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En niant la négation immédiate à laquelle le ne-pas privatif de l’apparence soumet quotidiennement le Dasein, la négation contre-déchéante délimite positivement l’espace ontologique d’un fondement. Or il ne fait aucun doute que ce dernier contienne également la nullité d’un premier candidat déchu, étant entendu qu’il ne peut être dégagé que suite à l’expérience des insuffisances fondationelles de l’étant intramondain et de la sphère publique. En effet, la critique de leurs prétentions déracinantes, qu’instaure l’angoisse et ses pairs, révèle leur dépendance ontologique vis-à-vis l’ouverture qui seule rend d’abord possible la fuite qu’ils encouragent. Alors que la négation contre-déchéante nous entraîne ainsi en amont des faux-semblants de l’inauthenticité, il semble bien que nous assistions conjointement au surgissement d’un nouveau « positif », qui s’avère être leur « vérité ». Seulement, il ne faudrait pas oublier que l’ouverture soucieuse du Dasein a tout aussi bien été qualifiée de néant, Heidegger ayant même ailleurs identifié le fondement que révèle l’angoisse à un « abîme (Abgrund) ». (GA 20, 402/420) Comment dès lors comprendre l’étrangeté (Unheimlichkeit) du sol ontologique que dégage la négation contre-déchéante ? Est-ce dire

qu’une fois revenu auprès de soi par-delà l’aliénation, le Dasein n’est pourtant pas, contrairement à l’esprit hégélien, véritablement chez soi (bei sich) ? La nullité (Nichtigkeit) du fondement alors révélé est-elle en outre de nature à compromettre toute interprétation dialectique d’Être et temps, malgré l’important rôle moteur que semble y revendiquer la négativité ? Une réponse à ces questions ne pourra être apportée qu’à la lumière d’un examen approfondi de la négativité constitutive qui caractérise l’ouverture soucieuse du Dasein, examen qui suppose que soient élucidées les modalités existentiales de l’être-pour-la-mort et de l’être-en-dette.

Il nous a été donné précédemment d’apprendre de la mort qu’elle est une possibilité insigne que le Dasein a à assumer dès lors qu’il aspire à être soi-même de manière authentique. Mais en quoi est-ce le cas et en quoi contribue-t-elle à rendre inquiétante l’ouverture au monde de ce dernier ? Cela, Heidegger nous l’indique aux chapitres §§ 46-53 d’Être et temps, chapitres qui nous donnent par ailleurs l’occasion de saisir toute l’étendue du caractère prohibitif de sa méthode tellement ses efforts sont alors essentiellement consacrés à écarter une myriade d’interprétations ontologiquement fallacieuses de la mort. (SZ, 260/207) Que Heidegger doive préalablement procéder à une telle mise à l’écart est cependant bien loin d’être fortuit. C’est que parmi les possibilités qui configurent l’ouverture du Dasein, la mort est sans doute celle qui lui offre les meilleurs motifs de fuite, étant entendu qu’elle se présente comme l’« objet » angoissant par excellence. (GA 20, 403/421) C’est pourquoi le On ne manque pas d’artifices lorsque vient le temps de recouvrir son aspect inquiétant, l’un d’eux consistant notamment à détourner du Soi-même propre le caractère à chaque fois imminent de sa fin :

Le « on meurt » propage l’opinion que la mort frapperait pour ainsi dire le On. L’explicitation publique du Dasein dit : « on meurt », parce que tout autre, et d’abord le On-même, peut alors se dire : à chaque fois, ce n’est justement pas moi – car ce On est le Personne. (SZ, 253/202)

Le On tend encore à esquiver et à niveler la mort en la réinterprétant sous les traits d’un simple événement « effectif » encore à venir, face auquel il peut certes être légitime d’avoir

peur, mais dont on peut tout autant être rassuré. Ce que recouvre cependant la déchéance en persistant à aborder la mort ontiquement, c’est son caractère ontologique de possibilité, ce que Heidegger ne peut exprimer plus emphatiquement qu’en répétant qu’elle doit « être comprise sans aucune atténuation en tant que possibilité, être configurée en tant que possibilité, être soutenue, dans le comportement face à elle, en tant que possibilité. » (SZ, 261/208)

