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Quatrième partie : Recrutement des populations inhumées

B. Estimation de l'âge au décès

1. Estimation de l'âge au décès des individus immatures

L'estimation d’âge des immatures se fondent sur deux critères : l'observation de la maturation dentaire et l’étude de l’âge osseux fondé sur l’estimation de la stature et/ou de la maturation osseuse. P. Sellier, A-M. Tillier et J. Bruzek ont démontré la nécessité de privilégier parmi les différentes méthodes celles qui permettent de travailler avec un intervalle de confiance de 95% (Sellier, Tillier, Bruzek 1997 et Bruzek, Sellier, Tillier 1997).

Pour une majorité des individus étudiés, nous nous sommes tenu à cette exigence. Cependant, l’état de conservation de certains squelettes nous a amené, pour quelques individus, à avoir recours à des méthodes proposant un taux de fiabilité légèrement inférieur.

a) Etude de la maturation dentaire

L’âge dentaire présente l’avantage d’être applicable à la majorité des individus des collections retenues. La plupart des méthodes traitent deux aspects principaux : la formation de la couronne et des racines, et l’éruption des dents. Ces aspects sont reconnus comme les plus fiables car ils dépendent peu des variations dues aux conditions de vie (Smith 1991, Ubelaker 1984) et sont sujets à des variations moins importantes que le développement osseux (Smith 1991 : 143). Pour l’étude des stades de calcification et de développement des dents nous avons utilisé la méthode de Moorees, Fanning et Hunt (Moorees, Fanning, Hunt 1963a et 1963b) qui est la plus adaptée aux collections archéologiques (Smith 1991 : 158 et 159).

Cependant, cette méthode n'est applicable qu’aux individus dont la seconde molaire permanente n’est pas sortie (c'est-à-dire avant 12 ans). Passé ce stade les écarts s’agrandissent et ne permettent pas une estimation satisfaisante. D'autres méthodes peuvent être mises à contribution mais elles proposent des chronologies dentaires dont les estimations peuvent être fiables, avec parfois des écarts-types de plus ou moins 36 mois (Schour et Massler 1940-1941, Ubelaker 1984).

Estimation de l'âge au décès

b) Estimation de l’âge par la stature

Les équations fournies par Fazekas et Kósa sont nombreuses et ne se limitent pas aux os longs (Fazekas, Kósa 1978). Cependant, de nombreuses imprécisions ont amené P. Sellier à proposer en 1993 une révision complète de certaines de ces équations. L’auteur a fourni de véritables coefficients de corrélation et écarts-types associés à de nouvelles équations logarithmiques polynomiales qui permettent une estimation fiable jusqu’à 48 mois (Sellier 1993). Nous avons favorisé cette méthode pour sa fiabilité et sa capacité à traiter uniformément tous les individus de 0 à 1 an. En effet, l'état de conservation autorisait au moins une mesure sur un os long pour la plupart des individus.

Pour passer de la stature à l’âge, nous avons employé la méthode de G. Olivier et H. Pineau (Olivier, Pineau 1958) dans le cas de fœtus puisqu'elle donne de bons résultats sur des populations d'âge connu (Bruzek, Sellier, Tillier 1997 ; Sellier, Tillier, Bruzek 1997). Nous avons calculé, lorsque cela était possible, l’âge pour les statures minimales et maximales, situées dans la majorité des cas à deux écarts-types. Nous avons obtenu une «tranche » d’âge dans laquelle situer chaque individu.

Pour les individus de plus de un mois et de moins de deux ans, nous nous sommes référé aux tables de croissance de Sempé, Pedron et Roy-Pernot qui traitent tous les âges à partir de la naissance (Sempé, Pedron, Roy-Pernot 1979). Cependant, elles indiquent des écarts-types devenant vite très importants, une fois passée la première année, ce qui risque de placer des individus entre deux classes d’âge.

c) Estimation de l’âge par la maturation osseuse

Les individus les plus vieux, pour lesquels il n’était plus possible d’appliquer avec précision les méthodes décrites précédemment, ont été l'objet d'une observation des stades de maturation osseuse des os longs, de la suture sphéno-occipitale, de la crête iliaque et de la clavicule. Nous nous sommes alors référé aux tables fournies par R. Birkner (Birkner 1980). Bien que les différentes tables établies aient tendance à standardiser les résultats sans tenir compte des possibles écarts de croissance et ne soient pas accompagnées des intervalles de

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confiance correspondant à chaque phase d'ossification, elles nous ont souvent permis de distinguer adolescents approchant de l'âge adulte et jeunes adultes.

Nous avons pu appliquer l'ensemble de ses méthodes aux sites de la Z.A.C. du hameau de Lazenay et de Saint-Martin-des-Champs (Bourges, Cher). Cependant, les estimations de l'âge à partir des stades de calcification dentaire ou de la maturation osseuse ont été plus particulièrement sollicitées car elles concernaient un nombre beaucoup plus important d'individus (Fig. 44). En effet, l'état de conservation des squelettes d'immatures ne permettait que rarement une estimation de l'âge statural, les os du squelette appendiculaire étant souvent fragmentés et incomplets.

