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Deuxième partie : Topographie funéraire de la cité des Bituriges Cubes

A. Les espaces funéraires dans la cité

1. Dynamique des nécropoles d'Avaricum (Bourges)

Depuis 1999, les nécropoles antiques d'Avaricum ont bénéficié de nombreuses recherches et ont été recensées dans un précédent article (Pic, Durand 2001). Récemment, nous avons encadré une étude topographique de la nécropole du Fin Renard qui a permis de préciser l'implantation funéraire, la datation et les évolutions de ce vaste ensemble (Escolivet 2005). Ce travail constitue une pièce importante d'un dossier inégal puisque s'y côtoient découvertes anciennes isolées et fouilles récentes.

a) Les principales nécropoles connues

Les principales nécropoles de Bourges sont connues depuis le XIXe siècle, soit par des découvertes, soit par des fouilles. Ces découvertes ont servi à définir sept ensembles funéraires importants, que l'on peut répartir en trois groupes en fonction de leur localisation (Pic, Durand 2001 : 89).

Les deux premiers groupes comportent respectivement la nécropole du Champ des Morts et la nécropole de la Butte d'Archelet. Située à l'ouest, la nécropole du Champ des Morts, également connue sous les noms de "Champ des Tombeaux"et de "cimetière d'Auron", est placée le long de la voie vers Poitiers. Les seules descriptions disponibles sont celles de A. Buhot de Kersers. Elle mentionne des tombes avec hypogées et des puits funéraires. Selon l'auteur, la nécropole s'étend à partir de 300 m. au sud-ouest de la rivière Auron, jusqu'à 2000 m. au-delà (Buhot de Kersers 1883). Les abords mêmes de la rivière étaient urbanisés au Haut-Empire, ce qui place la zone funéraire juste à la sortie de la ville (Pic, Durand 2001 : 91).

Située au nord de l'Yèvre, le long des voies vers Orléans et Sancerre, la nécropole de la Butte d'Archelet est quasiment inconnue et couverte par un cimetière moderne.

Topographie funéraire et dynamique des espaces funéraires

Le troisième groupe comprend les nécropoles situées au sud, à l'intérieur du réseau fluvial qui enserre la ville antique. La nécropole romaine la mieux connue de cette zone est celle dite du Fin-Renard. Le mobilier décrit dans le cadre de découvertes permet de dater la majorité des sépultures du Haut-Empire, bien que quelques-unes d'entre elles ait livré un mobilier plus tardif. Jusqu'à cette année, la nécropole était connue par des découvertes isolées, par des fouilles anciennes, par des publications remontant à 1882, et enfin par des fouilles de sauvetage réalisé en février 1964 et qui ont permis la mise au jour de 69 sépultures (Mennessier 1973). Depuis, nous avons encadré les travaux d'A. Escolivet dont le mémoire de maîtrise regroupe, ordonne et traite l'ensemble des données recueillies jusqu'à présent dans la nécropole du Fin-Renard (Escolivet 2005).

La nécropole de la place Séraucourt est connue par des découvertes isolées faites au siècle dernier, et par des fouilles menées en 1848. Le carnet de fouilles, qui contenait une description précise de chaque sépulture de son mobilier a été perdu. Une partie du mobilier est conservée au musée du Berry. L'utilisation du site semble durer jusqu'au IVe siècle au moins (Chevrot, Troadec 1992).

La nécropole de Saint-Martin-des-Champs est connue par une série de fouilles de sauvetage menées en 1984, 1991 et 1993. Cette dernière opération, la plus importante, permis de fouiller plus de 400 sépultures et des bâtiments funéraires datant de l'Antiquité tardive ainsi qu'une centaine de sépultures médiévales.

