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Déchéance et aliénation : le « ne-pas privatif de l’apparence » à l’œuvre

Afin de bien comprendre le rôle que tient la déchéance au sein de la dynamique du Hauptwerk, il convient d’abord de souligner que Heidegger s’y révèle tout aussi soucieux que Hegel d’assurer méthodiquement le choix d’un point de départ approprié. C’est que les deux penseurs sont bien conscients du statut particulier qui incombe à la philosophie, cette dernière n’étant pas autorisée à présupposer la nature de son commencement à la manière des autres sciences positives. Toutefois, il est aussi vrai de dire que peu d’auteurs se sont montrés

aussi rigoureusement conscients des difficultés inhérentes à l’adoption immédiate d’un point de vue qui soit entièrement exempt de présuppositions114. S’accordant ainsi sur le fait que

ce qui est premier dans l’ordre des principes n’ait pas nécessairement à être chronologiquement premier sur le plan processuel de la démonstration philosophique, Hegel et Heidegger refusent d’identifier d’emblée un fondement unique, sur la base duquel il s’agirait de construire après coup l’ensemble d’un système. Bien plutôt confèrent-ils tous deux à leur démarche le caractère d’une « justification rétroactive » (GW 12, 251/570; cf. SZ, 8/29), ou de ce que Heidegger nomme pour sa part la « mise en lumière libérante d’un fond ». À ce titre, ce qui est principiel – que ce soit l’idée absolue de Hegel ou le sens de l’être de Heidegger – ne se donne pas d’emblée « en tant que concept disponible » (SZ, 8/28), bien qu’il soit dès le commencement toujours déjà opérant ou précompris. Loin d’apparaître comme ce qui a préalablement été purgé de toute présupposition, le point de départ de la démarche philosophique se révèle ainsi plutôt comme ce dont le sens ou le contenu est le plus implicite, oublié et recouvert, ce qui va jusqu’à faire dire à Hegel que le commencement « institue une présupposition ou bien plutôt en est lui-même une ». (GW 20, 39/164) Dès lors, il s’agira d’assumer de l’intérieur, plutôt que de condamner de l’extérieur, le caractère circulaire de l’explicitation philosophique, assomption qui prendra la forme d’un cercle de la compréhension chez Heidegger (SZ, 152-153/133-134), alors qu’elle arborera plutôt la figure d’un « cercle de cercles » chez Hegel115 (GW 12, 252/571).

114 Dans le cadre du cours du semestre d’hiver 1923-24, intitulé Introduction à la recherche phénoménologique,

Heidegger exprime bien cette idée : « Non pas une absence de préjugés, laquelle est une utopie. La prétention (Meinung) de ne pas avoir de préjugé est elle-même le plus grand préjugé. » (GA 17, 2)

115 Jacques TAMINIAUX se prête à une analyse comparative de la forme qu’emprunte la circularité de la pensée

chez Hegel et Heidegger (Finitude et absolu. Remarques sur Hegel et Heidegger, interprètes de Kant, p. 203- 215). Sur cette base, il suggère même de « relire Sein und Zeit et le Kantbuch comme des textes intrinsèquement post-hégéliens » (Lectures de l’ontologie fondamentale, p. 208). Dominique JANICAUD souligne lui aussi cette contiguïté. « La circularité spéculative est reprise et approfondie en circularité herméneutique », écrit-il pour sa part (Heidegger – Hegel : un « dialogue » impossible ?, p. 162). Enfin, Dennis J. SCHMIDT s’est également

penché sur cette question (The Ubiquity of the Finite : Hegel, Heidegger and the Entitlements of Philosophy, p. 96-124).

