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Première partie : Pour une approche régionale des sites funéraires gallo romains

C. La mort et les Bituriges Cubes : état de la question

1. Travaux et recherches anciennes

Nous l'avons vu, de nombreuses études ont porté sur la cité biturige et le Berry. La recherche archéologique y débute dès le XVIe siècle avec les travaux de Nicolas de Nicolay (1566) et de Thaumas de la Thaumassière (1689). Cependant, c'est surtout à partir du XIXe siècle que se développent des activités départementales dirigées par des sociétés savantes regroupant de nombreux érudits locaux. Une majorité de ces explorations tient plus de la "chasse aux trésors" que de la recherche archéologique à proprement parler. Cependant, les découvertes, dans leur quasi-totalité, sont enregistrées dans des recueils, mémoires ou rapports d'activité. Le plus fréquemment, ces rapports sont retranscrits dans les Mémoires de la Société des Antiquaires du Centre.

Certes, toutes les données ne sont pas exploitables mais pour certaines elles témoignent déjà d'un souci de hiérarchisation des informations. Ainsi, à côté des rapports circonstanciés décrivant tel ou tel gisement, on trouve également des ouvrages synthétiques tenant lieu de carte archéologique départementale ou régionale. Par exemple, en 1878, L. Martinet publie Le Berry antique, et y thésaurise toutes les découvertes connues jusqu'alors dans la région. Il sera imité quelques années plus tard par les Statistiques Monumentales de A. Buhot de Kersers. L'œuvre est tellement volumineuse qu'elle sera publiée en plusieurs tomes entre 1885 et 1895. Ces publications couvrent des aires géographiques importantes et ne doivent pas faire oublier celles consacrées à des villes. Dans la plupart des cas, il s'agit de recensements des découvertes

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occasionnées par les travaux d'agrandissement liés au développement des agglomérations. Par exemple, de 1884 à 1915, E. Chénon décrit et cartographie les gisements de Châteaumeillant.

Grâce à l'ensemble de ces travaux, dont nous n'avons fourni que quelques exemples caractéristiques, nous disposons d'un fond documentaire issu de plus de deux siècles de découvertes, parfois inégal, mais incontournable pour notre approche.

2. Fouilles et travaux des cinquante dernières années

On ne peut nier que les découvertes rapportées dans la bibliographie ancienne ont quelque peu été les victimes des méthodes de l'époque. Des informations ont été récupérées mais elles sont sans commune mesure avec celles que les nouveaux outils de recherches mettent à notre disposition.

Du début des années 1950 à nos jours, l'archéologie de la région Centre a bénéficié de la restructuration de ses instruments d'investigation tant d'un point de vue méthodologique qu'institutionnel. En effet, la préparation des grands travaux autoroutiers et urbains a nécessité la création de structures adaptées à la gestion de grands chantiers archéologiques (Bailly, Buchsenschutz 2000 : 28). Ces opérations importantes ont permis la mise au jour de sites funéraires majeurs : les nécropoles de la Z.A.C. du hameau de Lazenay et de Saint-Martin-des- Champs à Bourges, du Vieux Cimetière à Bruère-Allichamps, du Vieux Domaine à Vierzon ainsi que la tombe augustéenne de Fléré-la-Rivière pour ne citer que les principaux.

Néanmoins, on ne doit pas oublier les opérations conduites par des bénévoles dans certains secteurs. Notamment à Argentomagus (Saint-Marcel, Indre), où à partir des années 1960, l'équipe menée par le docteur J. Allain a pendant plus de vingt ans exploré non seulement l'agglomération antique mais aussi ses proches environs.

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La richesse et la variété des découvertes d'Argentomagus ont facilité la prise de contact avec les autres acteurs de l'archéologie biturige et ont donc créé une dynamique régionale importante. Mise en place aux début des années 1950, elles prennent leur plein essor à partir des années 1980 avec la création de nouvelles structures permanentes locales telles que le Service d'Archéologie Municipale de Bourges-Avaricum dirigé par J. Troadec. Dans les villes principales du Berry (Châteaumeillant, Néris-les-Bains, Saint-Marcel) ou dans celles ayant révélé un fort potentiel archéologique (Baugy ou Levroux par exemple) apparaissent des "groupes archéologiques" qui poursuivent les investigations souvent par des prospections plus ou moins étendue. A côté de ces groupes, on trouve également des prospecteurs solitaires tels que D. Audoux, D. Dubant, M. Laferté, ou J. Lesimple.

