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La dimension arctique des Etats non riverains de l’océan Arctique

PARTIE II : La structure hybride de la coopération arctique, un processus de régionalisation internationalisée de régionalisation internationalisée

1. Un intérêt pour l’Arctique partagé dans le monde

1.1. Les huit Etats arctiques au cœur de la coopération arctique

1.1.2. La dimension arctique des Etats non riverains de l’océan Arctique

Une des particularités de la politique arctique islandaise274 est sa volonté de lui garantir une position d’Etat côtier, à côté des cinq Etats riverains de l’océan Arctique. L’Islande est définie comme le seul Etat à être entièrement situé dans la région arctique. Cette situation géographique peut lui conférer une légitimité supplémentaire sur les questions arctiques.275 Össur Skarphéðinsson, ministre des Affaires étrangères islandais, ajoute que l’Islande est une des plus grandes nations de pêche au monde.276 La stratégie islandaise affirme la position stratégique de l’Islande, qu’elle peut utiliser pour devenir un hub international. Carl Bildt, ministre des Affaires étrangères suédois, précise que l’île est entourée par le nouveau monde arctique comme aucun autre Etat. Cette situation lui confère une position clef en Arctique et peut effectivement permettre de saisir les opportunités qui se présentent et devenir un hub de transport aérien et maritime.277

Dans sa coopération, le gouvernement islandais souhaite consolider ses relations avec les Îles Féroé et le Groenland. Dans cette optique, en plus du renforcement du Conseil de l’Arctique, il prône l’utilisation du Conseil nordique de l’Ouest et s’oppose à une action réduite aux cinq Etats riverains. Si cette coopération devient formelle, la solidarité entre les huit Etats risque d’être dissolue et le Conseil de l’Arctique affaibli. Árni Þór Sigurðsson, haut représentant de

273 Sur la stratégie arctique de la Norvège voir également : HONNELAND, Geir. « Norway’s High Arctic Policy. » in DEY NUTTALL, Anita, MURRAY, Robert W. (eds.). International Relations and the Arctic. Understanding Policy and Governance. Amherst : Cambria Press, 2014, p. 235-261.

274 Islande. A Parliamentary resolution on Iceland’s Arctic Policy. Reykjavik, 28 mars 2011. Disponible sur :

http://library.arcticportal.org/1889/1/A-Parliamentary-Resolution-on-ICE-Arctic-Policy-approved-by-Althingi.pdf.

275 BAILES, Alyson J. K., CELA, Margrét. « Iceland – A State within the Arctic. » in DEY NUTTALL, Anita, MURRAY, Robert W. (eds.). International Relations and the Arctic. Understanding Policy and Governance. Amherst : Cambria Press, 2014, p. 349-379.

276 Össur Skarphéðinsson. 66th General Assembly - General Debate - Statement by Iceland. New York, septembre 2011. Disponible sur : http://www.iceland.is/iceland-abroad/un/nyc/statements-and-news/66th-general-assembly---general-debate---statement-by-iceland/8193/.

277 Carl Bildt. Speech at conference The Trans-Arctic Agenda: Challenges of Development, Security, Cooperation. Reykjavik, 18 mars 2013. Disponible sur : http://ams.hi.is/wp-content/uploads/2014/08/Arctic-brochure-A5-endurpr-28bls.pdf.

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l’Arctique islandais, affirme que « [the] Arctic Council is the most important multilateral forum

for Arctic issues, however, not long ago questions were raised about its continued relevance. Some saw the Arctic Five as undermining the Arctic Council as the primary institutional Arctic body and even signalling a return to Great Power politics. The initiative was criticised by the three excluded states (incl. Iceland) and indigenous peoples and lacked legitimacy »278 La stratégie islandaise privilégie le Conseil de l’Arctique comme enceinte de coopération, où les petits Etats ont une voix égale aux plus grands. Árni Þór Sigurðsson ajoute que « Iceland’s

position as one of the eight Arctic Council Member States is strong and our experience is that the views of all Member States are respected equally, regardless of size. Decisions in the Council are taken by consensus and the chairmanship rotates between the States, allowing each of them to shape the work of the Council for a two-year period and develop the cooperation into new areas in accordance with its own priorities. Iceland places an emphasis on continuing to strengthen the Arctic Council as the premier forum for Arctic cooperation. […] The primary responsibility for Arctic governance lies with the eight Arctic states. »279 Cette égalité est assurée par le droit international. Árni Þór Sigurðsson note que « [the] Arctic offers an example

of how both large and small nations can work together within internationally accepted legal frameworks. »280

