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Deuxième partie : Topographie funéraire de la cité des Bituriges Cubes

C. La place des morts dans le monde rural

1. Des données inégalement réparties

Les populations rurales antiques ont toujours été globalement plus importantes que les populations urbaines en nombre. Abondants, les petits groupes de sépultures apparaissent parfois isolés ou parfois clairement associés à un établissement rural. Quoiqu'il en soit, dans leur majorité, les nécropoles ou les petits ensembles sont situés à proximité des établissements et servent sûrement toujours une communauté rurale (Jones 1981 : 826).

Dans la cité biturige, les campagnes sont occupées par un habitat dispersé qui forme un maillage plus ou moins dense. A côté des grands domaines, on trouve un réseau de petits établissements agricoles. Plus souvent pressentis que prouvés ces ensembles modestes sont parfois regroupés en petites agglomérations.

Or, L. Brissaud indique que la répartition et la densité des sépultures varient suivant les régions. Autour d'Argentomagus, l'auteur considère que les sépultures sont rarement isolées. En effet, les sites funéraires seraient toujours associés à une villa ou une occupation située dans un rayon de 1 km. (Brissaud 1993 : 259).

Notre reprise de la bibliographie ancienne et les travaux de C. Gandini offrent une image beaucoup plus nuancée. L'emploi du S.I.G. souligne que pour la période du Haut- Empire, les zones de forte densité des habitats ruraux correspondent très rarement à celles de concentration des sites funéraires (Fig. 17). Pour résumer notre propos abruptement, nous dirions qu'au Haut-Empire, la majorité des zones où se trouvent les morts ne coïncide pas avec celles où se trouvent les vivants. Cette impression est amplifiée par le fait que les cas d'association clairement identifiée entre ces deux types de sites sont rares. Le sud-ouest de la cité, le bas Berry évoqué par L. Brissaud, n'échappe pas à ce constat.

Par ailleurs, la carte de localisation met en évidence l'existence de zones vides d'habitat et de site funéraire. Nous l'avons vu, ces vides peuvent être liées à l'absence d'activité archéologique dans certains secteurs.

La place des morts dans le monde rural

Figure 17 – Localisation des sites funéraires et des habitats ruraux dans la cité des Bituriges cube au Haut- Empire (d'après les données sur les habitats ruraux de C. Gandini – Gandini 2005)

La place des morts dans le monde rural

La présence d'un grand nombre de tombes isolées s'explique par la pratique de dépôts secondaire d'urnes à incinération en coffre. La répartition de ces coffres permet d'apprécier une pratique sectorisée à l'échelle de la cité (Fig. 18). Même si la plupart des coffres ont été trouvés hors contexte, ceux-ci servant d'auges ou d'abreuvoirs, on remarque que la quasi-totalité se situe au sud du territoire, le long de la frontière avec les Lémovices et l'on a vu dans cette pratique une influence de la cité voisine.

Cependant, un certain nombre de coffres se trouve au cœur même du territoire biturige. Il ne s'agit pas d'éléments appartenant à des contextes d'ateliers de taille ou à des carrières. Ces coffres sont des produits finis ayant rempli leur fonction funéraire. Certains contenaient encore une urne cinéraire lors de leur découverte. L'influence lémovice dans les pratiques funéraires bituriges aurait donc eu une grande diffusion, et l'on peut s'interroger sur la réalité de cette influence. Faut-il envisager que ces coffres concernent des Lémovices installés sur le territoire biturige ?

Cette pratique a aussi des implications économiques. En effet, pour obtenir ces coffres, il faut la matière première permettant de les tailler. Une majorité des carrières d'extraction connues est située au centre de la cité biturige. La richesse ou simplement la couleur des matériaux employés avait peut-être une signification. Il en existe une grande variété mais les plus utilisés sont le calcaire, le granite et le grès. Au sein de la cité ou d'une cité vers l'autre, il devait donc exister une circulation des matériaux destinés à être taillés.

L'inventaire de L. Brissaud révèle que 66% des sites enregistrés étaient des sépultures à incinération. Parmi celles-ci, les dépôts cinéraires en coffre constituent un contingent important. L. Brissaud distingue trois ensembles (Brissaud 1988 ; Brissaud 1993 : 258) :

• la moitié sud de la Champagne berrichonne avec deux zones principales de concentrations, l'une de Levroux à Niherne et l'autre dans la région d'Ambrault ; • l'extrême sud du Boischaut ;

• la partie ouest du Boischaut sud et le sud de la vallée de la Creuse.

Constatant que les coffres en granite et en grès sont surtout concentrés dans le Boischaut sud alors que ceux en calcaire se trouvent dans la Champagne et au nord du Boischaut sud, l'auteur s'interroge sur la possibilité d'une production locale. Cependant, elle

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souligne que la variété des formes, la diversité des répartitions et l'inégalité des qualités laissent supposer l'existence de lieux de fabrication divers, voire occasionnels (Brissaud 1993 : 258).

Afin de vérifier ces hypothèses, nous avons comparé la carte de répartition des coffres cinéraires en fonction de leur matériau de construction à la carte géologique de la cité (Durand 2001 : 103). Dans la majorité des cas, les matériaux employés correspondent au sous-sol de leur lieu de découverte. Illustrée par les coffres de la région d'Argentomagus, cette diversité des matériaux semble donc plus correspondre aux contraintes géologiques qu'à des impératifs rituels.

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