Cependant, ce mouvement général a entraîné plus d'opérations de terrain que d'études en laboratoire. Si certains de ces sites sont publiés - la nécropole du Champ de l'Image à Argentomagus (Allain, Fauduet, Tuffreau-Libre 1992), la tombe augustéenne de Fléré-la-Rivière (Ferdière, Villard 1993) - une majorité est encore inédite ou n'apparaît que dans des revues n’ayant qu’un rayonnement régional voire cantonal.

3. Les tentatives de synthèses

Avec trois synthèses publiées, on pourrait presque croire que le domaine funéraire a fait l'objet d'un traitement de faveur. Cependant, comme nous allons le voir, ces publications sont très inégales dans les méthodes employées et les sujets traités.

Datée de 1976, la première avait pour objectif de recenser les découvertes funéraires dans le Berry antique afin d'en étudier les caractéristiques et les évolutions (Buchsenschutz, Coulon, Jouannet 1976).

En 1986, ce premier essai a été complété par le mémoire de maîtrise de L. Brissaud traitant des sépultures antiques de l'Indre (Brissaud 1988). Cet ouvrage représente un travail colossal d'enquête et de prospection dans un souhait exaucé d'exhaustivité. En effet, en cinq

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volumes, l'auteur réunit et analyse un corpus impressionnant. Ce travail est également synthétisé dans un article (Brissaud 1993).

On pourrait objecter que l'étude proprement dite est en retrait face à la masse d'informations inventoriées. Cependant, c'est par sa simplicité d'accès que l'analyse met en reliefs les données. On notera dans ce travail une attention toute particulière portée aux coffres cinéraires en pierre et les comparaisons proposées avec les coffres découverts chez les Lémovices. Dès cet instant, L. Brissaud aborde l'existence de faciès locaux outrepassant les notions de frontières entre cités.

L'existence de spécificités bituriges est néanmoins de nouveau évoquée par la publication de la sépulture privilégiée de Fléré-la-Rivière (Ferdière, Villard 1993). Au-delà d'une monographie du site, cet ouvrage présente également l'étude de sept tombes datées de la Tène au début de l'époque gallo-romaine ; découvertes dans l'Indre et le Cher, elles possèdent des caractères communs. Les auteurs proposent d'y voir un groupe issu "de traditions particulières de la culture biturige" (Ferdière, Villard 1993 : 278).

Ces travaux répondent à des objectifs différents et emploient des méthodes et protocoles adaptés à leur sujet d'étude. Soit il s'agit de synthèses micro régionales dont les conclusions sont limitées au cadre géographique concerné, soit ces études portent sur des aspects précis des pratiques funéraires. Dans ce dernier cas, les travaux de L. Brissaud et de A. Ferdière distinguent bien l'existence possible de caractères funéraires particuliers mais l'absence de projection des résultats à une échelle géographique ou culturelle plus globale diminue l'impact de leurs conclusions.

II. Problématiques liées aux pratiques funéraires gallo-romaines

De nombreuses problématiques ont été définies ces vingt dernières années. Elles sont aussi variées que les contextes funéraires. Cependant, elles peuvent être regroupées et ordonnées. M. Parker Pearson en propose une nomenclature à laquelle nous nous rallions (Parker Pearson 1993 : 206). Elle consiste en trois niveaux différents d'approche mais au centre desquels le mort ou la mort est toujours le point de convergence.

La première échelle est celle de l'analyse spatiale et des rapports topographiques entre demeures des vivants et demeures des morts. A ce degré de recherches, nous devons être conscient que nos résultats seront conditionnés par les contextes historiques et géographiques choisis mais également par les outils employés.

La seconde échelle est celle de l'analyse intra-site. Dans un premier temps, notre objectif est de définir si l’organisation de ces sites est conditionnée par des paramètres particuliers (âge, sexe, statut social) et si elle correspond à des répartitions symboliques de microcosmes. Ensuite, nous comparerons ces gisements entre eux pour révéler ou non l'existence de variables ou de constantes. Encore une fois, notre approche doit tenir compte de la diversité des contextes rencontrés : milieux urbains/péri-urbains/ruraux, sépulture privilégiée isolée, etc.…

Enfin, la troisième échelle est celle de la tombe même. Elle s'appuie sur le fait que le mort ne s'enterre pas lui-même et que la tombe est le produit de décisions prises par les personnes qui ont été chargées du traitement du défunt. Notre étude est donc ambivalente puisqu'elle tend à la fois à définir les rites funéraires à proprement parler mais également à en déduire comment étaient perçus le mort et la mort. A l'heure actuelle, une telle approche doit s'appuyer sur un dialogue constant entre les différentes spécialités de l'archéologie et de l'anthropologie biologique.

Chronologies et pratiques funéraires