En revanche, la conservation des dents ou germes dentaires a été favorisée par leur maintien dans la mandibule ou le maxillaire. L'observation de la synostose des os, quant à elle, se contente de la conservation des épiphyses.

62 7 1 21 95 49 19 93 0 25 50 75 100

Moorees, Fanning & Hunt

Fazek as & Kosa Palkama, Telk a, Virtama Birkner

Lazenay (N = 67)

Saint-Martin-des-Champs (N = 141)

Figure 44 - Résultats généraux des estimations d'âge des immatures selon les méthodes employées

18,46% des immatures de Lazenay et 24% de ceux de Saint-Martin-des-Champs présentaient un état de conservation permettant l'application de toutes les méthodes. Dans ce cas, nous avons pu comparer les résultats pour vérifier l'homogénéité des estimations d'une méthode à l'autre. Plusieurs cas ont révélé des contradictions entre âge dentaire et âge statural. Les discordances constatées étaient pour la plupart de faible amplitude. À quelques mois près, ces estimations auraient pu coïncider. Seuls quelques cas étaient extrêmement

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divergents (4,62% à Lazenay et 10,40% à Saint-Martin-des-Champs). Nous nous sommes assuré que ces écarts n'étaient pas le fait d'une distorsion méthodologique et que nous pouvions déterminer la raison de ces différences. Pour les individus concernés, nous avons choisi de privilégier l'âge dentaire reconnu, car il apparaît comme le plus fiable. Ces différences peuvent être dues à des retards de croissance ou des pathologies.

d) Estimation de l’âge d'après la longueur des fosses

Dans le secteur daté du Haut empire de la nécropole de Lazenay, la majorité des sépultures d'enfants ne contenaient aucun ossement. La nécropole du Champ de l'Image présente également quelques tombes similaires. Pour les tombes de ces deux sites, il était donc impossible d'appliquer l'une ou l'autre des méthodes présentées précédemment. Cependant, ces structures constituent un contingent de 271 sépultures dont l'étude est primordiale pour l'analyse paléodémographique. En effet, la dimension de ces tombes indiquent qu'elles abritaient peut-être des enfants morts en bas âge. Or, ces classes d'âge ont un impact prédominant sur les profils de mortalité à partir desquels se construit la réflexion paléodémographique.

Nous avons donc décidé d'exploiter la seule information permettant d'établir l'âge des jeunes défunts : la longueur de la fosse. À partir de celle-ci, nous avons tenté de calculer une stature maximale approximative. Il ne s'agissait pas d'obtenir un âge précis, mais plutôt de parvenir à déterminer à quelle classe d'âge (0 ou 1-4) pouvait appartenir chaque individu.

Il nous paraît important de préciser que cette méthode est très optimiste puisque nos calculs ne tiennent pas compte de l'encombrement des sépultures. En effet, ces dernières contiennent presque toutes plusieurs dépôts céramiques occupant une partie plus ou moins importante de l'espace sépulcral. Dans certains cas, l'organisation des dépôts ne permet pas de disposer un corps sur la totalité de la longueur de la tombe. À cette donnée s'ajoute l'impossibilité d'une étude taphonomique, les restes osseux étant absents. Nous n'avons donc pu définir les positions des défunts et nous sommes partis du principe qu'ils étaient tous en décubitus dorsal, avec les membres inférieurs en extension.

Estimation de l'âge au décès

Dans un premier temps, nous avons sélectionné les 13 individus pour lesquels nous avions pu estimer une stature moyenne d'après les os longs et dont la longueur de fosse avait été mesurée. Nous avons calculé le coefficient de corrélation entre ces deux paramètres. Il est égal à 0,815 et indique une corrélation à peine supérieure à 80%.

Afin de nous assurer que le calcul du coefficient de corrélation n'était pas déformé par la faiblesse de l'effectif, nous avons utilisé le test de corrélation des rangs de Spearman. Le résultat (r') est égal à 0,6658 et significatif (0,0293 pour p < 0,0007). Nous avons donc pu calculer une équation de régression permettant de calculer une stature approximative (y) pour une longueur de fosse (x) : y = 0,9675x + 0,31 (Fig. 43).

y = 0,9675x + 0,3116 0,63 0,80 0,89 0,99 1,06 1,15 1,21 0,80 1,16 1,25 1,33 1,45 1,52 1,60

Figure 45 – Nuage des points et droite de régression

Malgré toutes les réserves qui entourent cette méthode, nous avons pu répartir les 16 individus de la nécropole du Champ de l'Image et les 271 individus de la nécropole de Lazenay dans les différentes classes d'âge (Tableau 5).

Champ de l'Image Lazenay

Classe N Classe N 0 14 0 152 0/1-4 0 0/1-4 105 0/1-4/5-9 0 0/1-4/5-9 4 Indéterminés 2 Indéterminés 10 Total 16 Total 271

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