Il ne faudrait cependant pas pousser trop loin la comparaison, dans la mesure où la nature des commencements choisis par les deux penseurs, ainsi que les stratégies adoptées en vue de remonter de ce choix initial jusqu’à ce qui le fonde, diffèrent du tout au tout. Si l’on s’en tient à la Logique hégélienne, première grande division du système, c’est le concept d’être, en tant qu’il est l’immédiat indéterminé ou le général abstrait, qui fait office de point de départ. Seulement, la mise en lumière progressive de ce que le commencement contient d’implicite doit nous révéler qu’il est tout aussi bien posé que présupposé, soit qu’il ne peut être fait abstraction de la secrète implication initiale de la pensée, qui relève ultimement de l’activité médiatisante de la subjectivité absolue. L’immédiateté du commencement apparaît donc sous cet angle comme le résultat d’une médiation qui se supprime ou comme l’aboutissement d’un long parcours de « médiatisation de la connaissance » (GW 12, 252/571), ce qui permet à Hegel d’affirmer « qu’il n’y a rien dans le ciel, dans la nature ou dans l’esprit ou ailleurs, qui n’implique aussi bien l’immédiateté que la médiateté, si bien qu’elles sont inséparables l’une de l’autre et que leur opposition ne correspond à rien. » (GW 21, 54/56) C’est ainsi que la vide indétermination du commencement ne peut être appréhendée comme ce qu’elle est véritablement que dans la mesure où la pensée a préalablement déployé toute l’étendue de son pouvoir négatif d’abstraction, d’où la nécessité de thématiser progressivement l’activité conceptuelle d’un sujet pleinement déterminé dont une telle négativité soit susceptible de relever. À ce titre, le commencement est tout autant résultat que point de départ. Bref, ce qu’établit la Logique, c’est que la pensée demeure en tout temps auprès d’elle-même, même au moment de sa plus extrême extériorisation; l’être est son autre et son commencement, c’est-à-dire son présupposé posé116.

116 Ce pouvoir dont dispose l’esprit à assumer la position de ses propres présuppositions est éminemment illustré

par le rapport de « souveraine ingratitude » qu’il entretient à l’égard de son « origine » naturelle. Il convient à ce titre de citer un important passage de l’Encyclopédie : « Mais de notre analyse précédente, il appert déjà que le surgissement de l’esprit à partir de la nature ne peut être saisi comme si la nature était l’être absolument immédiat, premier, originairement posant, - l’esprit, par contre, seulement un être posé par elle; la nature est, bien plutôt, posée par l’esprit, - et celui-ci est ce qui est absolument premier. L’esprit étant-en-soi-et-pour-soi n’est pas le simple résultat de la nature, mais en vérité son propre résultat [à lui-même]; il se fait surgir lui- même des présuppositions qu’il se donne – de l’Idée logique et de la nature extérieure –, et il est la vérité aussi bien de celle-là que de celle-ci, c’est-à-dire la figure vraie de l’esprit qui est seulement dans lui-même et de l’esprit qui est seulement hors de lui-même. L’apparence selon laquelle l’esprit serait médiatisé par un Autre

Considérant l’orientation manifestement discursive qu’adopte la démarche hégélienne, nous ne serons pas surpris d’apprendre que Heidegger établisse différemment le choix de son propre point de départ. Il marque d’ailleurs lui-même l’opposition : alors que « la ‘ construction ’ de Hegel trouve sa motivation dans un effort et un combat pour une conception de la ‘ concrétion ’ de l’esprit », « l’analytique existentiale (…) s’installe au contraire d’emblée dans la ‘ concrétion ’ de l’existence facticement jetée ». (SZ, 435/324) Et pourtant, Heidegger insiste tout autant que son prédécesseur sur la nécessité d’un commencement qui soit « immédiat », bien que cette immédiateté ne soit pas davantage celle d’un savoir qu’elle soit indéterminée. C’est que fidèle aux visées formellement indicatives de son projet phénoménologique, Heidegger constate que la posture théorique n’est pas le mode d’être le plus prochain que puisse adopter le Dasein, celle-ci se voulant dérivée par rapport à la compréhension préthématique de l’être au sein de laquelle ce dernier se tient toujours déjà. S’il paraît certes tentant de rattacher à certains égards la démarche d’Être et temps à la critique de la conscience naturelle que déploie la Phénoménologie de l’esprit, il ne faudrait cependant pas oublier que la conscience hégélienne aborde d’emblée l’étant sous un angle théorétique, la certitude sensible demeurant, tout aussi intuitive soit-elle, une figure du savoir. À l’opposé, le pari de Heidegger consiste à investir de ses investigations un espace que Hegel aura sans doute laissé de côté du fait de son apparente contingence, cela afin d’y révéler un ensemble de structures pourtant nécessaires et universelles, bien que jusque-là méconnues. C’est ainsi qu’il s’agit pour Heidegger d’examiner le Dasein sous l’angle de ce « qu’il est de prime abord et le plus souvent », c’est-à-dire de sa « quotidienneté moyenne », familière et factice117. (SZ, 16/35) Cette guise d’être, qui se prétend plus immédiate que le

