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Quatrième partie : Recrutement des populations inhumées

A. Remarques méthodologiques

3. Méthodes et objectifs

a) Construction de la table de mortalité

Dans un premier temps, nous avons établi les tables de mortalité de chaque site. Elles sont constituées de plusieurs paramètres (quotient de mortalité, espérance de vie, etc.) calculés à partir des échantillons préalablement répartis en différentes classes d’âge. Les classes sont d'une année pour la première, quinquennales pour les individus immatures jusqu'à 20 ans puis décennales pour les adultes. Cependant, comme nous l'avons vu précédemment la détermination de l'âge des adultes n'est pas précise (Schmitt 2002). Nous analyserons donc la mortalité adulte selon trois classes d'âge : 20-29 ans, 30-59 ans, 60 ans et plus. Afin de ne pas alourdir la lecture, nous les présenterons dans une version simplifiée ne laissant apparaître que les paramètres essentiels à nos démonstrations.

Nos études paléodémographiques s'appuient sur deux postulats principaux. Les échantillons sont acceptés comme représentatifs des populations dont ils proviennent et les populations elles-mêmes sont considérées comme étant stationnaires. La structure par âge est considérée comme fixe, c'est-à-dire que le taux de natalité est égal au taux de mortalité donnant ainsi un taux d'accroissement naturel nul (Pressat 1979). Il s’agit d’observer si ces classes sont représentées de façon cohérente par rapport à un profil de mortalité naturelle.

Ceci n'est qu'un modèle a priori assez loin de la réalité démographique bien que l'existence de mécanismes régulateurs des populations ait été prouvée (Bideau 1983). Il faut souligner que ce modèle s'applique d'autant mieux que la durée d'utilisation du cimetière ou de la nécropole est longue : la population peut être l'objet de très fortes crises de mortalité mais aussi d'épisodes de "reprise" (Sellier 1996 : 189), et, sur le "temps long", les oscillations s'annulent alors entre elles (Bocquet, Masset 1977).

Certains des paramètres de la table de mortalité établie peuvent être comparés à ceux des tables types de Ledermann pour chaque hypothèse de répartition. L'auteur donne pour chaque espérance de vie à la naissance une table comprenant le quotient moyen de mortalité de chaque classe d'âge et l'intervalle de confiance à 98%. Il est alors possible d'observer le comportement général des courbes obtenues avec les quotients de mortalité des différents

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sites par rapport à celles de Ledermann et de conclure ou non à une mortalité "naturelle" de type préjennérien, c'est-à-dire à distance des crises démographiques et de tout problème de recrutement. Par la même, il est également possible de détecter et interpréter les biais.

b) Paléodémographie vs Démographie historique antique

L'ensemble de ces critères définit l'approche paléodémographique actuelle et ce quel que soit le site concerné et sa période d'occupation. Cependant, pour l'Antiquité romaine, nous disposons de travaux menés à l'échelle de l'Empire romain ou plus modestement de certaines provinces ou de certaines régions. Leur objectif commun est de préciser l'espérance de vie à la naissance et pour un certain nombre d'analyser plus particulièrement la mortalité infantile (Andouche, Simelon 1995 ; Corbier 1999 ; Corvisier, Bellancourt-Valdher 1999 ; Corvisier, Suder 1990 ; Frier 1999 ; Parkin 1992 ; Wiedmann 1989).

Ces études s'appuient principalement sur les informations apportées par l'épigraphie des stèles funéraires. Ces chercheurs considéraient comme possible de déterminer un âge moyen au décès à partir des inscriptions. Ainsi, ils pourraient en déduire une espérance de vie à la naissance.

Cependant, l'épigraphie funéraire a rapidement révélé ses limites. Les deux principales sont la difficulté à calculer une espérance de vie à la naissance fiable, les enfants n'étant que rarement mentionnés dans les inscriptions funéraires et l'impossibilité d'obtenir une distribution des âges au décès (Hopkins 1966 : 245-246). D'autres obstacles s'élèvent également. Les stèles présentent des problèmes de chronologie car les inscriptions ne sont pas toujours bien datées. De plus, elles sont inégalement représentées. Beaucoup ont été découvertes en milieu urbain, alors qu'elles sont rares en milieu rural. Enfin, il existe une inégalité entre les sexes.

Quelques propositions intégrant ces limites méthodologiques s'accordent à situer l'espérance de vie à la naissance entre 20 et 30 ans (Hopkins 1966 : 245 ; Corvisier, Suder 2000 : 96). Selon les auteurs, les valeurs varient d'une période et d'une région à l'autre. Ainsi, dans la région de Burdigala, les travaux de R. Etienne situent l'espérance de vie à la naissance entre 25 et 35 ans (Hinard 1995 : 96). D'autres auteurs proposent uniquement une espérance

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de vie moyenne à la naissance différente entre hommes et femmes : 25 ans pour les femmes et 22,9 ans pour les hommes (Corvisier, Suder 2000 : 96) ou 20 ans pour les femmes et 22 ans pour les hommes (Wiedmann 1989 : 15).

Les classes aisées, citoyens et aristocrates, semblent protégées avec une espérance de vie moyenne à la naissance de 30 ans ce qui ne représente, selon certains chercheurs, que quelques années de plus que l'ensemble de la population (Corvisier, Suder 2000 : 100). Cependant, nous garderons à l'esprit que ces travaux s'accordent à considérer l'intervalle de 25 à 30 ans comme celui d'une espérance de vie à la naissance maximale pour les couches privilégiées de la population. Ces dernières sont celles pour lesquelles les chercheurs disposent des sources littéraires et épigraphiques les plus nombreuses. Parmi elles, la famille impériale tient une place de choix mais présente un nombre de décès immatures important. Les enfants périssent avant même d'avoir pu jouer un rôle politique ou social (Wiedmann 1989 : 16).

Certes, nous allons nous servir de ces données pour observer le comportement des quotients de mortalité des effectifs d'individus décédés que nous avons étudiés mais ces données nous inspirent deux remarques.

La première concerne les valeurs estimées par la démographie historique. Une espérance de vie à la naissance située entre 25 et 30 ans pour des classes privilégiée nous parait extrêmement faible. Plusieurs études ont démontrées, qu'à d'autres époques et dans d'autres contextes, ces valeurs se situent entre 35 et 40 ans (Sellier 1995 : 133).

La seconde souligne la différence d'objectifs entre ces études et notre analyse. La démographie historique tente de définir l'espérance de vie alors que nous ne nous servons pas du calcul de ce paramètre pour lui-même mais pour détecter des biais.

Analyses des profils de mortalité