Enfin, on peut rattacher à ce groupe la nécropole du faubourg de Charlet, essentiellement connue par des témoignages du XIXe siècle. Elle a livré en particulier des stèles et un bâtiment contenant des sarcophages ; l'ensemble évoque les structures de la nécropole de Saint-Martin-des-Champs.

b) Un ou plusieurs espaces funéraires

Aucune des nécropoles citées précédemment n'a été fouillée dans son intégralité. Seule celle de Saint-Martin-des-Champs l'a été sur une surface de 3900 m², toutes les autres n'ont été révélées que par des découvertes sporadiques et dispersées. Les extensions

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respectives de ces ensembles sont inconnues et ne peuvent être qu'estimées à partir de la localisation des sépultures isolées généralement découvertes au cours de travaux d'aménagement. Aucune fouille n'a permis de mettre en évidence les limites exactes de ces espaces funéraires.

Figure 13 – Les principaux sites gallo-romains de Bourges (Dumasy, Troadec 2001 : 9)

L'attention des érudits s'est focalisée sur la nécropole du Fin-Renard notamment lors des travaux du Boulevard Foch (anciennement Boulevard de l'Arsenal). La majorité des sépultures retrouvées étaient des incinérations et ont offert une grande quantité de mobilier céramique, métallique ou en verre. Nous avions proposé de voir dans les nécropoles du Fin Renard, de Saint-Martin-des-Champs et du quartier Séraucourt, un espace funéraire unique au sein duquel la répartition des sépultures varie au gré des extensions et des rétractations du tissu urbain (Pic, Durand 2001 : 92). Toutefois, les récents travaux d'A. Escolivet invitent à plus de prudence puisqu'ils démontrent qu'aucune liaison ne peut être clairement établie entre les trois sites contrairement à ce que laissaient entrevoir les données avant une nouvelle étude (Escolivet 2005 : 101-102).

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Si l'on excepte les deux occupations funéraires connues au-delà de l'Yèvre et de l'Auron, la zone située au sud de la ville constitue un espace dont l'utilisation funéraire se poursuit sans rupture de la Protohistoire au Moyen Âge. Ce sont les nécropoles datées du Haut-Empire qui sont situées à la périphérie de cet espace (Fig. 14). Or, c'est pendant cette période qu'est atteinte l'extension maximale de la ville. Les éléments de chronologie dont nous disposons permettent de penser que cet espace suit les extensions successives de l'espace urbain au cours du temps.

c) Quelle place pour le monde des morts dans l'évolution du monde des vivants

Les fouilles menées à Bourges de 1980 à 1992 montrent que la première phase d'urbanisation a eu lieu dès l'époque augustéenne avec l'aménagement des terrasses destinées à corriger le relief trop abrupt du promontoire (Chevrot, Troadec 1992). S'ensuit une longue série de modifications fonctionnelles des occupations, les bâtiments publics remplaçant les habitats privés. Cependant, l'organisation des insulae reste inchangée et la superficie de la ville du Haut-Empire est estimée à 80 hectares.

L'évolution de la ville tardive se traduit par l'abandon rapide des monuments, voire parfois la destruction d'îlots entiers. La construction du rempart du IVe siècle réduit la surface urbaine de 25 hectares. Elle conditionne la réorganisation de la ville et conduit à des modifications du réseau viaire. C'est dans ce paysage urbain mouvant, fluctuant, que s'inscrit la topographie funéraire antique de Bourges. Dans l'état actuel des connaissances, les nécropoles d'Avaricum apparaissent comme des ensembles qui perdurent, s'étendent mais plus rarement se déplacent. Les nécropoles de l'Antiquité tardive succèdent à celles du Haut- Empire sans que l'on puisse déterminer à l'heure actuelle si elles ne sont que des extensions de ces dernières ou de nouvelles entités à part entière du paysage urbain, correspondant à des choix d'emplacement fonctionnels ou symboliques (Pic, Durand 2001 : 93).

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Figure 14 – Les nécropoles d'Avaricum au Haut-Empire (Dumasy, Troadec 2001 : 10)

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