est supprimée par l’esprit lui-même, puisque celui-ci – pour ainsi dire – a la souveraine ingratitude de supprimer cela même par quoi il semble médiatisé, de le médiatiser, de la rabaisser en quelque chose qui ne subsiste que par lui et de se faire, de cette façon, parfaitement subsistant-par-soi. – Dans ce qui est dit, se trouve déjà contenu que le passage de la nature à l’esprit n’est pas un passage à quelque chose d’entièrement autre, mais seulement une venue-à-soi-même de l’esprit qui est hors de soi dans la nature. » (W 10, 24-25/391)

117 Un passage éclairant des Prolégomènes à l’histoire du concept de temps formule l’intention heideggérienne

de manière telle qu’il est plus aisé de la rapprocher de la « justification rétroactive » hégélienne. L’analytique existentiale du Dasein doit ainsi « appréhender la détermination fondamentale de son être en partant précisément de la quotidienneté immédiate pour ensuite faire retour aux structures fondamentales elles-mêmes. » (GA

plus immédiat des savoirs, est essentiellement caractérisée par la mienneté de son « avoir-à- être », soit par ce fait fondamental que le Dasein ait à chaque fois à assumer le poids de sa propre (eigene) existence et à ménager l’horizon de ses propres possibilités. C’est pourquoi la question « qui est le Dasein ? » vise sans doute plus juste que la question « qu’est-ce que le Dasein ? » lorsque vient le temps d’interroger la nature de cet être dont l’essence est d’exister. Mais que le Dasein doive ainsi s’approprier son être ne signifie pourtant pas qu’il parvienne en tout temps à endosser cette « propriété », ou en d’autres mots, qu’il soit constamment authentique (eigentlich118). Au contraire la mienneté qui caractérise son

ouverture au possible se voit tout aussi originairement affectée par le ne-pas privatif de l’apparence que les autres guises d’être du Dasein, négation qui revêt cette fois la forme de l’« in- (Un-) » de l’inauthenticité (Uneigentlichkeit). « Les deux modes d’être de l’authenticité et de l’inauthenticité (…) se fondent dans le fait que le Dasein est en général déterminé par la mienneté », résume en ce sens Heidegger, qui instaure par le fait même une dichotomie qu’on retrouve partout à l’œuvre au sein d’Être et temps. (SZ, 42-43/54) Or il convient de noter que la quotidienneté se révèle plus généralement déterminée par le second terme du doublet que par le premier, tel que le confirme Heidegger alors qu’il écrit que « le Dasein se comprend lui-même de prime abord et le plus souvent inauthentiquement ». (SZ, 326/252) De cela, il nous faut provisoirement conclure que ce sont l’indifférence et la médiocrité de l’inauthenticité qui constituent le point de départ de toute démarche phénoménologique authentique. En outre, il apparaît maintenant avéré que ce commencement partage bel et bien avec sa contrepartie hégélienne la propriété d’être « entaché d’une négation », négation dont il s’agira dès maintenant pour nous d’expliciter la nature, au fur et à mesure que nous déformaliserons le concept d’inauthenticité que déploie Être et temps.

20, 389/407) Soulignons que la quotidienneté immédiate est clairement identifiée ici en tant que point de départ de la démarche heideggérienne.

118 On traduit couramment « Eigentlichkeit » par « authenticité », ce qui constitue un choix judicieux, mais qui

recouvre malheureusement le « Eigen » de « Eigentlich ». La notion de « propriété » joue en effet ici un rôle primordial, qu’il ne faudrait pas oublier lorsque nous adopterons la traduction généralement en vigueur.