Lorsqu’envisagée sous cet angle adéquat, la mort ne se présente toutefois en rien comme une simple parcelle d’horizon parmi tant d’autres, mais elle revendique plutôt le statut de « possibilité la plus propre, absolue, certaine et comme telle indéterminée, indépassable du Dasein ». (SZ, 258-259/206) Principe d’individuation, borne infranchissable, évidence surpassant l’apodicticité; la mort manifeste encore son caractère insigne en ce qu’elle configure l’ouverture du Dasein dans son entièreté, communiquant en quelque sorte ses propriétés essentielles à l’ensemble de tout horizon potentiel. Loin d’être réductible à son statut ontique d’événement encore à venir, la mort précède ainsi toujours déjà ce mourant a priori qu’est le Dasein en ouvrant « conjointement toutes les possibilités antérieures à elle137 ». (SZ, 264/210) Or ce qu’elle véhicule de la sorte à tout pouvoir-être

peut également être exprimé en termes de négativité, puisque la mort se définit encore, de manière contradictoire, comme le « néant de la possible impossibilité (Unmöglichkeit) » de l’existence. (SZ, 266/211*) C’est donc dire que l’horizon vers lequel se projette le Dasein est constitutivement circonscrit par un « non- (Un-) », qui bien que se refusant à toute actualisation138 ou à toute interprétation logique, rend néanmoins à tout moment précaire

137 Emmanuel LEVINAS voit juste lorsqu’il affirme de la mort qu’« elle est la possibilité qui rend possible toute

possibilité ». (Dieu, la mort et le temps, p. 60.)

138 C’est en partie sur ce point que s’établit la primauté du possible sur l’effectif dans Être et temps. (SZ, 38/49)

La mort propre, contrairement à la mort « ontique » d’autrui, n’est en effet jamais vécue comme effective. Elle est certaine en un sens éminent et ne peut pourtant être réduite à un statut de possibilité réelle, à la manière des possibilités inauthentiques de la quotidienneté. Autrement dit, la vérité de sa possibilité n’est pas à situer dans le toujours-déjà-devenir-effectif de sa réalisation prochaine, mais elle nous indique plutôt ce qu’est une possibilité en tant que possibilité. Emmanuel LEVINAS exprime bien ce dont il retourne lorsqu’il écrit :

« L’anticipation de cette imminence consiste à maintenir cette possibilité. La possibilité de mourir ne se réalise pas (et ne réalise rien). La mort n’est pas l’instant de la mort, mais le fait de se rapporter au possible en tant

l’être-au-monde dans son ensemble. Autrement dit, la mort se présente comme un négatif implicite qui accompagne toute possibilité en tant que possibilité, ce à la lumière de quoi il faut comprendre qu’elle totalise l’ouverture du Dasein en apposant d’avance un « ne-plus » imminent au « ne-pas-encore » qui caractérise sa constante projection vers le monde. C’est ainsi qu’elle révèle en somme le caractère essentiellement fini de ce non-être étant qu’est le Dasein139. (SZ, 264/210) Bref, la mort concourt à faire de la négativité une constituante

ontologique de l’ouverture du Dasein. Or cette inquiétante finitude, que la déchéance tend à camoufler par tous les moyens, caractérise à ce point l’existence que Heidegger n’hésite pas à en tirer des conclusions radicalement antimodernes :

Cette certitude que j’ai de mourir un jour est la certitude fondamentale du Dasein lui-

même; c’est un énoncé dans lequel se dit véritablement le Dasein alors que le cogito sum

n’en a que l’apparence. Si tant est que des formules aussi acribiques veuillent vraiment dire quelque chose, la proposition qui atteint adéquatement le Dasein dans son être énonce : sum moribundus, et à vrai dire moribundus non pas parce que je serais gravement malade ou blessé, mais pour autant que je suis, je suis moribundus – le moribundus est ce qui donne avant tout son sens au sum. (GA 20, 437-438/457-458)

Il ne se trouvera personne pour douter que c’est Descartes qui constitue ici la cible première de Heidegger, mais il convient en un second temps de nous demander si la portée de sa critique s’étend également au jugement qu’il porte sur Hegel. En d’autres mots, la finitude radicale du fondement que révèle la négation contre-déchéante est-elle susceptible de remettre en question la légitimité du projet essentiellement moderne de ce dernier ? Risque-

que possible. Relation privilégiée au possible qui n’aboutit pas à sa réalisation, cette possibilité unique de se rapporter au possible en tant que possible, c’est l’être-pour-la-mort. » (Dieu, la mort et le temps, p. 64.)