La stratégie islandaise soutient le respect des droits des peuples autochtones. Cette question s’intègre dans son soutien aux droits de l’homme. En sa qualité de petite nation, l’Islande est présentée comme l’avocat des droits humains et des droits des peuples autochtones, défendant leur implication dans les prises de décisions les concernant. La stratégie islandaise fait le constat que les Etats puissants ont tendance à passer outre les enjeux liés aux peuples autochtones et à les « trivialiser ». Le gouvernement islandais se place ainsi comme un leader crédible sur cette question. Il souhaite permettre à l’Islande de s’imposer comme un lieu de réunions, de conférences et de discussions sur la région arctique. Il prône aussi le renforcement de l’accueil de la coopération arctique et souhaite faire de l’île un hub des institutions arctiques. Les dirigeants islandais développent donc le rôle de facilitateur de coopération et de lieu de coopération.281

278 Entretien avec Árni Þór Sigurðsson, haut représentant de l’Arctique islandais (26 avril 2017).

279 Ibid.

280 Ibid.

281 HOUGH, Peter. International Politics of the Arctic: Coming in from the Cold. New York : Routledge, 2013, 176 p.

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Dans sa stratégie arctique282, le gouvernement finlandais fait valoir son expertise, son savoir-faire et sa recherche, qui sont internationalement reconnus. Martta Rissanen, du Département européen du ministère des affaires étrangères finlandais, constate que « Finland is an active

Arctic operator. Finland possesses diversified Arctic expertise ».283 La stratégie finlandaise met l’accent sur le renforcement de ce rôle d’expert découlant de l’expérience finlandaise sur la navigation en hiver, sur les technologies de transport maritime et de construction navale par exemple. Les compagnies finlandaises peuvent aussi faire profiter de leur savoir-faire lors de larges projets dans la région de la mer Barents. Selon la stratégie finlandaise, un investissement conséquent est recommandé pour l’éducation, la recherche et le développement. Pour profiter pleinement des opportunités économiques qui se présentent en Arctique, le gouvernement finlandais investit dans son système de transport et ses infrastructures. Ces éléments doivent favoriser l’essor des affaires. Les routes maritimes arctiques s’intègrent aussi dans cette logique. Martta Rissanen explique que « Finland has a very strong focus on business development

opportunities in the region. Our aim is to increase knowledge of our industries operating in the region. Finland recognizes the vast potential of Arctic business opportunities in industries such as energy, arctic maritime and shipping, renewable natural resources, mining, clean technology, tourism, traffic and transport systems as well as data communications and digital services. »284

La coopération doit aussi bien être conduite dans les enceintes de coopération arctique que dans les structures internationales. La coopération au sein du Conseil de l’Arctique est centrale, mais elle est soutenue par les institutions subrégionales et par un cadre international très riche, qui s’appuient sur de nombreuses normes internationales. En vue du renforcement du Conseil de l’Arctique, le gouvernement finlandais soutient l’adhésion de nouveaux observateurs en son sein. La coopération est complétée par les relations bilatérales, surtout avec la Norvège et la Russie. La stratégie finlandaise reconnaît par ailleurs le rôle important que doit jouer l’Union européenne dans la coopération arctique en sa qualité d’acteur global. Cette participation

282 Finlande. Finland’s Strategy for the Arctic Region. Helsinki, 2010, 94 p. Disponible sur : http://library.arcticportal.org/1262/1/Finland_Arctic_Strategy.pdf. ; Finlande. Finland’s Strategy for the Arctic

Region 2013. Helsinki, 2013, 67 p. Disponible sur :

http://vnk.fi/documents/10616/334509/Arktinen+strategia+2013+en.pdf/6b6fb723-40ec-4c17-b286-5b5910fbecf4. ; Finlande. Government Policy Regarding the Priorities in the Updated Arctic Strategy. Helsinki,

2016, 3 p. Disponible sur :

http://vnk.fi/documents/10616/334509/Arktisen+strategian+päivitys+ENG.pdf/7efd3ed1-af83-4736-b80b-c00e26aebc05.

