Bay. Le pic de

231 STAUFFER, Peter H. (ed.). « Circum-Arctic Resource Appraisal: Estimates of Undiscovered Oil and Gas North of the Arctic Circle. » U.S. Geological Survey. USGS Fact Sheet 2008-3049, 2008, 4 p. Disponible sur : https://pubs.usgs.gov/fs/2008/3049/fs2008-3049.pdf.

232 Voir Les multinationales, incarnation du potentiel économique arctique à travers l’exemple des ressources naturelles, p. 144-161.

233 SOLLIE, Finn. « The Soviet Challenge in Northern Waters – Implications for Resources and Security. » in MÖTTÖLÄ, Kari (ed.). The Arctic Challenge. Nordic and Canadian Approaches to Security and Cooperation in an Emerging International Region. Boulder : Westview Press, 1988, p. 87-116.

234 MÖTTÖLÄ, Kari, JOENNIEMI, Pertti. « Arctic Security Challenges for Arms Control – Building on the Nordic Experience in a New Setting. » in MÖTTÖLÄ, Kari (ed.). The Arctic Challenge. Nordic and Canadian Approaches to Security and Cooperation in an Emerging International Region. Boulder : Westview Press, 1988, p. 269-280.

235 POWELL, Stephen G. « Arctic National Wildlife Refuge. How much oil can we expect? » Resources Policy. Septembre 1990, p. 225-238.

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production date de 1989, quand 2 millions de barils de pétrole sont produits chaque jour. La plateforme pétrolière de Cook Inlet est installée dans les années 1960. L’oléoduc Trans-Alaska, qui relie les gisements de Prudhoe Bay au port de Valdez, est construit en 1977. En URSS, le champ de gaz de Chtokhman dans la mer de Barents est découvert en 1988. Des puits de gaz y sont forés dès les années 1990. Le champ de pétrole de Prirazlomnoïe dans la mer de Petchora est découvert en 1989. Des plans pour son exploitation sont effectués dès 1992. L’URSS exploite le gaz de Yamal et de Yambourg, dans la République des Komis et en Nénétsie. Au Groenland, l’exploration du gaz et du pétrole date des années 1970. Le premier forage d’exploration au Canada dans la zone arctique est réalisé à Melville, dans les Territoires du Nord-Ouest, à la fin des années 1960, en réponse à la découverte des gisements de Prudhoe Bay en Alaska. En Norvège, le champ de pétrole d’Ekofisk est découvert en 1969 et exploité dès 1971. Des découvertes sont faites dans la mer du Nord, la mer de Norvège et la mer de Barents. L’exploration des hydrocarbures dans la mer de Barents débute en 1981. Le champ de gaz de Snøhvit est découvert en 1984.237 En ce qui concerne d’autres ressources, Pierre-Louis Têtu et Frédéric Lasserre notent que dès les années 1930, le gouvernement soviétique explore activement des gisements de nickel dans la péninsule de Kola notamment. La région de Mourmansk devient un lieu important pour l’exportation de ce minerai.238

237 HENDERSON, James, LOE, Julia S. P. « The Prospects and Challenges for Arctic Oil Development. » The Oxford Institute for Energy Studies Paper : WPM 54, novembre 2014, 60 p.

238 TETU, Pierre-Louis, LASSERRE, Frédéric. « Géographie de l’approvisionnement chinois en minerai de nickel : le Grand Nord québécois est-il un territoire prioritaire pour les entreprises chinoises ? » Annales de géographie. 2010, 2, n° 714, p. 216-243.

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