139 James M. DEMSKE exprime bien la nature précise de la négativité qui détermine essentiellement toute

existence finie : « Mit anderen Worten: Der Tod ist ein Existentzial, eine immer anwesende Bestimmung des Daseins. Und trotzdem ist Dasein. Während einerseits Dasein durch das Sein zum Tode schlechthin nichtig ist, ist es anderseits Kraft der Existenz schlechthin seiend. Der Tod als die schlechthinnige Nichtigkeit besagt: alles am Dasein ist nichtig. Aber anderseits steht genauso fest: alles am Dasein ist seiend, Dasein ist ganzheitlich, schlechthinnig seiend. Diese beiden Bestimmungen, Nichtigkeit und Seiendheit, schließen sich im Menschen merkwürdigerweise nicht aus, sondern gerade ein. Sie bestehen zusammen und durch dringen einander, so dass Dasein sowohl seiende Nichtigkeit wie auch nichtige Seiendheit ist. Dies ist gerade das Rätsel der menschlichen Endlichkeit, das Heidegger zu erfassen versucht. » (Sein, Mensch und Tod : das

Todesproblem bei Martin Heidegger, p. 71.) Il n’est cependant pas une ligne de ce passage que Hegel ne

pourrait pas également faire sienne, bien qu’il en tire des conclusions diamétralement opposées à celles de Heidegger.

t-elle par ailleurs de compromettre toute possibilité d’une résolution du mouvement dialectique que semble enclencher Être et temps ?

Chose certaine, personne ne pourra accuser Hegel de ne pas avoir porté attention au phénomène de la mort alors qu’il édifiait son système philosophique. Certains, comme Alexandre Kojève, sont même allés jusqu’à comprendre sa philosophie dialectique – certes, à la lumière d’une interprétation indubitablement teintée d’heideggérianisme – comme « une philosophie de la mort140 ». Une brève analyse du rôle crucial que joue cette dernière au sein

du système hégélien révèle en effet que nos deux auteurs s’accordent sur plusieurs points en ce qui concerne l’indéniable teneur philosophique de son concept. Ainsi, tout comme c’est le cas chez Heidegger, la mort agit chez Hegel à titre de principe d’individuation, puisqu’il lui revient de singulariser l’esprit en marquant les limites de la forme finie qu’il revêt d’abord en tant que conscience naturelle. Nous nous trouvons également en terrain familier lorsque Hegel qualifie la mort d’ineffectivité (Unwirklichkeit) (GW 9, 27/48), ce à quoi il faut ajouter que la crainte qu’elle suscite s’apparente bien davantage à l’angoisse qu’à son dérivé ontique, la peur. En témoigne l’expérience éprouvante que traverse la conscience de l’esclave, alors qu’elle s’incline, au terme d’un affrontement potentiellement mortel, devant celle du maître: « Cette conscience s’est en effet angoissée (Angst gehabt) non pour telle ou telle chose, ni en tel ou tel instant, mais pour son essence tout entière; car elle a ressenti la crainte (Furcht) de la mort, ce maître absolu141. » (GW 9, 114/156*) Enfin, la Phénoménologie de l’esprit, tout

comme la philosophie du droit, attestent que ce n’est qu’en regardant la mort en face et en l’assumant que la conscience ou le citoyen peuvent accéder à la vérité de leur libre autonomie, ce qui ne peut manquer d’évoquer un certain appel heideggérien à l’authenticité.

140 Alexandre KOJÈVE, Introduction à la lecture de Hegel, p. 539. Au sujet du rapport qui lie cette interprétation

à la lecture heideggérienne de Hegel, l’article Négatifs de la dialectique : entre Hegel et le Hegel de Heidegger :

Hyppolite, Koyré, Kojève de Catherine MALABOU pourra être consulté à profit.