283 Entretien avec Martta Rissanen, assistante au Département européen du ministère des Affaires étrangères finlandais (22 mars 2017).

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devrait se matérialiser par le statut d’observateur au Conseil de l’Arctique et l’élaboration d’une politique arctique globale, en plus de la Dimension septentrionale. Une attention particulière est enfin portée sur les peuples autochtones.285

La stratégie suédoise286 met surtout l’accent sur la question environnementale. Elle souligne que la Suède doit continuer à être une nation leader sur le climat et la recherche environnementale. La relation déterminante dans le contexte arctique est la relation entre les Etats-Unis et la Russie, qui façonne la politique de sécurité en Arctique. Le gouvernement suédois veut renforcer le Conseil de l’Arctique, qui doit pour ce faire devenir similaire à une organisation internationale. Un Conseil de l’Arctique plus actif pourrait réduire la nécessité de recourir au groupe des cinq Etats riverains.287 Lan Lijun, ambassadeur chinois en Suède, note que l’ouverture du Conseil de l’Arctique à de nouveaux observateurs permet d’étendre son influence internationale. Ce dernier est un modèle de coopération.288 La stratégie suédoise souligne l’importance de la politique européenne dans le cadre arctique, sans pour autant oublier l’apport des institutions arctiques dans la coopération, dont notamment le Conseil nordique des ministres. Sur les questions autochtones, la stratégie se concentre sur les Samis et la nécessité d’adopter la Convention nordique samie. Une des priorités absolues de la stratégie suédoise est la recherche suédoise, qu’elle qualifie de classe mondiale. Cette dernière recouvre de nombreux champs d’intérêt comme l’ingénierie, les sciences naturelles, mais également les sciences sociales et humaines et constitue un élément clefs du savoir-faire arctique suédois.

Concernant la question économique, le gouvernement suédois annonce la nécessité de développer les infrastructures de transport. Il promeut aussi l’idée du libre-échange, surtout dans la région de la mer de Barents. Le droit international est quant à lui considéré comme un

285 Sur la stratégie arctique de la Finlande voir également : HEININEN, Lassi. « Finland as an Arctic and European State. Finland’s Northern Dimension (Policy). » in DEY NUTTALL, Anita, MURRAY, Robert W. (eds.). International Relations and the Arctic. Understanding Policy and Governance. Amherst : Cambria Press, 2014, p. 321-347. ; KESKITALO, E. Carina H. « Sweden and Arctic Policy. Possibilities for New Wine in Old Bottles? » in DEY NUTTALL, Anita, MURRAY, Robert W. (eds.). International Relations and the Arctic. Understanding Policy and Governance. Amherst : Cambria Press, 2014, p. 291-319.

286 Suède. Sweden’s strategy for the Arctic region. Stockholm, 2011, 50 p. Disponible sur : http://www.government.se/49b746/contentassets/85de9103bbbe4373b55eddd7f71608da/swedens-strategy-for-the-arctic-region.

287 HOUGH, Peter. International Politics of the Arctic: Coming in from the Cold. Op. cit., 176 p.

288 Lan Lijun. Statement by H.E. Ambassador Lan Lijun at the Meeting between the Swedish Chairmanship of the Arctic Council and Observers. Stockholm, 6 novembre 2012. Disponible sur : https://www.arctic-council.org/images/PDF_attachments/Observer_DMM_2012/ACOBSDMMSE01_Stockholm_2012_Observer_ Meeting_Statement_Ambassador_Lan_Lijun_China.pdf.

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cadre à respecter pour toute activité économique.289 Björn Lyrvall, haut représentant de l’Arctique suédois, explique que « We have an infrastructure and a development in our Arctic

area that is far more advanced that you will see in Northern Russia or Northern Canada. »290