De quelle manière le Dasein inauthentique est-il constitutivement affecté par une forme de négativité et qu’est-ce qui, au juste, se trouve nié par la négation dont il est entaché ? Avant de répondre à ces questions, il convient de prendre note que le concept sans doute trop formel d’inauthenticité acquiert davantage de précision alors qu’il adopte, dans Être et temps, la forme plus déterminée de la déchéance, notion qui fait par ailleurs écho au concept de ruinance qu’avait auparavant développé le jeune Heidegger. Or que la déchéance et l’inauthenticité soient une seule et même chose, Heidegger le confirme dans un important passage, dont le mérite consiste également à nous indiquer l’objet et la modalité de la négation aux prises de laquelle le Dasein se retrouve de prime abord et le plus souvent :

Ce que nous appelions l’inauthenticité du Dasein reçoit maintenant de l’interprétation de la déchéance une détermination plus aiguë. Cependant inauthenticité et non- authenticité ne signifient nullement que le Dasein, en un tel mode d’être, perdrait en général son être. L’inauthenticité désigne si peu quelque chose comme un ne-plus-être- au-monde qu’elle constitue précisément un être-au-monde privilégié qui est complètement pris par le « monde » et par l’être-Là-avec d’autrui dans le On. Le ne-pas- être-lui-même fonctionne comme possibilité positive de l’étant qui s’identifie essentiellement au monde par sa préoccupation. Ce non-être doit nécessairement être conçu comme le plus prochain mode d’être du Dasein, celui où il se tient le plus souvent. (SZ, 175-176/148-149*)

Il semble bien que ce soit dans le ne-pas-être-lui-même (Nicht-es-selbst-sein) du Dasein que se révèle être le sens profond de la négation dont nous suivons depuis un moment la trace et qui s’est jusqu’à maintenant conjointement exprimée dans le ne-pas privatif de l’apparence, dans le « non- » de la non-vérité, ainsi que dans le « in- » de l’inauthenticité. Mais comment le Dasein en vient-il à opérer une telle dénégation de son être le plus propre ? Comment peut-il ainsi se renier et devenir autre que soi-même ? Afin d’éviter tout malentendu, il est important de souligner d’abord que le soi-même ici dénié n’a rien à voir avec les idiosyncrasies de telle ou telle personnalité singulière, pas plus qu’il n’est identifiable à l’unité synthétique d’un « Moi » transcendantal ou à la substantialité d’un sujet sous-la-main. « La réponse à la question du qui est cet étant que nous sommes à chaque fois nous-mêmes s’énonce Dasein », affirme plutôt Heidegger, non sans délibérément frôler la tautologie. (GA 20, 326/344) À l’encontre de l’apparente circularité du propos, une telle affirmation signifie essentiellement que le Dasein n’est nul autre que l’ouverture au possible à chaque fois propre

qu’il a à assumer. Or c’est précisément sur ce terrain que s’immisce la possibilité négative, quoiqu’ontologiquement positive, que le Dasein se prive de son pouvoir-être le plus propre, soit qu’il ne soit pas l’ouverture qu’il a à être ou plutôt, qu’il soit cette ouverture, mais sur le mode de la fermeture. Considérant que le Dasein est essentiellement ses possibles, il en résulte qu’il lui appartient d’abord et le plus souvent de ne pas être ce qu’il est. De cette fermeture, il faut cependant préciser qu’elle n’est pas un non-être au sens fort du terme (nihil negativum), mais qu’en tant que « privation d’une ouverture » (SZ, 184/154), elle présuppose et implique bien plutôt ce qu’elle nie, ce que Heidegger confirme alors qu’il écrit que « c’est seulement dans la mesure où le Dasein est ouvert qu’il est également fermé ». (SZ, 222/179) S’il nous était en définitive accordé d’exprimer ce dont il s’agit selon une tournure hégélienne, les choses pourraient alors être formulées ainsi : le Dasein est l’ouverture de son ouverture et de sa non-ouverture (cf. GW 4, 64/168; GW 21, 60/63).