141 Philibert SECRETAN remarque avec justesse que le maître que met d’abord en scène la Phénoménologie de

l’esprit « n’est que le substitut d’un autre Maître : la mort ». (Le thème de la mort dans la « Phénoménologie de l’esprit » de Hegel, p. 275.)

S’il ne fait aucun doute que Hegel tient compte de la négativité inhérente à toute finitude, il ne s’en tient pourtant pas là, et c’est sur ce point précis qu’une opposition risque de s’établir avec Heidegger142. C’est que le mouvement de la conscience l’engage d’emblée

dans une dialectique du dépassement de la limite qui doit éventuellement mener l’esprit à un « triomphe sur la mort ». (GW 4, 459/130) Pour Hegel, l’assomption de la finitude marque tout aussi bien le moment de sa sursomption, ce qu’exprime admirablement l’un des plus célèbres passages de la préface à la Phénoménologie de l’esprit :

La mort, pour donner ce nom à cette ineffectivité, est ce qu’il y a de plus terrible, et retenir ce qui est mort est ce qui requiert la plus grande force. (…) Mais la vie de l’esprit n’est pas la vie qui s’effarouche devant la mort et se préserve pure de toute décrépitude, c’est au contraire celle qui la supporte et la conserve en elle. L’esprit n’acquiert sa vérité qu’en se trouvant lui-même dans la déchirure absolue. Il n’est pas cette puissance au sens où il serait le positif qui n’a cure du négatif, à la façon dont nous disons de quelque chose : ce n’est rien, ou ce n’est pas vrai, et puis, bon, terminé, fi de cela et passons à n’importe quoi d’autre; il n’est au contraire cette puissance qu’en regardant le négatif droit dans les yeux, en s’attardant chez lui. Ce séjour est la force magique qui convertit ce négatif en être. Et cette force est la même chose que ce que nous avons nommé plus haut le sujet, lequel, en donnant dans son élément existence à la déterminité, sursume l’immédiateté abstraite – c’est-à-dire qui ne fait qu’être tout simplement –, et par là même est la substance véritable, l’être, ou l’immédiateté qui n’a pas la médiation à l’extérieur de soi, mais est elle-même celle-ci. (GW 9, 27-28/48-49*)

Bien loin de représenter la rupture radicale de tout horizon, la mort se présente ainsi comme « un moment nécessaire dans la vie de l’absolu », soit celui d’un tournant qui marque tout aussi bien son « retour à lui-même »143 par-delà l’aliénation ou, en d’autres mots, sa

« résurrection ». (W 13, 450/454) C’est en effet par l’intermédiaire de la mort que l’esprit effectue le passage menant de la singularité de sa vie naturelle à l’universalité de son savoir

142 Georges COTTIER a bien fait ressortir la nature de la proximité sur la base de laquelle s’érigeait le différend :

« Il y a ainsi une origine hégélienne de l’être-pour-la-mort. Mais il faut préciser aussitôt, que loin de se fixer à cet aspect, ce qui constitue la méprise des philosophies de l’entendement, le philosophe spéculatif le dialectise : la disparition, le néant, ne sont pas l’ultime aboutissement, à leur tour ils périssent et disparaissent – das

Vergehen vergeht. » (« L’être-pour-la-mort », une notion hégélienne ?, p. 454.)

143 La mort marque pour l’esprit le moment de son retour au fondement ou à l’essence. À ce titre, mentionnons

que Hegel affectionne particulièrement la signification spéculative de l’expression « zugrunde gehen », qui peut tout autant signifier « s’abîmer » ou « périr » que plus littéralement « aller au fondement ». (Par exemple : GW 11, 282/60.) Ou comme l’exprime Emmanuel LEVINAS : « Dans une telle pensée, la mort n’est pas seulement

de soi intériorisé, procédé par lequel il s’affranchit du même coup de sa dépendance à l’égard d’un substrat naturel immédiat. Si le décès d’une conscience singulière peut en effet être envisagé comme sa négation abstraite, il n’en demeure pas moins que seule est alors abolie la contingence de ses particularités non essentielles et, par conséquent, ineffectives. En revanche, ce qui, chez elle, présente le caractère de l’universalité concrète est préservé par la mémoire de sa communauté, qui peut et doit survivre à la disparition de ses membres isolés144. « La mort est transfigurée, passe de ce qu’elle signifie immédiatement, du non-être