Suivant une analyse sémantique des stratégies arctiques291, la question de la coopération est abordée de manière significative dans toutes les stratégies. Les priorités des Etats sont les mêmes avec les ressources et l’environnement comme thèmes majeurs.292 La sécurité est traitée de manière large. L’aspect sécuritaire ressort en premier lieu dans les stratégies des Etats-Unis et de la Russie, puis du Canada. Les huit Etats arctiques soutiennent la lutte contre les changements climatiques et un développement durable de la région. Ils relèvent l’importance de la sûreté et de la sécurité, surtout en mer, ainsi que le besoin d’assurer une région stable.293 L’Arctique crée un lien particulier parmi les huit Etats arctiques par rapport aux contraintes que la région leur impose. Carl Bildt constate que le Canada et la Suède sont connectés de nombreuses manières. Ils partagent une culture et un mode de vie similaires, ainsi que des valeurs communes.294 La dimension humaine est évoquée dans toutes les stratégies, tout comme les peuples autochtones. La recherche et le savoir sont deux éléments que tous les Etats souhaitent approfondir.295 Concernant la coopération, les stratégies des Etats arctiques présentent le Conseil de l’Arctique comme une institution centrale, mais elles privilégient également les rapports de voisinage, particulièrement évoqué dans les Etats concernés par la coopération dans la région de la mer de Barents. Le droit international est à la base du fonctionnement arctique. Pour Bob Paquin, chef du Centre international canadien pour l’Arctique, « Canada believes in a ruled based order in the Arctic region as well as where else

in the world and that includes abiding by the framework laid out by UNCLOS and as well all other legal instruments that affect the Arctic, including the new one that are coming as a result

289 PERRY, Charles M., ANDERSEN, Bobby. New Strategic Dynamics in the Arctic Region. Implications for National Security and International Collaboration. The Institute for Foreign Policy Analysis, 2012, 190 p.

290 Entretien avec Björn Lyrvall, haut représentant de l’Arctique suédois (19 décembre 2017).

291 Voir l’annexe n° 1 : Etude sémantique des stratégies des Etats arctiques, p. 614-615.

292 Pour compléter les comparaisons des stratégies nationales arctiques voir : NORDREGIO. Nordic Arctic Strategies in Overview. Policy Brief, 2017, 4 p. Disponible sur : http://www.nordregio.se/Global/Publications/Publications%202017/PB%202017%201.pdf. ; SCHULZE, Vincent-Gregor. « Arctic Strategies Round-up 2017. » German Arctic Office at the Alfred Wegener Institute, 2017, 14 p. Disponible sur : www.arctic-office.de/fileadmin/user_upload/www.arctic-office.de/PDF_uploads/Arctic_Strategies_EN_10.11.17.pdf.

293 HEININEN, Lassi. « State of the Arctic Strategies and Policies – A Summary. » Arctic Yearbook 2012. 2012, p. 2-47.

294 Carl Bildt. Arctic challenges and the future perspectives of Arctic cooperation. Ottawa, 17 mai 2012. Disponible sur : www.government.se/49b729/contentassets/9bbda6b81b16402bbab82aa0c02c2e16/speeches-2010-2014---carl-bildt.

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of the work of the Arctic Council, legally binding instruments that currently have been issued and ratified. I don’t think that there are any variants between the Arctic States on this role of the International Law. The non-Arctic States that have been issued Arctic policy documents include the same, because it is a stipulation becoming an observer of the Arctic Council, a part of the terms and conditions becoming an observer. It is a recognition that this is a space governed through the ruled based instruments such as UNCLOS. »296

La Russie est l’acteur qui bénéficie de la plus grande attention dans toutes les stratégies et politiques arctiques des Etats arctiques. Elle est aussi bien considérée comme un acteur incontournable de la coopération internationale et du développement arctique, mais elle suscite parfois certaines interrogations quant à sa politique de sécurité régionale. Katarzyna Zysk note que le gouvernement russe s’attache à l’image positive qu’il renvoie dans la coopération arctique. L’image donnée aux autres Etats est un élément essentiel pour créer un cadre propice à la coopération. La rhétorique russe devient ainsi beaucoup plus conciliante avec le respect par exemple du droit international et de ses règles.297

La question de la souveraineté est désignée comme une priorité dans les stratégies des cinq Etats riverains de l’océan Arctique, contrairement aux trois Etats non riverains, qui n’évoquent pas non plus la question de la sécurité nationale. Les stratégies de ces trois derniers Etats soulignent l’importance de la coopération internationale. Toutes les stratégies des Etats arctiques reconnaissent le besoin de renforcer la stabilité de la région arctique.298 La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 constitue la norme centrale en vue de régler les différends entre les Etats riverains dans la région. Néanmoins, tous les gouvernements des Etats arctiques reconnaissent l’importance des normes internationales sur la coopération arctique.