Plus concrètement, Heidegger identifie clairement deux modalités relativement distinctes en fonction desquelles le Dasein se renie lui-même, la première consistant en une identification indue à la sphère de l’étant qui n’est pas à sa mesure. C’est qu’avec l’ouverture du Dasein à sa propre existence surgit toujours conjointement un monde au sein duquel il se projette et où de l’étant fait d’abord encontre sur le mode de l’à-portée-de-la-main. Or la manifestation de cet étant est articulée en son être comme une totalité de tournure ou comme un complexe relationnel119 de renvois en fonction desquels s’oriente la circonspection

préoccupée du Dasein. C’est donc dire que l’étant apparaît de prime abord comme outil dans l’horizon d’un usage, d’une fonction ou d’une tâche, ce qui incite le Dasein à constamment s’affairer auprès de lui. Ce faisant, le Dasein ne s’en tient cependant pas à un rapport de

119 Alors qu’il s’exprime au sujet de la mondanéité du monde, Heidegger ne peut s’empêcher de souligner le

risque que sa démarche soit assimilée à l’idéalisme relationnel de Hegel. C’est pourquoi nous jugeons pertinent de citer ici tout au long ses interrogations : « Mais, lorsque nous déterminons ainsi l’être de l’à-portée-de-la- main (tournure) et même la mondanéité elle-même comme un complexe de renvois, cela ne revient-il pas à volatiliser l’‘ être substantiel ’ de l’étant intramondain en un système de relations, et puisque des relations sont toujours simplement ‘ pensées ’, à dissoudre l’être de l’étant intramondain dans la ‘ pure pensée ’ ? » (SZ, 87- 88/87) En quel sens l’être et la pensée diffèrent-ils chez Heidegger ? Il nous sera donné de revenir sur cette question.

stricte altérité, mais il est bien plutôt capté par son monde, c’est-à-dire qu’il s’y identifie, s’y prend, voire s’y perd. C’est pourquoi Heidegger n’hésite pas à lier étymologiquement le verbe « bin » à la préposition « bei », associant de ce fait la signification de l’être du Dasein à celle d’un séjour absorbé auprès de la familiarité de l’étant intramondain. (SZ, 54/63) Il illustre également les choses de manière éclairante dans ses Prolégomènes à l’histoire du concept de temps, cours qui s’est tenu au semestre d’été 1925 et qui anticipe en grande partie le propos d’Être et temps :

(…) dans la préoccupation quotidienne, le Dasein est toujours à chaque fois ce à quoi il a affaire. On est soi-même ce que l’on fait. L’explicitation quotidienne du Dasein emprunte son horizon et sa détermination à ce dont le Dasein se préoccupe à chaque fois. (GA 20, 336/354-355)

Le Dasein assimile donc le plus souvent son être aux tâches qu’il projette à même son affairement circonspect, ce en quoi il est juste de dire qu’il n’est pas lui-même. C’est qu’en s’identifiant à son monde, il oublie que « la totalité de tournure renvoie elle-même en dernière instance à un pour-quoi avec lequel il ne retourne plus de rien – autrement dit qui n’est plus un étant sur le mode d’être de l’à-portée-de-la-main à l’intérieur d’un monde ». (SZ, 84/85) Or cet étant insigne n’est nul autre que le Dasein lui-même, dont l’existence se révèle par là irréductible à une fonction ou aux modes d’être de l’étant auprès duquel elle s’active. Loin de devoir ainsi se comprendre à partir de la réalité d’un monde prédonné, le Dasein ménage bien plutôt lui-même l’ouverture qui seule rend possible que ce dernier soit découvert, ce en quoi s’avère que l’être-au-monde est une guise ontologique qui lui appartient en propre et qui le distingue du tout au tout de l’étant intramondain. Bref, en s’identifiant ontiquement au monde, le Dasein en recouvre la structure ontologique et par le fait même, la sienne propre.

Il est encore un autre mode d’identification à l’étant intramondain en fonction duquel le Dasein se méprend quant à sa nature intime, celui-ci se voulant toutefois dérivé par rapport à son absorption circonspecte par le monde. Sur la base d’une « déficience de l’avoir-affaire