de cette individualité singulière, à l’universalité de l’esprit qui vit dans sa communauté, meurt en elle chaque jour et ressuscite », résume Hegel. (GW 9, 418/507) À la suppression abstraite de l’existence singulière correspond donc tout aussi bien, et plus concrètement, le devenir-universel de l’essence spirituelle, étant entendu que cette dernière n’a chez Hegel rien de statique. Loin d’être réductible à son statut de contraire de la vie, la mort participe ainsi de l’infini processus de subjectivisation de la substance, en empêchant de surcroît que des figures bornées de la conscience se raidissent sur la fausse positivité de leurs positions sclérosées. Ces dernières meurent en quelque sorte des suites d’une habitude prise à la vie. (GW 20, 419/218) Or ce qui est alors supprimé n’est pas strictement anéanti, mais est également conservé, au grand bénéfice du procès intériorisant et remémorant de la dialectique. Bref, la mort ne se veut pas davantage un fin mot qu’elle ne compromet en son sens ontologique la subjectivité du sujet pensant. Elle célèbre au contraire l’acte de « venue

144 Il y a certes lieu d’y percevoir le résultat d’une interprétation philosophique du contenu de la religion

chrétienne. Ce mouvement est effectivement analogue à celui de l’extériorisation du père « abstrait » (ou de la Nature) dans la personne « singulière » du Christ (la conscience singulière), suivie de la mort de ce dernier et enfin, de la constitution d’une communauté inspirée par l’Esprit Saint. (GW 9, 413-421/502-510) Cependant, cette interprétation sécularisante entend tout aussi bien s’appliquer à toute autre action historiquement significative. L’homme historique singulier est mortel, et avec lui disparaissent les contingences de son existence individuelle. Mais ce que son action avait d’essentiel est conservé et universalisé. Les frasques amoureuses de Napoléon, par exemple, meurent avec lui, mais l’effectivité universelle du code napoléonien survit à sa mort, non pas comme particularité de sa personne historique, mais comme ensemble de normes qui ont été intériorisées par toute une communauté. Il est par ailleurs également contingent que ce soit à travers l’action de Napoléon, et non pas de celle d’une autre conscience historique singulière, que cette universalité se soit imposée.

au jour de l’esprit » (GW 20, 221/453), c’est-à-dire du véritable sujet, qui est « éternel, immortel »145. (W 9, 536/719)

Considérant ce qui a précédemment été exposé de la position heideggérienne, il y a certes là matière à différend. Bien qu’Être et temps ne pose pas explicitement les termes de ce débat, on devine que l’idée d’une sursomption de la mort est difficilement conciliable au concept de finitude radicale que tente d’instaurer Heidegger146. Faut-il dès lors percevoir

dans la transfiguration de sa négativité abstraite, telle qu’elle est opérée par la communauté spirituelle, l’expression cachée d’une fuite inauthentique du Dasein auprès de la publicité ? Hegel prend-il suffisamment en considération le caractère existential de la mort, ou sa mienneté irréductible n’est-elle pas au contraire indûment oblitérée par un esprit impersonnel ? À l’opposée, Heidegger rend-il à son tour justice à son prédécesseur lorsqu’il lui reproche d’avoir simplement transposé les attributs de l’oÙs…a grecque au sujet ? Prend- il à ce titre Hegel au sérieux lorsque ce dernier soutient que la négativité qu’exprime la mort

145 Une analyse plus approfondie du rôle de la mort impliquerait que nous accordions davantage d’attention à

la dialectique du maître et de l’esclave, à celle de la Terreur ainsi qu’à celle de la religion révélée dans la

Phénoménologie de l’esprit. Il nous faudrait en outre tenir compte de la transition du règne de la nature à celui

de l’esprit, telle qu’exposée dans l’Encyclopédie, comprendre le rôle de la guerre au sein de la philosophie du droit, analyser de plus près l’idée logique de la vie et répertorier les emplois métaphoriques du thème de la mort (notamment celles qui touchent à la symbolique de la pyramide et du tombeau) au sein du système en entier. Il va sans dire qu’il s’agit d’un objet de recherche à part entière. En ce qui concerne ces sujets, les ouvrages ou