Si toutes les stratégies évoquées constatent le rôle joué par le Conseil de l’Arctique, ce sont celles des trois Etats non riverains qui soutiennent le plus son renforcement, ainsi que l’admission de nouveaux observateurs. Le Conseil de l’Arctique est vu comme l’institution clef pour ces trois Etats, qui y ont le même rôle que les Etats riverains. Les stratégies des Etats non riverains s’opposent à la gestion des questions arctiques dans le cadre de réunions limitées aux cinq Etats riverains, qui affaiblissent leur légitimité et en font des acteurs de second plan. La

296 Entretien avec Bob Paquin, chef du Centre international canadien pour l’Arctique (23 mars 2018).

297 ZYSK, Katarzyna. « Russia’s Arctic strategy. Ambitions and Constraints. » Op. cit., 103-110.

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position des Etats riverains sur ces réunions a cependant fini par évoluer. Torbjørn Pedersen étudie les débats autour du rôle du Conseil de l’Arctique. Il constate que les Etats riverains de l’océan Arctique sont exposés au Nord de manière très différente. En 2011, le gouvernement des Etats-Unis considère le Conseil de l’Arctique comme le forum de coopération internationale prééminent sur l’Arctique. Cette évolution se dessine en 2008, quand Barack Obama choisit Hillary Clinton comme secrétaire d’Etat. A ce moment-là, le gouvernement canadien est encore le plus enclin à renoncer à une réunion à cinq, contrairement au gouvernement américain, ce qui aboutit à la Déclaration d’Ilulissat. La position du gouvernement américain évolue en 2009, avant la réunion de Chelsea. Le gouvernement canadien, qui accueille l’événement, soutient son organisation. Le gouvernement russe a une position neutre. Celle du gouvernement danois évolue vers plus d’ouverture. Le gouvernement norvégien soutient la gestion des affaires arctiques à travers le Conseil de l’Arctique. Torbjørn Pedersen remarque que ce débat prend fin en 2011. Le Conseil de l’Arctique est finalement privilégié.299

Néanmoins, le rôle des réunions à cinq n’est pas terminé. La question de cette coopération restreinte est à nouveau présente à l’occasion des négociations sur la gestion de la pêche dans l’océan Arctique central. Les représentants canadiens soulignent que ce format est un catalyseur pour une coopération plus aboutie sur certains sujets qui concernent spécifiquement les cinq Etats riverains.300 Cette coopération devient ainsi un outil supplémentaire des relations entre les cinq Etats riverains. Pour les trois autres Etats arctiques, voire même pour les Etats non arctiques, l’utilisation de réunions dans un groupe restreint de cinq Etats est une limitation à leur implication sur les questions sur la région. Concernant la régulation de la pêche, les négociations ont finalement évolué vers une forme différente avec cinq acteurs supplémentaires invités, qui incluent de facto les trois Etats non riverains de l’océan Arctique.301 Une coopération à géométrie variable s’installe.

Cette dernière est visible dans les priorités identifiées par les gouvernements des Etats arctiques dans leur stratégie arctique. La géographie détermine en partie l’engagement des différents Etats. Le Canada et la Russie ont des territoires arctiques étendus, alors que pour les Etats-Unis par exemple, le seul lien avec l’Arctique est un territoire périphérique, l’Alaska. Les

299 PEDERSEN, Torbjørn. « Debates over the Role of the Arctic Council. » Ocean Development & International Law. 2012, vol. 43, p. 146-156.

300 Entretien avec un fonctionnaire, représentant du ministère des Affaires mondiales du Canada (6 avril 2017). ; Entretien avec Bob Paquin, chef du Centre international canadien pour l’Arctique (23 mars 2018).

301 Voir la section Gérer les ressources halieutiques, contrôler une ressource qui échappe à toute frontière, p. 366-393.

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gouvernements canadien et russe s’intéressent de près à la question des routes maritimes dans l’optique de leur contrôle, invoquant leur souveraineté. Les autres Etats sont plus enclins à défendre la liberté de navigation. La stratégie canadienne de 2000302 précise l’identité arctique partagée par le Canada et la Russie. Même le potentiel économique arctique varie d’un Etat à l’autre. Au Danemark, en Norvège et en Russie, les hydrocarbures et minéraux sont privilégiés. L’Islande se concentre sur la pêche et la navigation. La Finlande s’intéresse au transport et à la